Stabilisation d’une diode laser accordable par filtrage auto-organisable

Les diodes laser à cavité étendue émettant autour de 1,55 µm sont très utilisées pour tester les composants et les réseaux de télécommunication optique, particulièrement dans le cas des applications DWDM (Dense Wavelength Division Multiplexing). Pour ce type d’applications, l’émission produite par la source doit impérativement être monomode et être continûment accordable sur une large plage de longueur d’onde sans qu’aucun saut de modes se produise. C’est une des raisons principales pour lesquelles de nombreuses études qui remontent, pour les plus anciennes, à plus d’une trentaine d’années, ont été menées en vue d’améliorer les performances de ce type de source [1]–[13].

Un laser semi-conducteur monté en cavité étendue est constitué d’une diode laser dont l’une des faces est traitée anti-reflet, la lumière émise à travers cette face est recouplée dans la puce en utilisant un réflecteur externe qui permet de refermer le résonateur, l’autre miroir de la cavité étant la face de la diode laser qui n’est pas traitée anti-reflet. Une émission mono-mode accordable en longueur d’onde est obtenue en utilisant un réflecteur externe sélectif en longueur d’onde. Le plus souvent, il s’agit d’un réseau de diffraction monté en configuration Littrow [14] ou Littman [15].

Les systèmes commerciaux actuels permettent d’obtenir une émission monomode continûment accordable sur plus de 100 nm de large sans saut de modes (voire plus de 150 nm pour les derniers modèles). Cependant, de telles performances requièrent des ajustements très précis lors de l’assemblage et une très bonne stabilité mécanique du dispositif. Dans le cas contraire, des sauts de modes peuvent survenir lors de l’accord en longueur d’onde. En outre, la puissance émise maximale utilisable est limitée du fait de l’apparition de zones de fonctionnement multimode en bord de plage d’accord en longueur d’onde. Ou, inversement, la plage d’accord doit être réduite si un certain niveau de puissance est requis.

Cavité laser et domaine de fonctionnement monomode stable 

Description de la cavité laser 

Comme nous l’avons déjà précisé dans l’introduction générale (cf. §Introduction), le laser sur lequel nous avons travaillé est dérivé de la série Tunics, il a été assemblé dans les locaux de NetTest et a été spécialement modifié à partir du système commercial pour pouvoir accueillir le cristal photoréfractif intra-cavité et étudier les conditions de fonctionnement monomode stable du laser. La source laser se compose d’une diode laser multi-puits quantiques en InGaAsP couplée optiquement avec une cavité étendue par une de ses faces qui est traitée anti-reflet (AR) .

Le traitement anti-reflet est de qualité suffisante pour éviter tout problème de bistabilité [5],[11],[13]. La face opposée sert de miroir de couplage, la lumière émise est récoltée par une optique de collection, traverse un isolateur optique de Faraday, puis est couplée dans une fibre monomode. La partie externe de la cavité est composée d’une lentille de collimation, d’une lame demi-onde et d’un réseau monté en configuration Littman [15],[32], avec un dièdre comme élément sélectif en longueur d’onde. L’objectif placé après la puce permet de collimater le faisceau afin d’éclairer le réseau. Le double passage ainsi que l’incidence oblique assure une sélectivité en longueur d’onde optimale pour le réseau. Le dièdre, qui permet le retour sur le réseau, joue le rôle d’un coin de cube à une dimension de manière à ce que le résonateur laser reste toujours aligné selon la direction verticale. La lame demi-onde permet de polariser le faisceau perpendiculairement aux traits du réseau.

Assemblage de la cavité 

Le laser utilisé lors de ce travail est très similaire au système commercial, seul le support de l’objectif de collimation a été modifié de manière à gagner de la place pour pouvoir insérer le cristal intra-cavité.

Tout d’abord, la puce est montée dans son support et un fil d’or est soudé dessus pour y injecter du courant. Ensuite, un courant de 200 mA est injecté dans la puce de manière qu’elle émette suffisamment d’émission stimulée amplifiée (amplified spontaneous emission, ASE) pour effectuer le réglage du premier élément de l’optique de couplage vers la sortie fibrée, qui est un collimateur, en positionnant la tache d’ASE sur une mire et en optimisant la focalisation. Ce réglage s’effectue en utilisant une mécanique de positionnement comportant des platines goniométriques et des platines de translation selon les trois axes avec réglages fins à l’aide de céramiques piézo-électriques.

Puis, le courant injecté dans la diode est réduit à 100 mA et le deuxième élément de l’optique de couplage est positionné, à l’aide d’une mécanique similaire, de manière à maximiser le couplage dans une fibre optique multimode. Ensuite, le couplage dans une fibre monomode est optimisé en agissant cette fois sur la position des deux éléments de l’optique de couplage. Lorsque le réglage est satisfaisant, des cales en verre sont placées au contact des éléments et sont collées en utilisant de la colle sensible à la lumière ultraviolette. Avant, de réaliser le montage de la cavité étendue proprement-dite, un cycle d’étuvage (20–40 °C) est effectué pendant dix heures en prenant bien soin d’alimenter la diode avec un courant de 30 mA pour éviter toute condensation sur ses faces.

Le montage de la cavité étendue du laser utilise les mêmes procédés que ceux décrits ci-dessus. Tout d’abord la monture dans laquelle sont montées la lentille de collimation et la lame demi-onde est placée de manière à optimiser la position et la focalisation de la tache d’ASE sur une mire. Ensuite, le dièdre et le réseau sont disposés afin de fermer la cavité. Comme le système est auto-aligné, l’oscillation laser se produit immédiatement, la position de l’objectif de collimation est alors optimisée de manière à minimiser le seuil d’oscillation. Puis, le point d’accordabilité continue est ajusté afin d’obtenir un accord en longueur d’onde sans saut de modes sur toute la plage d’utilisation du laser [8]–[10],[12]. Une fois le réglage satisfaisant, l’objectif est collé par le même procédé que précédemment. L’accord continu en longueur d’onde est vérifié après collage avec un éventuel réajustement de la position du point de pivot du dièdre. Enfin, le système est soumis à un nouveau cycle d’étuvage.

Couplage entre modes 

présentation générale des phénomènes non-linéaires 

Dans un laser à semi-conducteur, différentes grandeurs du milieu actif varient en fonction de l’intensité optique et présentent alors des composantes modulées aux fréquences de battement entre modes. Cela induit des variations dynamiques du gain et de l’indice qui couplent les modes entre eux. Ainsi, les modes interagissent entre eux via le milieu à gain. L’allure du couplage entre modes dépend du type de paramètre physique du milieu qui est modulé [26]. Pour une fréquence de battements dans le domaine des mégahertz-gigahertz, le phénomène de modulation de la densité de porteur (carrier density pulsation, CDP) est efficace. Pour des fréquences plus élevées, compte tenu du temps de vie des porteurs qui est de l’ordre de la nanoseconde, le phénomène s’amortit rapidement pour des fréquences de battement dépassant les 10 GHz. En revanche, les interactions dues aux dynamiques intra-bandes qui étaient, jusque-là, plus faibles que les dynamiques inter-bandes ne peuvent plus être négligées. Par dynamiques intra-bandes, nous faisons référence aux processus qui affectent l’allure de la distribution des porteurs en fonction de l’énergie (espace des k), mais qui n’affectent pas la valeur totale du nombre de porteurs intégrée sur l’ensemble des bandes. Ces processus vont également induire des variations dynamiques du gain et de l’indice qui couplent les modes. Les forces qui ramènent vers les distributions de Fermi correspondant aux quasi-équilibres intra-bandes étant importantes—diffusions porteur-porteur et porteur-phonon—les contributions des phénomènes intra-bandes sont intrinsèquement faibles comparées à la modulation de la densité de porteurs. Cependant, la valeur très courte des temps de relaxation intra-bande (de l’ordre de 50 fs à 1 ps) induit que la bande spectrale où ces phénomènes sont efficaces est bien plus large, supérieure à 1 THz.

À l’heure actuelle, deux phénomènes pouvant induirent des dynamiques intra-bandes sont clairement identifiés : le hole burning spectral (SHB) et l’échauffement des porteurs (carrier heating, CH). Le hole burning spectral correspond à une saturation locale (dans l’espace des k) de la densité de porteurs autour de la longueur d’onde du mode, il est dû à la valeur finie (50–100 fs) du temps caractéristique de diffusion porteur-porteur intra-bande qui ramène à la distribution de Fermi de quasi-équilibre intra-bande dans chacune des bandes. Il y a également des processus qui induisent une augmentation de la température de la distribution de porteurs au-delà de la température du réseau cristallin (lattice temperature). Les principaux processus d’échauffement de la distribution de porteurs sont l’émission stimulée, qui induit la recombinaison de porteurs « froids » proches de la bande interdite, et l’absorption de porteurs libres, qui transfert des porteurs vers des plus hautes énergies au sein des bandes. Les températures des distributions de porteurs « chauds » relaxent vers la température du réseau cristallin par émission de phonons optiques avec une constante de temps caractéristique de l’ordre de 0,5–1 ps. Ces perturbations intra-bandes vont évoluer temporellement suivant les fréquences de battements entre modes de manière à suivre les variations de la puissance optique.

L’approche la plus simple pour décrire les couplages entre modes dues à ces phénomènes non-linéaires consiste à considérer un modèle à deux modes où le mode principal est indépendamment couplé à chacun des modes voisins [27]–[29],[34],[39],[40]–[42]. Dans ce cas, le signe et la force du couplage dépendent de la puissance du mode oscillant et de l’écart en longueur d’onde par rapport au mode oscillant. Plus précisément, le gain non-linéaire se décompose dans ce cas en une partie symétrique et une autre asymétrique [26] [29],[34]. La partie symétrique provient du phénomène de compression de gain dû au CH et au SHB [33],[40],[43] [49]. Celui-ci conduit à une suppression symétrique du gain qui est plus importante pour les modes voisins que pour le mode oscillant de manière à induire une autostabilisation du mode. La partie asymétrique est due au CDP qui induit, dans le cas d’un modèle à deux modes, que le mode de plus courte longueur d’onde bénéficie de moins de gain que le mode de plus grande longueur d’onde [39],[41],[42].

De fait, le modèle à deux modes ne permet de décrire le couplage entre modes que via le mélange à deux ondes. Cette approche présente l’avantage d’offrir une description physique la plus simple possible sans trahir qualitativement les caractéristiques générales du couplage entre modes. D’ailleurs dans [34], nous avons développé un modèle à deux modes qui offrait un bon accord avec les expériences dans le cas de la diode laser à cavité étendue émettant à 1,55 µm. Cependant, des mesures ultérieures effectuées par l’équipe R&D de NetTest ont montré que la valeur du coefficient d’élargissement de raie α H (dont la signification sera détaillée dans la suite, [35],[50]) avait été sous-estimée dans les calculs. L’utilisation de la valeur réelle de ce coefficient ne permettant pas un ajustement quantitativement satisfaisant, il nous a fallu développer un modèle plus élaboré.

Pour cela, nous avons également tenu compte du phénomène de mélange nondégénéré à quatre ondes (Four Wave Mixing, FWM) qui résulte de l’interaction de trois modes [30]. En effet, un mode voisin de pulsation ω1 est couplé par FWM à son conjugué en fréquence qui est localisé symétriquement par rapport à la pulsation ω0 du mode principal, en 2ω0 −ω1 . La fréquence de l’onde conjuguée est donc très proche de celle du mode voisin de pulsation ω−1 situé de l’autre côté du mode oscillant, puisque ω1 − ω0 ≈ω0 − ω−1 . Ainsi, les deux modes voisins “1” et “ −1” ne sont pas uniquement couplés au mode oscillant “0” par mélange à « deux ondes » (Two Wave Mixing, TWM), mais ils sont également couplés ensemble par FWM.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Caractéristiques du laser
I. Introduction
II. Cavité laser et domaine de fonctionnement monomode stable
III. Condition d’oscillation
Chapitre 2 : Couplage entre modes
I. Introduction : présentation générale des phénomènes non-linéaires
II. Équation de couplage à trois modes
III. Mélange d’ondes non linéaire
IV. Analyse de stabilité en fonctionnement monomode
V. Modèle numérique à N modes
Chapitre 3 : Le filtre photoréfractif
I. Introduction
II. L’effet photoréfractif
III. Choix et orientation des cristaux photoréfractifs
IV. Couplage deux-ondes
V. Caractérisation des cristaux photoréfractifs
VI. Le filtre Fabry-Perot auto-adapté
VII. Conclusion
Chapitre 4 : Étude du domaine de fonctionnement monomode stable
I. Mise en œuvre expérimentale
II. Comparaison au modèle
Conclusion
Annexe 1 : Calcul détaillé du coefficient de recouplage
Annexe 2 : Étude approfondie des non-linéarités
Table des Matières
Références

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