Le roman historique
Le roman historique dépend de son auteur et de ce qu’il souhaite atteindre comme objectifs. Le roman historique dépend du contexte social et reproduit artistiquement les changements d’une époque. Walter Scott, par exemple, est considéré par Lukács comme la référence de ce genre littéraire : Scott aurait compris que l’individu et son destin sont déterminés par le contexte politique et social. L’auteur de roman historique a pour volonté de créer un roman réaliste afin de témoigner d’une époque précise. La Comédie humaine de Balzac est un autre exemple du genre au début du XIXème siècle. C’est un des points que tout lecteur doit avoir en tête en lisant ce type d’œuvre historique. L’auteur a la volonté d’agir sur le monde : Quelles sont alors ses intentions ? L’action est souvent politique ou sociale. Mais que souhaite l’auteur ? Faire un constat ? Dénoncer une situation ? Raconter des souvenirs ? Esquisser la peinture d’une époque ou d’un personnage ? Autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre. Mais, dans un premier temps, il s’agit de s’intéresser à la forme du roman historique, avant d’en étudier le fond. Le roman historique pose deux contraintes, valables également pour le genre biographique. D’une part, le traitement artistique : réalisation poétique, création d’une œuvre d’art. D’autre part, le traitement politique qui induit la notion d’engagement. L’auteur aborde des sujets politiques et sociaux ; il tend à agir sur les consciences, à communiquer avec le monde et ainsi à témoigner. Il est cependant vrai que l’engagement politique n’est pas présent à chaque fois : il peut y avoir une volonté apolitique, l’intérêt pour l’Histoire. Ce versant apolitique, comme nous le verrons par la suite, est par exemple une donnée qui caractérisera les biographies de Zweig. Toujours est-il que la notion de témoignage est vaste et peut englober différents supports artistiques, littéraires ou non. La question de l’esthétique se pose : sous quelle forme l’artiste veut-il témoigner ? Sous quelle forme veut-il apporter sa contribution dans la transmission d’un savoir, dans l’analyse d’événements qui peuvent éclairer le présent, ou dans la dénonciation d’un régime particulier ? Les frontières entre chaque domaine sont minces et seule la volonté de l’auteur permet de tendre vers une des caractéristiques ou l’autre. Dénoncer, convaincre, agir. Autant de termes auxquels Zweig a été confronté : son attitude plutôt passive,sa volonté de prôner le pacifisme, son absence d’implication directe, et même son apolitisme. Cependant, ses intentions, et celles d’autres auteurs de romans historiques, ont aussi des objectifs éthiques : viser l’égalité des cultures, créer une identité littéraire, souligner un patrimoine commun, s’adresser à toutes les cultures par la littérature et le roman afin de s’ouvrir sur le monde. Cette dimension vaut aussi pour un grand nombre d’auteurs de romans historiques. Les biographies de Zweig deviennent des modes de communication littéraire : il superpose deux couches, une vision diachronique et une vision synchronique de son sujet. Diachronique car Zweig fait le récit de la vie d’un personnage dans un cadre temporel donné, racontant sa vie et son évolution. C’est donc un récit jalonné par un cadre clairement défini. Synchronique car Zweig, en faisant preuve d’empathie dans sa volonté de comprendre l’âme humaine, analyse le personnage avec les moyens de son époque, les outils dont il dispose, sans chercher à écrire l’Histoire, mais à exposer l’histoire d’un être humain. L’histoire de cet être, de son caractère, de sa nature, de son destin. Ce ne sont pas les limites temporelles qui construisent le récit, mais les mouvements de l’âme. L’âme du personnage éponyme, sa psychologie, ses changements sont les jalons des récits biographiques de Zweig. Ces mouvements de l’âme concordent certes avec les étapes de la vie du personnage et avec son évolution psychique et psychologique, mais c’est cette dimension humaine que Zweig souhaite mettre en exergue. Les imperfections, les erreurs, les prises de conscience, la force de caractère, autant de points sur lesquels Zweig s’appuie. En saisissant les moindres ‘‘mouvements de l’âme’’, Zweig permet au lecteur de vivre l’histoire comme s’il était au plus proche. Au XIXème siècle, l’Histoire était considérée comme la science du siècle, ce qui a engendré un conflit qui subsiste encore dans les années 1920 : le conflit entre histoire et fiction. La relation entre ‘‘histoire – littérature – vérité’’ est donc constamment soumise à des analyses et des critiques, le principal problème étant celui de la légitimité. L’écrivain n’étant pas historien, les critiques vis-à-vis des biographies d’Emil Ludwig ou de Stefan Zweig ont accompagné l’émergence du « phénomène biographique » des années 1920. Il est pourtant évident que Histoire, Histoire dans la vie des individus et histoire individuelle sont trois concepts qu’on ne peut isoler totalement les uns des autres. Ainsi, histoire politique et histoire sociale sont inévitablement liées. Au XIXème, l’Europe change, la révolution de 1848, l’unité italienne en 1870 et l’unité allemande en 1871 donnent une nouvelle configuration au continent. Unité des pays, naissance de nouveaux états balkaniques, le peuple a un nouveau rôle à jouer. Zweig, quant à lui, est autrichien. Le compromis austro-hongrois de 1867 laisse émerger différentes parties au sein de l’Empire, tout en le fragilisant : la Cisleithanie et la Transleithanie vont engendrer la question des nationalités. L’Autriche-Hongrie, au début du XXème siècle, n’est plus une puissance allemande, même si la dynastie et les cadres de l’Etat sont largement germanisés. En 1910, la situation de l’Autriche-Hongrie est complexe. Plusieurs problèmes émergent : la question des nations non-historiques et qui ne possèdent aucun droit d’Etat, les relations entre la Cisleithanie et l’Etat hongrois, le droit d’Etat en Bohême, les relations avec les Slaves du sud. Le compromis de 1867 ne satisfait par les différentes nationalités, sauf une partie de l’élite allemande et de la classe politique hongroise. Les autres groupes nationaux veulent des réformes, menant à un état fédéral. La double monarchie, cet état pluriethnique – Vielvölkerstaat -, devient une prison pour ces peuples et laisse place à la question des nationalités. C’est une Europe en pleine mutation dans laquelle naît et grandit Zweig. Zweig et d’autres écrivains, notamment Musil avec L’Homme sans qualité66 et le royaume de Cacanie, se montrent nostalgiques de l’Empire austro-hongrois d’avant-guerre, chacun à leur manière. Musil dresse une image ironique, décrit avec un attachement satirique cet empire qui n’est plus. Zweig, lui, éprouve regret et nostalgie. Le mythe austro-hongrois joue un rôle dans son œuvre. Dans ses biographies également : n’oublions pas que Marie-Antoinette est d’abord une princesse autrichienne de la famille des Habsbourg. « Le roman historique participe pleinement de la redécouverte du passé national et de l’évolution politique aboutissant à l’unité allemande en 1871. En retrouvant le lien avec le passé national, il permet de saisir une évolution, de se placer en perspective, d’acquérir le sens de la relativité, ainsi que des certitudes et de trouver une justification des valeurs défendues. Le roman historique est devenu pour une large part une sorte d’adjuvant à la réactivation du mythe prussien en prenant pour sujet les règnes des souverains les plus marquants.67 » Au-delà du mythe prussien, les biographies de souverains sont nombreuses chez nos deux auteurs : Fouché, Marie-Antoinette, Marie Stuart, ou encore Bismarck, Napoléon d’Emile Ludwig. Le fait d’écrire sur l’Histoire devient un moyen de comprendre l’histoire nationale à l’époque où les nations se construisent. Il ne s’agit pas de reconstruire l’image d’un passé, mais d’élargir le champ de vision du lecteur. L’Histoire permet aux hommes de comprendre leur propre existence, que ce soit par l’analyse d’une période historique donnée, ou bien par l’analyse de la vie d’un personnage exemplaire, un grand homme. Dans la terminologie de Zweig, un ‘‘grand homme’’ n’est pas forcément un héros ayant conquis des pays, mené une guerre ou s’étant distingué en brillant sur le plan politique. Non, dans la majorité de ses œuvres biographiques, c’est bien davantage un être qui a brillé par son humanisme ou par sa volonté de combattre des idéaux humains et universels ; un homme qui se révèle par la force de son âme, par sa vaillance et son courage dans l’adversité ; un homme qui se distingue et devient alors exemplaire car il agit selon des valeurs et montre qu’il est possible de faire face aux événements en restant fidèle à soi-même. C’est ce que Zweig met en exergue : destinée, accomplissement de soi, humanisme. La valeur historique de ses portraits de grandes figures de l’Histoire ne s’en trouve pas faussée. La valeur d’une analyse historique dépend de la conception que l’auteur a de l’Histoire ; Zweig est fidèle à la vérité, mais procède à une analyse humaine de ses personnages et par cette méthode, il introduit un type de biographies qui diffèrent des autres biographies, la « biographie psychologique ». C’est un premier point qui permet d’expliquer la relation entre Histoire et vérité. Concernant la relation entre Histoire et littérature, l’Histoire et la fiction ne sont pas forcément en conflit. La dichotomie souvent soulevée n’est pas si marquée. Histoire : la racine du mot, « hist » (du grec « istorie ») désigne une enquête mais aussi les résultats d’une recherche. « Fiction » (du latin « fictio ») désigne l’action de feindre. De prime abord, les deux termes diffèrent : vérité versus invention. C’est le rapport entre réalité et subjectivité qui est ici visé, et ainsi le rapport complexe entre l’Histoire – en tant que récit « vrai » -, et la fiction. Si l’on parle régulièrement de « roman » historique ou de biographie « romancée », c’est parce que la fiction y joue un rôle. Ces deux genres littéraires désignent des types de récits différents, mais se rejoignent sur une même problématique. La question est : « Comment lier l’histoire du roman, le réel à la fiction ?68 ». Le romancier de l’histoire comme le biographe veulent reconstituer une époque, mais il s’agit d’un aperçu subjectif, en ce sens que le récit a un début et une fin, alors que le cours de l’Histoire est sans cesse en mouvement. De plus, la contrainte d’analyser une partie de l’Histoire et non l’Histoire dans sa totalité est toujours soumise à l’auteur et à ses choix. Cependant, Stefan Zweig ne semble pas introduire d’élément de fiction, même s’il n’effectue pas un travail d’historien. Les problèmes d’attestation et de crédibilité sont écartés dès lors que le récit se fonde sur des faits attestés, que l’auteur procède à une enquête méthodique et n’introduit aucun élément factuel imaginaire, comme c’est le cas pour Zweig. L’apport personnel de Zweig, s’appuyant toutefois sur des données concrètes, est d’ordre analytique.
La « biographie moderne »
Il est possible de parler de « mode biographique » en Europe après la première Guerre Mondiale, notamment durant les années 1920. En France, de nombreux éditeurs91 ont consacré des collections entières à la biographie littéraire et au roman historique dans les années 1920- 1930 ; en Allemagne, ces deux genres rencontrent la faveur du public. Stefan Zweig, mais aussi Lion Feuchtwanger, Heinrich Mann, Ludwig Marcuse : un nouveau type de biographie acquiert ses lettres de noblesse. Ce concept marque une nouvelle phase pour la biographie. Maurois la définit comme « moderne ». Il convient tout d’abord d’expliquer en quoi elle est moderne. Cela a trait tout d’abord aux nouveaux moyens de communication : télégraphe, transports, le rapport à l’espace et au temps s’en trouve modifié. Ajoutons à cela les théories freudiennes et l’introduction du monde de l’inconscient. Au lendemain de la guerre, l’homme commence à s’interroger sur le sens de son existence et sur la notion de destin. Destruction du monde d’hier, nouvelle vision de l’histoire, la chute des structures monarchiques en Autriche et en Allemagne, la consolidation du capitalisme industriel… L’impulsion biographique correspond à un besoin égoïste, voire existentiel ou vital : l’écrivain a besoin de se resituer dans un monde qu’il voit bouleversé. A travers la représentation de ses héros de l’Histoire, l’écrivain exprime son désir d’appartenir à l’élite du monde contemporain, à trouver sa place dans cette société nouvelle. Au XXème siècle, l’écrivain observe l’individu et sa complexité ; l’être humain est trop important pour être traité au passé, en témoigne l’utilisation du présent de narration dans les biographies de Zweig. Zweig s’intéresse non seulement à certains personnages, mais aussi à l’Histoire en général, par exemple dans ses essais92 tels que « L’Histoire cette poétesse » ou « L’Histoire de demain ». Il reproche à Schiller ou à Walter Scott de transformer l’Histoire en anecdotes ; les écrivains du XXème siècle, eux, seraient plus scrupuleux par rapport à la vérité historique. Blöcker définit la biographie comme « Schwester des Tatsachenberichts93 », que nous pourrions traduire comme « la sœur du reportage ». Très documentées, mettant en avant l’objectivité, les biographies répondent aussi à une demande, à des exigences d’un nouveau public qui, d’une part espère mieux comprendre le présent en connaissant le passé, et d’autre part aspire à une certaine ascension sociale par le processus de la culture. Le sentiment d’insécurité et les angoisses de la grande bourgeoisie, la nouvelle organisation de la société, le traumatisme de la grande guerre, l’émergence des états-nations engendrent une société qui contemple le passé avec nostalgie. Comme si la biographie constituait une sorte de refuge : la connaissance, la culture, cette notion de « Bildung » comme signes d’harmonie entre l’individu et la société, d’où le large succès des biographies de cette époque. De plus, elles offrent, en termes de refuge, une fuite dans le passé à travers les choix d’époque héroïque. Si MarieAntoinette n’est certes pas un personnage héroïque dans ce qu’elle a pu accomplir ou au regard de sa vie, elle devient, par son destin et par la réalisation de soi dans l’adversité, un personnage exceptionnel. C’est la conception que Zweig donne des ‘‘vaincus’’. Se pose à nouveau la question de vérité historique quant à ces biographies. Interpréter l’âme, étudier la psychologie, n’est-ce pas s’éloigner de l’Histoire en tant que telle ? Lukács condamne en effet la biographie moderne comme étant un confus mélange de roman et d’histoire, une sorte de pastiche qui n’est ni l’un, ni l’autre. Pourtant, en écrivant justement une biographie, donc un récit centré sur un personnage, l’auteur ne cherche pas à parler de l’Histoire en tant que telle, ni à décrire un milieu ou une situation politique. C’est une destinée, une figure centrale qui est décrite, dépeinte et analysée ; la biographie ne se réduit pas à une valeur scientifique, elle revendique cette étude de l’âme qui est si caractéristique des œuvres de Zweig. C’est le terme de « Seelengeschichte » qui est récurrent dans les essais et analyses sur la biographie moderne, par exemple chez Joachim Müller94. Au-delà de l’analyse de l’âme, c’est son histoire qui revêt une importance particulière. A partir de ce point, le débat sur l’authenticité historique des biographies semble quelque peu inutile. Stefan Zweig ne se revendique pas historien mais il insiste toutefois sur la véracité de ce qu’il avance et explique dans ses préfaces sa manière de procéder. Les seuls éléments introduits à titre personnel concernent la psychologie de ses personnages. L’investigation psychologique semble être pour lui la clé de la compréhension de l’être humain. L’Histoire n’est pas univoque. Il faut étudier non seulement les faits, mais aussi la manière dont ils sont vécus, subis ou affrontés. Zweig informe le lecteur sur sa méthodologie, et légitime son travail auprès de ce dernier. D’autres chercheurs, tel que Helmut Scheuer, vont plus loin en soulignant le caractère double de l’Histoire : il explique que l’Histoire est poésie ; ce n’est en aucun cas une science exacte, il y a en elle une part ambigüe, une part de mystère95. Il souligne ainsi la coexistence de la poésie et de la science dans la définition de l’Histoire. Si Zweig n’aborde pas ouvertement le côté scientifique, il n’en demeure pas moins que ses recherches sur le matériau historique sont une condition sine qua non à ses entreprises littéraires. Dans une lettre, Zweig souligne qu’il doit tout connaître avant de pouvoir commencer à écrire96. Quant à la valeur poétique de l’Histoire, elle est indéniable pour Zweig. Dans son essai L’Histoire, cette poétesse, il insiste sur le rôle poétique de l’Histoire : « Ayons […] plus de respect pour elle, cette poétesse !97 ». Car pour lui, la seule manière de transmettre les événements est de les transcrire sous forme poétique : « Il n’y a par conséquent qu’une seule façon de conserver des événements, c’est d’en faire de l’histoire poétique.98 » Cette opinion est corroborée par Emil Ludwig dans son article Historie und Dichtung, qui est d’avis que pour écrire l’Histoire, il faut s’attacher aux documents de trois manières successives99 : « sichten » (examiner), « sondern » (explorer), « deuten » (interpréter).
Caractéristiques de la biographie ‘moderne’
Il existe une différence entre les biographies de Marie-Antoinette et Marie Stuart d’une part, et celles d’Erasme et de Castellion d’autre part. Les deux premières sont des biographies littéraires, respectueuses de la vérité et soucieuses de dévoiler l’âme humaine au lecteur. Des biographies dramatiques et psychologiques, comparables au déroulement d’un roman ou d’une tragédie grecque. Les deux autres entrent dans une catégorie différente, dont les contours sont moins stricts : confession partielle, pamphlet, apologie, dénonciation… Le caractère de ces deux œuvres dépasse le cadre de la biographie, c’est pourquoi elles seront mises en parallèle au long de ce travail de recherche. Marie-Antoinette et Marie Stuart, indéniablement, appartiennent à la biographie moderne, telle que la définit Romein : « Parmi les caractéristiques les plus importantes de la biographie moderne, nous en distinguons trois : 1. Le détachement du biographe, 2. sa capacité psychologique à faire preuve d’empathie, 3. la structure complexe de l’image morale.127 » A nouveau, impartialité, véracité, analyse psychologique et complexité de l’âme sont les thèmes centraux, les points-clés sur lesquels s’accordent les chercheurs pour définir la biographie moderne. Entre leur analyse et les biographies littéraires de Zweig, la concordance est entière. Histoire et psychologie apparaissent ainsi comme les racines de la biographie, n’étant plus des éléments opposés mais complémentaires. Le lien entre ces deux piliers laisse émerger chez Zweig la notion de « Schicksal » : l’Histoire comme force supérieure, qui influe sur le devenir, le caractère et la vie d’un être humain. Et n’est-ce pas justement ce qui fait toute la particularité des biographies littéraires de Zweig ? Ce qui les rend si uniques, si touchantes, si émouvantes ? Ce qui fait que le lecteur sera impatient de « découvrir » la suite de l’histoire, sachant pourtant au préalable le sort funeste des deux reines ? Ce qui fait que le lecteur tremble et espère pour le héros, malgré la connaissance qu’il a de l’issue ? « Ah, la vie d’un individu est si peu. Le destin d’un homme, ah, c’est tellement de choses.128 » Cette citation du dramaturge autrichien Grillparzer illustre parfaitement ce que Zweig met en scène dans ses œuvres. Comme une mélodie, comme un thème qui conduirait la musique, cette devise est pertinente et accompagne parfaitement les biographies littéraires de Zweig. Ce n’est pas l’individu en tant que tel qui est intéressant, c’est son destin qui prime. Quelle que soit la finalité de l’Histoire, ce qui importe c’est la manière dont elle agit sur l’homme. Comprendre le héros, comprendre la complexité de l’être, mais aussi mieux comprendre l’âme humaine en général afin d’éclairer le présent et pourquoi pas le futur : « […] la biographie est non seulement importante pour la compréhension du passé, mais aussi pour la constitution de l’avenir.129 » Concernant cet aspect, Erasme et Castellion jouent également un rôle. Il est alors possible de défendre la biographie comme moyen d’expliquer le passé et de mieux comprendre l’époque dans laquelle nous vivons. Elle joue donc en partie un rôle didactique.
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Table des matières
Introduction
I] La « mode biographique » au XXème siècle
A] Traditions et évolutions
1. Biographie et roman historique
a) Le roman historique
b) L’œuvre et l’auteur
c) Rapport entre réalité et interprétation
2. La « biographie moderne »
3. Le traitement artistique de l’Histoire peut-il être considéré comme illégitime ?
B] Ecrire une biographie
1. Les intentions de l’auteur
a) Caractéristiques de la biographie ‘moderne’
b) Historie und Dichtung
2. Méthodes et techniques
C] Zweig et ses personnages
1. Le concept de « nature »
2. Pourquoi cet intérêt pour les ‘‘vaincus’’ ?
3. Zweig est-il un « chasseur d’âme » ?
D] Quelle vision du monde ?
1. Zweig et son idée de la politique
2. Zweig et l’Histoire
a) Qui sont les « grands hommes » ?
b) Histoire et individus
c) Quelle part est accordée au « démon » ?
E] Comment lier art et réalité ?
F] Pourquoi un tel succès ?
1. Eléments de compréhension
2. S’adresser au lecteur
3. Le succès… Mais lequel ?
4. Zweig, un héritage pour la « biographie » du XXIème siècle ?
II] L’Histoire, une tragédie ?
A] Le mythe de Marie-Antoinette
1. Construction de l’œuvre
a) Marie-Antoinette, d’abord une biographie
b) Une héroïne dramatique ?
c) Comment Zweig unit-il Art et Histoire ?
d) Une volonté de susciter l’émotion ?
2. L’Histoire, un drame ?
a) Grandeur et décadence
b) La force de la destinée
3. Quel type de portrait ?
a) Une œuvre littéraire, une œuvre d’art
b) Un portrait sincère
4. Un destin au service de l’écriture
a) Psychologie
b) Un portrait minutieux
c) Le destin, une force qui n’exclut pas la rigueur et l’authenticité
d) Extraire l’essence du personnage : sonder l’âme pour la révéler au lecteur
5. Marie Antoinette, une « nature »
B] Marie-Antoinette, une enquête
1. L’affaire Marie-Antoinette
a) Quelle démarche adopte Zweig ?
a-1. Centrer le récit sur le personnage éponyme
a-2. Comment présenter Marie-Antoinette ?
a-3. Une reine faible ou insouciante ?
a-4. S’agit-il d’un procès ou de l’étude d’un cas ?
b) Marie-Antoinette, des identités multiples ?
b-1. Une femme moyenne, une femme médiocre ?
b-2. Une femme dépensière
b-3. Une femme volage ?
2. Deux enquêtes : l’Affaire du collier et le procès
a) « Le Collier de la reine »
b) La reine jugée, mais comment ?
b-1. Marie-Antoinette, une héroïne de roman ?
b-2. Marie-Antoinette porte-t-elle le drame en elle ?
b-3. Le choix des sources : Waresquiel et Zweig et leur mode d’opératoire
C] Comment transmettre ? Et surtout pourquoi ?
1. Le travail de l’historien
a) Un travail de détective
b) Le personnage de biographie : quel statut ?
2. Des frontières difficiles à situer
3. Volonté de décrire deux mondes
a) Un monde sous le sceau de l’humanisme
b) « Héroïne de fin de monde »
4. Une biographie artistique : Quels objectifs ? Quel impact sur le lecteur ?
III] Renverser le culte des héros
A] Genèse des œuvres
1. Des hommes oubliés, et pourtant
a) Erasme
b) Castellion et l’affaire Servet
c) Après les biographies, les essais
2. Quelle évolution ?
3. Construction similaire
4. Portraits
a) Tableaux de l’humaniste Erasme
a-1. Un tableau spirituel
a-2. Erasme, un physique au service de l’esprit
b) Les extrêmes se rencontrent
b-1. Erasme / Luther
b-2. Castellion / Calvin
B] La liberté de conscience
1. La « conscience érasmienne »
2. Identification
3. Objectifs personnels, littéraires et politiques
a) Eluder les problèmes de son temps
b) Le pouvoir des mots
c) L’utilité d’une lutte de l’écrivain contre l’injustice
C] Réception de l’œuvre, l’Histoire travestie ?
1. La Réforme, le Troisième Reich, même combat
a) Le fanatisme
b) Un exemple d’humanisme
c) Eloge de la neutralité
2. Apologie des vaincus : une lutte pour la défaite ?
3. Dénonciation et désaveu
a) Castellion, l’Histoire transformée
b) Un moyen d’auto-défense
4. Eloge de la fuite
a) Un refuge ?
b) Comment se préserver ?
5. L’évolution des années 1920-1930
6. Des biographies de vies aux « biographies » de lieux
IV] Des portraits… à l’autoportrait ?
A] Le Monde d’hier, un récit autobiographique ?
1. Un contrat autobiographique
a) Volonté de l’auteur
b) Le projet autobiographique
2. Un « moi » en retrait
a) Volonté d’être impartial et sincère
b) Mémoire et souvenirs personnels
c) Une autobiographie dans laquelle le narrateur se ‘‘cache’’
3. Une quête d’identité dans l’exil ?
a) L’exil
b) Une quête d’identité ?
c) Le Brésil, « Terre d’avenir » ?
4. Le Monde d’hier, un bilan de sa vie ?
a) Une autobiographie construite
b) Pourquoi garder ses distances ?
c) La littérature, un moyen de s’aider soi-même ?
B] Un récit rétrospectif
1. L’âge d’or de la sécurité
a) Vienne, berceau de son enfance
b) Le »Kaffeehaus »
c) Une culture apolitique
2. Un tournant historique
a) Une peinture de la société à la veille du premier conflit mondial
b) Contraintes et objectifs littéraires
c) Le début de la guerre… vu par Zweig
3. Une nouvelle ère commence, une nouvelle société émerge
a) La fin d’un empire, un moment historique
b) Un maintien obtenu, mais à quel prix ?
c) Quelle image de l’Histoire ?
C] Le Monde d’hier : « chronique d’une dévastation»
1. La montée du fascisme minimisée
2. L’hésitation autour d’Adolf Hitler
3. « Incipit Hitler» : Une lucidité subite qui frappe le lecteur
a) Les raisons de la cécité
b) Le national-socialisme s’impose : Zweig est incrédule
c) Un tournant : le non-respect de sa vie
4. Un testament spirituel dans un monde en ruines
D] La réception du Monde d’hier
1. « Un grand roman autrichien » : La Marche de Radetzky
a) L’effondrement de l’Empire
b) Similitudes et divergences
c) Nostalgie
d) La montée du nationalisme
2. Une position ambigüe, une querelle rendue publique
a) L’engagement politique
b) Die Sammlung : Klaus Mann et les autres exilés
3. Zweig et sa judaïté… une question en suspens
a) Volonté d’assimilation
b) Rencontre avec « le roi de Sion »
c) Un homme en marge de son monde ?
CONCLUSION
Annexes
BIBLIOGRAPHIE
I] ANALYSE : Littérature et histoire, roman et biographie
A] Ouvrages théoriques
B] Revues
C] Articles consultés en ligne
II] OUVRAGES BIOGRAPHIQUES
A] Biographies sur la vie de Stefan Zweig
B] Périodiques
C] Préfaces et notices
D] Articles en ligne sur Sefan Zweig et ses œuvres
III] BIOGRAPHIES ETUDIEES
A] Œuvres de Stefan Zweig
B] Ouvrages sur Marie-Antoinette
C] Autres biographies
D] Essais
IV] Correspondances
V] Romans et ouvrages littéraires
VI] Périodiques et ouvrages collectifs
VII] Articles en ligne et sites web
VIII] Thèses et études universitaires
IX] Films
X] Peintures et dessins
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