Le transport maritime supporte aujourd’hui près de 90% des échanges internationaux. Dans le contexte récent de réorganisation de cette activité de transport, axé sur la mise en place des lignes tour du monde centrées sur les façades maritimes d’importance planétaire, le port ne dessert plus un arrière-pays strictement contrôlé mais devient le lieu des connexions desservant un espace international ouvert. C’est alors sa place dans les réseaux qui détermine sa situation spatiale . La notion même de port national devient partiellement erronée car masquant les concurrences pour la captation des transits dans des échelles continentales régionales, interrégionales et internationales. Ces mutations profondes et rapides dans le domaine du transport maritime ont conduit les géographes à s’attacher d’abord à l’observation des complexes océaniques les plus puissants. L’intérêt pour les façades maritimes dites secondaires reste mineur: si l’étude des noyaux capte l’énergie des chercheurs, celles des terminaisons de leurs rayons ne semble pas spécialement les attirer. Or, sans ces terminaisons, ces noyaux perdraient leur raison d’être. En Europe, le trafic maritime centré sur la rangée nord s’éclate ensuite sur des façades de moindre importance, parmi lesquelles la mer Baltique. Souvent considérée comme une destination secondaire, elle apparaît comme ignorée, tout au mieux négligée, par le monde maritime ; en témoignent les stratégies et les politiques pour le moins frileuses du monde maritime et portuaire français à l’égard de ce nouveau marché disponible. Toutefois, en raison des mutations profondes et récentes de la région entourant la mer Baltique, mutations initiées par l’implosion du bloc communiste à la fin du siècle dernier, cet espace devient attractif, et par là même un objet d’étude intéressant : quasi laboratoire en matière de géopolitique, il présente un intérêt croissant dans les domaines écologiques et environnementaux et apparaît comme unefaçade maritime nouvelle ou tout du moins nouvellement perçue. Tantôt perçu comme un espace en marges, en marges du monde occidental au cours des années soviétiques, en marges de l’Europe au début des années 1990, la région est surtout un espace transitoire, non une rupture, en raison des innombrables flux matériels ou autres qui l’empruntent. Les régions qui bordent la Baltique sont d’ailleurs historiquement marquées par leur rôle économique et stratégique. Région la plus septentrionale de l’Europe, la région de la Baltique est synonyme d’espace maritime. La vocation maritime de cette région reste certainement son caractère majeur. Grâce à sa position géographique avantageuse, elle s’affirme comme une artère maritime animée d’importance internationale. Des Varègues à la Hanse, elle a toujours été un espace d’échanges, de carrefour, basé sur les grandes villes portuaires. L’histoire de la Baltique est pleine de conflits dont la raison d’être est la sortie vers la mer. Sans parler de conflit, la situation actuelle est semblable : l’accès à la mer, et plus particulièrement à l’océan mondial, est désormais le point central de nombreuses réflexions régionales.
La Baltique orientale, présentation, cadre méthodologique et spatiotemporel
La première étape est de poser des questions sur cet espace. Questions qui vont des plus simples (où, pourquoi, comment par exemple) à des interrogations plus précises et originales comme la caractérisation d’un découpage spatial inhabituel et la remise en cause des définitions communément retenues. Cette première étape s’inscrit dans l’indispensable précision des aspects méthodologiques et théoriques qui guident ce travail car l’objet d’étude se doit d’être clairement mis en lumière, tandis que les techniques et les principes régissant son étude doivent être formellement affirmés. Le cadre spatio-temporel de la Baltique orientale constitue l’élément premier de son appréhension car il fait ressortir de forts particularismes influant sur le développement contemporain de cet espace, qu’il s’agisse du passé glorieux de la Hanse, du poids des activités de transport dans les économies baltes ou encore du caractère unificateur de la mer. Poser des questions appropriées et développer des problématiques pertinentes suppose de collecter de l’information, mais aussi de l’organiser avant de l’analyser par des classifications, des synthèses. Ainsi, l’approche de la circulation maritime implique une approche quantitative des trafics qui inclut l’utilisation des méthodes d’analyse de données statistiques.
Les ports de la Baltique orientale comme composants d’une façade maritime en mutation
A partir de 1991, les principaux ports de la Baltique se sont trouvés presque tous localisés hors de la Russie et se sont développés de manière autonome. De ce fait, les ports russes n’ont plus été en mesure de répondre à la demande. Ce phénomène est autant dû aux lenteurs de restructuration des ports russes qu’à l’organisation du transport maritime soviétique. Les dirigeants des Etats Baltes, tout comme les acteurs portuaires finlandais, ont vite compris le bénéfice qu’ils pouvaient tirer des flux à destination ou en provenance de la Russie ou des pays de la CEI. L’ouverture du bloc de l’est a pour conséquence le développement d’une nouvelle maritimité, ne relevant plus uniquement des caractéristiques géographiques ou d’une spécialisation volontariste, mais intégrée à une dynamique de croissance régionale. Le seul fait que le trafic des ports de la Baltique orientale ait plus que doublé entre 1990 et 2002 montre l’intérêt d’une étude ciblée de ceux ci. Comprendre pourquoi et comment ces ports issus du giron soviétique sont aujourd’hui parmi les plus dynamiques d’Europe s’impose au géographe : qu’est ce qui explique sur cette portion d’espace terrestre un tel développement des activités maritimes et portuaires ? La multiplication des angles d’analyses du monde portuaire balte, en fonction des spécialisations, des trafics, sous l’aspect national ou de la localisation des activités favorise la compréhension du fait maritime dans la région. De ce fait, il est possible de dégager les caractères fondamentaux de cette façade maritime. En évitant de tomber dans la monographie portuaire, une approche port par port autorise une différenciation spatiale qui vient compléter l’analyse de l’ensemble et renforcer la compréhension de sa mutation, ses facteurs et se conséquences maritimes, ou autres. L’étude des ports de la façade orientale de la mer Baltique poursuit deux finalités principales : d’une part, la connaissance de ces ports, de leurs trafics et de leurs relations ; d’autre part, la prise en compte de leur rôle dans l’affirmation d’une rangée originale et au-delà dans la construction d’un espace géographique distinct. Elle s’appuie sur le fait que la plupart des travaux tendent à montrer que le transport maritime est devenu l’un des agents essentiels de la réorganisation des espaces, voire des territoires, dépassant son rôle traditionnel de support des flux.
La façade maritime et la définition de l’espace qui la supporte
Le but de ce travail est de dépasser la simple étude maritime et portuaire à travers une analyse approfondie de la façade et d’établir les liens qui existent entre ces ports et l’espace qui supporte ces ports et les flux de circulation. Il s’agit ici de répondre à des questions posées dans les étapes précédentes, d’expliquer les processus spatiaux et de développer des points de vue sur l’organisation spatiale, ses causes et ses conséquences. De nouvelles interrogations verront le jour et pourront pour le moment rester sans réponses tout en constituant le levain d’une autre étude. A une organisation maritime et portuaire spécifique peut correspondre une organisation spatiale spécifique qu’il est approprié d’aborder, surtout dans le contexte actuel d’étalement de l’espace européen vers l’Est du continent. Nous pouvons parler d’intégration spatiale à propos des processus de rapprochement fonctionnel des territoires par abaissement des obstacles, qu’ils soient physiques, ou, comme c’est le cas à l’Est de l’Europe, politiques ou idéologiques. L’intégration désigne donc la connexion des territoires, c’est-à-dire le développement des réseaux et des flux. L’intégration ne désigne pas forcément des processus d’homogénéisation spatiale ; au contraire, les différences stimulent les échanges. La Baltique est une région nouvelle en Europe. Au-delà de cette observation d’apparence banale se cache cette réalité : cet espace en recomposition n’a pas donné lieu à des études à l’échelle régionale. Et ceci pour la bonne et simple raison que la reconnexion de ses deux rives est très récente et que la définition de l’espace riverain de la mer Baltique reste inachevée. Une tentative de définition est-elle d’ailleurs réellement entreprise ? On considère souvent le seul « ensemble scandinave » appartenant luimême à « l’Europe du nord », parfois une région de la mer Baltique est évoquée sans vraiment savoir à quoi elle correspond. L’enjeu qui se pose depuis une quinzaine d’années c’est précisément les modalités et les aspects d’une recomposition régionale, dans le contexte de l’élargissement de l’Union Européenne et d’insertion dans les échanges internationaux. Le processus d’élargissement de l’Union européenne a eu un effet majeur: le recentrage de son espace vers l’Est qui s’explique par un redéploiement des activités économiques vers des régions en plein renouveau comme la région de la Baltique [DUSSOUY G., 2003]. En nous basant sur les résultats et les conclusions des étapes précédentes nous caractériserons l’espace balte tout en étudiant son positionnement vis-à-vis de la mer Baltique dans son intégralité et de l’Europe contemporaine.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1. SPECIFICITE GEOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE DE LA BALTIQUE ORIENTALE
1.1. CADRE METHODOLOGIQUE ET DOCUMENTAIRE DE L’ESPACE BALTE
1.1.1. Dispersion, fragmentation et relative rareté des sources bibliographiques
1.1.2. Traitement et conséquences de ces sources
1.2. DEFINITION DE L’ESPACE ETUDIE
1.2.1. Précision des découpages spatiaux et positionnement méthodologique
1.2.2. Un cadre physique et naturel commun
1.2.3. Des ports voués à la desserte de la Russie
1.3. LA BALTIQUE ORIENTALE OU UN ESPACE EN PERPETUELLE EVOLUTION
1.3.1. Le poids de l’histoire
1.3.2. Les prémices de l’européanisation balte
1.3.3. Nouvelles conditions et nouvelles demandes en transport
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
PARTIE 2. EVOLUTION ET CARACTERISTIQUES SPATIALES DU MONDE MARITIME BALTE, DEFINITION DE LA RANGEE PORTUAIRE
2.1. UNE RANGEE PORTUAIRE EN RECOMPOSITION
2.1.1. Un trafic croissant aux caractères nouveaux
2.1.2. Une intégration de plus en plus poussée dans le système maritime mondial
2.1.3 Un trafic roulier révélateur d’une spécificité régionale
2.2. LES PRINCIPAUX PORTS DE LA FAÇADE ORIENTALE DE LA BALTIQUE
2.2.1. Les ports finlandais, première charnière est-ouest
2.2.2. Les ports baltes : une richesse nationale
2.2.3. Le réveil tardif de la Russie
2.3. LES HYDROCARBURES : TRAFIC MAJEUR D’UNE FAÇADE EN RECOMPOSITION
2.3.1. La croissance du trafic d’hydrocarbure
2.3.2. La redistribution spatiale du trafic d’hydrocarbures
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
PARTIE 3. DE LA RECONSTRUCTION PORTUAIRE A LA CONSTRUCTION D’UN ESPACE BALTE, FAÇADE MARITIME ET REGIONALISATION
3.1. LA STRUCTURATION DE LA RANGEE PORTUAIRE
3.1.1. Les nouveaux ports baltes des années charnières de 2002 à 2004
3.1.2. L’intégration de la façade dans le système maritime mondial et européen
3.1.3. Le transit, ciment contemporain de la façade baltique orientale
3.2. L’ESPACE BALTE AU SEIN D’UNE MATRIOCHKA SPATIALE
3.2.1. Espace baltique des transports et affirmation balte
3.2.2. La coopération en mer Baltique, les chemins d’une régionalisation
3.2.3. La Baltique orientale, région européenne et région réticulaire en Europe
CONCLUSION GENERALE
TABLE DES ANNEXES