Problématique industrielle
Dans le secteur aéronautique, la certification des avions s’appuie généralement sur la réalisation de nombreux essais à différentes échelles. Ces essais peuvent être réalisés à l’échelle de la microstructure d’un matériau aussi bien qu’à l’échelle de l’avion lui même. La tendance actuelle des industriels est de diminuer l’utilisation de ces essais, trop coûteux, au profit d’essais numériques. Grâce à l’évolution des capacités de calcul numérique, ces « essais virtuels » viennent peu à peu compléter voire remplacer certains types d’essais sur structure réelle. Parmi les éléments faisant partie de cette problématique, les ensembles de fixations, boulonnées ou rivetées, sont des composants très importants lors du dimensionnement : l’irrégularité de la géométrie, les phénomènes de frottement, les précharges ou encore les jeux de fabrication présents dans ces zones augmentent les probabilités d’initiation de phénomènes d’endommagement. La production en série mise en œuvre dans l’industrie aéronautique entraîne la fabrication de ces ensembles de fixations en très grand nombre. Lorsque l’on étudie une famille de structures semblables, plusieurs propriétés varient d’une structure à l’autre. En effet, le frottement entre les plaques est mal connu, les précharges appliquées lors de l’assemblage ne sont pas précisément contrôlées (environ ±20% de dispersion [Guinard, 2003]), les jeux de fabrication sont réalisés avec des tolérances dimensionnelles et la position initiale de la fixation à l’intérieur de son logement n’est pas bien maîtrisée (configuration des rattrapages de jeux) [Guinard, 2003].
Méthode de Monte Carlo
Une première méthode, très répandue car très simple d’application, consiste à reconstruire la réponse du système de manière statistique. De plus, ce type de méthode est très apprécié car il découple la résolution du problème géométrique du traitement des incertitudes. Ceci conduit donc à l’utilisation de méthodes non intrusives et permet ainsi l’emploi de codes éléments finis standard. L’évaluation des caractéristiques de la réponse est obtenue à partir d’un très grand nombre de calculs déterministes. En effet, on procède à plusieurs « tirages » pour lesquels un jeu de paramètres est fixé en tenant compte de la loi de probabilité et des fonctions de corrélation de chacun. Pour chaque tirage un calcul déterministe de la réponse est donc effectué. Une étude statistique permet ensuite de déterminer les premiers moments statistiques de la réponse de la structure. Parmi les avantages de cette méthode, on peut mettre en avant le fait qu’un logiciel classique à éléments finis peut être utilisé pour réaliser le calcul des tirages. Par contre, l’inconvénient de cette technique vient généralement du fait qu’un très grand nombre de tirages est nécessaire avant d’avoir une bonne convergence des résultats de la réponse. On peut montrer que la méthode de Monte Carlo, pour un problème à une dimension, converge en 1/√ n, n étant le nombre de tirages. Le nombre de tirages nécessaire avant convergence dépend également du nombre de variables aléatoires du problème. Une première amélioration assez simple de cette technique consiste à paralléliser le calcul des tirages. Cette technique permet de réduire le temps de calcul jusqu’à convergence de la méthode de Monte Carlo. Des applications sont présentées dans [Johnson et al., 1997, Papadrakakis et Kotsopulos, 1999]. Les techniques de réduction de variance (Importance sampling) permettent quant à elles d’accélérer la convergence de la méthode de Monte Carlo en augmentant la densité Stratégie de modélisation et de simulation des assemblages de structures aéronautiques en contexte incertain des réalisations dans les régions d’intérêt. Cependant, ces techniques deviennent pénalisantes comparativement à une méthode de Monte Carlo classique lorsque le nombre de variables aléatoires est trop élevé. Plus de détails sont présentés dans [Thompson, 2002]. La méthode de Latin Hypercube Sampling (LHS) permet de réduire le nombre de tirages requis pour la convergence. Cette technique se base sur un découpage du domaine de définition des variables en N intervalles d’égale probabilité. Un tirage est effectué dans chacun de ces intervalles, ce qui entraîne N valeurs tirées pour une variable. La même procédure est effectuée pour les p variables aléatoires du problème. Finalement, les tirages obtenus pour chaque variable sont appariés aléatoirement avec les tirages obtenus pour les autres variables. Ceci permet ainsi de former N tirages censés caractériser la réponse du système. Cette technique a été développée dans [McKay et al., 1979]. Le nombre de tirages nécessaires est généralement plus faible que celui nécessaire dans la méthode de Monte Carlo classique pour un même niveau de convergence. Certaines améliorations de la méthode sont présentées dans [Helton et Davis, 2003]. La méthode de Monte Carlo peut être également améliorée en modifiant le modèle mécanique que l’on utilise. Les méthodes de surface de réponse (Response Surface Method, ou RSM), ou méta-modèle, s’attachent à améliorer la méthode de Monte Carlo en remplaçant le modèle mécanique par un modèle approché plus rapide à calculer. On retrouve les premiers travaux dans [Faravelli, 1989]. En pratique, le modèle mécanique initial est calculé pour différents jeux de paramètres. Avec suffisamment de points calculés, on peut construire une surface de réponse du système par interpolation. Certains exemples sont présentés dans [Schultze et al., 2001, Hemez et al., 2001, Boucard et Champaney, 2003].
Recalage de modèle
Dans le chapitre précédent a été soulevé le problème de la qualité de représentation du modèle déterministe choisi par rapport à la famille de structure de fixations étudiée. En effet, le modèle déterministe choisi influe fortement sur la qualité des résultats estimés par le modèle avec méconnaissances. Le type de modèle utilisé pour la représentation des assemblages boulonnés ainsi que la méthode permettant de valider ce modèle ont été choisis au chapitre précédent. Ce second chapitre a pour premier objectif de détailler la méthode de recalage employée. Dans un second temps, une étude est faite concernant l’efficacité du processus de recalage. Une modification du modèle choisi pour les fixations est ensuite proposée afin d’améliorer cette efficacité. Enfin, une application est effectuée sur un assemblage boulonné dont la géométrie est issue de l’aéronautique. Le modèle associé aux plaques constituant l’assemblage boulonné est considéré comme relativement bien connu. Le comportement des connecteurs représentant les fixations est supposé être le seul paramètre incertain nécessitant un recalage. En effet, les modèles semi-empiriques, grandement utilisés dans l’industrie, ne tiennent pas compte de l’influence du frottement, de la précharge de la fixation ou encore de la nature et de la direction du chargement. Il paraît donc nécessaire, lorsque cela est possible, de recaler les paramètres du comportement du connecteur afin d’obtenir un modèle « moyen » représentant correctement l’ensemble des données expérimentales. Pour cela, nous avons donc choisi d’utiliser le recalage en erreur en relation de comportement. Le recalage basé sur l’erreur en relation de comportement a tout d’abord été développé pour les problèmes de dynamique libre et forcée [Ladevèze et Chouaki, 1999]. La méthode a également été adaptée aux problèmes non-linéaires matériau et de contact par l’introduction d’une erreur en dissipation [Chouaki et al., 2000]. Plus récemment, des travaux ont été effectués sur la localisation et le dimensionnement de fissures multiples [Faverjon et Sinou, 2008] ainsi que sur le recalage basé sur des mesures incertaines [Faverjon et al., 2009]. Dans cette étude, le recalage est appliqué à une structure soumise à un chargement statique. Le recalage est effectué grâce à des données expérimentales (ou simulées), généralement des déplacements ou des chargements, correspondant à des capteurs placés en différents points de la structure.
Conclusion
Le travail de cette thèse a consisté à construire une méthode de dimensionnement principalement dédié aux assemblages boulonnés ou rivetés. Ces éléments sont en effet très importants car souvent dimensionnants pour les assemblages de structures. L’objectif de cette méthode est de réaliser un dimensionnement sur des structures de très grande taille (de l’échelle de l’assemblage de panneaux voire du tronçon). Elle doit pouvoir être intégrée naturellement dans les processus actuels de dimensionnement en bureau d’étude. Cependant, du fait des limitations informatiques actuelles, elle doit être mise en place dans un contexte où la modélisation des structures à dimensionner ne peut se faire entièrement avec un modèle numérique complexe. De plus, cette stratégie doit être capable de prendre en compte les effets des variations de comportement des fixations (frottement, précharge et jeux de fabrication) sur le dimensionnement. Ce dernier point a permis d’avoir plus de recul sur la notion de coefficient de sécurité. La stratégie proposée a été construire sur l’utilisation de deux échelles d’observation dans le cadre d’une analyse descendante. Cette technique a été choisie pour sa simplicité d’utilisation ainsi que de sa popularité auprès des industriels. Sur le plan technique, elle impose l’utilisation de deux échelles de modélisation des fixations. De plus, une modification doit y être apportée pour prendre en compte les effets des incertitudes sur les résultats. Ces deux points (création du modèle déterministe de fixation et application de la prise en compte des incertitudes) sont les principaux travaux abordés dans cette thèse. L’objectif de cette stratégie est de pouvoir calculer une estimation des transferts de charge et ainsi obtenir les fixations susceptibles d’être les plus chargées. Ensuite, ces zones de fixations où la probabilité d’initiation de phénomènes d’endommagement est la plus élevée sont isolées et une réanalyse locale y est appliquée avec l’utilisation de modèles plus complexes comparativement à l’étape globale. L’étape de réanalyse locale n’a pas été traitée dans cette thèse. Le choix du modèle de fixation a été le premier problème rencontré. La construction d’un modèle de connecteur linéaire a été basé sur les modèles semi empiriques utilisés dans l’industrie. Cependant, dans certains cas de chargement, ces modèles peuvent ne pas représenter convenablement le comportement réel des fixations. Ces connecteurs ont donc fait l’objet d’un recalage de modèle déterministe basé sur l’erreur en relation de comportement.
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Table des matières
Table des figures
Liste des tableaux
Introduction
1 Élaboration d’une stratégie de dimensionnement
1 Problématique industrielle
2 Méthodes de dimensionnement
2.1 Méthodes « ingénieur » et dérivées
2.2 Les stratégies de calcul multiéchelles
2.3 Les techniques de décomposition de domaine sans recouvrement
2.4 Conclusions
3 Modélisation des fixations
3.1 Les approches empiriques
3.2 Les approches analytiques
3.3 Les approches à éléments finis
3.4 Conclusions
4 Recalage de modèle
4.1 Les modèles considérés
4.2 Maîtrise des écarts entre modèles
5 Prise en compte de l’incertitude
5.1 Méthodes stochastiques en calcul de structure
5.2 Méthodes non stochastiques en calcul de structure
6 Conclusions
2 Recalage de modèle déterministe
1 Recalage de modèle
1.1 Le problème de référence
1.2 L’erreur en relation de comportement
1.3 L’erreur en relation de comportement modifiée
1.4 Minimisation de l’erreur
1.5 L’algorithme de minimisation
2 Efficacité du recalage
2.1 Géométrie étudiée
2.2 Le problème unidimensionnel
2.3 Les données expérimentales
2.4 Application du recalage
2.5 Le modèle rigidifié proposé
3 Application à une structure aéronautique
3.1 Géométrie étudiée
3.2 Les données expérimentales
3.3 Application du recalage
4 Conclusions
3 Application de la théorie des méconnaissances
1 Représentation de l’incertain dans une stratégie de dimensionnement
2 Description de la réalité
2.1 Famille de structures
2.2 Données expérimentales
3 La théorie des méconnaissances
3.1 Le problème de validation
3.2 Définition des méconnaissances de base
3.3 Propagation des méconnaissances
3.4 Recalage des méconnaissances de base
4 Application au cas industriel
4.1 Implémentation numérique
4.2 Définition et propagation des méconnaissances de base
4.3 Recalage des méconnaissances de base
4.4 Conclusions
4 Perspectives pour une utilisation à plus grande échelle
1 Contexte industriel
2 Exemple traité
3 Approche proposée
3.1 Construction des mesures de référence
3.2 Construction du modèle simplifié
3.3 Limitations rencontrées lors du recalage de modèle simplifié
3.4 Conclusion
Conclusion
Bibliographie
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