Spécificités du secteur cinématographique vis-àvis des autres secteurs industriels

« C’est au commerce de s’adapter à l’art et non pas à l’art de s’adapter au commerce » .

Par cette affirmation, Jean-Jacques Beineix, réalisateur et producteur, pose le paradoxe : le cinéma comme art, le septième selon Etienne Souriau , comme « une création destinée à produire chez l’homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins liée au plaisir esthétique» ; et le cinéma comme une industrie, un travail avec son lot de procédures et son modèle économique propre. Le terme d’industrie cinématographique pourtant bien ancré dans notre langage marque une ambivalence qui a déjà fait l’objet de nombreuses recherches. Il paraît fondamental de s’appuyer sur la nécessité de la coexistence du statut artistique et industriel dans le secteur cinématographique pour pouvoir le décrire, le comparer et l’analyser justement. Ce qui nous importe est d’accepter de considérer le cinéma, non seulement comme un art mais aussi comme un secteur d’activité avec ses règles, ses contraintes, ses atouts ; un secteur donc, qui doit pouvoir s’organiser, tant du point de vue de ses procédures de travail que de la gestion de ses ressources humaines. Ces techniques d’organisation du travail ont un nom : management. Si le cinéma sait parfaitement comment organiser son travail (hiérarchie très forte, chaîne de travail, procédures, workflow, etc…), repenser cette organisation vers un management plus adapté à la versatilité et la flexibilité de son système social n’est pas la priorité du secteur cinématographique.

« Comment, d’une part, agencer la réalisation de produits chaque fois uniques, prototypiques, à la création desquels prennent principalement part des personnels expérimentés et des artistes choisis pour leurs caractéristiques et leurs compétences singulières […] ? Comment, d’autre part, assurer la viabilité d’organisations produisant des biens et des services chaque fois différents quand elles évoluent dans un environnement incertain, où la demande est éminemment versatile et le succès hautement aléatoire ? » .

Alors que le travail au cinéma est nécessairement strict (il faut agir vite) et adaptable (car chaque film est unique), ses méthodes restent encore très traditionnelles. Pourtant, il existe aujourd’hui de très nombreuses façons d’organiser le travail et de façon de plus en plus exponentielle. En considérant les problématiques économiques, sociales et politiques propres au secteur cinématographique, l’idée du développement managérial s’avère alors être une question mineure et le secteur cinématographique ne paraît pas enclin à s’en emparer. En effet, les urgences semblent ailleurs. Repenser le management dans la gestion des ressources humaines paraît pourtant être une piste non-négligeable des champs d’action applicables dans l’amélioration de ce secteur d’activité.

Spécificités du secteur cinématographique vis-à-vis des autres secteurs industriels 

« En première approximation, relèvent de l’industrie les activités économiques qui combinent des facteurs de production (installations, approvisionnements, travail, savoir) pour produire des biens matériels destinés au marché. Une distinction est généralement établie entre l’industrie manufacturière et les industries d’extraction mais le contour précis de l’industrie dans chaque opération statistique est donné par la liste des items retenus de la nomenclature économique à laquelle cette opération se réfère (NAF, NES, NA…). » .

Cette définition de l’industrie pose une base très utile. En effet l’INSEE parle d’industrie pour les secteurs d’activité produisant des biens et matériels de type manufacture ou extraction. Le cinéma ne semble donc pas se rattacher à cette définition. Pourtant, l’emploi de la terminologie « industrie cinématographique » est extrêmement courante et pour cause : le cinéma est bien une industrie culturelle d’après les nombreuses classifications des types d’industries effectuées. Les caractéristiques techniques du cinéma et son historique innovant en pleine révolution industrielle lui octroi de réelles spécificités scientifiques.

Or, en France, il est difficile d’assumer que l’on produit des objets qui sont à la fois industriels et artistiques. D’après une secrétaire de production interviewée dans le cadre de ce mémoire ,

« En France, tout est considéré comme une création : on a beaucoup de mal à dire que quelque chose serait un produit. […] Personne ne veut admettre qu’on est dans un produit hybride qui est à la fois une création artistique et une industrie et donc qui répond à deux critères. […] On pense toujours que l’industrie est sale par rapport à l’art alors qu’on  pourrait allier les deux et réfléchir dans un espace de débat calmé pour essayer de garder le meilleur des deux systèmes. » 

Alors que la notion d’industrie dans le domaine de la culture est éminemment diabolisée, elle semble faire l’objet d’une réalité. Nous partons donc de l’hypothèse que le cinéma s’inscrit dans un dynamisme industriel tout en gardant en tête l’ambivalence spécifique à ce secteur : l’enchevêtrement entre art et industrie. Schématiquement, la notion d’industrie se réfère à un certain nombre de règles et de procédures qui apparaissent comme des contraintes, là où l’art réside au contraire dans la liberté. Trouver l’espace de liberté dans les cadres imposés par la contrainte est au cœur de tout l’enjeu culturel. Nous pouvons alors tenter de déceler les caractéristiques inhérentes au secteur cinématographique, en établissant une comparaison sous forme de calques entre le cinéma et les entreprises industrielles rattachées à d’autres secteurs d’activité. En effet, la comparaison du secteur cinématographique aux autres secteurs industriels paraît relativement évidente. Pourtant, l’industrie que nous conviendrons de nommer « industrie standard » , semble savoir s’approprier certaines stratégies managériales allant de la perspective d’une meilleure rentabilité jusqu’à l’amélioration des conditions de travail dans certains cas, ce qui semble à priori bien loin des impératifs culturels. C’est à partir de cette observation que nous essaierons d’opposer ces méthodes à celles de l’industrie cinématographique.

Nature temporaire 

Renouvellement permanent de l’objet produit

Bien que cela puisse paraître très basique, cette première spécificité propre aux secteurs culturels marque une distinction non-négligeable avec les industries standards. Alors que la question de la répétition est au cœur de notre vision de l’industrie, au cinéma une des particularités vient du fait que chaque film est un objet produit de manière unique. Il s’agit de fabriquer un prototype à chaque fois différent du précédent avec des spécificités propres en termes de résultat évidemment mais également en termes de fabrication et c’est ce qui nous intéresse ici. Imaginons la fabrication d’un objet dans une industrie standard en prenant l’exemple de la voiture. Bien que pour une même marque, de nombreux modèles différents sont conçus et fabriqués changeant ainsi de taille, de forme, d’usage, de niveaux de technologie ou de prestige, un même modèle est fabriqué à répétition et est ensuite vendu à grande échelle. Cette répétition de fabrication a l’avantage indéniable de permettre la mise en place de procédures de fabrication fixes : les machines conçues sont rentabilisées par la multiplication de leur usage ou encore la très célèbre chaîne de travail instaurée par Taylor et mis en pratique par Ford pour cette même industrie (logique de travail alors très utilisée dans la plupart des techniques industrielles). De manière évidente, la reproduction répétitive permet d’assoir facilement différentes stratégies de management qui peuvent se pérenniser dans le temps. La fabrication d’un nouveau modèle de voiture différent du précédent ne remet que très rarement en question la durabilité et l’efficacité des stratégies mises en place.

Durée déterminée de l’embauche

En effet, si l’objet produit, ici le film, a une fabrication de nature temporaire, il va de soi que la main d’œuvre nécessaire à sa conception est mobilisée de façon tout autant temporaire. Il est nécessaire de rappeler les fondements d’un contrat de travail selon le Code du travail. La forme normale d’embauche d’un salarié est le contrat à durée indéterminée (Article L.1221-2). Certains cas professionnels permettent la dérogation à cette loi par la rédaction d’un contrat à durée déterminée. C’est le cas des emplois du spectacle mais aussi notamment des branches saisonnières dont la liste a été fixée dans un arrêté publié le 6 mai 2017. La Convention Collective Nationale de la Production Cinématographique permet également cette exception car « il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » (Article L.1242-2 du Code du travail). Contrairement aux autres branches industrielles, le secteur cinématographique embauche donc dans la majeure partie des cas pour une durée déterminée : celle de la fabrication d’un film. Cela a une conséquence évidente : le développement managérial de l’entreprise ne peut être mis en place par des stratégies pérennes comme les autres secteurs d’activités pourraient être amenés à le faire par le recours au CDI. En effet, la pérennisation de l’embauche dans le secteur cinématographique est extrêmement rare à cause de la nature temporaire de son activité. C’est pourtant une des principales caractéristiques qui permet au management de se développer : une équipe et des postes stables peuvent engendrer des stratégies et procédures durables.

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Table des matières

Remerciements
Introduction
Première partie
Spécificités du secteur cinématographique vis-àvis des autres secteurs industriels
Nature temporaire
Instabilité économique
Système social et salarisation
Seconde partie
Quel management pour quel type
d’organisation ?
Notion de travail
Le management comme organisation du travail
Réfléchir le management pour le secteur
cinématographique
Conclusion
Annexes
Bibliographie et netographie
Liste des contacts

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