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REMODELAGE OSSEUX
Le remodelage osseux que l’on pourrait aussi appeler régénération osseuse, a pour but la destruction d’une portion d’os et son remplacement par de l’os fraîchement formé. Il permet de réparer les dommages microscopiques et de prévenir l’accumulation des dommages causés par la fatigue. Ce processus se produit tout au long de la vie avec un ralentissement substantiel après la fin de la croissance. Le remodelage osseux permet d’harmoniser le squelette afin d’augmenter son efficacité d’un point de vue mécanique (Martin et al, 1998).
Là aussi, l’influence de paramètres biologiques int ervient dans les différentes étapes du remodelage osseux. En effet, des études (Forwood etBurr, 1993 ; Jessup et al, 2003 ; Cafiero et Maritz, 2003) ont montré qu’une activité physique modérée stimule la formation osseuse, limitant ainsi l’endommagement de l’os.
Le remodelage osseux est donc étroitement lié aux aramètresp biologiques que nous étudierons auchapitre 6.
Le remodelage osseux n’est pas l’objet de ce travail de recherche. En effet, notre but n’est pas d’étudier les phénomènes de résorption/appositi de l’os mais d’essayer de décrire le mieux possible le comportement de l’os , à un instant donné, en prenant en compte l’influence des paramètres biologiques sur les propriétés mécaniques. Autrement dit, nous souhaitons représenter le comportement de l’os pour un état donné sans retracer les phénomènes qui l’ont mené à cet état.
LES CONDITIONS EXPERIMENTALES
Depuis de nombreuses années, des études expérimentales sont dédiées à l’étude histologique et anatomique ainsi que la caractérisation mécanique de l’os. Les résultats de ces expériences varient selon le matériel testé et le protocole employé.
LE MATERIAU TESTE
Outre les variations inter et intra-individuelles (dont nous discuterons au chapitre 6), les résultats dépendent de l’origine, de la conservatio et des dimensions du tissu testé. L’influence de la vitesse de sollicitation est discutée dans le paragraphe « III.3 Viscoplasticité ».
ORIGINE
L’idéal pour connaître les propriétés mécaniques sdetissus est de réaliser des tests sur des os provenant de donneurs humains. Mais il n’est pas forcément facile de se procurer ce type d’échantillons, c’est pourquoi de nombreux tests sont réalisés sur des os provenant d’animaux (bovins, chevaux, etc). Les courbes caractéristique contrainte-déformation sont comparables (comportement similaire), mais les valeurs des caractéristiques mécaniques entre les humains et les animaux peuvent varier significativement. Yamada (1970) montre ainsi que la valeur du module d’Young d’un fémur mouillé en traction est de :
1760 kg/mm2 pour un humain, 1490 kg/mm2 pour un cochon, 2550 kg/mm2 pour un cheval.
Le choix du type d’échantillon peut donc fortement influencer les résultats obtenus, et expliquer certaines variations trouvées dans la litérature.
CONSERVATION
Les expériences étant réalisées plus ou moins longtemps après l’obtention des os, il faut donc chercher à éviter leur détérioration afin de se rapprocher le plus possible des conditions in-vivo.
Selon les études, les pièces peuvent être fraîches,congelées, séchées, embaumées, conservées en solution saline ou dans du liquide de Winckler. La conservation semble avoir une influence importante sur le comportement des matériaux biologiques (Woo, 1988 ; Crandall, 1994). Ceci corrobore les études faites par Yamada en 1970sur l’influence de l’hydratation. Ainsi les valeurs du module d’Young et des contraintes limite d’élasticité et à la rupture sont plus grandes pour un os sec que pour un os humide comme nous le montre la figure suivante .
LES METHODES
Les trois principales méthodes de caractérisation des propriétés mécaniques de l’os (Pithioux, 1997) comme le module d’Young, le coefficient de Poisson ou la contrainte maximale :
l’approche classique, la méthode vibratoire, les ultra-sons.
Chacune des ces méthodes est succinctement présenté ci-dessous.
L’APPROCHE EXPERIMENTALE CLASSIQUE
L’approche classique est d’utiliser des capteurs d’ effort, de déplacement, d’accélération lors de tests de type : traction, compression, cisaillement, torsion, flexion. Ces tests sont effectués sur des éprouvettes standardisées ou sur des os complets et permettent de déterminer des paramètres tels que la contrainte ultime du matériau, le module d’Young…
Dans le cas de la flexion d’os longs qui nous intéresse plus particulièrement, nous retiendrons deux protocoles typiques : ceux utilisés par Cristofolini et al (1996) et Beillas (1999).
Dans le premier cas, le fémur est fixé et fléchi l’aide à de quatre rouleaux ajustés pour répartir la charge uniformément tout en empêchant la rotation du fémur.
La seconde méthode consiste à couper les épiphyses du fémur : l’appui se fait alors sur la partie postérieure des métaphyses (configuration laplus stable). Si cette méthode n’empêche pas la rotation du fémur, elle ne permet de fléchir l’os que dans la direction antéro-postérieure.
Ces deux approches montrent également qu’il existe différentes façons d’aborder un même type de sollicitation.
LA METHODE VIBRATOIRE (BARRE DE HOPKINSON)
Le principe de la méthode est d’exciter l’os par un marteau d’impact, puis d’enregistrer la réponse en fréquence impulsionnelle. Les deux signaux enregistrés sont obtenus au moyen d’accéléromètres collés sur l’os et d’un capteur deforce monté sur le marteau, et permettent de calculer la fonction de transfert correspondante. Cette technique permet d’identifier les fréquences de résonance du fémur dans les plans frontal et sagittal et ses déformées. Afin de réaliser les conditions aux limites « libre-libre », l’os est suspendu à ses extrémités par des élastiques souples.
LES ULTRA-SONS
Une autre technique est l’utilisation des ultrasons . Cette méthode non destructive permet de connaître les propriétés mécaniques en fonction des célérités transversales et longitudinales des ondes ultra-sonores.
Deux paramètres sont habituellement mesurés : la vitesse du faisceau et l’atténuation.
La vitesse des ultrasons dépend de la densité du mil eu et de certaines de ses propriétés mécaniques, en particulier de l’élasticité.
L’atténuation dépend de l’absorption (fonction de al structure physique et chimique du milieu) et de la dispersion (fonction de la longueur d’onde et du milieu traversé) (Roux, 2003). L’atténuation des ultrasons est dépendante de l’orientation des travées osseuses, donc de l’anisotropie.
CONCLUSION
Selon les expériences rencontrées dans la littérature, le protocole est plus ou moins précisément décrit. Les données que nous sommes susceptibles de collecter sont donc à corréler avec les indications fournies dans le protocole.
Ces différents aspects des conditions expérimentales permettent d’expliquer les variations des paramètres mécaniques, comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant.
SUR LA MECANIQUE DE L’OS
PROPRIETES MECANIQUES
Au niveau des constituants des os, les travaux de Piekarski (1973), et Burstein et al (1975) ont montré que l’on pouvait considérer le collagène come élastique et l’hydroxyapatite comme élastoplastique. Le comportement des fibrilles estconsidéré comme élastique.
Gottesman et Hashin (1980) ont montré, quant à eux, la propriété isotrope du collagène et anisotrope de l’hydroxyapatite.
D’un point de vue histologique, les os sont anisotropes hétérogènesavec un comportement élastoplastiquenon-linéaire.
Compte tenu de leur densité minérale osseuse, les so compacts sont supposésincompressibles et travaillent en petites déformations(jusqu’à 5%, Cezayirlioglu et al, 1985).
Par contre, la structure alvéolaire des os spongieux en fait des matériaux compressibles travaillant en grandes déformations en compression(jusqu’à 60% de déformation, Pithioux, 2000) mais en petites déformations en traction.
Dans la pratique, l’alignement des ostéons dans le sens de la diaphyse permet de considérer l’os compact comme isotrope transverse. Pour les os spongieux, des directions principales sont déterminées localement mais globalement, elles varient fortement. Usuellement, l’hypothèse d’isotropie est la plus retenue dans l’étude des os spongieux. Enfin l’os est considéré commehomogène, étant donnée la prépondérance de l’hydroxyapatite.
ENDOMMAGEMENT
L’os a deux constitutants (compact et spongieux) qui se différencient dans leur comportement. Pour l’os compact, la déformation maximale à la rupture est comprise entre 1 et 4% pour la majorité des sollicitations. Burr et al (1988) attribuent la déformation à des mouvements des ostéons à l’intérieur de la matrice.
Pour l’os spongieux, la déformation maximale attein plusieurs dizaines de pour cents (Pithioux, 2000). En compression, l’endommagement de l’os spongieux se fait en deux étapes : les trabécules commencent par s’écraser puis il y a compaction complète jusqu’à extrusion de la moelle ou de l’air. En traction, il correspond à la rupture des trabécules.
L’os compact a donc un comportement fragile alors que l’os spongieux est fragile en traction et plutôt ductile en compression.
Seules quelques études ont tenté de quantifier l’endommagement dans le cas de la fatigue (Zioupos et al, 1996a et b) ou de chargements cycliques (Jepsen et Davy, 1997).
Les seuls, à notre connaissance, à avoir étudié l’endommagement pour un chargement simple jusqu’à rupture sont Kotha et Guzelsu (2003). Ils e ndommagent certains échantillons de fémurs bovins par des cycles de traction au-delà de la limite d’élasticité. Ensuite, ils comparent les modules des échantillons témoins auxmodules des échantillons endommagés. Néanmoins les échantillons ont été conservés dansneusolution saline pendant huit jours et une partie a ensuite été décalcifiée.
Selon le type de chargement, la plage de variation de l’endommagement à la rupture serait de 0,2 à 0,6. A ce jour, aucun article ne nous permet d’avoir une valeur de l’endommagement de l’os pour des chargements simples allant jusqu’à la rupture (traction, compression, flexion). La principale difficulté réside dans l’évaluation de l’endommagement à l’état initial du tissu (avant chargement).
VISCOSITE DE L’OS
L’étude de référence sur la viscoélasticité de l’osest celle de McElhaney (1966). En effet, il a testé des cubes taillés dans des fémurs humains etbovins en compression pour un large éventail de vitesses de déformation 0(.001& 300 s1 ). Les principales conclusions de ces tests sont :
d’une part, que l’os compact devient plus rigide et plus fragile lorsque la vitesse de déformation augmente ;
d’autre part, que l’énergie absorbée jusqu’à rupture est maximale entre 0,01 et 0,1 s-1 et non pas pour de faibles ou de grandes vitesses de déformation.
Il propose également des relations liant le module d’Young E et la contrainte ultime σu en fonction du taux de déformation& : E 1,66 & GPa R 0,94 ln 24,5 u 11,3 & MPa (I.1)
Sur le plan histologique, Johnson et Katz (1984) ont montré que le comportement viscoélastique dépend moins de la circulation des luidesf dans les canaux et vaisseaux (voir la structure de l’os en Figure 4) que de l’interaction entre fluides et partie calcifiée de l’os compact.
Wright et Hayes (1976) ont montré une dépendance dela vitesse de déformation en étudiant le comportement en traction d’os cortical frais de vache avec des taux de déformation de 5,3.10-4 à 237 s -1.
Contrairement à Williams et al (2001) qui n’ont tro uvé aucune variation de la déformation ultime en fonction de la vitesse de déformation.
Dans le cas de l’os spongieux, étant donnée l’importance de la densité, elle doit être considérée dans l’étude du comportement viscoélastique en compression. Des tests de compression sur des échantillons cylindriques d’une épiphyse tibiale proximale d’un homme de 65 ans pour des taux de déformation allant de 0,001 à 1500 s -1, donnent les relations suivantes en MPa (Yang, 1998) : D’autre part, l’effet de la moelle ne devient signi ficatif qu’au-delà de 1 s -1. Aucune étude ne traite de l’aspect quantitatif du comportement viscoélastique de l’os spongieux en traction. (Pithioux, 2000)
Nous pouvons donc conclure que la vitesse de déformation a une influence a priori non négligeable sur les caractéristiques mécaniques del’os à vitesse constante. Cependant, ces résultats ne peuvent être extrapolés au cas d’un chargement complexe à vitesse de déformation non constante ou au cas de la traction.
CONDITIONS DE SOLLICITATION
En biomécanique, que l’on étudie un choc frontal, atéral ou oblique, d’un point de vue du piéton ou de l’occupant d’une voiture, les structures osseuses sont amenées en contact avec les parties impactantes du véhicule (tableau de bord pour le conducteur et le passager, pare-choc, capot et pare-brise pour le piéton), et leur rupture est considérée comme un fusible de l’organisme.
A ce titre, à la suite d’accidents, les médecins préfèrent traiter des fractures osseuses : elles sont généralement plus facilement réparables et présentent des durées d’invalidité relativement courtes comparées à celles dues à des arrachements ligamentaires.
L’analyse du profil de fracture de l’os leur donne d’ailleurs une information sur le mécanisme lésionnel à l’origine du phénomène. La fracture simple du fémur (voir Figure 7a) est une fracture classique de choc latéral d’un piéton. Un mécanisme de compression-torsion est à l’origine d’une fracture spiroïdale du tibia (Figur e 7b) tandis que l’association d’une compression et de cisaillement provoque une fracture proximale du tibia (Figure 7c). La classification AO des fractures (Müller et al, 1987 ) classe les fractures selon leur profil, leur gravité et le mécanisme lésionnel. Ainsi, dans les accidents de la route, ce sont les modes de flexion et/ou de compression qui sont à l’origine d es fractures des os longs.
En situation dite physiologique, là encore on rencontre le plus souvent des sollicitations en compression.
COMPORTEMENT MECANIQUE DE L’OS COMPACT
TRACTION
En se limitant à la comparaison des travaux de Yama da (1970) et Viano (1986) sur les os compacts, on observe une grande similitude au niveau de la phase élastique et donc une assez bonne homogénéité du module d’Young. Cependant le début de l’écrouissage est beaucoup plus rapide pour les os très longs tels que le fémur et l’humérus mais la pente de la phase plastique est moins accentuée que pour des os moins longs. Peut-on alors dire que la longueur des os longs est un paramètre à prendre en compte dans la phase d’endommagement de ce tissu dur ? Est-ce plus simplement leurs différences géométriques (section et forme) qui créent cette nuance ? Ou est-ce un problème de structure dû aux conditions de sollicitation spécifiques de chaque os ?
En comparant les Figure 8a et 8b, nous notons que l’allure des courbes est similaire, mais aussi que les valeurs des contraintes limite d’élasticité et à la rupture sont quasiment identiques : σyield = 75-80 MPa, σult = 120 MPa. De même les valeurs des déformations à l’écrouissage et à la rupture sont semblables : εyield = 0,5%, εult = 1,4-1,5%.
Pour les résultats reportés ci-dessus, le profil derupture est caractéristique d’un mode de rupture cinématique de type 1 ou mode de rupture par ouverture (cf. chapitre 2 – IV). Les auteurs ont observé de nombreuses fissures à la frontière entre les systèmes lamellaires de Havers et les lamelles interstitielles.
Ce type de rupture se retrouve au niveau des composites : le mécanisme d’endommagement d’un composite en traction commence par une décohésion entre les fibres et la matrice qui va s’aggraver au fur et à mesure de l’augmentation du chargement. Généralement, cette décohésion se fait suivant un axe parallèle à la direction des fibres.
Notons également que les conditions de conservationdes os font varier leurs caractéristiques mécaniques (les valeurs du module d’Young et des contraintes limites d’élasticité et à la rupture sont plus grandes pour un os sec que pour un os humide). Nous avons déjà vu une partie des paramètres influant sur le comportement au paragraphe II, d’autres paramètres seront étudiés auchapitre 6.
COMPRESSION
Les Figure 9a et b semblent se résumer à une phase élastique linéaire (la concavité est vraiment très légère). Nous distinguons une plus grande aptitude à la déformation en compression qu’en traction : 1,8 % contre 1,5 % avant l’apparition de la rupture du matériau osseux. De même, la contrainte à la rupture est plus importante : environ 170 MPa contre 120 MPa. L’os supporte donc mieux un chargement en compression qu’en traction, puisqu’il endure une plus forte contrainte (170 MPa contre 150 MPa). Les os sont intrinsèquement plus forts en compression (mode de sollicitation physiologique) qu’en traction ou en cisaillement (Hayes et Bouxsein, 1997, cité par Beck et al, 2000).
Les courbes de traction et de compression permettent d’estimer que le module d’Young en compression est beaucoup plus faible qu’en traction (20 fois moins). Cela signifie que, dans la phase élastique, l’os est plus rigide en traction qu’en compression. En revanche, il s’écrouit plus tôt et beaucoup plus en traction.
Cela s’explique par l’alignement des ostéons dans le sens de la diaphyse (sens utilisé pour le prélèvement des éprouvettes).
Pour Yamada, l’os sec se fracture soit en deux avec un angle moyen de rupture de 63° par rapport à la surface externe de l’os, soit en trois pièces triangulaires.
CISAILLEMENT
La courbe de cisaillement présente une forme en S. On distingue deux zones : une qui correspond à la mise en tension de la structure sui vie d’une phase élastique non-linéaire. L’os continue de charger tout en écrouissant. Cependantle chargement total avant rupture est faible en comparaison des tests de traction et de compression. La structure de l’os compact semble donc moins bien adaptée à ce type de sollicitations qu’aux deux précédentes.
Là encore, l’os étant sollicité dans son intégralité, quelle est la part des effets géométriques sur le comportement ?
Le profil de rupture montre une fracture nette (surface de rupture macroscopiquement lisse).
FLEXION
Sur la Figure 11, on retrouve une phase linéaire élastique puis une phase d’écrouissage plastique. Le profil de la courbe est donc similaire à la courbe en traction bien que celle en flexion donne la contrainte en fonction de la déflexion spécifique de l’os (i.e. allongement). Cet allongement nous indique que l’os se déforme peu mais subit de fortes contraintes.
En comparant avec la courbe de traction, nous distinguons que la contrainte maximale à la rupture est de plus de 120 MPa en traction alors qu’elle atteint 180 MPa en flexion, ainsi l’os est plus résistant en flexion qu’en traction. Cela s’explique par la décomposition de la flexion en une compression sur la face où est appliquée laforce et une traction sur la face opposée.
Le profil de rupture présente une ligne de fractureen forme de Y au milieu de la face latérale de la pièce testée.
COMPORTEMENT MECANIQUE DE L’OS SPONGIEUX
Etant donnée sa structure, l’os spongieux peut êtreassimilé à une mousse. Nous retrouvons d’ailleurs cette similitude en comparant leur comportement mécanique en traction uniaxiale et compression notamment.
TRACTION
Lorsqu’on étire une mousse selon un axe défini, lescellules vont d’abord se déformer pour s’allonger dans la direction de traction et se comprimer dans la direction transverse. Puis arrivées à une certaine valeur de contrainte, les poutres qui forment ces cellules vont commencer à rompre jusqu’à fracture complète de la mousse. La taille et la forme des cellules sont des facteurs déterminants de la résistance dela mousse à la traction. (Gibson et Ashby, 1997)
Pour l’os spongieux, nous observons un comportement semblable, à la différence que les cellules ne sont pas aussi régulières que pour lesmousses industrielles. Nous observons donc un comportement élastique linéaire traduisant la fragilité de l’os spongieux en traction.
D’un point de vue histologique, il faudrait également tenir compte de l’influence de la moelle qui remplit les alvéoles de l’os spongieux.
En comparant le comportement de l’os spongieux à ce lui de l’os compact, nous observons une grande disparité : en terme de déformation, la rupture de l’os spongieux a lieu au début de la phase plastique des os compacts. Cependant la valeur de la contrainte à la rupture est environ 100 fois plus faible que la contrainte à la limite d’élasticité des os compacts :σmax spongieux = 1,2 MPa et σyield compact = 80 MPa.
COMPRESSION
Lorsqu’on comprime une mousse, la courbe contrainte -déformation présente trois phases bien distinctes (Dejeans et al, 2003) :
Pour de faibles déformations, la mousse se déformede manière élastique linéaire. Ceci correspond au fléchissement des poutres qui constituent les cellules.
Puis vient l’intervalle de déformation à contrainte constante qui coïncide avec la rupture, le flambage ou la plastification des poutres voire même une combinaison de ces phénomènes.
La dernière région est la densification où les bords des cellules se détruisent jusqu’à compaction complète de la matière.
Quelle que soit la vitesse de déformation, on retrouve ces trois parties plus ou moins marquées (voir Figure 13a et b). Le plateau dépendde la densité. L’aire sous le plateau doit être la plus grande possible pour que le matériau bsorbea l’énergie dégagée par la compression. Autrement dit, plus la densité relative est importante, plus la mousse est résistante. (Viot, 2006)
Ces deux courbes montrent un comportement en compression tout à fait semblable à l’exception de la diminution de contrainte qui survient avant l’endommagement de l’os spongieux. Cette chute de contrainte pourrait s’expliquer par une forte dissipation d’énergie due à la rupture des toutes premières poutres qui constituent les cellules. Ensuite, le chargement se reporte sur les cellules intactes, ce qui correspond à l’intervalle où la contrainte est constante. Cela se traduit par l’amorce du phénomène de rupture puis la stabilisation avant la densification du matériau.
La différence majeure entre l’os spongieux et les mousses est l’irréversibilité de la densification (phénomène réversible selon les mousses considérées).
CARACTERISATION MECANIQUE DE LA RUPTURE
La fracture osseuse peut survenir consécutivement à deux mécanismes opposés : la fatigue et l’impact.
Dans le premier cas, le mécanisme de fracture est lié au remodelage osseux. La fracture de fatigue est généralement observée chez les athlètesde haut niveau ou les militaires. Pour ces individus, le remodelage osseux ne permet pas à l’o s de se réparer plus vite qu’il ne se fissure, étant donné le rythme important d’entraînements. L’accumulation de microfissures aboutit finalement à une macrofissure.
L’impact fait appel à des mécanismes de dissipation d’énergie. En effet, dans le cas de la biomécanique des chocs, la fracture est le résultat de la dissipation d’énergie emmagasinée par l’os lors d’un impact. Dans ce cas, le mode de rupture cinématique observé est le mode I ou mode d’ouverture (voir chapitre 2 – IV.2).
A L’ECHELLE DE L’OS
Avant la rupture fragile, l’os présente une phase d’endommagement qui varie selon sa structure et sa géométrie. Comme on le remarque surla Figure 8a, la contrainte à la rupture varie selon le type d’os considéré. Ainsi le fémuraura une contrainte à la rupture moins importante que la fibula, par exemple.
En revanche, l’étendue de la déformation à la rupture est beaucoup moins importante que celle de la contrainte (1,4 à 1,6% de déformation, d’après la Figure 8a). En somme, nous avons :
d’une part, notre domaine d’application impliquant une forte dissipation d’énergie lors d’une fracture ;d’autre part, la variation plus importante de la contrainte à la rupture par rapport à la déformation correspondante.
Ces deux aspects nous permettent donc de considérerque le critère de rupture de l’os serait en contrainte ou en énergieplutôt qu’en déformation.
A L’ECHELLE MICROSCOPIQUE
DE L’OS COMPACT
Dans le cas de l’os cortical, Burr et al (1988) attribuent la déformation aux mouvements des ostéons à l’intérieur de la matrice.
Si on compare l’os compact à un composite à renfort s fibreux, la rupture en compression correspond à la décohésion entre les fibres et la matrice. Martin et al (1998) observent ce type de phénomène de rupture par ouverture entre les systèmes lamellaires de Havers et les lamelles interstitielles ou de décohésion des lamelles.
En traction, on observe plutôt une rupture des fibr es plus fragiles que la matrice.
DE L’OS SPONGIEUX
En compression, l’endommagement et la rupture de l’ os spongieux sont fortement comparables aux phénomènes d’écrasement et de compaction observés lors de la compression d’une mousse. En revanche, le processus décrit ici est irréversible. En traction, la rupture se fait par déchirement destrabécules.
LES MODELES RHEOLOGIQUES
Parmi les modèles rhéologiques de la littérature, euxd décrivent le comportement de l’os :
Le premier modèle décrit le comportement non-linéaire de l’os compact en traction (Fondrk et al, 1999) ;
Le second décrit le comportement des os en traction et en compression pour des chargements cycliques (Garcia et al, 2003).
Le premier modèle sera présenté dans cette partie.Le second ayant servi de base à la construction de la loi de comportement, il sera présenté plus en détail dans le chapitre suivant.
MODELE D’ENDOMMAGEMENT NON-LINEAIRE DE L’OS COMPACT EN TRACTION
DESCRIPTION DU MODELE
Le modèle proposé par Fondrk et al (1999) est une ssociation en parallèle d’un ressort et d’un modèle de Bingham-Körper. Le modèle de Bingham-Körper permet de décrire un comportement viscoélastoplastique grâce à l’associa tion en série d’un ressort et d’un ensemble parallèle d’un amortisseur linéaire et d’un élément de Saint Venant. Ce modèle est défini par deux variables d’état internes :
la déformation dans l’élément viscoplastique, vp ;
un paramètre opposé de l’endommagement,V1 telle que V1 1 D .
Remarque : ici, la déformation peut s’exprimer également par e vp
AVANTAGES ET LIMITES
Il s’agit d’un modèle d’endommagement viscoélastoplastique. Ce modèle a été validé dans le cas de la traction et de la flexion d’os cortical. Fondrk et al ont émis trois hypothèses pour utiliser leur modèle :
les effets de Poisson sont négligeables ;
les contraintes de cisaillement sont constantes le long de la ligne perpendiculaire au plan de chargement ;
le comportement en compression est linéaire élastique (i.e. l’accumulation d’endommagement n’affecte pas le comportement contr ainte-déformation en compression).
Toutefois, ce modèle nécessite de connaître l’évolution de trois de ces variables (la viscosité, le glissement et la déformation viscoplastique) pour les cas de chargement étudiés.
Nous pourrions utiliser ce modèle pour décrire le omportementc de l’os compact en traction et en flexion. Toutefois, outre les trois hypothèses simplificatrices, le principal inconvénient est que certaines variables (notamment η et σp) sont définies à l’aide d’essais expérimentaux spécifiques (cf. Fondrk et al, 1999b).
LES MODELES STRUCTURALS
L’essor de logiciels de reconstruction 3D à partir d’images médicales tels que Mimics (Materialise’s Interactive Medical Image Control System, Materialise) ou Alpha et QMT (Quads Marching Tetrahedra) (Bidal, 2003) permettent d’avoir des modèles du corps humain de plus en plus précis avec une géométrie de plusneplus fine.
D’autre part, la puissance croissante des stations de calcul permet de mailler ces géométries avec de plus en plus d’éléments : HUMOS comptait 50000 éléments (Robin, 2001) alors qu’un modèle de pelvis en compte actuellement 368 000 (Labe et al, 2006).
La réponse d’un modèle n’est donc plus seulement liée à la loi de comportement mais aussi à la conception du modèle (géométrie, maillage, interfaces…) comme nous allons le voir à travers deux exemples.
Dans ces deux modèles, les auteurs considèrent quela structure microscopique est à l’origine du comportement macroscopique.
LE MODELE MICRO-MACRO
DESCRIPTION DU MODELE
Arnoux et al (2002) présentent une approche micro-macro pour modéliser le comportement des os et des ligaments.
La méthode est basée sur la structure fibreuse desos et des ligaments. L’objectif est de montrer comment la modélisation par EF de modèles ibreux,f sous sollicitations dynamiques, permet de prendre en compte les mécanismes d’endommagement induits par les mécanismes de décohésion des fibres. Il ne s’agit donc pas d’établir une loi précise sur chaque liaison, mais au contraire de partir d’un critère de rupture sur les liaisons et d’étudier les processus d’endommagement à l’échelle de la structure.
MISE EN EQUATION
DEFINITION D’UN VOLUME ELEMENTAIRE
Le volume élémentaire choisi correspond aux dimensions d’une fibrille de collagène :
Le modèle fibreux est constitué longitudinalement d’un assemblage de 21 microfibrilles sur 30 couches successives.
LE MODELE DE BRIQUES
La méthode consiste à mailler la structure avec des éléments « briques » avec une période de recouvrement. Les microfibrilles sont supposées élastiques linéaires.
On considère qu’il y a cohésion entre les briques.La loi de cohésion (type Mohr-Coulomb) avec frottement permet de décrire les liaisons, l’endommagement découlant du mécanisme de décohésion et de frottement. En effet, les interactions entre les briques sont gérées par les conditions de contact unilatéral de type Signoriniet de frottement de Coulomb.
Le graphe de la loi de Mohr-Coulomb (cf. Figure 25) permet de décrire trois types de situations correspondant aux points A, B, C :
Tant que l’on est à l’intérieur du cône, il y a coh ésion entre les deux corps (ex : en A, le contact est dit parfait) ;
Sur la frontière du cône (en C par exemple), il y a décohésion mais les deux corps sont en frottement, sauf en B où il y a aussi perte de contact et frottement ;
Enfin à l’extérieur du cône, il n’y a ni cohésion, ni contact et frottement.
Pour une telle formulation, le contact unilatéral avec adhésion s’écrit alors : vN ³ 0, FN ³ -l, v NFN + l = 0 (III.66).
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Table des matières
ASPECTS BIBLIOGRAPHIQUES
Le matériau « os »
I ANATOMIE ET HISTOLOGIE
I.1 Classification
I.2 Structure
I.3 Composition
I.4 Remodelage osseux
II LES CONDITIONS EXPERIMENTALES
II.1 Le matériau testé
II.2 Les méthodes
II.3 Conclusion
III SUR LA MECANIQUE DE L’OS
III.1 Propriétés mécaniques
III.2 Endommagement
III.3 Viscosité de l’os
III.4 Conditions de sollicitation
III.5 Comportement mécanique de l’os compact
III.6 Comportement mécanique de l’os spongieux
III.7 Caractérisation mécanique de la rupture
IV CONCLUSION
Un peu de théorie : de la thermodynamique, de l’endommagement et de la rupture
I ENONCES FONDAMENTAUX DE LA THERMODYNAMIQUE
I.1 Cinématique – description du mouvement
I.2 Principe des puissances virtuelles
I.3 Lois de bilan
I.4 Les deux principes de thermodynamique
II ETUDE ET OUTILS DE MODELISATION D’UNE LOI DE COMPORTEMENT
II.1 Les différentes phases dans la vie d’une structure mécanique
II.2 Composants nécessaires et suffisants à la construction d’une loi de comportement
III RAPPEL DE MECANIQUE DE L’ENDOMMAGEMENT
III.1 Définitions de l’endommagement
III.2 Aspects qualitatifs
III.3 Aspects quantitatifs
III.4 Aspects mécaniques et thermodynamiques
IV QUELQUES NOTIONS DE FISSURATION
IV.1 Domaine d’application
IV.2 Conditions cinématique et sthéniques sur la fissure
V CONCLUSION
Présentation de différents modèles de comportement
I LES MODELES THERMODYNAMIQUES
I.1 Deux modèles d’endommagement pour matériaux fragiles
I.2 Un modèle de mécanique de l’endommagement continu pour fracture ductile
I.3 Un modèle d’endommagement à effet retard
II LES MODELES PHENOMENOLOGIQUES
II.1 Le modèle de Johnson-Cook
II.2 Le modèle de Zerilli-Armstrong
II.3 le modèle d’endommagement ductile
II.4 Conclusion sur les lois utilisées dans les modèles humains EF
II.5 Un modèle de mousse
II.6 Une approche probabiliste de la rupture fragile
III LES MODELES RHEOLOGIQUES
III.1 Modèle d’endommagement non-linéaire de l’os compact en traction
IV LES MODELES STRUCTURALS
IV.1 Le modèle micro-macro
IV.2 La modélisation géométrique de l’os spongieux
V CONCLUSION
Présentation du modèle d’endommagement de l’os en 1D
I INTRODUCTION : STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE LA LOI DE COMPORTEMENT
I.1 Pourquoi une nouvelle loi de comportement pour l’os ?
I.2 Qu’attend-on de cette loi de comportement ?
I.3 Conclusion : objectifs et atouts de cette loi pour l’os
II DESCRIPTION DU MODELE CHOISI
II.1 Description générale
II.2 Qu’est-ce que ce modèle permet de décrire ?
III MISE EN EQUATION DU MODELE
III.1 Définition des variables et paramètres
III.2 Potentiel thermodynamique
III.3 Potentiel de dissipation
IV ALGORITHME
IV.1 Etude de l’evolution des variables selon les modes de réponse
IV.2 Formulation de l’algorithme
V ETUDE DE SENSIBILITE : IDENTIFICATION DES PARAMETRES
V.1 Le module d’Young
V.2 Le seuil de contrainte endommageable
V.3 Le coefficient d’ecrouissage
V.4 L’endommagement initial
V.5 Conclusion
VI PERSPECTIVES D’EVOLUTION DU MODELE 1D
VI.1 Expressions des seuils de contrainte
VI.2 Fonction critère de non-endommagement
VI.3 Viscoélastoplasticité de l’os
VI.4 Conclusion
VII CONCLUSION
Extension de la loi au cas 3D pour son implémentation dans une plate-forme numérique de calcul dynamique explicite
I FORMULATION ELEMENTS FINIS
I.1 Principes de la méthode EF
I.2 Formulation variationnelle
I.3 Formulation EF
I.4 Conclusion : boucle de résolution numérique
II ADAPTATION DE LA LOI A UNE FORMULATION EF
II.1 Passage d’un modèle 1D à un modèle 3D
I.2 Modélisation de la fracture
II PASSAGE D’UN MODELE VOLUMIQUE A UN MODELE SURFACIQUE
II.1 Les éléments 2D
II.2 La théorie de Reissner-Mindlin
II.3 L’adaptation de la loi aux eléments 2D
III CONCLUSION
VERS UNE PERSONNALISATION DE LA LOI
I PROPOSITION DE CLASSIFICATION DES PARAMETRES
II LES PARAMETRES MESURABLES
II.1 La porosité
II.2 La minéralisation
II.3 Les densités
II.4 Le nombre scanner
III LES PARAMETRES OBSERVABLES
III.1 Influence de l’âge
III.2 Influence du sexe
III.3 Différences ethniques et raciales
IV LES PARAMETRES QUALITATIFS
IV.1 Influence de l’hygiène de vie
IV.2 Influence des maladies
V LES PERSPECTIVES DE CETTE ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
VI CONCLUSION
Essais de flexion de fémurs et de tibias
I OBJECTIFS ET METHODES
II PROTOCOLE EXPERIMENTAL
II.1 Préparation et biométrie des os
II.2 Dispositif expérimental
II.3 Minéralisation
II.4 Conclusion : déroulement d’un essai
III LES ESSAIS
III.1 Expérimentation
III.2 Quelques chiffres
III.3 Analyse des courbes
III.4 Analyse cinématique de la fracture
IV DISCUSSION
IV.1 Sur le protocole expérimental
IV.2 Sur les résultats
IV.3 Sur l’influence des paramètres biologiques
V CONCLUSION
Evaluation du modèle d’endommagement et simulations d’essais expérimentaux
I EVALUATION DE LA LOI SUR DES ELEMENTS 3D
I.1 Sollicitations simples sur une brique unique
I.2 Essai de flexion
I.3 Essai de traction
I.4 Flexion de fémur
II EVALUATION DE LA LOI SUR DES ELEMENTS 2D
II.1 Sollicitations simples sur une coque unique
II.2 Flexion de fémur
III INFLUENCE DE L’AGE SUR LA MODELISATION DE FLEXION DE FEMUR
III.1 Les données de Burstein et al
III.2 Les données de Zioupos
IV CONCLUSION ET PERSPECTIVES D’EVOLUTION DE LA LOI
CONCLUSION
PERSPECTIVES
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