Le « Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 » (SARS-CoV-2) agent causal de la Coronavirus Disease 2021 (COVID-19) peut être responsable d’une insuffisance respiratoire aigüe, dont 5% à 10% développent une forme sévère avec nécessité d’une prise en charge spécialisée en Unité de Soins Intensifs (USI) ou Médecine Intensive et Réanimation (MIR) (1).
La réponse inflammatoire au SARS-CoV-2 semble déclencher une activation thrombotique aussi bien veineuse qu’artérielle par un dysfonctionnement de la coagulation (2–4). Des rapports d’autopsies ont montré à la fois une micro angiopathie thrombotique, en particulier de la circulation pulmonaire, et des phénomènes macro vasculaires thromboemboliques, à savoir thromboses veineuses profondes (TVP) et embolies pulmonaires (EP). (5,6) L’incidence cumulée d’EP dans les Syndrome de Détresse Respiratoire Aigu (SDRA) lié au SARS-CoV-2 est de 11,7% contre 2,1% dans les SDRA non liés au SARS-CoV-2, soit 6 fois plus élevé (7). Il semble intéressant de noter que l’EP n’est pas nécessairement associée à une TVP, ce qui soulève l’hypothèse d’un mécanisme thrombotique plutôt que thromboembolique (8).
Les phénomènes inflammatoires complexes, connus sous le nom de « tempête cytokinique », induits par le SARS-CoV-2 peuvent, en parti, être responsables de ces atteintes, entrainant des lésions capillaires, thromboses voire dysfonctionnements d’organes (9). Au début de la pandémie (Mars 2020) plusieurs observations en France et en Italie rapportent une incidence élevée d’embolie pulmonaire. Dans ce contexte, et malgré l’absence de données probantes publiées, les groupes d’experts à savoir le groupe français d’études sur l’hémostase et la thrombose (GFHT) et le groupe d’intérêt en hémostase péri opératoire (GIHP), ont proposé d’augmenter les doses d’anticoagulation en fonction du risque thrombotique, stratifié sur le risque de complications thrombotiques selon 4 niveaux en fonction du secteur d’hospitalisation (ambulatoire, conventionnelle ou USI/MIR) et de l’Indice de Masse Corporelle (IMC) .
MATÉRIEL ET MÉTHODES
OBJECTIFS PRINCIPAL et SECONDAIRES
L’objectif principal de l’étude est d’évaluer la stratégie d’anticoagulation prophylactique standard ou renforcée sur la mortalité toutes causes confondues à 90 jours de l’admission en Réanimation. Les objectifs secondaires sont d’évaluer l’impact de la stratégie d’anticoagulation sur la durée de séjour en réanimation, l’incidence des Maladies Thromboemboliques Veineuses (MTEV) et leur délai de survenue, l’incidence des évènements hémorragiques.
CRITÈRES DE JUGEMENT PRINCIPAL ET SECONDAIRES
Le critère de jugement principal est la mortalité toutes causes confondues à 90 jours de l’admission en réanimation.
Les critères de jugement secondaires sont :
– La durée de séjour en réanimation
– L’incidence de survenue d’une MTEV
– Le taux brut d’embolie pulmonaire
– Le taux brut de thrombose veineuse profonde
– La fréquence d’évènements hémorragiques graves
• Hémorragie digestive
• Saignement intra crânien
• Hématome profond
– La fréquence des transfusions dues à un saignement .
POPULATION
Les critères d’inclusion sont :
– Patient âgé de plus de 18 ans
– Hospitalisé en MIR dans un des centres participants à l’étude entre le 1er Février 2020 et le 31 décembre 2021
– Avoir un diagnostic de COVID-19 confirmé par une PCR positive pour le SARSCoV-2 .
Les critères de non-inclusion sont :
– Refus de participation à l’étude
– Patient sous mesure de protection juridique (tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice)
– Femmes enceintes
– Patient recevant une anticoagulation curative au long cours (pour des anomalies de coagulation, une MTEV antérieure, des troubles du rythme cardiaque ou la présence d’une valve mécanique, ou recevant une anticoagulation curative COVID-19 en lien avec un diagnostic de MTEV précédent l’admission en réanimation.) .
CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES
S’agissant d’une étude non interventionnelle descriptive, le consentement écrit des patients n’est pas nécessaire, ils ont reçu une lettre d’information et ont eu la possibilité de s’opposer à la collecte des données.
DÉFINITIONS
L’anticoagulation préventive dite standard est définie par l’administration en sous cutané d’HBPM (LOVENOX) à la dose de 4000UI/24h .
En lien avec les recommandations des groupes d’experts GIHP et GFHT (11), les patients admis en réanimation à partir du mois d’Octobre 2020 ont reçu, en l’absence d’EP ou de TVP diagnostiquées, une anticoagulation préventive dite renforcée. Celle-ci est définie par l’administration sous cutanée d’HBPM à la dose de 6000 UI par 24h en cas d’IMC < 30 kg/m2 , ou de 4000 UI toutes les 12h en cas d’IMC > 30 kg/m2 . En cas d’insuffisance rénale aiguë ou chronique avec une clairance < 30mL/min/1,73m2 , ils recevaient une anticoagulation préventive renforcée par Héparine non fractionnée (HNF) avec un objectif d’AntiXa compris entre 0.2 et 0.3 UI/mL.
La thrombose veineuse profonde est définie par l’obstruction plus ou moins complète d’une veine profonde dans les extrémités supérieures (jugulaire interne, sous-clavière, axillaire) ou inférieures (iliaque, fémorale, poplitée, gastrocnémien, péronier, tibial postérieur) par un thrombus constitué in situ. Le diagnostic de TVP est confirmé par la réalisation d’une échographie doppler des axes vasculaires ou imagerie vasculaire avec produit de contraste, tomographie ou angiographie (20). L’embolie pulmonaire est définie par une obstruction plus ou moins complète d’une artère pulmonaire ou d’une branche de cette artère, pouvant être de novo ou secondaire à une migration d’un thrombus veineux profond. Le diagnostic d’EP est confirmé par une angioTDM (21). En cas d’embolie pulmonaire objectivée à l’angioscanner thoracique, ou de TVP confirmée par l’échographie doppler des membres inférieurs, les patients sont traités par anticoagulation curative, par HBPM à la dose de 100UI/kg si la clairance de la créatinine est supérieure à 30mL/min/1,73m2 ou par HNF en cas de clairance < 30mL/min/1,73m2 avec une cible d’AntiXa comprise entre 0.3 à 0.7UI/mL.
Les saignements majeurs significatifs cliniquement sont définis par un grade ≥ 3 selon l’échelle de Bleeding Academic Research Consortium (BARC) (22). Pour rappel, le grade 3 est défini par :
– Hémorragie manifeste associée à une chute de l’hémoglobine de 3 à 5 g/dL, nécessité de transfusion.
– Hémorragie avec chute de l’hémoglobine < 5g/dL, nécessitant un support par agents vasopresseurs, ou une intervention chirurgicale pour la maitriser, ou tamponnade cardiaque.
– Hémorragie intracrânienne confirmée par imagerie .
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Table des matières
1. LISTE DES ABREBIATIONS
2. INTRODUCTION
3. MATÉRIEL ET MÉTHODES
3.1 OBJECTIFS PRINCIPAL et SECONDAIRES
3.2 CRITÈRES DE JUGEMENT PRINCIPAL ET SECONDAIRES
3.3 POPULATION
3.4 SCHÉMA DE L’ÉTUDE
3.5 RECUEIL DES DONNÉES
3.6 CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES
3.7 DÉFINITIONS
3.8 ANALYSE STATISTIQUE
4. RÉSULTATS
4.1 DESCRIPTION DE LA POPULATION
4.2 DÉTAILS DES TRAITEMENTS ASSOCIÉS
4.3 MORTALIÉ À J90 (TABLEAU 2)
4.4 CRITÈRES DE JUGEMENT SECONDAIRE
4.4.1 Durée moyenne de séjour en réanimation (DMS)
4.4.2 Taux brut de TVP
4.4.3 Taux brut d’EP
4.4.4 Incidence des MTEV
4.4.5 Fréquence des évènements indésirables
5. DISCUSSION
6. CONCLUSION
7. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
8. ANNEXES