Stockage de carbone dans les sols : définitions, concepts mobilisés et conventions

Stockage de carbone dans les sols : définitions, concepts mobilisés et conventions

Le sol est un milieu où sont présents de nombreux êtres vivants, (animaux, plantes, micro-organismes). La matière qui constitue ces êtres vivants est principalement composée de carbone. Ce carbone provient directement ou indirectement de la photosynthèse, c’est-à-dire du prélèvement du carbone présent dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone et de son incorporation (séquestration) dans la matière vivante des végétaux, puis des animaux qui s’en nourrissent. Le carbone organique du sol comprend ainsi le carbone des êtres vivants qui s’y trouvent et de leurs résidus morts qui s’y décomposent. Si l’on considère le sol comme un réservoir de carbone organique, on va pouvoir appliquer à ce carbone tous les concepts liés à la notion de flux : stock de carbone, bilan des entrées et sorties de carbone du réservoir sol, qui détermine la dynamique de ce stock dans le temps, c’est-àdire un stockage ou un déstockage, un temps de résidence, un stock à l’équilibre, etc. Le sol étant un réservoir assez complexe, et le carbone organique qu’il contient présentant une infinité de formes, la compréhension des phénomènes de stockage de carbone dans le sol nécessite d’expliciter un ensemble de définitions et de mécanismes sous jacents, et de s’accorder sur un certain nombre de conventions.

Stockage de carbone lié à un changement de pratique : de quoi parle-t-on ? 

La prévision du stockage de carbone organique associé à une pratique présente plusieurs difficultés et des risques d’ambiguïtés liés à la comptabilisation du carbone du sol. Les biais possibles sont décrits et discutés de façon récurrente dans la littérature (par exemple Powlson et al., 2011), et prêtent cependant encore à polémique (par exemple White et al., 2018; Minasny et al., 2018). Certains biais relèvent de l’observation, d’autres du mode de projection de l’observation pour la prévision.

Concernant la comparaison des stocks de carbone observés
Une source triviale de confusion vient de la différence entre un stockage réel, du fait d’une augmentation de la quantité de carbone présente dans le sol, et un changement de stock dans une couche donnée (par exemple 0-30 cm) du fait de modifications de densité apparente (compaction ou décompaction) ou de déplacement vertical du carbone (Balesdent et al., 2000) . Ce biais a historiquement entaché l’estimation du potentiel de stockage lié à la réduction du travail du sol, ou aux changements d’utilisation des terres, par surestimation ou sousestimation (Powlson et al., 2014). Passer un rouleau compresseur sur le sol augmentera très significativement le stock de carbone des 30 premiers cm, mais ne stockera pas de carbone.

Par ailleurs, une partie des horizons organiques de surface est souvent exclue des bilans, alors qu’elle devrait être inclue. Les horizons OF des mulchs, OF ou OH des litières (Baize et Girard, 2009) ont couramment des âges de plusieurs dizaines d’années (Guillet et al., 2010) et peuvent représenter une part importante des stocks de carbone. Les horizons H des tourbes ou de prairies de zones humides, également, sont souvent mal pris en compte.

Concernant l’évaluation du stockage de carbone lié à une pratique 

Une première catégorie d’ambigüité est liée aux niveaux de référence retenus . Les stocks actuels de carbone ne sont pas à l’équilibre, et ne le seront pas dans le futur. Une conséquence est que le stockage dans le temps consécutif à l’adoption d’une pratique et le stockage additionnel* dû à cette pratique sont deux données différentes. Ainsi, pour une situation où le stock de carbone du sol est en diminution sous l’effet des pratiques passées et actuelles, il est possible que le stockage additionnel consécutif à l’adoption d’une nouvelle pratique ne parvienne pas à compenser complètement la diminution tendancielle du stock de carbone du sol : dans ce cas, le stockage additionnel est positif, mais le stockage dans le temps reste négatif. Le sol continue de déstocker du carbone, quoique à un rythme plus lent. Pour un objectif de modération du réchauffement climatique, le stockage additionnel associé à une pratique est la donnée la plus pertinente, même si le système ne stocke pas de carbone, car le réchauffement serait supérieur sans cette pratique.

Une seconde catégorie est liée à la représentation des cinétiques de stockage , notamment au risque d’extrapolation du stockage par une relation linéaire. Le stockage moyen annuel observé (∆Stock/∆t) n’est valide que pour le domaine de durée de l’observation et ne doit pas être appliqué à des durées plus longues, car le stockage maximal possible est limité . Le stockage additionnel dû à l’adoption d’une pratique dépend du milieu (notamment climat local, teneur en argile et caractéristiques du sol) et d’autres co-variables qu’il convient de prendre en compte dans les projections. On notera enfin, — c’est récurrent en science — (i) que les études ne montrant pas de différence significative sont plus difficilement publiées que celles qui en montrent une, (ii) qu’il existe des études non objectives n’exposant que des vérités partielles, ce qui complique la méta-analyse (Philibert et al., 2012).

Définitions et concepts mobilisés dans l’étude du stockage de carbone dans les sols

Termes relatifs aux quantités et états 

Carbone organique, matières organiques
Le carbone organique, par définition constituant de molécules où il est lié à l’hydrogène, provient en grande majorité de la matière vivante. Il est l’élément principal des matières organiques. On utilise donc souvent indifféremment les termes « carbone organique » et « matières organiques ». Les laboratoires d’analyse expriment arbitrairement la teneur en matières organiques d’un sol en multipliant sa teneur en carbone organique (NF/ISO10694) par le coefficient historique 1,724. Baize (2016) rappelle l’historique de ce coefficient. Alors que la mesure de la teneur en carbone organique est juste, celle des matières organiques est très approximative: les matières organiques des sols contiennent en moyenne 50% de carbone. C’est un chiffre variable : aux extrêmes, la cellulose en contient 45% et des lipides comme les cires végétales, 85%.

Rapport C/N des matières organiques
Si la matière organique est principalement constituée de carbone (C), elle comporte également d’autres éléments chimiques, dont l’azote (N). Le rapport entre les masses de C et de N contenues dans un type de matière organique est une caractéristique importante, qui détermine notamment sa dynamique dans le sol. Ce rapport dépend de la proportion de C et de N dans les molécules qui constituent les matières organiques. Il est très variable : de l’ordre de 100 pour de la paille de céréales, 15 à 30 pour un fumier de bovins, 8 à 10 pour les matières organiques décomposées par les microorganismes et stabilisées dans le sol.

Carbone inorganique
Le carbone inorganique est présent dans les sols essentiellement sous forme de carbonate de calcium (Calcite, CaCO3), constituant principal du calcaire, parfois de carbonate de magnésium et de calcium (Dolomite, CaMg(CO3)2). Naturellement, il est hérité le plus souvent des roches sédimentaires calcaires ou des coquilles des mollusques comme les escargots. Le carbonate de calcium n’est pas stable dans les sols en dessous de pH 8,3 et tend à se dissoudre et à se décomposer en ions Ca2+, HCO3- et en CO2. On l’utilise comme amendement dans le chaulage, pour augmenter le pH des sols ou apporter du calcium. Le chaulage, la dissolution ou la précipitation de carbonates peuvent affecter indirectement la dynamique des matières organiques. Ils peuvent localement stocker ou déstocker du carbone (Wohlfahrt et al., 2008), mais participent assez peu au bilan de CO2 global, car à cette échelle le bilan entre CaCO3 et CO2 est d’abord régulé par la libération d’ions calcium à partir de l’altération des roches silicatées (Monger et al., 2015).

Teneur en carbone du sol (ou concentration en carbone)
La teneur ou concentration en carbone du sol correspond à la proportion massique de l’élément carbone dans le sol sec. On l’exprime en g/kg dans le système international (g C/kg sol), mais parfois aussi en % (g C/100 g sol). Sauf indication contraire, la masse de référence du sol est la masse sèche à 105°C de la terre fine, excluant donc les débris végétaux et les éléments grossiers (graviers et cailloux) de taille supérieure à 2 mm.

Stock de carbone
Le stock de carbone est la quantité totale de carbone contenue dans une couche de sol donnée, par unité de surface. On l’exprime en kg/m2 (kg C/ m2) ou en t/ha (t C/ha). On le calcule généralement en multipliant la concentration massique par la masse de terre fine contenue dans la couche. Cette dernière est le produit de l’épaisseur de la couche, de la proportion massique de terre fine [terre fine / (terre fine + éléments grossiers)] et de la densité apparente du sol. De nombreux inventaires des stocks de C font référence à la couche 0-30 cm, ou 0- 100 cm (Hiederer et Köchy, 2011).

Densité apparente du sol (ou masse volumique sèche)
La densité apparente est la masse de sol sec à 105°C contenue dans un volume donné. Cette donnée est nécessaire pour convertir une teneur en carbone (g C/kg sol) en stock (kg C/ m2 ou t C/ha). On l’exprime en g/cm3 , t/m3 ou Mg/m3 , qui sont synonymes.

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Table des matières

1. Introduction
1.1. Contexte et motivations de l’étude
1.2. Objectifs et modalités de mise en œuvre de l’étude
1.3. Plan du rapport
2. Eléments de méthodologie de l’étude
2.1. Principes et méthodes de travail pour les projets conduits par la DEPE de l’Inra
2.2. Caractérisation du collectif d’experts : champs disciplinaires couverts, collaboration scientifiques
2.3. Caractérisation des liens d’intérêt dans le collectif d’experts
3. Analyse bibliographique
3.1. Stockage de carbone dans les sols : définitions, concepts mobilisés et conventions
3.2. Les mécanismes à l’origine du stockage/déstockage de carbone dans les sols
3.3. Les modèles d’évolution des stocks de carbone dans les sols
3.4. Effet de la teneur en C des sols sur le fonctionnement des agroécosystèmes
3.5. Stocks de carbone des sols métropolitains et effet des changements d’occupation des sols sur l’évolution xxxxx de ces stocks
3.6. Etat des connaissances sur des pratiques réputées « stockantes » en forêt
3.7. Etat des connaissances sur les pratiques réputées « stockantes » en prairies permanentes
3.8. Etat des connaissances sur des pratiques réputées stockantes en grande culture et cultures pérennes
3.9. L’agroforesterie, les haies, les bords de champs
3.10. Synthèse sur les relations entre pratiques « stockantes » et processus / facteurs affectés
3.11. Combinaisons de pratiques stockantes à l’échelle du système de culture, de l’exploitation et du territoire
3.12. Méthodes d’évaluation des coûts de mise en œuvre de pratiques stockantes
3.13. Les outils incitatifs, les politiques existantes, les leviers et les freins à l’adoption de pratiques stockantes
3.14. Synthèse et conclusion de l’analyse bibliographique
Focus 3-1. La génétique, un levier d’action pour l’amélioration du stockage de carbone
Focus 3-2. Stocks et stockage de carbone : le cas des sols des Antilles
Annexes
4. Estimations du potentiel technico-économique de stockage additionnel de carbone dans les sols français
4.1. Approche globale mise en œuvre pour l’analyse conjointe du potentiel de stockage additionnel et du coût
4.2. Pratiques stockantes retenues
4.3. Simulations réalisées pour l’estimation du stockage additionnel
4.4. Résultats relatifs au potentiel de stockage additionnel
4.5. Calculs réalisés pour l’estimation du coût de mise en œuvre des pratiques et résultats
4.6. Allocation coût-efficace de l’effort de stockage
5. Synthèse et discussion
Conclusion
Principaux enseignements de l’étude
Conséquences en termes de politiques publiques
Originalité de l’étude, suites à donner et besoins de recherche
Annexes

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