Spectroscopie raman : de la théorie à la spectroscopie sers et aux applications

Aujourd’hui, l’utilisation de nanostructures s’avère être un enjeu primordial. Néanmoins, la caractérisation et la manipulation de ces nanostructures individuelles ou collectives sont deux étapes essentielles à franchir avant de pouvoir leur faire jouer une fonction bien définie dans des architectures plus complexes, comme par exemple des assemblages de nano-transistors ou comme surface active dans des capteurs. En effet, il est nécessaire de pouvoir identifier leurs propriétés électriques, optiques, mécaniques pour les futures applications technologiques. Il est donc intéressant de trouver des méthodes spectroscopiques capables de caractériser plus précisément des surfaces nanostructurées.

La diffusion Raman exaltée de surface (SERS) est l’un des domaines prometteurs pour des applications potentielles dans l’identification et la caractérisation structurelle. Les molécules déposées sur une surface métallique rugueuse par exemple, puis éclairées par une lumière monochromatique, émettent un signal Raman extrêmement fort, ce qui les rendent détectables en très faible nombre voire de manière individuelle . La rugosité de la couche métallique permet ici d’exciter les plasmons localisés du métal (exaltation par effet électromagnétique) ainsi que l’excitation par transfert de charges entre le métal et la molécule adsorbée (effet chimique) [1]. Le signal Raman des molécules adsorbées sur la couche métallique est alors fortement exalté. Cette exaltation permet ainsi de détecter spécifiquement des échantillons adsorbés avec des concentrations extrêmement faibles.

La génération de « plasmons localisés » est donc impliquée dans la diffusion Raman exaltée de surface et est responsable de l’augmentation de l’interaction entre la lumière monochromatique générée par un laser et la molécule sonde. Ces plasmons localisés peuvent être vus comme des oscillations collectives de charges à l’interface métal-air, générant des champs locaux très forts et très localisés (Champ évanescent).

Le terme de « points chauds » (« hot spots » en anglais), a alors été introduit pour désigner des zones spatiales ‘’sensibles’’, de dimensions plus petites que la longueur d’onde. Le point chaud peut être produit à proximité de deux nanoparticules très proches (1-4 nanomètres) où le champ électromagnétique est localisé et intense . La possibilité de produire et de contrôler des points chauds, c’est à dire confiner quantitativement la lumière dans des espaces de taille sub longueur d’onde, suscite un intérêt très fort de la part des chercheurs. Pour cela il est nécessaire d’attribuer au défaut de surface une géométrie-type pertinente, accessible, aux technologies de fabrication, et d’en étudier l’effet SERS.

Depuis plusieurs années, les substrats actifs en SERS et les procédures de rugosité ont été explorées afin d’obtenir le signal SERS le plus élevé. Typiquement, les substrats rugueux [2, 3] ou les nanoparticules d’argent ou d’or ont été employés comme les substrats les plus efficaces en spectroscopie Raman SERS. Signalons qu’une attention toute particulière est portée à la taille et à la forme des nanoparticules, cavités, pointes,… des substrats d’argent et d’or, tant ces paramètres impactent le facteur d’exaltation SERS [4].

Le travail présenté dans ce manuscrit s’inscrit dans ce domaine des nanosciences tant au niveau de la synthèse des nanoparticules qu’au niveau de la réalisation, la caractérisation et l’optimisation de surfaces nanostructurées comme substrats pour la spectroscopie Raman exaltée (SERS) et la résonance de plasmons de surface (SPR). Plusieurs voies sont proposées et comparées: (1) le greffage de nanoparticules d’or et d’argent sur des supports fonctionnalisés, (2) La synthèse des nanostructures par dissolution-dépôt électrochimiques de films minces d’or et d’argent, (3) le greffage de nanoparticules sur fibres optiques pour des applications en détection SPR.

Greffage de nanoparticules d’or et d’argent sur des supports fonctionnalisés
Récemment, les assemblages de nanoparticules sur des matériaux en une, deux et trois dimensions (1-D, 2-D et 3-D) comme substrats actifs SERS ont suscité un vif intérêt en raison de leur très forte exaltation en diffusion Raman, mais aussi pour leur reproductibilité, leur uniformité dans la rugosité, la facilité pour les mettre en œuvre et finalement leur relative stabilité. En particulier, afin d’optimiser l’efficacité de l’effet SERS par des particules de tailles nanométriques d’or assemblées en deux dimensions (2D) sur des substrats, plusieurs approches ont été proposées dans la littérature [5, 6]. Néanmoins, dans ces différentes approches, les problèmes suivants persistent : 1) pas ou peu de contrôles sur les interactions entre particules, ainsi des agrégats de géométrie non contrôlées sont souvent formés; 2) le temps d’immobilisation des nanoparticules est très élevé, pouvant atteindre plus de 24 h ; 3) Le nombre de points chauds réalisé est souvent faible et imprévisible.

SPECTROSCOPIE RAMAN : DE LA THÉORIE À LA SPECTROSCOPIE SERS ET AUX APPLICATIONS

Spectroscopie Raman

Rapide historique 

La spectroscopie Raman a vécue plusieurs étapes de développement depuis les premiers rapports de sa découverte expérimentale à la fin des années 1920 [1]. En 1928, en Inde, Sir C.V. Raman a été le premier à s’intéresser au phénomène d’émission lumineuse inélastique. Le rayonnement émis par des molécules éclairées contient des photons de même fréquence que ceux du rayonnement incident, mais aussi des photons de fréquences différentes. Cet effet est très faible- approximativement 1 photon sur 1 million (0.0001%) – Il sera émis avec une longueur d’onde légèrement différente de la longueur d’onde incidente. Ce processus a été ensuite appelé d’après le nom de son inventeur, et le changement de fréquence est appelé effet Raman. A la fin des années 1930, la spectroscopie Raman était devenue la principale méthode non-destructive d’analyse chimique.

Après la Seconde Guerre Mondiale, la spectroscopie infrarouge est devenue la méthode la plus répandue, principalement du fait qu’elle s’avère être beaucoup plus facile à utiliser de part le développement de capteurs infrarouges très sensibles et des avancées de l’électronique. Les mesures par spectroscopie infrarouge devinrent une pure routine, alors que la spectroscopie Raman nécessitait des opérateurs très qualifiés et des chambres noires.

Pendant de nombreuses années, elle est restée une technique confidentielle, basée sur la diffusion inélastique de la lumière, dans laquelle une lampe à arc au mercure était utilisée dans les premiers stades de son développement. Elle nécessitait de très longues durées d’exposition pour atteindre des niveaux de signaux acceptables. Avant les années 90 l’effet Raman avait connu deux périodes importantes de croissance et un intérêt grandissant : (i) dans les années 1960 avec utilisation des lasers comme sources intenses de lumière monochromatique, (ii) dans les années 1980 avec les progrès dans les détecteurs CCD (charge coupled device), les filtres et la technologie de diode laser .

En effet, c’est probablement dans les deux dernières décennies, après 1990, que le phénomène de diffusion Raman a connu sa plus forte croissance en popularité tant en termes de champ d’application à des problèmes scientifiques que dans le développement d’un certain nombre de techniques Raman comme un élément central pour sonder la structure moléculaire, à la fois des niveaux fondamentaux que des états excités.

Comme dans de nombreux domaines des sciences, la découverte de l’effet Raman n’est pas sans controverse. Quand Raman et Krishnan ont rapporté la première étude expérimentale de la diffusion non-élastique de la lumière dans l’eau et les vapeurs d’alcool, en 1928 [1], l’effet lui-même, la diffusion non-élastique de la lumière par des molécules, avait déjà été prédit dans les années 1920 [3].

Bien que cette spectroscopie ait reçu beaucoup d’attention dans les milieux académiques, ses limites techniques, en particulier l’obligation d’utiliser des sources de lumière monochromatique et des détecteurs sensibles, ont freiné son développement en faveur de sa technique complémentaire, la spectroscopie infrarouge.

Le développement de lasers dans les années 1960 et, surtout de détecteurs multi-canal dans les années 1970 a incontestablement augmenté l’intérêt pour la spectroscopie Raman. Ces dernières années, la disponibilité des détecteurs moins chers et faciles à utiliser, des sources de lumière monochromatique et des filtres holographiques ont conduit à une renaissance de la spectroscopie Raman. C’est pour cette raison qu’elle se développe vers une technique de spectroscopie de routine. Notons qu’un demi-siècle avant,, la spectroscopie IR avait fait une transition similaire.

Le spectromètre Raman 

Le spectromètre Raman est donc constitué suivant le schéma précédent: les radiations d’une source laser puissante sont conduites par une fibre optique, un microscope droit ou par un jeu de miroir jusqu’à l’échantillon à analyser ce qui provoque sa diffusion. La lumière ainsi produite est recueillie puis acheminée jusqu’au réseau de diffraction. Couplée à un détecteur celui-ci fournit alors des données sur l’échantillon qui n’ont plus qu’à être traitées informatiquement.

Les informations accessibles par spectrométrie Raman sont relativement étendues:
• identification de phases ou de composés chimiques
• caractérisation des matériaux
• détermination de la structure moléculaire
• étude des systèmes amorphes et cristallins .

La spectroscopie Raman fournit en effet des informations de natures différentes. Elle permet de caractériser aussi bien l’ordre à courte, à moyenne ou grande distance. Le spectre Raman d’un composé indique donc aussi bien le type de liaison d’un composé que sa structure cristalline. Ses performances sont particulièrement remarquables. Il s’agit de la méthode spectroscopique dotée de la meilleure résolution spatiale (un micron carré) pour l’identification et la caractérisation de composés ou de phases. Sa capacité à identifier les systèmes amorphes est également inégalée.

Les avantages de la spectroscopie Raman 

Ses avantages sont résumés ci dessous :
• Méthode non-destructive et non intrusive, ce qui permet de l’appliquer à des systèmes réels.
• Facile à mettre en œuvre. Le temps de préparation est nul ou quasi nul. La nature des échantillons solides, liquides, ou gaz n’intervient pas. De plus, elle ne requiert qu’une faible quantité d’échantillons (1 µg).
• Utilisable dans un grand nombre de cas (matériaux hétérogènes, échantillons dont la structure peut être orientée ou non).
• Elle peut être couplée avec d’autres méthodes analytiques et offre la possibilité de mesures in situ.
• Elle est utilisable sur des échantillons de très petite taille (jusqu’à 1µm3)
• Elle permet de travailler en milieu hostile, notamment à haute température, en présence de phénomènes radioactifs ou sous atmosphère contrôlée.
• Elle est sensible aux petites structures (identification des systèmes amorphes, analyses des films très fins pour lesquels les méthodes de diffraction sont parfois difficiles à réaliser).

Théorie classique de la diffusion Raman 

Lorsque la lumière monochromatique hν arrive sur un échantillon, une grande partie de la lumière passe à travers l’échantillon ou est réfléchie, et une partie est absorbée, en fonction de la longueur d’onde de la lumière et de la nature de l’échantillon. Une petite fraction, environ 0,1%, est élastiquement dispersée, à la même fréquence que la lumière incidente (diffusion Rayleigh). Une proportion encore plus petite de la lumière incidente, peut-être 1 photon dans 10⁶ ou 10⁷ , est quant à elle dispersée de façon non élastique (diffusion Raman), soit vers des fréquences plus basses (diffusion Stokes) ou des fréquences plus élevées (diffusion anti-Stokes).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I SPECTROSCOPIE RAMAN : DE LA THÉORIE À LA SPECTROSCOPIE SERS ET AUX APPLICATIONS
I-1 Introduction – Spectroscopie Raman
I-1-1 Rapide historique
I-1-2 Le spectromètre Raman
I-1-3 Les avantages de la spectroscopie Raman
I-2 Théorie classique de la diffusion Raman
I-3 Spectroscopie Raman Exaltée de Surface (SERS)
I-3-1 NanoSERS
I-3-2 Mécanisme d’exaltation des métaux de transition
I-3-3 Etude de l’origine électromagnétique de l’effet SERS
I-3-4 L’effet chimique
I-3-5 Substrats « SERS-actifs »
I-4 Quelques exemples d’applications de la spectroscopie SERS
I-5 Conclusion
Bibliographie
CHAPITRE II SERS ET NANOPARTICULES d’OR et D’ARGENT : Synthèse, greffage et spectroscopies vibrationnelles
II-1 Introduction
II-2 Les nanoparticules d’or
II-2-1 synthèse des nanoparticules d’or
II-2-2 dispersion de tailles : microscopie électronique à transmission (MET) et diffusion dynamique de la lumière (DLS)
III-2-3 Stabilité de la solution colloïdale, potentiel Zêta
II-3 Greffage des nanoparticules d’or sur le verre
II-3-1 Concentration des solutions colloïdales : centrifugation
II-3-2 Protocole de Silanisation
II-3-3 Caractérisation des surfaces par spectroscopie XPS
II-3-4 Microscopie à force atomique
II-3-5 Microscopie électronique à balayage
II-3-6 Etude des courbes d’extinction des nanoparticules
II-3-7 Exaltation SERS sur nanoparticule d’Or greffées sur verre
II-4 Nanoparticules d’Argent
II-4-1 Synthèse des colloïdes d’argent
II-4-2 Microscopie électronique à transmission, dispersion de taille, potentiel zêta
II-4-3 Procédure de Silanisation
II-4-4 Effet de la température lors du greffage
II-4-5 du temps d’immersion sur la morphologie des substrats SERS
II-4-6 Spectres d’absorption des nanoparticules
II-4-7 Mesures de diffusion SERS
II-5 Conclusion
Bibliographie
CHAPITRE III SURFACES RUGUEUSES ET NANOSTRUCTURÉES PAR CYCLES D’OXYDOREDUCTION : Facteur d’Exaltation Raman
III-1 Introduction
III-2 Fabrication des couches minces d’or et d’argent – dépôt physique en phase vapeur (évaporation thermique)
III-2-1 Bâti d’évaporation
III-2-2 Mesure de rugosité et d’épaisseurs des films
III-3 Attaque électrochimique de couches minces d’argent
III-3-1 Réactifs et solutions
III-3-2 Cycle d’oxydoréduction sur couches minces d’argent
III-3-3 Etude morphologique des nanostructures créées sur film d’argent
III-3-4 Diffusion Raman en fonction du cycle d’oxydo-réduction
III-4 Etude électrochimique sur couches minces d’or
III-4-1 Cycle d’oxydoréduction
III-4-2 Caractérisation de la surface
III-4-3 Etude morphologique par microscopie électronique à balayage
III-4-4 Etude par spectroscopie EDX
III-4-5 AFM, profilométrie
III-4-6 Absorption optique – courbes d’extinction
III-4-7 Exaltation SERS -Effet de la rugosité
III-4-8 Détection limite
III-5 SERS sur lame d’or massive : cas du Polypyrrole
III-5-1 électrochimie sur couches massive d’or
III-5-2 Synthèses du polypyrrole par voie électrochimique sur feuille d’or
III-5-3 Morphologie du film de polypyrrole
III-5-4 Etude SERS de polypyrrole
III-6 Conclusion
Bibliographie
CHAPITRE IV RÉALISATION ET ÉVALUATION DE FIBRES OPTIQUES CAPTEURS BASÉES SUR LA RÉSONANCE DE PLASMONS LOCALISÉS (LSPR)
IV-1 Introduction
IV -2 Capteurs à résonance des plasmons de surface : principe de fonctionnement et avantages des capteurs SPR à fibre optique
IV-2-1 Les capteurs SPR
IV-2-2 Capteurs SPR à fibre optique (CFO)
IV-2-3 Capteurs CFO à base de nanoparticules d’or
IV-2-4 Sensibilité, Limite de détection et gamme de fonctionnement
IV -3 Réalisation des fibres capteurs
IV-3-1 Préparation des fibres optiques
IV-3-2 Description du montage optique : procédure de mesure
IV -4 Caractérisation de la couche de nanoparticules d’or et d’argent
IV -5 Résultats expérimentaux
IV -6 Sensibilité des capteurs LSPR à fibre optique
IV-6-1 Sensibilité
IV-6-2 Comparaison LSPR versus SPR et prisme
IV -7 Conclusion
Bibliographie
CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXE

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