La vie d’un chien guide
Possibilités et Limités des chiens guides d’aveugles
Possibilités et limites liées au chien
D’un point de vue physique et comportemental
D’abord, du point de vue morphologique, le chien guide d’aveugle doit répondre à deux impératifs. Il doit pouvoir supporter sans fatigue le harnais durant les sorties quotidiennes avec le non-voyant, ce qui nécessite une bonne conformation et une bonne ossature. Sa stature doit également pouvoir être adaptée à la taille de la personne déficiente visuelle, de façon à assurer une position de guidage confortable par le biais du harnais (bien que ce dernier soit également réglable en longueur).
Pour ces deux raisons, la plupart des chiens-guides ont une hauteur au garrot de 40 à 60 cm pour un poids tournant autour de 30 kg. Ces valeurs sont bien sûr relatives, la diversité de morphologie des chiens permettant d’adapter le choix du chien-guide à la morphologie du non-voyant : du petit format pour une jeune femme frêle, au grand format pour un homme de grand gabarit.
Par ailleurs, le chien-guide doit pouvoir travailler par tous les temps (fortes chaleurs, pluie ou neige). C’est pourquoi les chiens au pelage imperméable et plus ou moins court sont préférés dans la mesure du possible.
Ce type de morphologie doit être accompagné de critères comportementaux spécifiques. Le chien-guide d’aveugle doit avoir un caractère parfaitement équilibré.
Des qualités essentielles, comme la résistance nerveuse (utile lors de la période d’éducation, mais également pour affronter sereinement les agressions du milieu extérieur : bruit, mouvement, concentration humaine, pollution, etc) et la curiosité (qui influence positivement les capacités d’apprentissage) sont recherchées.À l’aide de tests comportementaux, l’ECGA de Vincennes s’efforce de sélectionner très tôt parmi ses chiots ceux qui ont un tempérament équilibré, une bonne disposition vis-à-vis des humains et des animaux, qui recherchent la présence humaine avec le désir de plaire, qui ont une bonne capacité de concentration et d’adaptation aux modifications de l’environnement, qui ont de l’énergie, mais sans nervosité, et dont la sensibilité tactile et auditive n’est pas exacerbée. Ceux qui montrent au contraire des traces d’agressivité, qu’elle soit tournée vers l’homme ou vers d’autres animaux, ainsi que des signes évidents et répétés de distraction ou d’anxiété, sont écartés le plus tôt possible de la formation de guide. Les chiens sont également stérilisés systématiquement au moment de leur entrée à l’école, certaines composantes du comportement sexuel des mâles (marquage du territoire, excitation sexuelle, fugues…) ou des femelles (période d’oestrus) étant peu compatibles avec le travail du chien-guide. Les femelles sont, d’une façon générale, plus douces et moins agressives que les mâles, mais il semblerait aussi qu’elles soient plus craintives, plus excitables et plus distraites par les odeurs que les mâles.
L’école utilise de manière égale les mâles et les femelles, tant que tous possèdent un caractère équilibré. Peu de races présentent l’ensemble de ces dispositions naturelles. Le Labrador, le Golden Retriever, le Flat-Coated Retriever, l’Hovawart et le Berger Blanc, qui sont les races principalement éduquées à l’ECGA de Vincennes, regroupent ces dispositions, chacune à des degrés divers. L’ECGA veille cependant à écarter de la formation les individus atteints des tares les plus fréquentes dans ces 5 races (dysplasie coxo-fémorale, ostéochondrose, myopathies héréditaires des Retrievers, Hémophilie, affections ophtalmologiques diverses…).Le Labrador est un chien court et très actif, au crâne et à la truffe larges, à l’encolure puissante. Il est fortement charpenté, avec une ossature solide et des membres bien musclés. Le poil est serré et court, avec un sous-poil bien fourni, résistant aux intempéries. La hauteur au garrot varie entre 54 et 60 cm, et le poids varie de 25 à 30 kg. Trois couleurs existent : jaune, noire et chocolat, cette dernière étant plus rare.Très équilibré, jamais agressif, il fait un chien de compagnie très agréable. Mais c’est également un
chien très actif, agile, sûr, tenace et d’allure vive. Il est précoce et astucieux, doté d’une finesse de nez remarquable et d’une très grande mémoire visuelle.
Il est globalement sociable, doux, intelligent, plutôt calme, patient et obéissant.
Le Flat-Coated Retriever est un chien de taille moyenne, court et arrondi. Son poil est dense et plat. Il est puissant, mais sans lourdeur, grâce à une bonne ossature et des membres musclés. Lors de la marche, son allure est dégagée et facile. D’une grande résistance, robuste, vif, très rapide et très énergique, ce chien est classiquement considéré comme la « formule 1 des Retrievers ».
Sensible, affectueux, gai, doux et docile, il est facile à vivre et son éducation est aisée.
L’hovawart est un chien musclé et élancé, de taille moyenne, sans lourdeur. Très résistant, vigoureux, énergique, doté d’un excellent flair, vigilant, mais jamais agressif sans raison, c’est un chien polyvalent. Son poil est également imperméable. C’est un compagnon agréable et fidèle, avec son caractère calme, doux, équilibré, affectueux avec ses maîtres.
Tout comme pour les trois races précédentes, son éducation sera ferme, mais avec douceur.
Le Golden Retriever est un chien un peu plus svelte que le labrador, bien que rustique. Sa stature est harmonieuse, bien qu’il soit solidement bâti. Il est actif et puissant. La hauteur au garrot et le poids sont sensiblement les mêmes que pour le Labrador. Son poil plus long présente un sous-poil serré, imperméable. Lors de la marche, son allure est énergique. Il est résistant, vigoureux, actif, doté d’un excellent nez et d’une mémoire remarquable. Doux, sensible, calme, loyal et obéissant, c’est également un compagnon très apprécié.
Attention tout de même à l’odorat très développé (comme chez le Labrador), qui peut les inciter à avoir tout le temps le nez collé au sol, avec un port de tête bas qui n’est pas très compatible avec le travail de guidage (champ visuel signifiant réduit).
Le Berger Blanc Américain est un chien de taille moyenne également, au corps légèrement plus long que haut, bien musclé, au dos droit et à la croupe non fuyante. Le poil est de longueur variable, mais il ne craint pas les intempéries. Son allure est généralement de grande amplitude. Il doit être pondéré, bien équilibré, sûr de lui, vigilant, docile, courageux, mais attention, il peut avoir un caractère bien trempé et être difficile à gérer pour une personne peu sûre d’elle même. Il est vif, gai, loyal, et son intelligence subtile lui confère de réelles aptitudes à l’éducation. Cependant cette dernière doit être menée avec doigté et patience. Il est globalement plus sensible et plus réactif que le Labrador ou le Golden Retriever. La rapidité et la pertinence de son apprentissage peuvent s’en trouver fortement améliorées. Cependant, c’est à contrario un chien qui pourra être plus facilement distrait par des stimuli non signifiants pour son travail de guidage. L’Hovawart a un stop marqué également. Ses sourcils proéminents, et une rangée moyennement fournie de cils longs protègent plutôt bien les yeux. Le berger Blanc a un stop peu marqué associé à une tête longiligne. Les sourcils sont peu prononcés. Les yeux très effilés en amande, possèdent une rangée de cils courts.
Le labrador a un stop bien marqué sur une tête massive. Les yeux plutôt ronds possèdent une rangée de cils courts moyennement fournie, et sont surplombés par des sourcils proéminents.
Le Flat-Coated Retriever a un stop très effacé. Les sourcils peu marqués protégent peu les yeux, assez enfoncés dans les orbites. Une rangée bien fournie de cils longs borde les paupières.
Le Golden Retriever a une tête massive. Le stop ainsi que les sourcils sont bien marqués. Ses
yeux légèrement étirés en amande sont bordés d’une rangée fournie de cils longs.Selon les morphotypes, les chiens ne sont pas tous égaux devant les variations climatiques. Les Labradors et Flat-Coated Retrievers, au pelage plutôt court et léger, seront sans doute moins affectés par les fortes chaleurs estivales que les Bergers, Golden et Hovawart, au pelage plus épais. Cependant, quelle que soit la race, il n’est pas rare, en été, de voir les chiens dévier parfois de leur chemin pour marcher à l’ombre ou pour mettre les pattes dans des caniveaux pleins d’eau. Cela n’est bien sûr pas souhaitable, et peut même se révéler dangereux dans certaines conditions.
Par ailleurs, en cas d’intempéries, et pour une protection équivalente sur le corps par l’intermédiaire du pelage, les Golden Retrievers, qui ont de longs cils bien fournis et un stop plus marqué que les Bergers blancs (cf. tableau II) seront sans doute mieux protégés par rapport aux gouttes de pluies susceptibles de leur tomber dans les yeux. Ainsi, moins gênés par la pluie, ils auront certainement moins tendance à baisser la tête lors de mauvais temps.
De cette manière, ils pourront conserver un champ visuel moins centré sur le sol, contenant plus d’éléments signifiants pour le travail de guidage, et donc de meilleures capacités de travail par temps pluvieux.Concernant le port de tête justement, c’est un élément très important dans l’efficacité du guidage. Sur ce point, on peut observer des différences raciales, mais qui ne sont pas absolues. Ainsi, il est vrai que les races à l’odorat très développé (Labrador, Golden retriever, Berger Blanc) pourront montrer une tendance plus marquée à marcher le nez près du sol, plus près des sources odorantes.
Cependant, les variations principalement observées sont plus de l’ordre individuel. Sur les photographies illustrant le tableau I, on peut nettement remarquer ces variations :
« Tango » et « Sonate », respectivement le Berger Blanc et l’Hovawart ayant servi de modèles ont un port de tête très haut, tandis que « Saline » et « Sati », respectivement le Flat-coated
Retriever et le Labrador portent la tête plutôt basse.
Les premiers bénéficieront logiquement d’une portée visuelle sur une plus longue distance, le champ visuel signifiant étant plus large, permettant de mieux visualiser les obstacles lointains et/ou en hauteur, rendant leur travail de guidage plus efficace, par rapport aux deux autres, qui auront un champ visuel plus réduit, et pourront certainement moins facilement anticiper. « Rafale », le Golden retriever, a un port de tête intermédiaire.
D’un point de vue sensoriel
Les capacités sensorielles du chien n’ont pas la même étendue que chez l’homme.
Elles sont notamment supérieures en ce qui concerne l’ouïe et l’odorat. Cette différence implique que l’homme et le chien perçoivent différemment le monde.
Les organes des sens sont des intermédiaires entre le milieu extérieur et l’animal. La façon qu’a le chien d’appréhender l’espace dans lequel il évolue passe par sa perception, c’est-à-dire par le décodage et l’interprétation de ce qu’ont enregistré les différents organes sensoriels. Connaître le fonctionnement de ces organes, leurs capacités et leurs limites, est indispensable si l’on veut traiter ensuite des capacités perceptives du chien.
Les capacités visuelles seront particulièrement détaillées, car ce sont elles qui interviennent majoritairement dans le travail de guidage, mais les organes de l’olfaction, de l’audition et du sens tactile ne seront pas oubliés, car ils ont eux aussi leur importance.
La vision
Les capacités visuelles du chien affectent de façon directe sa capacité à s’engager à un haut degré de performance dans des actions visuellement orientées, comme l’est l’action de guider un aveugle, par exemple. Ainsi, dans tous les domaines utilitaires faisant intervenir le chien, il est très intéressant, dans le cadre de la phase d’éducation, de savoir comment voit le chien, de manière à optimiser les stimuli visuels utilisés au cours de l’apprentissage de son futur travail. La littérature concernant la vision du chien est assez éclatée entre les approches physiologique, ophtalmologique, neuro-anatomique, électrophysiologique, etc. L’approche synthétique de cette question : « comment voit le chien ? », est d’autant plus complexe que la compréhension actuelle de nombreuses composantes de la vision canine est imparfaite. La réponse sera donc forcément incomplète. Deux autres paramètres compliquent également cette étude. Il s’agit, d’une part des grandes différences inter-raciales au sein de cette espèce. D’autre part, la description par l’homme des capacités visuelles d’espèces non humaines est nécessairement couchée en termes de capacités visuelles humaines, et de ce fait, peut ne pas donner une représentation fidèle, correcte de la perception visuelle des animaux. On peut tout de même apporter des éléments de réponse en décrivant notamment l’acuité visuelle du chien, sa capacité à percevoir les formes ou les couleurs, les qualités distinctives d’un objet. Cette partie de l’étude s’appuiera principalement sur un article de Miller et Murphy, intitulé « Vision in Dogs »(31).La synthèse de ces différents paramètres permettra de se représenter la perception visuelle du monde chez le chien. L’ensemble des considérations, anatomiques ou fonctionnelles, est illustré sur les figures n°2 à16.Nous allons commencer par rappeler succinctement l’anatomie et la physiologie de l’oeil, de ses annexes, et des voies visuelles.
D’UN POINT DE VUE ANATOMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE
La région orbitaire est circonscrite par le bord orbitaire de la face. Elle est recouverte par les paupières supérieure et inférieure. Dans les angles (médial et latéral) de l’oeil, les paupières sont réunies par des commissures (respectivement médiale et latérale). La fente palpébrale laisse voir le bulbe de l’oeil (cornée, iris et pupille au centre, sclère à la périphérie et, dans l’angle médial de l’oeil, la caroncule lacrymale et la troisième paupière). Les cils bordent la partie supérieure seulement, et quelques poils tactiles supra orbitaires surplombent la région (Fig. n°2).
Le volume de l’oeil du chien est de 4,9 à 6,7 cm3, sa masse se situe entre 5 et 7 g.
La conformation quasi sphérique du bulbe de l’oeil présente des avantages certains, eu égard à ses propriétés optiques :
– La solidité : pour un organe mou contenant des structures délicates comme l’oeil, le volume sphérique est celui qui offre la plus grande résistance ;
– L’équidistance relative de la vitre cornéenne et de la surface sensible rétinienne, quelle que soit l’incidence des rayons lumineux, qui facilite la mise au point de l’image ;
– La symétrie axiale des lentilles de l’oeil en fait un système optique centré, qui d’un objet punctiforme, donne une image punctiforme (stigmatisme) ;
– La possibilité de pivotement à l’intérieur de l’espace orbitaire, qui permet de fixer les objets sans devoir bouger à priori la tête ou le corps.
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Table des matières
I. Présentation des chiens guides d’aveugles
A. Les chiens guides d’aveugles en France – Situation actuelle
B. La vie d’un chien guide – son organisation
1) L’élevage
2) La famille d’accueil
3) L’éducation
4) La remise
5) Le suivi
C. La fonction de chien guide d’aveugle
D. Spécificités de l’éducation des chiens guides d’aveugles
1) Un schéma d’éducation particulier aux chiens d’assistance aux personnes handicapées
2) Le chien guide et la vie de tous les jours
3) Une certaine modération dans le travail
II. Possibilités et limites des chiens guides d’aveugles
A. Possibilités et limites liées au chien
1) D’un point de vue physique et comportemental
2) D’un point de vue sensoriel
a) La vision
? D’un point de vue anatomique et physiologique
? D’un point de vue perceptif
? Application aux chiens guides d’aveugles
b) L’olfaction
? D’un point de vue anatomique et physiologique
? D’un point de vue perceptif
c) Le toucher
d) L’audition
2) D’un point de vue intellectuel
a) L’intelligence animale au fil des siècles
b) L’intelligence animale selon les sciences cognitives
? Représentation spatiale et carte cognitive
? Catégorisation et abstraction
3) L’organisation fonctionnelle cérébrale
a) Anatomie et physiologie du cerveau chez le chien
b) Organisation fonctionnelle
a) Connaissance, sens et respect du chien
b) Déroulement positif de l’éducation – Importance de l’affectif
c) Progression et répétition dans l’éducation
d) Loi du naturel
2) Applications de ces principes à L’ECGA de Paris et la Région Parisienne
a) Commandements d’obéissance
? Le rappel
? Commandements de position
? Commandements directionnels
? La marche au pied
b) Commandements de recherche
c) Commandements concernant l’exécution du travail
d) Le travail des obstacles : 3 étapes
? Sensibilisation
? Apprentissage renforcé
? Responsabilisation
e) Quelques apprentissages particuliers : le travail du vide et de l’eau
3) Validation du processus éducatif
C. La remise : aboutissement de l’éducation des chiens guides d’aveugles
1) Le stage de remise : début d’une complicité maître-chien
2) Après la remise, le suivi
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