La basse Casamance est l’une des régions du Sénégal connues pour une agriculture très diversifiée. Dans la région, l’agriculture jouit des conditions pluviométriques favorables, des sols riches et variés. C’est une région à vocation agricole et la riziculture demeure l’activité agricole dominante.
Cependant, depuis une trentaine d’années, la basse Casamance a subi de profondes mutations et on est en droit de s’interroger sur l’avenir de la riziculture dans cette région. L’évolution climatique récente a considérablement modifié l’écosystème casamançais et ses conditions d’exploitation. Elle a entraîné une sursalure des sols de bas-fonds et leur acidification, et facilité la pénétration des eaux salées dans les nappes aquifères des bas-fonds. En effet, les problèmes de dégradation des rizières, qui se sont accentués depuis l’installation de la sécheresse, expliquent aujourd’hui la crise qui secoue l’activité rizicole. Cette crise se matérialise par le recul des terres rizicultivables. Une préoccupation concrète est à l’origine de ce mémoire : l’étude des stratégies de lutte contre la dégradation des rizières. Le cadre d’étude est celui de la CR d’Enampor en basse casamance.
La CR d’Enampor se trouve à une vingtaine de Km au sud-ouest de Ziguinchor. Elle est située dans l’arrondissement de Nyassia, département de Ziguinchor, dont elle constitue la deuxième unité administrative. Elle est limitée au nord par le fleuve Casamance, au sud par un affluent du fleuve Casamance qui la sépare de la CR de Nyassia. A l’Est, elle est limitée par l’arrondissement de Niaguis et à l’Ouest par le marigot de Djiromaîthe. Elle couvre une superficie de 183 km2, soit 39,69% de la superficie totale de l’arrondissement de Nyassia. A la tête de la CR d’Enampor se trouve le conseil rural dirigé par le président du conseil rural. Le conseil rural compte vingt-quatre conseillers élus, issus de douze villages membres de la CR. Les villages sont représentés en fonction de leur nombre d’habitants. En raison de sa position géographique par rapport aux autres villages (village centre), Enampor a été choisi comme chef lieu de CR. Les villages membres de la CR sont au nombre de vingtdeux.
La présence d’un réseau complexe de « bolongs », associée à l’insuffisance des précipitations explique les problèmes de dégradation des rizières, auxquels est confrontée la CR d’Enampor. En effet, la baisse des précipitations enregistrée depuis quelques années a entraîné une augmentation de la salinité des terres. L’effet de la sécheresse s’est traduit par une remontée de la langue salée le long du fleuve Casamance, limitant ainsi la mise en valeur de certaines rizières.
Le problème de dégradation des rizières, dont la manifestation est la chute des rendements, apparaît dés lors comme une menace pour la sécurité alimentaire des populations. En vue d’apporter une réponse juste à la question sur la dégradation des rizières, les populations ont mis en place différentes stratégies dont la finalité est de développer et protéger les rizières afin d’accroître le potentiel de production rizicole. Notre thème de recherche, intitulé « Stratégies de lutte contre la dégradation des rizières dans la communauté rurale d’Enampor (basse Casamance) » s’inscrit dans le cadre de l’étude des différentes stratégies mises en place par les différents acteurs, pour la préservation des rizières. Il s’agit également de mettre en relief les impacts des différentes activités de conservation sur la protection des rizières, des ressources végétales et des ressources en eau et sur l’accroissement du potentiel de production rizicole.
PROBLEMATIQUE
Depuis des décennies, le monde est confronté à des situations critiques comme la désertification, la péjoration climatique, la dégradation des ressources naturelles, etc. La dégradation des terres (désertification de terres arides et dégradation de sols en zones plus humides) s’aggrave. Les réserves mondiales de terres arables et de pâturages sont en diminution constante et 25% des terres cultivées sont touchées par la dégradation des sols (ENDA ,1992). En Afrique subsaharienne, les problèmes environnementaux sont devenus très préoccupants, car les systèmes de production sont largement dépendants des ressources naturelles (terres, pâturages, eau). Ces problèmes sont surtout alimentés par la persistance de la sécheresse. Le réchauffement par effet de serre a été reconnu comme une menace réelle. Le Sénégal, à l’instar de tous les pays sahéliens, subit depuis plusieurs décennies, une baisse de sa pluviométrie et des pressions de plus en plus importantes sur les ressources naturelles. La croissance démographique et les nombreuses années de sécheresse ont abouti à l’accélération du rythme de dégradation des sols. La dégradation des terres se manifeste sous différentes formes, suivant le milieu physique et les systèmes de production dans les différentes zones éco géographiques. En domaine continental, la dégradation des sols est accélérée actuellement par l’abandon de la jachère. Celle des terres basses est surtout due à la forte salinisation, et la basse Casamance constitue un parfait exemple pour ce type de dégradation. En basse Casamance, plusieurs contraintes de l’agriculture sont identifiées, au nombre desquelles se trouve la dégradation des rizières. Située dans la partie sud du Sénégal, la basse Casamance couvre une superficie de 7300 km2. Le climat est de type sub-soudanien côtier, caractérisé par une saison des pluies de mai à octobre et une saison sèche le reste de l’année. Les potentialités rizicoles de la basse Casamance sont fortement liées à la bonne pluviométrie et à la configuration du relief, caractérisé par une forte interpénétration de plateaux et de vallées. Depuis longtemps, la Casamance a été perçue comme le « grenier agricole» du Sénégal. La région présente des écosystèmes très favorables à la culture du riz. La riziculture inondée, historiquement implantée dans la zone estuarienne du fleuve Casamance, portait notamment en elle de gros espoirs (MONTOROI, 1996). Cependant, depuis le début des années1970, l’installation progressive de la sécheresse a vite fait de compromettre cette situation. La dégradation des rizières s’inscrit dans un contexte physique défavorable. La sursalure des eaux de surface (fleuve et marigot) et de nappe, à l’origine du problème, s’est aggravée avec la péjoration climatique. Avec la baisse des précipitations, les débits du fleuve Casamance déjà faibles ont encore diminué et les apports en eau douce sont devenus insuffisants pour compenser les remontées d’eaux marines. On assiste dés lors à une remontée de la langue salée le long du fleuve, limitant la mise en valeur de certaines rizières. Cette situation a conduit à l’abandon d’un nombre important de rizières .
LE CADRE PHYSIQUE
La CR d’Enampor se situe au Sud-ouest de Ziguinchor, à environ 20km. Essentiellement implantée sur la rive gauche du fleuve Casamance, elle compose avec la CR de Nyassia l’arrondissement de Nyassia, qui appartient administrativement au département de Ziguinchor. Vis-à-vis des impératifs pour l’étude des stratégies de lutte contre la dégradation des rizières, la CR d’Enampor présente des avantages certains. Tout d’abord, elle est une des zones rizicoles les plus dynamiques de la basse casamance. Ensuite, du fait de la densité du réseau de « bolongs », Enampor est aujourd’hui confrontée au problème de dégradation des rizières qui se traduit par une salinisation, accompagnée ou non d’acidification, et un ensablement des terres.
LE CLIMAT
Le climat, dans ses manifestations, est une composante importante dans l’étude des milieux. Cependant, l’absence de poste pluviométrique dans notre zone d’étude ainsi que les nombreuses lacunes de celui de Nyassia, nous a poussé à utiliser les données de la station de référence de Ziguinchor.
Les facteurs généraux du climat
Notre zone d’étude est sous l’influence du climat sub-soudanien côtier, caractérisé par l’alternance de deux saisons bien différenciées : une saison des pluies de mai à octobre et une saison non pluvieuse le reste de l’année. Son climat subit l’influence de la mer et se définit par des précipitations moyennes annuelles de 1388.1mm pendant l’époque 1930-2000. Le maximum pluviométrique se situe au mois d’août, soit 65.7% des fréquences des mois les plus pluvieux. La moyenne annuelle des températures pour la région est de 27.7°C. La température minimale moyenne est enregistrée en décembre ou en janvier tandis que la température maximale est enregistrée en juin. On y rencontre des vents chauds et secs (Harmattan) de secteur nord-est de novembre à mai et des vents chauds et humides (mousson) de secteur sud-ouest de mai à novembre (PRAE, 1997). Depuis quelques années, la région subit les effets de la péjoration climatique. Etalée sur six à sept mois (entre mai et novembre ou parfois même décembre) avant l’installation de la sécheresse vers les années 1970, la saison pluvieuse ne dure plus que six mois (mai-octobre). Pendant la période 1940-1970, la pluviométrie moyenne annuelle était de 1549.3mm et de 1970 à 2000, elle n’est plus que de 1236.5mm, soit une baisse de 20%.
Les éléments du climat
Nous tenons à rappeler que notre analyse des éléments du climat est basée sur les données de la station de référence de Ziguinchor, faute de poste pluviométrique dans notre zone d’étude et des lacunes de celui de Nyassia.
Les précipitations
L’analyse des données de précipitations de 1930 à 2000 montre que la saison des pluies débute généralement au mois de Mai (51% des fréquences) et s’achève en Octobre ou novembre (soit 43% et 44% des fréquences). Elle a une durée moyenne de six mois (33% des fréquences) et le maximum pluviométrique se situe au mois d’Août (soit 65.7% des fréquences des mois les plus pluvieux). Les pluies hors saison ou pluies de Heug sont enregistrées entre Décembre et Mars. Les précipitations sont marquées par une extrême irrégularité interannuelle. Elles présentent une évolution en dents de scie. Sur la période 1940-1969, la région avait une pluviométrie moyenne annuelle de 1554.5mm. Durant la période allant de 1970 à 1995, la pluviométrie moyenne est tombée à 1199mm, soit une baisse de 22.8%. Cette chute brutale des précipitations est observable sur la figure 1, qui montre l’évolution de la pluviométrie pendant la période 1930-2000 à Ziguinchor. La moyenne pluviométrique de la série est de 1388.1mm. La valeur minimale enregistrée est de 698.5mm (1980) et la valeur maximale est de 2006.5mm (1967), soit un écart de 1308mm. Avant 1970, les années avec une précipitation plus haute que 1500mm étaient assez fréquentes. Par contre, après 1970, la fréquence des années avec mois de 1000mm de pluie a augmenté. A partir de 1996, on note une légère tendance à la hausse, les précipitations restent supérieures à 1000mm. On note également une forte irrégularité de la répartition mensuelle des pluies tant par la variabilité des précipitations totales que par celle du nombre de jours de pluies (figure 2). En plus, il n’y a aucune corrélation entre les quantités et la durée de la saison des pluies. L’essentiel des précipitations est concentré entre juin et octobre, soit 99.6% des précipitations moyennes mensuelles sur la période 1991-2000. Sur cette même période, le total pluviométrique a varié entre 968.4mm, en 1992 et 1946.1mm, en 1999. On note également une tendance au raccourcissement de la saison des pluies, avec un début tardif. En effet, depuis 1970, la saison des pluies débute au mois de juin (56.6% des fréquences) et s’achève en octobre (56.6% des fréquences). Le raccourcissement de la saison pluvieuse s’accompagne d’une mauvaise répartition spatiale et temporelle ainsi qu’une faible abondance des précipitations.
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Table des matières
Introduction générale
Problématique
Méthodologie
Première partie : Présentation de la zone d’étude
Introduction
Chapitre I : Le cadre physique
Chapitre II : Le cadre humain
Deuxième partie : La dégradation des rizières
Introduction
Chapitre I : Les principaux facteurs de la dégradation
Chapitre II : Les manifestations de la dégradation des rizières
Chapitre III : Les conséquences de la dégradation des rizières
Troisième partie : Stratégies de lutte contre la dégradation des rizières
Introduction
Chapitre I : Stratégies de protection et de conservation des rizières
Chapitre II : Impacts des différentes stratégies
Conclusion générale
Bibliographie
Liste des photos
Liste des figures
Annexe