Spectroscopie de fluorescence et imagerie optique pour l’assistance à la résection de gliomes

Le cancer tue aujourd’hui 13 % de la population dans le monde et ce pourcentage ne cesse d’augmenter (WHO, 2008). Les tumeurs cérébrales ne représentent qu’une faible part des cancers (1% en France) mais un tiers d’entre elles sont malignes. Les gliomes représentent la moitié des tumeurs cérébrales et sont un enjeu majeur de santé publique. Ce sont des tumeurs infiltrantes, ce qui les rend difficilement curables. La majorité des gliomes sont des glioblastomes, tumeur dont l’espérance de vie dépasse à peine un an (American Brain Tumor Association). Outre le caractère malin de certains gliomes, leur présence peut impliquer différents symptômes tels que des maux de tête, des nausées, mais aussi des crises d’épilepsie, des changements de personnalité, des faiblesses musculaires, voire une semiparalysie ou paralysie complète du patient (WebMD). Lorsque c’est possible, les patients présentant un gliome sont opérés dans le but d’éliminer un maximum de cellules tumorales pour diminuer les effets de la tumeur et éviter sa progression. Cependant, dans plus de 85 % des cas de glioblastomes, les patients opérés présentent une récidive dans la cavité de la précédente opération (Petrecca et al., 2013). Ce fort risque de récidive s’explique par le caractère infiltrant des gliomes et la difficulté de séparer les infiltrations tumorales du tissu sain en temps réel lors de l’opération. De plus, ces tumeurs apparaissent dans le tissu glial, qui est un tissu de soutien des neurones. Les gliomes peuvent donc être situés à côté d’une zone cérébrale fonctionnelle, voire dedans, ce qui complique l’exérèse du fait des lourds déficits post-opératoires qu’une résection de ces zones peut entraîner.

Ainsi, en présence d’un gliome, le neurochirurgien est confronté à un double défi : il doit d’une part identifier les infiltrations tumorales afin d’enlever un maximum de tumeur et ainsi augmenter l’espérance de vie et d’autre part identifier la fonctionnalité cérébrale afin de limiter les dommages post-opératoires et ainsi préserver la qualité de vie. Cette double identification doit être faite en temps réel, une fois le cerveau exposé, car les techniques d’imagerie préopératoires ne donnent pas de cartographies suffisamment fidèles à ce qu’observe le chirurgien lors de l’opération. En effet, l’ouverture de la boîte crânienne implique un changement de pression et un affaissement du cerveau, phénomène appelé « brain shift », qui génère un décalage pouvant aller jusqu’à 3 cm entre la disposition du tissu cérébral sur l’image avant craniectomie et celle dans le champ opératoire (Nabavi et al., 2009).

Le cerveau sain et les gliomes

Le cerveau sain

Morphologie
Le cerveau est schématiquement séparé en deux hémisphères, droit et gauche, chacun sous divisé en 5 lobes et en gyri* individualisés par des sillons  Une cartographie fonctionnelle reposant sur une organisation en aires dédiées à des fonctions précises a été ébauchée par Gall et confirmée par Broca au XIXème siècle (Saban, 2002). Cette structuration est actuellement remise en cause pour faire place à une organisation en réseau (Duffau, 2017).

Ultrastructure
Le cerveau contient plusieurs centaines de milliards de cellules, réparties en deux catégories : les neurones et les cellules gliales. Ces cellules sont localisées dans la substance grise périphérique, aussi appelée « cortex cérébral » et dans la substance blanche sous corticale.

Les neurones sont composés d’un corps cellulaire où est traitée l’information, localisé dans le cortex, et d’un axone, situé dans la substance blanche, assurant la transmission de l’influx nerveux entre le cortex et les différentes structures de l’encéphale*. Chaque neurone communique en moyenne avec 10 000 autres via des changements de potentiel électrique au niveau des synapses, à l’extrémité des axones.

Les cellules gliales forment le tissu de soutien des neurones, assurant notamment le métabolisme* cérébral. Elles sont mélangées aux neurones et sont cinq à dix fois plus nombreuses que les neurones dans le cortex (Azevedo et al., 2009). Cette interconnexion explique la complexité à retirer les tumeurs associées, les gliomes. Ces cellules gliales peuvent être divisées en deux groupes : la microglie et la macroglie. La microglie est composée de cellules qui interviennent dans la défense immunitaire du cerveau (macrophage et autres cellules de l’inflammation) ; la macroglie est composée des oligodendrocytes et des astrocytes. Les oligodendrocytes ont pour fonction la formation de la gaine de myéline qui entoure les axones, permettant d’augmenter la vitesse de propagation et la fréquence des influx nerveux. Les tumeurs associées sont les oligodendrogliomes. Les astrocytes assurent la nutrition des neurones et permettent une régulation du milieu extracellulaire (étant situés entre les neurones et le système vasculaire). La tumeur associée à ces cellules est l’astrocytome. Ce sont les astrocytes, avec des péricytes* et des cellules endothéliales, qui forment la Barrière Hémato-Encéphalique (BHE). Cette barrière est un filtre physiologique sélectif qui protège le cerveau de l’attaque d’éléments extérieurs. Ce filtre laisse uniquement passer les nutriments nécessaires au fonctionnement du cerveau et permet l’élimination des déchets (Janzer 1993). De nombreuses molécules actives ne peuvent pas traverser cette BHE, et il semblerait que la molécule de 5-ALA la traverse difficilement dans les tissus sains. Toutefois la  présence d’un gliome de haut grade implique une rupture de cette barrière, ce qui permet le passage passif de certaines molécules normalement bloquées, comme le gadolinium (marqueur utilisé en IRM pour l’identification de ces tumeurs), des molécules de chimiothérapie, le 5-ALA à plus haute dose (Novotny and Stummer, 2003) ou la fluorescéine.

Les gliomes 

Les gliomes représentent 50 % des tumeurs primitives cérébrales. Leur degré de malignité, donc leurs conséquences, peuvent être très différents. L’origine de ces tumeurs est inconnue, même si des recherches de mutations génétiques sont en cours (Louis et al., 2016; Marumoto and Saya, 2012) et si certains facteurs environnementaux sont avancés. En 2007, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a proposé une classification des tumeurs cérébrales fondée sur des critères histologiques (Louis et al., 2007) puis elle a amélioré cette classification en 2016 en prenant en compte des critères moléculaires en plus de l’histologie (Louis et al., 2016). L’objectif pratique de cette classification est de mieux prédire le pronostic de ces tumeurs et ainsi améliorer la prise en charge thérapeutique des patients en leur proposant un protocole adapté. Cette classification sépare les gliomes en quatre grades, suivant leur malignité : le grade I bien circonscrit est curable par chirurgie, le grade II (gliome bénin) est une tumeur diffuse provenant des astrocytes ou des oligodendrocytes, le grade III est issu des mêmes cellules mais ces dernières ont acquis des propriétés de malignité et le grade IV ou glioblastome multiforme (GBM) est issu d’emblée d’une cellule indifférenciée (glioblastome primaire) ou provient de la dégénérescence maligne d’un gliome de grade II ou de grade III (glioblastome secondaire) (Louis et al., 2016). Toutefois, dans notre étude comme dans de nombreuses autres, nous séparerons les gliomes en deux classes : d’une part les Gliomes de Haut Grade (GHG) de grade IV (GBM) ou de grade III et d’autre part les Gliomes de Bas Grade (GBG) de grades I et II .

Les gliomes de grade II sont considérés comme histologiquement bénins mais peuvent être qualifiés d’état précancéreux. Ils apparaissent chez des patients plus jeunes (vers 40 ans contre 60 ans pour les GBM) et sont hautement surveillés puisqu’ils se transforment pratiquement toujours en gliomes malins après 5 à 10 ans (Gilbert and Lang, 2007). Par ailleurs, ce sont des tumeurs très diffuses dont les limites sont difficiles à préciser par les techniques actuelles d’imagerie (Fouke et al., 2015; Pouratian and Schiff, 2010; Prabhu et al., 2010; Sanai et al., 2011a).

Les GBM sont les tumeurs cérébrales les plus fréquentes, représentant 80 % des gliomes. Ce sont aussi les plus malignes : l’espérance de vie du patient présentant un GBM ne dépasse pas 1 an et demi, avec un taux de survie à 5 ans de moins de 10 % (American Brain Tumor Association). Ces tumeurs apparaissent à tout âge mais préférentiellement chez les personnes âgées, ce qui soulève la question du risque d’une chirurgie. Devant leur haute incidence et leur faible taux de survie, de nombreuses études s’intéressent particulièrement à ces tumeurs, comme le prouve par exemple le nombre conséquent d’études bibliographiques récentes (Acerbi et al., 2014; Kubben et al., 2011; Leroy et al., 2015; Li et al., 2014; Su et al., 2014). Outre la rupture de la BHE déjà énoncée, la présence de cette tumeur modifie d’autres propriétés des tissus, tels que leur pH (Estrella et al., 2013), leur vascularisation (KhalfaouiBendriss, 2010), l’allure des cellules et leur densité ou encore les propriétés d’absorption et d’émission de lumière des tissus. Les différentes techniques d’assistance utilisent donc ces différentes modifications de propriétés pour essayer de discriminer le tissu sain du tissu tumoral.

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Table des matières

LEXIQUE MEDICAL
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 CONTEXTE ET ETAT DE L’ART : BESOIN D’ASSISTANCE PEROPERATOIRE POUR LA RESECTION DE GLIOMES
1.1 – LE CERVEAU SAIN ET LES GLIOMES
1.1.1 – Le cerveau sain
1.1.2 – Les gliomes
1.1.3 – Problématique clinique
1.2 – BASES DE L’INTERACTION LUMIERE-MATIERE DANS LES TISSUS BIOLOGIQUES
1.2.1 – Absorption
1.2.2 – Diffusion
1.2.3 – Fluorescence
1.3 – LES TECHNIQUES ACTUELLES D’ASSISTANCE PEROPERATOIRE POUR L’IDENTIFICATION DES MARGES TUMORALES ET LEURS LIMITES
1.3.1 – Techniques non optiques actuellement utilisées en routine clinique
1.3.2 – Techniques optiques : Microscopie de fluorescence
1.3.3 – Conclusion sur les techniques actuelles
1.4 – TECHNIQUES D’ASSISTANCE EN COURS DE DEVELOPPEMENT UTILISEES AU BLOC OPERATOIRE
1.4.1 – Spectroscopie de fluorescence de la PpIX
1.4.2 – Spectroscopie Raman
1.4.3 – Etude de l’autofluorescence
1.4.4 – Récapitulatif des techniques en cours de développement déjà testées au bloc opératoire
1.5 – PRESENCE D’UN DEUXIEME ETAT DE FLUORESCENCE DE LA PPIX
1.5.1 – Variabilité du spectre émis par la PpIX dans la littérature
1.5.2 – Etude préliminaire sur biopsies en considérant les deux états de fluorescence de la PpIX
1.5.3 – Propriétés de fluorescence de ces deux états
1.6 – CONCLUSION
CHAPITRE 2 CONCEPTION, DEVELOPPEMENT ET CARACTERISATION DU SYSTEME DE SPECTROSCOPIE DE FLUORESCENCE
2.1 – CAHIER DES CHARGES ET DESCRIPTION GENERALE
2.2 – PRESENTATION ET CARACTERISATION DES PRINCIPAUX COMPOSANTS
2.2.1 – Partie commande : Ordinateur et interface Labview®
2.2.2 – Système d’excitation
2.2.3 – Sonde
2.2.4 – Système de détection
2.3 – ASSEMBLAGE ET CARACTERISATION DU SYSTEME COMPLET
2.3.1 – Puissance en sortie du système
2.3.2 – Spectres en sortie du système
2.3.3 – Fonction de transfert du système
2.4 – CONCLUSION
CHAPITRE 3 ETUDE SUR FANTOMES ET DEVELOPPEMENT DU MODELE D’AJUSTEMENT DES SPECTRES
3.1 – SYSTEME DE MESURE SUR FANTOMES
3.2 – OBTENTION DES SPECTRES D’EMISSION DE REFERENCE POUR CHAQUE ETAT
3.3 – PROTOCOLE DE MESURE SUR FANTOMES PRESENTANT LES DEUX ETATS DE FLUORESCENCE
3.4 – DEVELOPPEMENT DU MODELE D’AJUSTEMENT DES SPECTRES MESURES SUR FANTOMES OPTIQUES
3.4.1 – Traitement préliminaire : obtention des spectres bruts
3.4.2 – Développement du modèle d’ajustement
3.4.3 – Modèle retenu
3.5 – RESULTATS ET DISCUSSION : CONTRIBUTION DES DEUX ETATS A LA FLUORESCENCE EMISE
3.5.1 – Variation des contributions suivant la source d’excitation
3.5.2 – Allure des spectres émis en fonction du microenvironnement
3.5.3 – Contribution de chaque état de fluorescence en fonction du microenvironnement
3.6 – ETUDE DE LA LONGUEUR D’ONDE CENTRALE ET COMPARAISON AVEC DES SIMULATIONS
3.6.1 – Modèle
3.6.2 – Résultats
3.7 – CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE

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