Evaluation de la biomasse
Techniques et méthodes d’évaluation de la biomasse
Le tarif de biomasse est l‟outil qui assure le lien entre la mesure individuelle de la biomasse et l‟estimation de la biomasse sur le terrain à partir de données d‟inventaire (Gibbs et al., 2007). Il n‟existe pas de méthode universelle pour quantifier un stock de biomasse forestière, mais on procède par estimation, la méthodologie utilisée dépendant de l‟échelle que l‟on considère : soit, la grande échelle d‟un peuplement ou bien, l‟échelle réduite d‟une région ou d‟un Etat (Gibbs et al., 2007) (Tableau I). En fonction de l‟échelle considérée, deux méthodes sont généralement utilisées : (i) la méthode destructive (mesure directe) ou (ii) la méthode non destructive (mesure indirecte) (FAO 2006).
Mesure destructive directe
La mesure directe de biomasse repose sur des mesures de terrain. Elle permet de travailler à une échelle comprise entre le paysage et la parcelle. Dans cette gamme d‟échelles, les estimations de la biomasse reposent sur des données d‟inventaire forestier (Picard, 2012 ; Hofstad et al., 2005 ; Zianis et al., 2005) : inventaire par échantillonnage d‟arbres si la surface est grande, ou inventaire exhaustif dans le cas contraire, en particulier dans les parcelles permanentes de quelques hectares. Que l‟inventaire soit exhaustif ou réalisé sur un échantillon, on procède à la coupe d‟un certain nombre d‟individus pour les peser. La teneur en eau des différentes parties de l‟arbre variant fortement, on divise l‟individu en compartiments homogènes pour estimer le plus correctement possible sa masse sèche. Classiquement, les compartiments retenus par les auteurs sont le tronc, les branches, les rameaux, les brindilles-et feuilles, et enfin les racines (Picard, 2012). Chaque compartiment est pesé puis échantillonné et leur teneur en eau mesurée en laboratoire. On reconstitue ensuite d‟abord la masse sèche totale de l‟individu en exploitant les résultats des pesées par compartiment, puis on procède à l‟estimation de la biomasse sèche du peuplement en extrapolant par le biais de l‟inventaire forestier les résultats obtenus sur les individus (Picard, 2012). Comme l‟indiquent Araujo et al., (1999b) et Nogueira et al., (2008), cette méthode de mesure de la biomasse présente l‟avantage d‟une grande précision. En revanche, elle nécessite la destruction d‟une partie du peuplement et est extrêmement lourde à mettre en œuvre (coupe, débitage des arbres, compartimentage et pesée, détermination de la teneur en eau des compartiments, extrapolation des résultats au peuplement…).
Mesure non destructive indirecte
La mesure indirecte de biomasse repose sur les méthodes de la télédétection (Picard, 2012). De l‟échelle nationale à l‟échelle du paysage, la télédétection peut permettre d‟estimer la biomasse (Gibbs et al., 2007). Les images sources sont de plus en plus variées au fur et à mesure que les technologies se développent : à l‟origine simples photographies aériennes, on est ensuite passé aux capteurs optiques satellitaires (Landsat, MODIS), puis aux images satellitaires à haute résolution (Ikonos, QuickBird), aux capteurs radar ou micro-ondes satellitaires (ERS, JERS, Envisat, PALSAR), et plus récemment aux capteurs laser (Lidar). L‟estimation de la biomasse par ces outils aériens n‟a de sens que si des mesures de terrain sont disponibles pour caler des relations qui prédisent la biomasse en fonction des observations faites par les capteurs (Bradley, 1988 ; Holmgren et al., 1994, Dong et al., 2003 ; Saatchi et al., 2007 ; St.-Onge et al., 2008 ; Gonzalez et al., 2010). Certains de ces auteurs cherchent également à calibrer la relation reliant la biomasse et les indices de végétation calculés à partir de l‟imagerie satellitaire (NDVI, NDFI, AVI, GVI, etc.). Cependant, la précision des mesures de biomasse par les méthodes de la télédétection reste limitée et fortement liée aux moyens de contrôle que l‟on peut mettre en place sur le terrain (moyens techniques, financiers, ressources humaines disponibles). La différentiation des types de forêts et de la structure des peuplements est encore une inconnue difficile à résoudre en fonction du risque de saturation des signaux utilisés pour certains types de végétation (Picard, 2012).
Relations entre la biomasse et la forme des arbres
Equations allométriques
L‟allométrie est l‟étude des relations entre la taille et la forme des organismes (King, 1996). Selon Poupon (1979), on peut établir des relations statistiques qui relient les paramètres morphométriques des arbres à leur biomasse aérienne ou totale : on les appelle équations allométriques. L‟élaboration des équations allométriques a débuté dans les années 1960. Des efforts pour les améliorer se sont poursuivis jusqu‟à nos jours. Cet effort constant depuis plus de 50 ans illustre clairement leur grand intérêt pour les chercheurs et forestiers travaillant en Afrique subsaharienne (Poupon, 1979). Selon Henry et al., (2011), l‟intérêt pour les équations allométriques n’a cessé d’augmenter au fil du temps : alors que seulement 4 articles étaient publiés à la fin des années 1960 (tous consacrés à la prédiction du volume), 50 articles l‟ont été au cours de la période 2000-2010. Dans les années 80, les articles et les équations dédiées à la biomasse ont représenté 41 et 43%, respectivement. Cette proportion a augmenté dans les années 2000-2010, 54% des articles et 53% des équations mises au point étant consacrés à l‟estimation de la biomasse (Henry et al., 2011). La synthèse de ces travaux a aussi montré que la finalité des équations différait d‟une zone écologique à une autre : dans les zones sèches embroussaillées, les équations étaient destinées à l‟estimation de la biomasse (79% des publications), alors que pour les forêts tropicales humides, la plupart concernaient l‟estimation du volume de bois (88% des publications) (Henry et al., 2011). Dans la zone tropicale sèche, les estimations de la biomasse sont cruciales pour évaluer la disponibilité en bioénergie, alors que dans les tropiques humides, il s‟agit plutôt de procéder à une estimation du volume de bois marchand et ainsi d‟évaluer la rentabilité des opérations forestières. En Afrique subsaharienne, vingt-neuf des cinquante-deux pays disposent d‟une ou plusieurs équations de volume ou de biomasse, ce qui représente 73% de la superficie totale de l’Afrique subsaharienne. Les équations de volume et de biomasse sont cependant réparties entre les pays de façon très inégale. La plupart des équations de volume (44%) ont été développées au Nigeria (n = 88), au Gabon (n = 84), en Côte d’Ivoire (n = 73) et au Mali (n = 42). Soixante-dix pourcents des équations de biomasse ont été développées en Éthiopie (n = 63), au Sénégal (n = 56), en Afrique du Sud (n = 38), au Mali (n = 38), au Botswana (n = 24) et au Congo (n = 22) (Henry et al., 2011). Parmi les 850 équations allométriques recensées pour l’Afrique subsaharienne, la moitié (52%) concerne l’Afrique de l’Ouest. Les pays ayant le plus grand nombre d’équations sont le Nigeria (13%), le Mali (9%), la Côte d’Ivoire (9%) et le Sénégal (9%). Dans les zones subtropicales ou les déserts tropicaux, des équations de la biomasse globale ont été développées pour les forêts tropicales sèches (n = 25), notamment au Cameroun, au Mali, au Sénégal et en Tanzanie (Henry et al., 2011). Nous avons recensé pour le Sénégal, les équations généralisées (ou globales) et monospécifiques de volume et de biomasse : (i) 7 équations monospécifiques de volume concernent les espèces Acacia senegal (1), Afzelia africana (1), Balanites aegyptiaca (1), Boscia senegalensis (1), Commiphora africana (1), Grewia bicolor (1), Rhizophora racemosa (2) ; (ii) 68 équations de biomasse portent sur les espèces Acacia senegal (11), Balanites aegyptiaca (3), Boscia senegalensis (3), Combretum geitonophyllum (7), Combretum glutinosum (7) Commiphora africana (4), Grewia bicolor (5), Guiera senegalensis (3), Piliostigma thonningii (6), Pterocarpus lucens (2), Terminalia macroptera (6), groupées (par famille) (5), généralisées (plusieurs espèces) (6).
Typologie des modèles allométriques
L’incertitude sur les estimations de biomasse est une question clé (Gibbs et al., 2007). Selon Chave et al., (2004), l’estimation de la biomasse stockée doit être associée à une incertitude, la propagation des incertitudes sur la biomasse aérienne ligneuse et les stocks de carbone la plus importante (40%) étant due au choix du modèle allométrique. C‟est pourquoi, lors de l’utilisation d’un modèle pour prédire la masse des arbres dans le cadre d’un inventaire, il faut que les variables relevées lors de l’inventaire soient mesurées de la même façon que celles utilisées pour collecter les données de calibration. Il est donc primordial de décrire précisément comment les variables sont définies lors de la publication d’un tel modèle. Il est également impératif que les données de calibration soient représentatives des arbres inventoriés auxquels le modèle est appliqué. Par exemple, si les arbres ont été abattus de manière aléatoire, la proportion d’arbres creux ou endommagés devra être réaliste et représentative du site ; si seuls des arbres sains sont abattus et pesés, l’application du modèle à un inventaire causera une surestimation de la biomasse (Nogueira et al., 2006). La synthèse faite à partir des études de biomasse réalisées en zone tropicale humide et sèche africaine montre que les modèles de régressions logarithmique, exponentielle, puissance et polynomiale sont les plus utilisés par les chercheurs . Néanmoins, le choix et la validation d‟un modèle sont évidemment orientés par plusieurs facteurs liés à l‟étude et à la nature du traitement des données (régressions simples ou multi-variées).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1. PROBLEMATIQUE ET JUSTIFICATION
2. OBJECTIFS ET HYPOTHESES
CHAPITRE 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
I. BIOMASSE ET SEQUESTRATION DE CARBONE
I.1 Evaluation de la biomasse
I. 2 STOCKAGE DU CARBONE DANS LA ZONE INTERTROPICALE
I.2.1 Définition et principales données disponibles
I.2.2. Cas particulier de la zone intertropicale sèche sahélienne
I.3 LA DENDROCHRONOLOGIE
I.3.1. Eléments de base sur la dendrochronologie et la croissance en diamètre des arbres
I.3.2. Spécificités de la dendrochronologie en zone tropicale sèche
I.3.3. Etat des lieux par rapport aux trois espèces cibles
I.4. PRESENTATION DES SITES ET ESPECES ETUDIEES
I.4.1. Présentation générale du Ferlo
I.4.1.1. Caractéristiques climatiques
I.4.1.2. Couverture végétale
I.4.1.3 Hydrographie et hydrologie
I.4.1.4. Caractérisation des sols
I.4.2. Sites et espèces étudiées
I.4.2.1. Présentation des espèces étudiées
I.4.2.1.1. Caractéristiques et écologie d’Acacia tortilis var raddiana
I.4.2.1.2. Caractéristiques et écologie d’Acacia senegal (L.) Willd
I.4.2.1.3. Caractéristiques et écologie de Balanites aegyptiaca (L.) Del
CHAPITRE 2 : EVALUATION DE LA BIOMASSE AERIENNE DE TROIS ESPECES SAHELIENNES : Acacia Tortilis (Forsk.) Hayn essp. raddiana (Savi) Brenan, Acacia senegal (L.) ET Balanites aegyptiaca (L.) Del DANS LE FERLO, NORD SENEGAL
RESUME
INTRODUCTION
II.1. METHODOLOGIE
II.1.1. Stratégie d’échantillonnage
II.1.2. Activités réalisées sur le terrain
II.1.3. Activités réalisées au laboratoire
II.2. RESULTATS
II.2.1. Dendrométrie
II.2.2. Ratio masse fraiche – masse sèche
II.2.3. Relation entre la biomasse sèche et les paramètres dendrométriques
II.2.4. Comparaison des résultats aux modèles de la littérature spécialisée
II.2.5. Estimation de la biomasse sèche des espèces
II.2.6. Calcule de la biomasse par l’utilisation de modèles génériques et mono-spécifiques
II.2.7. Modélisation statistique de la relation liant la biomasse sèche aux variables dendrométriques
II.2.8. Modèle multivarié entre la MST et la hauteur et le diamètre de la couronne
II.3. DISCUSSION
II.3.1. Modèle allomètrique de biomasse
II.3.2. Comparaison des résultats aux modèles de la littérature spécialisée
CONCLUSION
CHAPITRE 3 : ANALYSE DE LA STRUCTURE MORPHOLOGIQUE DES CERNES DE CROISSANCE ET DETERMINATION DES AGES DE TROIS ESPECES SAHELIENNES : Acacia tortilis (Forsk.) Hayne essp raddiana (Savi) Brenan, Acacia senegal (L.) ET Balanites aegyptiaca (L.) DEL
RESUME
INTRODUCTION
III.1. METHODOLOGIE
III.1.1. Matériel
III.1.2. Méthode
III.2. RESULTATS
III.2.1. Structure morphologique des cernes
III.2.2. Datation des cernes de croissance
III.2.3. Etude de la relation liant l’âge et la croissance du diamètre des arbres
III.3. DISCUSSION
III.3.1. Sur la présence de cernes annuels
III.3.2. Intra-datation de cernes et âge des arbres
CONCLUSION
CHAPITRE 4 ANALYSE DE LA CROISSANCE RADIALE ET DES RELATIONS CERNESCLIMAT CHEZ Acacia tortilis (Forsk.) Hayn essp. raddiana (Savi) Brenan DANS LE FERLO, NORD SENEGAL
RESUME
INTRODUCTION
IV.1. SITE D’ETUDE
IV.2. METHODOLOGIE
IV.2.1. Prélèvements et préparation des échantillons
IV.2.2. Mesure des largeurs de cernes et interdatation
IV.2.3. Calcul des relations cerne-climat
IV.3. RESULTATS
IV.3.1. Anatomie du bois et identification des cernes de croissance
IV.3.2. Interdatation des séries élémentaires et individuelles
IV.3.3 Relations largeur de cernes et variables climatiques
IV. 5. DISCUSSION
IV.5.1. Détection complexe des cernes d’Acacia raddiana
IV.5.2. Robustesse de l’interdatation
IV.5.3. Influence du climat sur la croissance radiale
CONCLUSION
DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION GENERALE