La neurulation primaire
Au milieu de la 3e semaine de développement, la notochorde par induction cellulaire provoque la transformation de l’ectoderme sus-jacent en neuroectoderme, celui-ci s’épaissit et s’allonge pour former la plaque neurale. Son développement est plus rapide en avant (futur cerveau) et s’élargit en « raquette », tandis que l’extrémité postérieure (futur moelle) reste filiforme, parallèlement apparaitront les premiers somites. Les bords latéraux de cette plaque se surélèvent, formant les crêtes neurales, tandis que la ligne médiane se déprime, constituant la gouttière neurale. Au cours du développement ultérieur, les bords de la gouttière neurale deviennent de plus en plus saillants et se rapprochent progressivement l’un de l’autre sur la ligne médiane. Puis ils se fusionnent, formant le tube neural primitif, une structure tubulaire internalisée, située dans la région dorsale de l’embryon. Lors de cette fusion l’ectoderme se sépare de la neuroectoderme, libérant les cellules des crêtes neurales. La fermeture du tube neural débute dans la région cervicale (3e et 4e somites) et s’étend vers l’extrémité crâniale et caudale, ce tube reste temporairement ouvert sur la cavité amniotique par les neuropores antérieur et postérieur qui se fermeront respectivement vers le 25e et le 28e jour du développement. Après la fermeture du tube neurale, le reste de l’ectoblaste sera l’origine de l’épiderme qui constituera la surface externe de l’embryon. Entre l’épiderme et le tube neural, sous l’induction du tube neural, les éléments mésenchymateux vont proliférer et se différencier en donnant les méninges et les arcs postérieurs des vertèbres.
Les anciennes théories
Dès 1857, Virchow [68] montrait que les leptoméninges normales contiennent une faible quantité d’adipocytes. Ainsi, les spina lipomes résultent d’une hypertrophie ou d’une accumulation de cellules adipeuses normales qui s’associent en une formation tumorale. Ehni et Love [20] ont réfuté cette théorie, car elle n’explique pas la localisation quasi exclusivement lombosacrée des spina lipomes. En effet, les cellules adipeuses des méninges sont situées tout autour de l’axe nerveux et n’ont pas une localisation préférentielle. Taubner [62] avait suggéré que les lipomes spinaux résultent d’une dégénérescence des cellules gliales avec accumulation de lipides complexes au sein de leur cytoplasme. Ehni et Love [20] pensaient que les méninges ont une double origine : mésodermique pour la dure mère et crêtes neurales pour les léptoméninges. Ils proposaient qu’une interaction entre les cellules issues des crêtes neurales et les cellules mésodermiques soit fondamentales pour que ces dernières se différencient en cellules dure-mériennes. En l’absence des cellules des crêtes neurales, les cellules du mésoderme se différencient en adipocytes.
Forme typique : lipome à la fois intra et extra-rachidien
La masse graisseuse se répartit de part et d’autre de la déhiscence osseuse, d’une part en sous-cutané où elle se poursuit sans limite nette avec le pannicule adipeux normal et adjacent, d’autre part en intrarachidien où elle se poursuit dans l’espace sous-arachnoïdien pour se fixer au cône. Le lipome réalise une masse de lobules graisseux ; la présence en son sein de nombreuses trabéculations fibreuses et denses lui confère un aspect en nid d’abeille. Un pédicule relie les deux portions intra- et extradurales de la masse graisseuse, il se situe au niveau de la déhiscence du spina bifida et adhère à ses berges musculo-aponévrotiques. La déhiscence durale est une agénésie durale, la méninge faisant progressivement place au tissu lipomateux. Le défect osseux (spina bifida) est une absence de fusion médiane de l’arc vertébral postérieur pouvant aller de la simple déhiscence de l’apophyse épineuse à la disparition complète de l’arc postérieur. L’interface moelle/lipome est typiquement blanchâtre, fibreuse et relativement résistante, elle est constituée d’un tissu conjonctif parfois renforcé de muscles lisses. Son siège est variable, il peut être au niveau de la déhiscence durale ou distant de celle-ci. Dans le premier cas, le volume de lipome sous durale est minime, la moelle est comme suspendue à la face postérieure du fourreau dural. Dans le second cas, le lipome sous-dural est volumineux et la moelle est refoulée, appliquée contre la paroi antérieure du canal rachidien. La moelle est rarement normale, elle peut être comprimée, tirée ou incomplètement fermée, on parle de myéloschésis. Elle se termine presque toujours trop bas, au-dessous de L2. Elle est souvent le siège d’anomalies anatomiques : une torsion, une cavitation, une duplication ou une hydromyélie. Les racines sont pratiquement toujours anormales soit dans leur direction, soit dans leur conformation ou distribution. Leur direction est généralement anormale du fait de la terminaison basse de la moelle. Elles perdent leur disposition en queue-de-cheval pour emprunter une orientation horizontale, voire ascendante. Chapman [11,12] avait proposé une classification du lipome du cône médullaire. Cette classification est basée sur la zone d’insertion du lipome par rapport à la moelle ;elle distingue en trois formes (figure 3) :
– Les formes dorsales : le lipome sous-cutané pénètre le fascia et les éléments postérieurs pour s’attacher à la face dorsale du cône médullaire bas situé. Les racines nerveuses sortent juste latéralement pour se retrouver en position extra-lipomateuse.
– Les formes caudales : le lipome s’attache à la face caudale du cône médullaire et peut pénétrer à l’intérieur du canal central. Les racines nerveuses sont aussi en situation intra-lipomateuse.
– Les formes transitionnelles : c’est une combinaison entre les deux formes précédentes. Il peut s’agir d’une forme dorso-latérale ou dorso-caudale, le lipome englobe l’émergence des racines dont une partie du trajet est donc intra-lipomateux.
Le syndrome neuro-orthopédique
Ce syndrome va s’exprimer aux niveaux des membres inferieures sous la forme de déficits moteurs, sensitifs, associés à des déformations orthopédiques. Ces troubles sont souvent à nette prédominance distale, couramment unilatéraux ou bilatérale mais très asymétriques. Ils sont évolutifs et s’aggravent avec la croissance de l’enfant. Cliniquement, ces troubles se manifestent par :
– Une dysmorphie du ou des deux pieds, dont le plus caractéristique est l’accentuation de la voussure plantaire, l’attitude en varus ou en varus équin, la déformation en marteau des orteils, réalisant typiquement le pied creux varus équin.
– Une asymétrie des membres inférieurs et/ou des pieds, un raccourcissement d’un membre qui est souvent hypotrophique.
– Des troubles de la statique vertébrale à type de scoliose, qui est la conséquence soit d’un raccourcissement de membre, soit d’anomalies rachidiennes associées au spina bifida.
– Une amyotrophie parfois considérable du mollet, de la fesse, plus rarement du quadriceps.
– Des déficits moteurs à type de faiblesse musculaire entraînant des troubles de la marche chez l’enfant, de paraplégie qui est souvent congénitale.
– Des troubles des réflexes avec abolition uni- ou bilatérale des réflexes rotuliens, plus fréquemment des achilléens.
– Les troubles sensitifs peuvent manquer et sont difficiles à mettre en évidence chez le nourrisson.
Ils peuvent s’agir d’une anesthésie superficielle de topographie radiculaire, des escarres et des maux perforants distaux qui sont secondaire à une anesthésie profonde.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. EPIDEMIOLOGIE
1.1. La fréquence
1.2. Les facteurs étiologiques
2. RAPPEL EMBRYOLOGIQUE
2.1. Embryologie normale
2.1.1. La neurulation primaire
2.1.2. La neurulation secondaire
2.1.2.1. Le processus de canalisation
2.1.2.2. La différentiation rétrogressive ou la régression
2.1.2.3. Développement du mésoderme para-axial
2.2. Embryo-pathologie
2.2.1. Les anciennes théories
2.2.2. Les nouvelles théories
3. DESCRIPTION ET CLASSIFICATION ANATOMIQUE
3.1. Lipome du cône médullaire
3.1.1. Forme typique : lipome à la fois intra et extra rachidien
3.1.2. Les formes atypiques ou complexes
3.1.2.1. Lipomyéloméningocèle
3.1.2.2. Lipomyélocèle
3.1.2.3. Lipomyélocystocèle
3.2. Lipome du filum terminale
3.3. Aspects microscopiques
4. LA PHYSIOPATHOLOGIE
4.1. La fixation et traction de la moelle
4.2. La compression médullo-radiculaire
4.3. L’angulation de la moelle
4.4. Traumatismes
4.5. L’ischémie
4.6. Les malformations nerveuses
5. LA CLINIQUE
5.1. Le syndrome cutané
5.2. Le syndrome neuro-orthopédique
5.3. Les troubles sphinctériens
5.3.1. Les troubles urinaires
5.3.2. Les troubles ano-rectaux
5.3.3. Les troubles génito-sexuels
6. EXAMENS COMPLEMENTAIRES
6.1. L’imagerie simple
6.1.1. La radiographie standard du rachis lombosacré
6.1.2. Echographie médullaire
6.2. La neuro-imagerie
6.2.1. La tomodensitométrie du rachis lombo-sacré (TDM)
6.2.2. Imagerie par résonance magnétique médullaire (IRM)
6.3. Les autres examens complémentaires
6.3.1. Les examens neurophysiologiques
6.3.3. Bilan urodynamique
7. LE DIAGNOSTIC ANTENATAL
8. LE TRAITEMENT NEUROCHIRURGICAL
8.1. Objectifs
8.2. Technique opératoire
8.2.1. Installation
8.2.2. Incision cutanée
8.2.3. Exérèse du lipome sous cutané
8.2.4. L’abord intra-rachidien
8.2.5. L’ouverture durale
8.2.6. La résection du lipome
8.2.7. La fermeture durale
8.2.8. Fermeture musculo-aponévrotique
8.3. Les indications
8.4. La rééducation et prise en charge
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
1. CADRE ET METHODES D’ETUDE
1.1. Objectifs
1.2. Cadre et type d’étude
1.3. Matériel et méthodes
Observation no 1
Observation no 2
Observation no 3
Observation no 4
Observation no 5
Observation no 6
Observation no 7
Observation no 8
2. LES RESULTATS
2.1. Données épidémiologiques
2.1.1. Fréquence
2.1.2. Incidence annuelle
2.1.3. Incidence
2.1.4. Répartition selon les régions
2.1.6. Répartition selon l’âge
2.1.7. Répartition selon le sexe
2.1.8. Répartition selon la consanguinité
2.2. Données cliniques
2.2.1. Circonstances de découverte
2.2.2. Les données de l’examen physique
2.3. Données radiologiques
2.3.1. La radiographie standard du rachis lombosacré
2.3.2. L’échographie médullaire
2.3.4. La tomodensitométrie (TDM) du rachis lombaire
2.3.5. L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
2.3.6. Résumé du bilan radiologique
2.4. Le traitement neuro-chirurgicale
2.5. L’examenanatomo-pathologique
2.6. Résultats post opératoires
2.6.1. L’évolution post opératoire immédiate
2.6.2. L’évolution post opératoire tardive
3. DISCUSSION
3.1. Epidémiologie
3.1.1. La fréquence
3.1.2. L’origine géographique
3.1.3. L’âge
3.1.4. Le sexe
3.1.6. La consanguinité
3.2. Etude clinique
3.2.1. Circonstances de découvertes
3.2.2. L’examen physique
3.2.2.1. Le syndrome cutané
3.2.2.2. Le syndrome neuro-orthopédiques
3.2.2.3. Les troubles sphinctériens
3.3. Données de l’imagerie
3.3.1. La radiographie standard du rachis lombosacré
3.3.2. L’échographie médullaire
3.3.3. La TDM du rachis lombosacré
3.3.4. L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
3.4. Traitement chirurgical
3.5. Considérations histologiques
3.6. Données évolutives
3.6.1. Résultats post opératoire immédiats
3.6.2. Evolution post opératoire tardive
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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