Stratégie d’écriture et interaction textuelle

Titre et illustration

Ce qui retient le plus notre attention dans le paratexte de la première de couverture est cette divergence qui existe entre le titre du roman et l’illustration qui se situe au dessous, nous constatons une certaine dissemblance entre ce qui est écrit, (le verbal) et ce qui est perçu à l’intérieur de l’image ( le non verbal).

Le support linguistique qui est le texte, sert à diriger normalement cette perception visuelle qui devrait mettre au premier constat une relation de connivence entre le titre et l’illustration. Nous remarquons que ce lien qui rapproche ces deux éléments semble absent dans notre première de couverture. Le titre, « Le café de Gide » ne correspond pas vraiment à l’image représentée, cette complexité entre les deux attire encore plus la curiosité du lecteur et l’incite à appréhender l’oeuvre.

Cependant, si nous tentons d’effectuer une étude analytique de cette illustration, il nous serait nécessaire d’appliquer la méthode utilisée par plusieurs praticiens et théoriciens, notamment Roland Barthes; tout d’abord un décodage sélectif sera indispensable, ceci se résumera en une simple perception partiale de l’image, il s’agit de constater ce qui est indiqué, voire le sens dénoté, véhiculé par l’image sans le recours à un code ou à un système conventionnel. En ce qui concerne la photographie illustrée dans notre première de couverture, nous apercevons un espace, un quartier, une ancienne construction bâtie au style mauresque où nous pouvons déchiffrer le mot Royal, des hommes en Djellaba qui circulent, une mosquée, des arcades et des arbres ; cette photographie est mise en place comme document objectif qui représente un lieu authentique dans une époque donnée.

Le décodage sémantique quant à lui s’appuiera sur le sens et la signification, cet aspect connotatif procure une multitude possible d’interprétations car la lecture d’une image peut être traduite de manières différentes, évidemment selon des critères d’ordre matériel (durée / lieu) et socioculturel ; ces éléments viennent ajuster notre tentative de déchiffrage. Nous pouvons par conséquent, affirmer que la structure dénotative permet le déchiffrement du sens. Cette image semble appartenir à un passé lointain, un quartier qui parait assez propre et calme, aucune voiture, aucune femme présente, seuls des hommes habillés de manière traditionnelle circulent. Cette photographie permet au lecteur de se situer dans un espace arabo-musulman (tenues traditionnelles, mosquée), un espace où les habitants tiennent à leur culture et à leurs traditions. Si nous tentons de rapprocher cette illustration au titre de l’oeuvre, ce qui retiendra le plus notre attention dans cet énoncé est sans doute le nom de Gide qui renvoie à l’écrivain français, André Gide; il est vrai que cet auteur à la fin du siècle dernier s’était installé dans une ville située au centre est de l’Algérie, aux portes du désert du Sahara, la ville de Biskra, capitale du Mzab, ville au paysage panoramique, extraordinaire et à l’air pur et sain. Il séjournait à l’hôtel Royal qui est bien illustré sur notre image. Cette Oasis a attiré l’attention et l’amour de cet homme littéraire qui, dans plusieurs de ses oeuvres avait consacré des passages entiers sur cette merveilleuse beauté.

A partir de ces informations pré-requises et de l’approche sémiotique appliquée dans le décodage de l’image, il est évident qu’il existe un entrelacement et une correspondance apparente entre ces deux éléments paratextuels à savoir : le titre et l’illustration dont le rapport était flou au début et qui, à vrai dire après réflexion, se complètent en offrant plusieurs facteurs significatifs qui viennent multiplier différentes interprétations. L’interprétation est nécessaire, elle est polysémique, elle permet d’identifier les différents procédés qui orientent le sens afin de construire un réseau de significations.

Dés lors, image comme texte dans notre corpus servent à anticiper les évènements de l’histoire afin d’interroger le lecteur sur l’espace et le temps dans lequel se déroulent les faits, ils assument une fonction poétique car ils introduisent le lecteur dans un univers culturel spécifique. Cette illustration si attrayante renforce l’envie d’acheter et de lire ce livre.

La deuxième de couverture

Les indices de la première de couverture forment, dés lors, un discours sur le texte et un autre sur le monde, cette idée se trouve renforcée par cette expression d’Henri Mitterrand : « La couverture soutient le titre pour annoncer le texte »1 La couverture se déplie pour réitérer sur une autre page les mêmes indices paratextuels : le nom de l’auteur, le titre de l’oeuvre et la maison d’édition. Une petite bibliographie, regroupant la liste d’ouvrages du même écrivain est représentée sur une autre page afin de présenter le labeur de l’auteur et inviter le lecteur à se familiariser avec ces écrits, plus bas des renseignements sur l’endroit de la photo prise, il s’agit de l’hôtel Royal de Biskra.

Les citations

Nous remarquons la présence de deux citations dans la préface de notre corpus, ces dernières appartiennent à deux auteurs célèbres de la littérature française.

La première citation est de Voltaire dans son oeuvre intitulée Dictionnaire philosophique, Voltaire incarne à la fois l’homme intellectuel poète, essayiste, historien, dramaturge et philosophe, il représente le siècle des lumières, nommé également « siècle de Voltaire ».

La seconde citation est celle d’André Gide dans son roman L’Immoraliste, prix Nobel en 1947, auteur de plusieurs ouvrages citons parmi eux : « Les Nourritures terrestres » et ‘’Paludes’’ où Biskra occupe une place importante.

Le choix de ces citations n’est pas fortuit, bien au contraire, elles représentent un élément énonciateur du contenu du roman et avise probablement le lecteur des thèmes majeurs qu’il pourrait relever à partir de sa lecture. Afin de trouver le lien entre ces citations et le corpus d’étude, il serait important, dans un premier temps, de situer chacune d’elles dans son vrai contexte.

La première, celle de Voltaire, est extraite de l’article « Lettres, gens de lettres, ou lettrés »du dictionnaire philosophique », où l’auteur s’acharne contre l’intolérance, le fanatisme, l’injustice en utilisant un style mêlé à l’ironie et à la dérision : « L’homme de lettres est sans secours ; il ressemble aux poissons volants : S’il s’élève un peu, les oiseaux le dévorent ; s’il plonge les poissons le mangent ».

Cette citation illustrée dans la préface représente en effet, l’homme lettré et expérimenté qui n’est pas toujours compris et dont les idées ne sont pas toujours approuvées.

La deuxième citation d’André Gide a pour origine son roman L’Immoraliste, écrit en 1902; ce roman s’inscrit dans la tradition « du discours continu sur l’Homme », afin de se remettre en question, de se découvrir soi-même et de s’auto juger. « Biskra. C’est donc là que je veux en venir…Oui, voici le jardin public ; le banc où je m’assis aux premiers jours de ma convalescence. Qu’y lisais-je donc ? Homère ; depuis, je ne l’ai pas rouvert-voici l’arbre dont j’allais palper l’écorce. Que j’étais faible, alors ! Tiens ! Voici des enfants… ».

Cette dernière véhicule un message de nostalgie et d’amour envers Biskra; ce qui nous interpelle c’est cette dernière ligne qui laisse sous-entendre que le narrateur accorde un grand intérêt aux enfants de cette ville. La citation reflète la base sur laquelle est ancrée l’histoire du roman. L’évocation de Homère, figure emblématique, fondateur majeur de la littérature grecque antique, a une visée particulière qui engendre et met en relief un système significatif. En effet, André Gide ressemblait beaucoup à ce personnage, représenté comme un « aède »3, chanteur aveugle qui traversait le monde méditerranéen tout en récitant ses vers ; Gide en a fait de même et surtout dans la ville de Biskra, car il a entamé son oeuvre majeure « Les Nourritures Terrestres » sur un banc du « jardin Landon », un de ses lieux favoris qui lui procuraient à la fois repos, renaissance et inspiration.

Ces deux citations ont un grand impact sur cette oeuvre, dans les deux cas, les préoccupations philosophiques et sociales sont très apparentes, ce qui nous laisse dire que Hamid Grine dans son roman « Le Café de Gide » aborde des sujets qui parsèment les alentours de l’oeuvre, notamment le charisme de Gide, ses impulsions humaines à la fois émouvantes et interdites dans la ville de Biskra. Hamid Grine révèle donc à partir de ces deux citations qui constituent la préface de son roman un semblant d’aperçu sur les destins des Hommes et leur terre qui se confondent, se croisent et s’entremêlent démesurément. Cette opinion pourrait guider le cheminement de notre lecture.

La quatrième de couverture

Le dernier point abordé ici et qui achèvera ce sous-chapitre consacré aux éléments périphériques du texte est : la quatrième de couverture. Il est vrai que cette dernière a une importance considérable sur le lecteur, ce petit résumé est, soit appréciable et il va donc ouvrir l’appétit du lecteur et l’inciter à lire l’intégralité de l’oeuvre, soit ennuyeux, ce qui provoquera son rejet chez certains.

Cette quatrième de couverture est appelée également « plat verso » ou « dos du livre » parce qu’elle endosse en matière de lecture un rôle très important voire stratégique qui concrétise le seuil du roman et représente l’enjeu et les stratégies d’écriture qui enferment le paratexte. Concernant notre corpus, cette dernière est représentée par un bref aperçu qui fait part des grands titres d’ouvrages de Hamid Grine suivis d’un résumé de l’oeuvre. Ce résumé si accrocheur suit succinctement la trame romanesque tout en dissimulant l’intrigue qui sert en effet à convier le lecteur potentiel à se rapprocher du texte.

Cependant, le résumé de la quatrième de couverture est assez détaillé, il laisse percevoir les grands points abordés dans notre corpus, nous procure beaucoup d’informations et de renseignements sur les protagonistes et reprend partiellement le contenu du texte, en restituant de manière concise les propos du narrateur. Ce qui attire également notre attention, c’est l’emploi de phrases simples et claires qui facilitent et participent à la compréhension de ce petit aperçu. Nous remarquons une certaine cohérence et chronologie dans la succession des faits et l’enchaînement des évènements : « Gide a fait plusieurs longs séjours à Biskra… Azzouz, un jeune collégien de l’Algérie indépendante, découvre l’auteur……Il se met à sa poursuite en compagnie (du père de son camarade) qui a connu Gide….. Ils revisitent ensemble les hauts lieux gidiens ….. Quarante ans plus tard, l’adolescent qui a quitté la grande Oasis pour Alger apprend de son ami que son père, décédé, a laissé un document troublant concernant Gide……Appâté, épaté, il décide de retourner à Biskra ».

Le cheminement de ses évènements factoriels est bien mis en évidence, on a certes, l’impression que presque tous les détails de l’histoire sont dévoilés, mais en fait l’objectif est seulement d’orienter la lecture. Il en reste que le mystère de cette oeuvre n’est pas tout a fait divulgué, et la première réflexion et interrogation qui vont interpeler n’importe quel lecteur vont s’appuyer sur ce « document troublant « ? En quoi consiste-t-il ? Cette intrigue va inciter le lecteur à prendre connaissance de l’intégralité de l’oeuvre.

Il est à noter que le style d’écriture de l’auteur est également mis en relief dans la quatrième de couverture « Récit court, dense, mené à bride abattue, on retrouve le style vif et incisif de Hamid Grine ».

Le récit entre histoire et narration

Après l’étude des éléments périphériques, il nous semble important de donner une vision d’ensemble de l’oeuvre en mettant en relief sa structure et son architecture. L’étude interne du texte constitue notre objet d’étude dans cette analyse consacrée à la narratologie, une large place sera accordée au récit (l’organisation, l’ordre, le rythme narratif, le statut et le point de vue du narrateur, les personnages ainsi que le cadre spatio-temporel). Il s’agit d’un travail descriptif qui repose sur une analyse formelle et qui consiste à étudier le lexique, les figures de style, les types de phrases, les champs lexicaux et sémantiques …Nous procédons ainsi à une déconstruction du texte pour parvenir à une reconstruction, voire une lecture et interprétation personnelle car tous ces mots dans le texte ont un poids, une valeur, une charge sémantique et un impact sur le lecteur.

L’organisation des structures narratives

L’organisation narrative est définie par le choix de diverses techniques et stratégies spécifiques qui se rapportent aux évènements de l’histoire. Tout système narratif est doté de trois entités fondamentales qui se rencontrent, se combinent et se complètent, faisant souvent objet de confusion lors du processus de lecture. Cependant, il est nécessaire de distinguer entre ces trois composantes à savoir : l’histoire, le récit et la narration qui contribuent à la réalisation d’un produit fini prêt à la consommation. En effet, dans « Le Café De Gide », l’histoire débute à la suite d’un appel téléphonique assez surprenant qui secoue la mémoire de notre personnage principal Azzouz. Cet appel amène notre protagoniste dans un périple mémoriel qui l’incite à renouer contact avec sa ville natale, Biskra, une ville qui enfermait à l’époque, il y a quarante années de cela, un lourd secret difficile à admettre sur une amitié mystérieuse entre André Gide et les petits garçons de cette somptueuse Oasis, un suspens qui n’a jamais était dévoilé clairement sauf dans les écrits romanesques de cet illustre écrivain français. Azzouz entame ce voyage initiatique qui se présente à la fois comme une quête et enquête à la poursuite d’une mémoire, à la recherche des traces de l’auteur dans cette ville et à la rencontre d’une double histoire, la sienne et celle de l’écrivain qui a nourri son enfance et qui a fait de lui un écrivain.

Cette succession d’évènements racontés par un narrateur dans un univers fictionnel donne naissance à un récit, désignant « le texte en lui-même » comme produit fini, prêt à être diffusé. Ceci est bien démontré chez Gérard Genette qui souligne que : « Tout texte laisse apparaître des traces de la narration, dont l’examen permettra d’établir de façon précise l’organisation du récit ».

En effet, ce travail permet de spécifier la structure du texte, délimiter son architecture et déchiffrer son agencement global pour une meilleure compréhension et interprétation. Il s’agit évidemment d’une étude basée sur la fiction qui représente l’histoire racontée et qui ne peut exister sans la présence de mots, de phrases, d’histoires, d’un référent et d’une organisation narrative… Nous parlerons donc de « fiction dans un récit « 2 voire un univers fictionnel qui oscille entre le vrai et le faux, le réel et l’imaginaire, le vraisemblable et l’invraisemblable. « Le café de Gide » est un roman qui se présente presque comme une fiction à perspective autobiographique vu la manière dont il est raconté. Cependant, dans l’analyse interne d’un récit, il est toujours déconseillé de rapprocher l’écrivain, personne réelle, concrète à la personne qui raconte l’histoire, c’est-à-dire au narrateur qui, dans ce cas, est bien impliqué dans l’histoire.

« L’écrivain est l’être humain qui a existé ou existe, en chair et en os, dans notre univers. Son existence se situe dans le « hors texte ». De son côté, le narrateur, qu’il soit apparent ou non n’existe que dans et par le texte, au travers de ses mots».

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Table des matières

Introduction 
Chapitre I : L’oeuvre en tant que fiction
I. Les éléments paratextuels
1. Le paratexte
2. L’ambiguïté du titre
3. Les indices révélateurs de la couverture
II. Le récit entre histoire et narration
1. L’organisation des structures narratives
2. La confrontation des segments narratifs dans le temps et dans l’histoire
3. L’anachronie narrative
4. L’organisation du récit en système narratif
5. La quête du Héros
III. La représentation du cadre spatio-temporel
1. La référencialité spatiale
2. La discontinuité temporelle entre passé/présent
3. La disjonction du système spatio-temporel
Synthèse
Chapitre II : Jeux et enjeux discursifs entre histoire et Histoire
I. Hétérogénéité discursive
1. Ambigüité discursive : de l’information à la dénonciation
2. Discours entre humour et ironie
3. Discours et contexte : Le texte comme prétexte à l’écriture
II. Ambigüité entre Histoire d’une ville et récit d’une vie
1. Voyage et parcours initiatique
2. Nostalgie et élégie d’un temps perdu
3. Regard confus entre deux époques
III. Espace littéraire et espace architectural
1. La place du patrimoine dans le texte
2. Topographie d’une ville entre vraisemblance et authenticité
3. Enjeu d’un dialogue entre littérature et architecture
Synthèse
Chapitre III : Stratégie d’écriture et interaction textuelle
I. Les différents éléments d’interaction textuelle
1. Les pratiques transtextuelles appliquées dans le texte
2. Les traces intertextuelles dans le texte
3. L’enchâssement fictionnel
II. Technique d’écriture et de lecture
1. Corrélation entre lecture, écriture et réécriture
2. Les différentes modalités interprétatives
3. La mémoire et son impact sur la réception
III. Les différents aspects typologiques
1. L’hybridité du texte
2 .L’aspect référentiel
3 .Le roman entre fiction et témoignage
Synthèse
Conclusion
Bibliographie

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