Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Spécificité et hétérogénéité cliniques de la dépression sévère du post-partum.
Contrairement aux DDP d’intensité légère ou modérée, le début des DDP d’intensité sévère n’est pas souvent insidieux, le tableau présente une symptomatologie franche pouvant être associée à des idées délirantes qui ont l’avantage de ne passer pas inaperçues dans la majorité des cas. Elles représentent moins de 10% des DPP, mais ont un risque de passage à l’acte auto-agressif plus important (7)(15). Les éléments sémiologiques spécifiques sont très hétérogènes et souvent centrés sur la relation à l’enfant.
Selon certaines études, il existe deux tableaux cliniques différents du point de vue de la sévérité symptomatique du trouble : les DPP précoces et les DPP tardives.
Les dépressions précoces apparaissent dans le 1er mois du post-partum et sont le plus souvent des dépressions sévères. La sémiologie d’un syndrome dépressif franc et complet est caractérisée par une triade symptomatique (16):
une humeur dépressive associant une tristesse, des pleurs « sans raison », une anhédonie, une vision pessimiste de soi, une péjoration de l’avenir ; une culpabilité d’être malade, de ne pas retirer de joie de la maternité, une alexithymie sur les performances parentales. Peuvent être retrouvées des idéations morbides ou suicidaires avec ou sans scénario précis ainsi qu’une symptomatologie confuso-déliante dans les formes les plus graves. Dans certains cas, la tristesse est au second plan, masquée par une irritabilité dirigée vers l’époux ou les autres enfants. Ces accès inhabituels et anormalement durables sont repérés par la patiente ou son entourage.
un ralentissement psychomoteur important associant une bradypsychie, un trouble de l’attention ou de la concentration, une diminution des mimiques faciales ou de la gestuelle. Une anxiété massive peut mettre la mère dans un état d’hyper vigilance dans l’attente de la survenue d’une catastrophe imminente inévitable entrainant une agitation (allées et venues incessantes, activités désorganisées et improductives).
des signes somatiques associés marqués par une asthénie à prédominance matinale, une perte ou un gain de l’appétit, des troubles du sommeil ainsi que des plaintes somatiques multiples, le plus souvent douloureuses.
Dans le cas des dépressions postnatales précoces, le diagnostic est classiquement assez aisé avec une symptomatologie sévère parfois accompagnée d’éléments psychotiques.
Les dépressions tardives du post-partum apparaissent fréquemment entre le 2e et 12e mois du post-partum. Leur diagnostic est plus délicat, la majorité de ces dépressions ne remplissant pas les critères diagnostic des classifications internationales. Elles sont le plus souvent d’intensité modérée et d’évolution traînante.
Des signes peu spécifiques peuvent être constatés :
– troubles du sommeil le plus souvent à type d’endormissement,
– troubles de l’orexie: à type d’anorexie majoritairement. Une perte de poids supérieure à celle observée dans ce contexte post natal doit alerter
– plaintes somatiques multiples (céphalées, douleurs abdominales…)
– tendance à l’isolement, crainte de sortir
– troubles de la mémoire et de la concentration
– baisse de la libido qui persiste plusieurs mois dans la DPP
– perte des intérêts habituels : difficilement évaluable étant donné le changement de vie qu’entraine l’arrivée d’un enfant (15)(16)(17)(18).
A noter que dans les formes sévères ces symptômes peuvent être masqués par une censure maternelle mais surtout par des éléments persécutifs rendant le diagnostique plus difficile (cf. Partie 3-Discussion). En l’absence de définition consensuelle retrouvée, la censure maternelle peut être définie par la minimisation ou la dissimulation volontaire de symptômes pendant le post-partum, contrairement au déni qui relève du processus inconscient. La censure maternelle semble spécifique à la psychopathologie de la période périnatale, période considérée dans nos sociétés comme des évènements de vie heureux et épanouissants pour les parents.
En 2014, le Lancet publie une étude sur l’hétérogénéité des symptômes dans la DPP dans le but d’identifier des sous types cliniques. Dans ces sous types les caractéristiques principales étaient la sévérité, la période d’apparition des symptômes, la comorbidité anxieuse et les IDS. Le modèle final mettait en évidence trois sous types avec des caractéristiques différentes (19): Le sous type 1 : d’intensité légère avec un score moyen EPDS à 10,5 :
– absence de tristesse de l’humeur et/ou d’anxiété (92%)
– début des symptômes dans le post-partum (89%)
– présence de complication pendant la grossesse (67%)
– absence de complications obstétricales (77%)
– pas d’ATCD de troubles de l’humeur (53%)
– pas d’ATCD de troubles anxieux (85%)
– pas d’IDS (87%)
– présence d’une tristesse de l’humeur et/ou d’anxiété modérées
– début des symptômes quatre semaines dans le post-partum (62%)
– absence de complications obstétricales (74%)
– présence de complications pendant la grossesse (69%)
– ATCD de troubles de l’humeur (57%)
– absence d’ATCD de troubles anxieux (54%)
– pas d’IDS (80%)
– présence d’une tristesse de l’humeur et/ou d’anxiété d’intensité sévères
– début des symptômes pendant la grossesse (67%)
– absence de complications obstétricales (57%)
– présence de complications pendant la grossesse (29%)
– présence d’ATCD de troubles de l’humeur (83%)
– présence d’ATCD de troubles anxieux (61%)
– IDS très fréquentes (67%)
Les DPP échappent, pour la plupart, à l’investigation psychiatrique et donc au traitement.
Leurs diverses dénominations ont longtemps reflété la difficulté de leur diagnostic :
« dépression mineure», « atypique », « névrotique ». Cette étude descriptive du Lancet indique l’intérêt d’étudier l’hétérogénéité des symptômes de la DPP afin de définir des sous types cliniques de la DPP ; ceci dans le but de faciliter le diagnostique et leur prise en charge.
Prévalence de la DPP sévère
La prévalence se situe entre 2 et 6 % selon les études, avec un pic d’incidence entre la 6e et
8e semaine du post-partum (6)(7)(9). Sa variation est due à plusieurs paramètres :
-la date du dépistage par rapport au post-partum
-la méthode d’évaluation choisie.
Caractéristiques évolutives.
Elles sont mal connues, les résultats variant suivant la méthode et les conditions d’évaluations utilisées. Selon les études, les épisodes dépressifs caractérisés du post-partum évalués par un entretien selon les critères limités du DSM IV ou de la CIM 10 ont une évolution péjorative avec 50 % des femmes qui présenteraient encore des symptômes dépressifs à un an, même si le nombre de critères est insuffisant pour retenir le diagnostic (6).
Le risque de récurrence dépressive en post-partum lors d’une grossesse ultérieure a été quant à lui évalué de 40 à 50 % par certaines études (17)(20)(21). Chez les patientes ayant présenté un EDC avec caractéristiques psychotiques lors d’une grossesse antérieure, il existe un risque très élevé de récidive (50 %-70 %) sur le même mode (22). Ce chiffre à lui seul justifierait d’un repérage des antécédents de DPP à rechercher systématiquement en maternité.
Facteurs de risques de DPP.
Malgré les nombreuses études épidémiologiques réalisées sur les DPP, les facteurs de risques de développer une DPP sont souvent controversés. La controverse peut s’expliquer par les différentes méthodes d’évaluation et diagnostics choisies.
Facteurs de risques psychiatriques.
Les antécédents personnels de dépression postnatale ou à toute autre période de la vie et l’existence de manifestations anxieuses ou dépressives prénatales augmentent significativement le risque de survenue de DPP (23)(24).Un post-partum blues sévère pourrait annoncer une DPP(15)(25). Plusieurs méta-analyses ont confirmé que l’anxiété prénatale était un facteur prédictif de DPP, dont l’intensité apparaît corrélée à l’intensité des manifestations dépressives du post-partum(17). Selon certains auteurs 10 à 33% des DPP « seraient la prolongation ou la récurrence d’une dépression déjà présente pendant la grossesse » (15)(17)(26).
Les troubles de la personnalité et les PTSD sont fréquemment associés aux DPP (27)(28).
Avec une prévalence qui varie entre 18,6 et 20,7%, le syndrome prémenstruel constituerait lui aussi un facteur de risque significatif de DPP dans la première année du post (18)(29).
Les études sur les antécédents familiaux de DPP montrent quelques discordances : O’Hara et al. ne les identifient pas comme des facteurs de risques formels (17) contrairement à deux études plus récentes :
– l’étude de Forty et al. se fonde sur l’étude sur 44 femmes et leurs jumeaux avec une dépression unipolaire a montré que 42% d’entre elles développaient une dépression à la première grossesse
comparée à seulement 15% des femmes sans antécédents (30).
– l’étude de Murphy- Eberenz et al. : cette recherche portant sur 328 femmes dont au moins une sœur avait comme antécédent psychiatrique une DPP, a mis en évidence que ces femmes avaient un risque élevé de développer à leur tour une DPP (31).
Facteurs de risques socio-économiques et démographiques.
Ils font partie des facteurs d’influence, qui associés à d’autres, peuvent favoriser l’apparition de DDP. Selon une étude, les facteurs socio-économiques non favorables sont faiblement mais significativement associés à l’apparition d’une DPP, ce qui ne semble pas correspondre à la réalité (24).
Il a été mis en évidence que l’absence ou un faible soutien social et/ou conjugal, la précarité, une classe socio-économique défavorisée peuvent contribuer à l’apparition d’une symptomatologie anxio-dépressive dans le post-partum. De même, les populations avec un niveau éducatif bas, semblent plus à risque de développer une DPP (17)(32)(33). Les grossesses chez les adolescentes, l’instabilité professionnelle, l’absence de reprise de l’activité après le congé maternité, peuvent favoriser l’apparition de troubles de l’humeur telle la DPP. En effet, il arrive que ces conditions engendrent une baisse de l’estime de soi et un isolement social, lequel constitue un facteur de vulnérabilité important (17).
Les antécédents de violence subies durant l’enfance, les évènement de vie négatifs et les abus dans l’ensemble (carences et négligences sévères) montrent une association significative à l’apparition d’une DPP (34)(35).
Facteurs de risques neuroendocriniens.
Un certain nombre d’études se sont intéressées aux facteurs endocriniens, du fait du bouleversement hormonal en post natal. Cependant ces recherches, portant sur l’hypothèse neuroendocrinienne des DPP n’ont pas permis de retenir des résultats significatifs chez les femmes souffrant de DPP, hormis pour les dysfonctionnement thyroïdiens du post partum (36).En 2013, Buttner et al. s’intéressent au rôle des hormones ovariennes, en particulier de l’œstradiol, dans la modulation de la transmission de la sérotonine. A la fin de la grossesse, les taux d’œstradiol atteignent jusqu’à 50 fois le niveau maximal du cycle menstruel et chutent au cours des trois premiers jours du post-partum. Cette baisse rapide du taux d’œstradiol peut interagir avec la transmission de sérotonine, ce qui augmente le risque de dépression pendant le post-partum. Cette hypothèse est applicable également au syndrome prémenstruel (39).
Facteurs de risques gynéco-obstétricaux.
Les complications obstétricales semblent être considérées comme facteurs mineurs car significativement, mais faiblement associés à une augmentation du risque de DPP (17)(24)(37). Cependant, une grossesse pathologique ou à risque (par exemple, une suspicion d’anomalie fœtale) augmente considérablement le risque d’anxiété prénatale, laquelle est considérée comme un facteur de risque important de DPP (cf. « Facteurs de risques psychiatriques »).
Selon Stowe et al., la parité et l’allaitement n’apparaissent pas comme facteurs de risque survenue d’une DPP (38).
Une grossesse chez les adolescentes et/ou non planifiée et/ou l’absence de planification de la grossesse augmenterait le risque de survenue de DPP. Il en serait de même pour l’absence de séances de préparation à la naissance (32)(39).
Ainsi, de nombreuses études ont tenté d’identifier les facteurs de risques de DPP, afin d’améliorer les interventions de dépistage et de prise en charge pour mieux cibler les patientes à risques. L’entretien précoce maintenant théoriquement obligatoirement proposé (plan périnatalité), dit entretien « entretien du 4ème mois » pourrait théoriquement aider à les repérer.
Conséquence de la DPP sur les interactions mère-bébé et sur le développement de l’enfant.
Conséquences précoces sur la dyade mère-enfant.
Généralement les mères souffrant de DPP sont moins sensibles aux besoins de leur enfant. Elles verbalisent une diminution des comportements intuitifs, une difficulté à répondre aux besoins de leur enfant, un manque d’envie, voire une incapacité à s’en occuper, de peur de mal faire. Ceci engendre une non-disponibilité de la mère pour son enfant avec pour conséquence une limitation des interactions. Celles-ci sont indispensables. Des patterns ou des configurations d’interactions avec un rythme et un « style » se construisent progressivement au cours de la première année de la vie. Elles détermineront le style d’Attachement que l’enfant internalisera. Selon J.Bowlby la notion d’attachement fait référence à une composante innée et acquise. Le sujet a un besoin primaire de s’attacher à sa figure d’attachement (en général sa mère), laquelle constitue une base de sécurité pour l’exploration. Le type d’attachement dépend de l’apprentissage des liens affectifs construits dans l’enfance auprès de sa figure d’attachement.
Les schèmes innés (Objets opérants internes ou Internal Working Models) consistent à rechercher la proximité affective et physique avec la figure d’attachement, tandis que les schèmes acquis consistent à s’adapter physiquement, émotionnellement et cognitivement aux réponses de la figure d’attachement. L’Attachement est nécessaire à la structuration de la personnalité de l’enfant (43)(44).
Deux modes d’interaction mère-enfant sont décrits:
– le mode « retrait »: elles sont désengagées, non réactives, affectivement neutres et soutiennent peu l’activité de leur nourrisson. Celui-ci est incapable de s’adapter à cet état négatif ou de l’autoréguler, et il devient passif, se replie sur lui-même et adopte des comportements autorégulés comme sucer son pouce de manière intensive.
– le mode « intrusif »: les mères affichent un affect hostile qui perturbe l’activité du nourrisson. Ce dernier ressent de la colère, met en place des conduites d’évitement il se détourne de sa mère pour limiter son intrusion (mode protecteur d’adaptation) (40)(42).
Conséquences sur le développement précoce du nourrisson.
L’on a vu précédemment que la DPP peut être source de distorsions interactives voire d’une paucité des interactions mère-enfant. De ce fait, des carences affectives peuvent se mettre en place, engendrant à leur tour de multiples conséquences négatives sur la personnalité et le développement cognitif, affectif et comportemental de l’enfant.
Certaines études tendent à mettre en évidence que les nourrissons de sexe masculin seraient plus vulnérables et perturbés par ses échanges de mauvaise qualité que les nourrissons de sexe féminin (43)(44)(156). Ceci serait en lien avec des capacités de régulation de moins bonne qualité chez les bébés de sexe masculin.
-Sur le plan cognitif :
Selon une étude princeps de Murray et al., on retrouve un risque plus élevé d’atteinte des fonctions cognitives chez les nourrissons de mères souffrant de DPP par rapport à la population générale (43).Les manifestations sont variées : communication interpersonnelle altérée tant au niveau de la fréquence de l’adresse verbale, de la qualité de la voix, du contact visuel, de la qualité de l’expression que des réponses émotionnelles (45)(46)(47)(48).
-Sur le plan affectif :
Les carences affectives entrainent une limitation des échanges vocaux ou visuels avec son environnement. Les nourrissons adoptent un comportement d’évitement, de fuite, sont moins souriants avec un certain repli sur eux-mêmes (49).
-Sur le plan comportemental :
On retrouve essentiellement des symptômes fonctionnels tels des pleurs prolongés et /ou des troubles du sommeil variables en fonction de l’âge. En 2013, une étude a démontré une association significative entre des pleurs quotidiens prolongés > 20 minutes et la DPP (EPDS >9 à 8 semaines du post partum).Bien que la causalité ne puisse pas être déterminée de manière certaine, la dépression maternelle s’aggrave-t-elle parce que faire face à un nourrisson en difficulté est source de stress et nécessite des ressources affectives importantes, ou est-ce que la dépression engendre une vulnérabilité de la régulation des cycles veille-sommeil chez le nourrisson ? Il semble exister une corrélation entre les deux qu’il faut appréhender. Les insomnies précoces du nourrisson sont reliées aux troubles du sommeil maternel et l’un et l’autre sont corrélés à la DPP maternelle. La période de réajustement du sommeil du nourrisson jusqu’à 4 mois, où les stimuli de faim et de satiété rythment le cycle du sommeil ne sont pas concernés et ont été exclus dans les recherches (50)(51). Les troubles du sommeil peuvent être un signal d’alarme en faveur d’une DPP. Leur fréquence et le risque de banalisation empêchent souvent de les considérer comme tels (Annexe 2).
Conséquences sur le développement des enfants en âge scolaire et les adolescents.
Sans vocation à être exhaustif, ce paragraphe à pour but de rappeler que les conséquences de la DPP sur l’enfant ne sont pas limitées à la première enfance, mais elles peuvent toucher les tout-petits, les enfants d’âge préscolaire et ceux d’âge scolaire. Une dépression qui se manifeste plus tard influe sur le développement de l’enfant d’âge scolaire et l’adolescent (52). Ainsi Weissman et al. ont évalué 91 familles comptant 220 enfants âgés de six à vingt-trois ans sur une période de dix ans. Les résultats indiquent un taux plus élevé de dépression, de phobies, de troubles panique et de dépendance à l’alcool chez les enfants dont les parents étaient atteints de dépression comparé au groupe de parents ne souffrant pas de dépression. Contrairement à la petite enfance ou les bébés de sexe masculin seraient plus vulnérables aux échanges de mauvaise qualité, le ratio fille/garçons s’inverse à l’adolescence (53)(54). Certaines études suggèrent toutefois que le risque induit par la DPP ne devient consistant qu’en association avec d’autres facteurs dont la récurrence ou la chronicité des troubles dépressifs maternels (Longitudinal Study of Maternal Depressive Symptoms and Child Well-Being ; Effects of Maternal Depression on Cognitive Development of Children Over the First 7 Years of Life). L’annexe 2 résume les conséquences de la dépression maternelle à toutes les étapes, du fœtus jusqu’à l’adolescence (Annexe 2).
Conséquences sur le couple.
Nous avons vu précédemment, que les conflits conjugaux constituent un facteur de risque important de développement d’une DPP. Mais il existe également un lien significatif entre les DPP maternelles et la dégradation des relations conjugales du fait des symptômes de cette pathologie, notamment l’irritabilité. Ainsi les DPP peuvent aboutir à l’apparition ou à la majoration de conflits conjugaux pouvant aller jusqu’à la séparation des parents. De ce fait il est important de mener les investigations nécessaires afin de définir si la dégradation de la qualité du lien conjugal est antérieure ou pas à la survenue de la DPP. De plus, la dépression maternelle est corrélée au risque de dépression paternelle. En 2010, une revue de la littérature reprenant 20 études a mis en évidence l’augmentation de l’incidence de la dépression paternelle chez les pères ayant une conjointe déprimée pendant le post-partum comparée à la population générale dans la première année du post-partum (respectivement 24-50% vs 1,2-25,5%) (55).
Suicidalité dans le péripartum.
Plusieurs études montrent un taux de suicide moins élevé en période périnatale qu’à une autre période de la vie (56)(57). La prévalence du risque suicidaire serait évaluée entre 26,4 et 34,1% chez les patientes souffrant de dépression gravidique, et entre 18,4 et 30,6% chez les patientes souffrant de DPP d’intensité modérée à sévère (58). Appleby et al. montraient dans leur étude que les suicides maternels pendant la première année de vie de l’enfant étaient jusqu’à six fois moins nombreux que chez les femmes de même âge, ne venant pas d’accoucher (56). Ceci laissait à penser que la maternité aurait un rôle protecteur contre le passage à l’acte auto agressif chez les femmes en période périnatale (57). Selon Qin P. et al., avoir un enfant âgé de moins de deux ans serait un facteur protecteur de passage à l’acte auto agressif chez les femmes (57). Plus récemment, avec l’apparition de nouvelles définitions, particulièrement en ce qui concerne la mortalité maternelle, la place du suicide maternel a été reconsidérée. Une sous estimation de ce dernier a été mise en évidence. Le rôle protecteur de la maternité est alors remis en question (10).
Ainsi en 2003, selon Oates et al. l’incidence des suicides en période périnatale et en dehors de cette période était très proche (respectivement 3/100000 versus 3, 4/100000 ) (59).
Définition et données bibliographiques.
Crise suicidaire.
Dans la conférence de consensus française de 2000, la crise suicidaire « constitue un moment d’échappement où la personne présente un état d’insuffisance de ses moyens de défense, de vulnérabilité, la mettant en situation de souffrance pas toujours apparente et de rupture. Elle peut être représentée comme la trajectoire qui va du sentiment péjoratif d’être en situation d’échec à l’impossibilité d’échapper à cette impasse, avec élaboration d’idées suicidaires de plus en plus prégnantes et envahissantes jusqu’à l’éventuel passage à l’acte qui ne représente qu’une des sorties possibles de la crise, mais lui confère sa gravité. Elle est un état réversible temporaire, non classé nosographiquement, correspondant à une rupture d’équilibre relationnel du sujet avec lui-même et son environnement, la tentative de suicide en étant une des manifestations possibles. Ce n’est pas un cadre nosographique simple mais un ensemble sémiologique variable en fonction des sujets, des pathologies associées, des facteurs de risque et des conditions d’observation. (…) Ses aspects sont très variables, les troubles sont parfois inapparents ; lorsqu’ils existent, ils se manifestent par des signes peu spécifiques et ne permettent pas de prévoir si la crise va évoluer vers une rémission spontanée ou vers une tentative de suicide ou d’autres passages à l’acte. Il n’y a pas un consensus international sur ces critères de définition » (60).
Lors de cette conférence de consensus nationale, il est intéressant de noter l’importance attribuée au « caractère inapparent » et « aspécifique » de la symptomatologie de la crise suicidaire. Les DPP se caractérisent également par l’aspécificité de leur sémiologie. Quant au caractère « inapparent » des troubles, il est aussi décrit dans les DPP, probablement en partie du fait de la censure maternelle. Ainsi dans la DPP, la crise suicidaire semble d’autant plus difficile à repérer.
|
Table des matières
Introduction
Partie I – Dépression du post-partum d’intensité sévère: connaissances actuelles et spécificités cliniques
1. Définition de la dépression du post-partum d’intensité sévère dans les classifications internationales
2. Spécificité et hétérogénéité cliniques de la dépression du post-partum d’intensité sévère
3. Prévalence de la dépression du post-partum d’intensité sévère
4. Caractéristiques évolutives
5. Facteurs de risques de DPP
5.1. Facteurs de risques psychiatriques
5.2. Facteurs de risques socio-économiques et démographiques
5.3. Facteurs de risques neuroendocriniens
5.4. Facteurs de risques gynéco-obstétricaux
6. Conséquence de la DPP sur les interactions mère-bébé et sur le développement de l’enfant
6.1. Conséquences précoces sur la dyade mère-enfant
6.2. Conséquences sur le développement précoce du nourrisson
6.3. Conséquences sur le développement des enfants en âge scolaire et les adolescents
6.4. Conséquences sur le couple
7. Suicidalité dans le péripartum
7.1. Définition et données bibliographiques
7.2. Facteurs de risques
7.3. Facteurs protecteurs
7.4. Conséquences des conduites suicidaires
Partie 2 : PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DES DEPRESSIONS MATERNELLES SEVERES ET DE LA SUICIDALITE DANS LE POST PARTUM
1. La psychiatrie périnatale en France
1.1. Le cadre législatif
1.2. Les indications
1.3. Organisation de la psychiatrie périnatale
2. Données actuelles concernant la prévention des dépressions maternelles sévères et de la crise
suicidaire dans le post partum
2.1. Recommandations générales de l’OMS, la HAS et l’INPES concernant la santé mentale des
femmes durant le péripartum
2.2. Prévention de la DPP sévère et du risque suicidaire dans le post partum
2.2.1. Différents niveaux de prévention
2.2.2. Moments clés de la prévention
2.2.3. Dépistage des DPP sévères et de la crise suicidaire dans le post partum
2.4. Conclusion
3. Prise en charge médicamenteuse dans les DPP sévère avec ou sans intentionnalité suicidaire
3.1. Généralités sur la modalité de prescription des psychotropes dans le post partum
3.2. Prescription d’un traitement psychotrope chez une mère qui n’allaite pas son enfant
3.3. Prescription d’un traitement psychotrope chez une mère qui allaite son enfant
3.4. L’éléctroconvulsivothérapie (ECT)
3.5. Prévention des DPP par les antidépresseurs
3.5. Conclusion
4. Prise en charge non médicamenteuse
4.1. Soins psychothérapeutiques
4.2. Interventions centrées sur le support social (hors psychothérapie)
Partie IV – Illustration clinique Mme L., 33ans
Conclusion
Annexes
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet