Lโรฉchauffement des matรฉriaux a รฉtรฉ depuis toujours un sรฉrieux problรจme pour lโindustrie moderne ainsi que pour la recherche, vu son effet destructif qui pourrait abรฎmer et endommager les instruments qui fonctionnent ร des hautes รฉnergies. Pour de nombreuses applications, il est nรฉcessaire de pouvoir dรฉterminer la tempรฉrature locale voire de rรฉaliser une cartographie des variations de tempรฉrature ร lโรฉchelle submicromรฉtrique. Par exemple, la connaissance du comportement thermique via la connaissance de lโรฉchauffement des microcomposants est vitale en micro รฉlectronique. Ces nouvelles exigences ont poussรฉ le dรฉveloppement de techniques de mesures de tempรฉrature locale sub-microniques voir nanomรฉtriques. De nombreuses techniques ont รฉtรฉ proposรฉs pour rรฉaliser des mesures de tempรฉratures ร des รฉchelles micro et nanomรฉtriques. Les principales techniques utilisรฉes en imagerie thermique sont des mรฉthodes optiques, d’autres sont basรฉes sur des mesures รฉlectriques.
La fluorescence est un effet optique qui dรฉpend fortement de la tempรฉrature. Aujourdโhui, cet effet a รฉtรฉ transformรฉ en un moyen trรจs puissant pour la mesure de la tempรฉrature. Il est possible de dรฉterminer cette derniรจre en mesurant les variations dโรฉmission de la lumiรจre dโun matรฉriau fluorescent. Cette technique optique sans contact est communรฉment connue sous le nom de technique RIF (Rapport dโIntensitรฉ de la Fluorescence). Cette technique est basรฉe sur la thermalisation des deux niveaux de lโion de terre rare (TR3+) incorporรฉ dans la matrice hรดte. Nous nous intรฉresserons plus particuliรจrement aux matรฉriaux dopรฉs Er3+ ou codopรฉs Er3+/Yb3+. Lโintรฉrรชt des matรฉriaux contenant des ions de terres rares, et notamment de ceux contenant des ions erbium, rรฉside dans le fait que, lorsquโils sont excitรฉs, ils prรฉsentent plusieurs raies dโรฉmission de lumiรจre. Lโidรฉe dโutiliser des matรฉriaux fluorescents pour la thermomรฉtrie a รฉtรฉ proposรฉe il y a plusieurs dรฉcennies pour diverses applications de la mรฉcanique et lโรฉlectronique.
SPECTROSCOPIE DES IONS DE TERRES RARES
Propriรฉtรฉs spectroscopiques des ions de terres rares : notions gรฉnรฉralesย
Avant de prรฉsenter les divers rรฉsultats expรฉrimentaux que nous avons obtenus, concernant la mesure de la tempรฉrature de nos รฉchantillons fluorures par la technique du rapport dโintensitรฉ de fluorescence (RIF), il est nรฉcessaire dโintroduire tous les diffรฉrentes notions thรฉoriques qui constituent les bases de nos analyses. Ainsi, dans un premier temps nous rappelons lโorigine des niveaux dโรฉnergie des ions de terres rares dans un milieu solide. Ensuite nous prรฉsentons les diffรฉrents mรฉcanismes dโinteraction du rayonnement รฉlectromagnรฉtique avec les ions de terres rares.
Propriรฉtรฉs optique des ions Lanthanides
Lโerbium et lโytterbium avec lesquels nos cristaux sont dopรฉs, font partie de la famille des lanthanides dont le numรฉro atomique est compris entre Z = 57 (Lanthane) et Z = 71 (Lutรฉtium). Ils sont souvent associรฉs ร lโyttrium et au scandium pour former la famille des ions de terres rares. Selon les chimistes les terres rares comprennent tous les รฉlรฉments chimiques de la colonne III B du tableau de Mendeleรฏev ร savoir le scandium, lโyttrium et tous les lanthanides. Les physiciens se bornent aux seuls lanthanides et certains auteurs excluent mรชme le lanthane car il ne possรจde pas dโรฉlectron 4f dans sa configuration fondamentale [1].
Configuration รฉlectroniques
Un ion trivalent de terre rare est donc plus simple que lโatome correspondant. Dans leur รฉtat fondamental, ils ont seulement des รฉlectrons 4f en plus de la structure de base du xรฉnon.
Une particularitรฉ trรจs importante des ions TR3+, considรฉrรฉs ici au sens desspectroscopistes du Ce3+ ร Yb3+ , ce que l’on appelle couramment ยซย la contraction des lanthanidesย ยป: l’รฉnergie et l’extension spatiales de la fonction d’onde associรฉe ร un รฉlectron 4f chutent brutalement ร partir du cรฉrium. Ainsi, comme lโa montrรฉ Mayer [2], l’รฉlectron 4f du nรฉodyme sera environ cinq fois plus liรฉ que celui du lanthane. L’explication de ce phรฉnomรจne physique est la suivante: alors que pour l’atome de lanthane la fonction d’onde 4f est essentiellement situรฉe en dehors de la structure รฉlectronique du xรฉnon, dans le cas du nรฉodyme la fonction d’onde 4f s’est contractรฉe ร tel point que son maximum se trouve ร l’intรฉrieur des couches pleines 5s2 5p6 . On ne rencontre pas cet effet pour les รฉlectrons s, p ou d et cette contraction propre aux lanthanides est due au blindage imparfait d’un รฉlectron 4f par les autres รฉlectrons appartenant ร la mรชme sous-couche รฉlectronique. L’รฉcrantage partiel des รฉlectrons 4f provoque ainsi la contraction de l’ensemble de la couche 4f. Cette contraction de la couche f se manifeste aussi par la diminution de la taille des ions lorsque leur numรฉro atomique augmente.
Les รฉlectrons appartenant ร la couche interne incomplรจte 4fn (รฉlectrons optiquement actifs) vont ainsi se trouver รฉcrantรฉs de l’environnement cristallin par les couches externes complรจtement remplies 5s2 5p6 . En consรฉquence, l’interaction de l’ion de terre rare TR3+ avec le champ cristallin sera considรฉrรฉe comme trรจs faible devant la rรฉpulsion coulombienne entre les รฉlectrons et l’interaction spin-orbite.
Lโรฉquipe de lโuniversitรฉ John Hopkins (Baltimore, Maryland) dirigรฉe par le professeur Dieke [4] a dรฉterminรฉ un nombre trรจs important de niveaux dโรฉnergie pour lโensemble des treize ions de terres rares trivalents dans la matrice cristalline LaCl3. Dieke a rassemblรฉ ces rรฉsultats dans un diagramme qui constitue depuis un outil quotidien pour tout spectroscopiste des ions de terres rares trivalents. Ce schรฉma des niveaux dโรฉnergie de tous les lanthanides trivalents a รฉtรฉ donnรฉe dans les annรฉes soixante pour des รฉnergies jusqu’ร 42000 cm-1 . Rรฉcemment, il a รฉtรฉ รฉtendu jusquโร 70000 cm-1 dans le cas des ions de terres rares dans le LiYF4 [5].
Champ cristallin et effet Stark
D’une maniรจre gรฉnรฉrale, lorsqu’un ion de terre rare est inclus dans une matrice vitreuse ou cristalline, il est soumis au champ cristallin crรฉรฉ par les ions voisins de la matrice sur ses รฉlectrons 4f .
La premiรจre action du champ cristallin est de briser la symรฉtrie sphรฉrique de lโion libre de terre rare. Cette symรฉtrie est alors remplacรฉe par la symรฉtrie ponctuelle du site cristallographique occupรฉ par lโion de terre rare. Cet abaissement de symรฉtrie se traduit par une levรฉe de dรฉgรฉnรฉrescence des multiplets 2S+1LJ qui se dรฉcomposent en (2J+1) sous niveaux Stark si J est entier, et en (J+1/2) sous niveaux si J est demi entier. Le nombre des sous niveaux Stark attendus dรฉpend dโune part de la nature de lโion de terre rare et dโautre part de la symรฉtrie ponctuelle [9, 10].
Dans le cas des ions TR3+ , lโeffet du champ cristallin est faible car ces ions prรฉsentent la particularitรฉ dโavoir leur couche 4f protรฉgรฉe du champ cristallin par les couches saturรฉes 5s et 5p. Lโinteraction de champ cristallin nโest pas nรฉgligรฉe mais cette derniรจre contribue faiblement et entraine un รฉclatement de quelques centaines de cm-1 des niveaux .
Donc lโinteraction de champ cristallin joue un rรดle limitรฉ sur la position des niveaux dโรฉnergie, mais elle diffรจre cependant dโune matrice ร une autre, et conduit ร des variations importantes de lโรฉclatement et des sรฉquences de ces niveaux. Ses variations sont reprรฉsentรฉes ย pour les matrices laser les plus รฉtudiรฉes [11].
Rรจgles de sรฉlection
Dans le paragraphe prรฉcรฉdent nous avons dรฉcrit les niveaux dโรฉnergie associรฉs aux ions de terres rares dans une matrice hรดte. Lโinteraction de ces ions avec un rayonnement รฉlectromagnรฉtique peut donner naissance ร des transitions entre les niveaux dโรฉnergie, transitions rรฉgies par des rรจgles de sรฉlection. Lโinteraction des รฉlectrons de la terre rare avec le champ cristallin conduit principalement ร deux types de transitions [12] : les transitions dipolaires รฉlectriques et les transitions dipolaires magnรฉtiques.
Lโion Ytterbium
Lโabsorption de lโerbium รฉtant relativement faible, des ions ytterbium sont alors incorporรฉs afin dโamรฉliorer lโabsorption de la pompe. Lโion ytterbium de numรฉro atomique Z = 70 est lโavant dernier รฉlรฉment qui appartient ร la famille lanthanides, et que nous utilisons dans cette รฉtude pour le codopage de nos matrices.
Les ions Yb3+ sont gรฉnรฉralement utilisรฉes comme sensibilisateurs de lโerbium car lโunique niveau excitรฉ 2 F5/2 correspond au niveau 4 I11/2 de lโion erbium ce qui permet un transfert dโรฉnergie de lโytterbium vers lโerbium. Lโytterbium est un systรจme simple de deux niveaux dโรฉnergie (2 F7/2 et 2 F5/2) et possรจde un niveau absorbant entre 960 nm et 1000 nm. Lโabsorption ร 980 nm (transition 2 F7/2 ร 2 F5/2) sโaccompagne dโun transfert dโรฉnergie de lโion ytterbium (niveau 2 F5/2) vers lโion erbium (niveau 4 I11/2) .
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Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
CHAPTRE I : Spectroscopie des ions de terres rares
I. Propriรฉtรฉs spectroscopiques des ions de terres rares : notions gรฉnรฉrales
I.1 Propriรฉtรฉs optiques des ions Lanthanides
I.2 Configuration รฉlectronique
I.3 Niveaux dโรฉnergie et champ cristallin
I.3.1 Niveaux dโรฉnergie
I.3.2 Hamiltonien de lโion de terre rare dans la matrice hรดte
I.3.3 Champ cristallin et lโeffet Stark
I.4 Rรจgles de sรฉlection
I.5 Niveaux dโรฉnergie des ions de terre rares รฉtudiรฉs (Er3+/Yb3+)
I.5.1 Lโion Erbium
a) Configurations
b) Termes et multiplets
I.5.2 Lโion Ytterbium
I.6 La luminescence des ions Er3+ et Yb3+
I.7 Transitions des ions de terres rares dans les solides
I.7.1 Transitions radiatives des ions de terres rares
I.7.2 Les transitions non radiatives
I.7.3 Relaxation multiphonons
I.7.4 Les transferts dโรฉnergie
I.7.5 Types de transfert dโรฉnergie
1) Transfert direct
2) Migration de lโรฉnergie
3) Relaxation croisรฉe
4) Addition de photons par transfert dโรฉnergie
I.8 Transfert dโรฉnergie par up-conversion
Rรฉfรฉrences
CHAPITRE II: Propriรฉtรฉs structurales et caractรฉrisation spectroscopique de la matrice รฉtudiรฉe
II.1 Synthรจse des cristaux Sr0.3Cd0.7F2
II.2 Propriรฉtรฉs structurales des cristaux Sr0.3Cd0.7F2
II.2.1 Structure cristalline
II.2.2 Evolution du paramรจtre de maille de la solution solide SrxCd1-xF2
II.2.3 Propriรฉtรฉs physiques des cristaux Sr0.3Cd0.7F2
II.3 Caractรฉrisation spectroscopique de la matrice Sr0.3Cd0.7F2
II.3.1 Spectroscopie dโabsorption
a) Montage dโabsorption
b) Spectre dโabsorption de Sr0.3Cd0.7F2 : Er (4%), Yb (6%) dans le domaine visible 500-700 nm
c) Diagramme dโรฉnergie des sous niveaux Stark des ions Er3+
II.3.2 Spectroscopie dโรฉmission
a) Sources dโexcitation dans les montages dโรฉmission
1) Laser ร argon
2) Le laser ร colorant
3) Diode laser
b) Montage dโรฉmission
II.3.3 Mรฉcanismes dโexcitation de lโรฉmission verte
Rรฉfรฉrences
CHAPITRE III: Mesure de la tempรฉrature par la technique du rapport dโintensitรฉ de fluorescence (RIF)
III.1 Introduction
III.2 Thรฉorie du Rapport dโIntensitรฉs de Fluorescence (RIF)
III.2.1 Principe
III.2.2 Conditions dโapplication de la technique RIF
III.2.3 Couples de niveaux thermalisรฉs dโions de TR utilisรฉs dans la technique RIF
III.3 Historique et applications aux รฉchantillons dopรฉs aux ions de terres rares (TR3+)
III.4 Utilisation de la technique RIF dans le cas des ions Erbium dopants la matrice Sr0.3Cd0.7F2
Rรฉfรฉrences
CHAPITRE IV: Mesure de la tempรฉrature par la technique RIF dโun cristal massif sous double excitation
Introduction
IV.1 Puissance seuil dโรฉchauffement du cristal Sr0.3Cd0.7F2 : Er3+(4%), Yb3+(6%) sous excitation laser ร 652 nm
IV.2 Mesure de la tempรฉrature dโรฉchauffement du cristal Sr0.3Cd0.7F2 : Er3+(4%),Yb3+(6%) par utilisation de la chaufferette
IV.2.1 Description de la chaufferette
IV.2.2 Dispositif spectroscopique de mesure de la tempรฉrature
IV.2.3 Processus de mesure de la tempรฉrature
IV.2.4 Mesure de la tempรฉrature dโรฉchauffement du cristal Sr0.3Cd0.7F2 : Er3+(4%), Yb3+(6%) par la technique RIF et variation de la tempรฉrature de la chaufferette
a) Dรฉtermination des lois dโรฉvolution de la tempรฉrature des rapports dโintensitรฉs de fluorescence
b) Dรฉtermination des tempรฉratures T et Tโ
c) Etalonnage en tempรฉrature
IV.3 Mesure de la tempรฉrature du cristal Sr0.3Cd0.7F2 : Er3+(4%), Yb3+(6%) sous double excitation laser (ร 652 nm) et diode laser (ร 974.4 nm)
IV.3.1 Mesure de la tempรฉrature du cristal par la technique RIF : Cas de lโรฉchauffement induit par la diode laser excitant ร 974.4 nm
Introduction
a) Dispositif expรฉrimental
b) Spectre dโรฉmission verte sous excitation laser infrarouge
c) Spectre dโรฉmission verte sous double excitation laser infrarouge (ร 974.4 nm) et laser rouge (ร 652 nm) ร diffรฉrentes puissances de la diode laser
d) Procรฉdรฉ de mesure de la tempรฉrature par la technique RIF
e) Mesure de la tempรฉrature dโรฉchauffement du cristal soumis ร une double excitation laser rouge et infrarouge
IV.4 Etude dynamique de la variation de la tempรฉrature dโรฉchauffement du cristal
Conclusion gรฉnรฉrale