SPECIFICITE DES ENTREPRISES FRANCHES
La création des entreprises franches répond à des objectifs économiques et politiques précis ; elles sont mises en place pour faire face aux difficultés d’ordre structurel, dans le domaine de l’emploi, des apports de devises, etc. Le présent chapitre traitera des enjeux des entreprises franches, compte tenu de leur spécificité et le second chapitre, de la mise en œuvre du droit du travail dans les entreprises franches .
Les intérêts des investisseurs étrangers
La plupart des pays dotés de zone franche offrent en principe le même ensemble d’avantages aux investisseurs. Les opérateurs étrangers n’investissent dans les entreprises franches que s’ils sont certains de trouver des intérêts et des privilèges du régime de zone franche qui leur sont dévolus. A ce titre, plusieurs avantages leur sont offerts afin de les inciter à s’investir dans le pays et en voici quelques uns :
Main-d’œuvre intensive et bon marché :
Les investisseurs étrangers opèrent dans les entreprises franches du fait de l’abondance de la main d’œuvre locale qui plus est, bon marché.
Madagascar dispose des ressources humaines nécessaires, d’un capital humain très important pour le bon fonctionnement de l’entreprise ; les statistiques démontrent que l’effectif des travailleurs dans les entreprises franches est actuellement évalué à peu près à 110 000 personnes, soit plus du tiers de la main d’œuvre du secteur secondaire. Ce résultat suffit à démontrer que les entreprises franches sont spécialement intensives en main d’œuvre. Par conséquent, elle ne constitue pas le problème majeur des opérateurs étrangers ; par rapport aux enjeux de la concurrence mondiale effrénée, elle constitue même un avantage comparatif pour Madagascar parmi les autres facteurs.
Avantages fiscaux et douaniers intéressants
Ils sont spécifiquement prévus par les textes malgaches en vigueur. Ainsi, les entreprises franches malgaches :
– sont toutes exonérées de la taxe professionnelle ;
– bénéficient d’un système fiscal réduit et à faible taux avec initialement une exonération totale d’impôt sur les bénéfices des sociétés pendant une période allant de 2 à 15 ans suivant les catégories d’entreprises et un taux fixé à 10 % pour les années suivantes ;
– le taux en matière d’impôt sur les dividendes est fixé à 10 % ; et l’impôt sur les revenus salariaux des expatriés ne peut être supérieur à 35%, les transferts sont libres ;
– bénéficient également d’un régime douanier assurant une exemption de tous les droits et taxes à l’importation et à l’exportation.
Le projet de refonte de la loi relative au régime de zone franche prévoit des réformes du régime fiscal et douanier.
Procédures administratives simplifiées
La création du guichet unique des investissements et du développement de l’entreprise (GUIDE) est un point essentiel dans le cadre de l’amélioration de l’environnement des affaires à Madagascar. Il est institué en vue :
– de faciliter et d’alléger les formalités administratives concernant la création d’entreprises, leur modification, leur fonctionnement et la cessation de leurs activités ; et l’investissement (par exemple : sur l’octroi des visas de séjour des investisseurs étrangers…)
– d’accueillir les investisseurs, de les informer sur l’environnement global,
– de recevoir et d’examiner les dossiers de demande d’agrément au titre de régime de zone franche,
– de notifier l’acte d’agrément et d’assurer le suivi des entreprises agréées.
La refonte du régime de zone franche met aussi l’accent sur l’allègement de ces procédures.
Disponibilité de matières premières
Madagascar ne dispose pas de beaucoup d’industries capables de fournir des matières premières nécessaires pour la production, la transformation des biens destinés à être exportés à l’étranger. Ce qui constitue un handicap pour les investisseurs étrangers ; ce qui le différencie de ce qui se passe dans les autres pays où les entreprises franches n’ont pas besoin d’importer des matières premières pour subvenir à leurs besoins locaux. Malgré cela, la COTONA ou la Cotonnière d’Antsirabe qui est devenue actuellement une entreprise franche demeure un des fournisseurs de matières premières pour les entreprises franches locales.
Les intérêts du pays d’accueil
Madagascar, en créant des entreprises franches, bénéficie plusieurs intérêts dont :
Accroissement des investissements :
L’investissement étranger joue un rôle très important. Madagascar a pour objectif principal de favoriser, d’accroître le volume des investissements privés, nationaux et étrangers ; selon les données du fonds monétaire international, près de 80% des investissements étrangers vont vers les entreprises franches. Sur ce total, 38% proviennent de la France, 25% de Maurice et 9% des autres pays européens. Aujourd’hui, les Etats se font de plus en plus de concurrence pour offrir des incitations et avantages généreux afin d’attirer les opérateurs étrangers à s’investir et une des principales actions du pays sera de mettre en place un « couloir zone franche » , de redynamiser les entreprises franches pour parvenir à un taux d’investissement de 12 à 14%.
Les principaux opérateurs étrangers qui viennent s’investir dans les entreprises franches malgaches sont surtout les mauriciens, les européens, principalement les français, les sri lankais et les chinois de Hong-Kong. En somme, le but est d’attirer les investissements qui en l’absence de la création de ces entreprises franches se porteraient ailleurs.
Création d’emplois :
Le chômage constitue un problème majeur pour les pays surtout en voie de développement. Les entreprises franches sont de grands pourvoyeurs d’emplois, actuellement, 39% des emplois du secteur secondaire se recensent en zone franche sans calculer les emplois induits. En effet, la création des entreprises franches est importante du fait de leur capacité de créer des emplois, produisant par cette même occasion des emplois indirects. Les chiffres démontrent que 75 000 emplois directs sont créés en 2000, environ 100 000 en 2001 auxquels il convient d’ajouter 25 000 emplois induits . Il est à noter que le pays doté de zone franche qui a créé de loin le plus grand nombre de travail est la Chine ; le Mexique vient en seconde position .
Promotion des exportations :
L’économie malgache est surtout marquée par des activités tournées vers l’exportation en particulier celles des entreprises franches ; ces dernières contribuent activement à l’augmentation en volume et en valeur des exportations, la part de celles ci représente 22% à 54% de l’année 1995 à l’année 2000 et elle est surtout dominée par le secteur textile .
Stimulation de l’ensemble de l’économie malgache :
Par rapport aux avantages tirés depuis la création des entreprises franches, celles-ci constituent un instrument de développement économique important ; elles sont nécessaires pour donner un coup d’accélérateur à l’ensemble de l’économie nationale surtout lorsque l’économie du pays en question se trouve encore peu développée. L’économie malgache est principalement soutenue par des activités orientées vers l’exportation en l’occurrence celles des entreprises franches qui améliorent ainsi la performance globale de l’économie interne.
Transfert de technologies :
Les entreprises franches permettent aux différents secteurs d’accéder à de nouvelles formes de technologie et à certaines techniques susceptibles d’accroître leur compétitivité sur le marché international.
Régime spécial en matière fiscale et douanière
Les entreprises franches malgaches sont régies par des textes législatifs et réglementaires : le texte de base étant la loi 89. 027 du 29/12/1989 relative au régime du zone franche industrielle, modifiée et complétée par la loi 91. 020 du 12/08/1991 ; plusieurs textes réglementaires sont pris en application de celle ci .
L’article 3 (nouveau) de cette loi distingue 4 catégories d’entreprises de zone franche industrielle à savoir :
– les entreprises de promotion exploitation (EPE)
– les entreprises industrielles de transformation (EIT)
– les entreprises de services (ES)
– les entreprises de production intensive de base (EPIB) .
L’article 6 (nouveau) dispose que « Toute entreprise bénéficiant du régime de zone franche est tenue de respecter l’ordre public, les règles d’hygiène et de salubrité, de protéger l’environnement, la faune, la flore et le patrimoine national et, d’une manière générale de se conformer aux lois et règlements en vigueur sur le territoire national.» A ce titre, conformément aux dispositions relatives aux conditions d’agrément au titre de régime de zone franche, les entreprises franches, une fois agréées, ont l’obligation de faire parvenir des rapports semestriels d’activités au Ministère en charge de l’industrie qui a le pouvoir de contrôler la conformité des machines et équipements par rapport aux normes établies, en matière de protection environnementale et de conditions de travail ; pratiquement, peu d’entreprises franches respectent cette disposition ; seules 1/3 des entreprises franches envoient régulièrement des rapports fiables au département de l’industrie .
Pour ce qui est du contrôle, le Ministère ne peut que s’en limiter aux actions ponctuelles à la suite des plaintes reçues des communautés avoisinantes, notamment pour les problèmes de dégâts environnementaux. Par ailleurs, les entreprises franches bénéficient d’un régime financier particulier en application de l’article 9 (nouveau) de la loi 89 027 modifiée et complétée par la loi 91.020. En outre, dans son chapitre X, la loi 90.027 portant loi de finances pour 1991 a fixé les bases du régime fiscal de zone franche industrielle.
Il a été constaté que le régime des entreprises franches malgaches repose sur la tendance générale observée dans la plupart des pays accueillant ces types d’exploitation ; l’adoption du régime de zone franche obéit à la philosophie de la globalisation qui établit des normes unifiées, de compétitivité et de rentabilité, et mettant directement en concurrence les salariés des quatre coins du monde. A Madagascar, il s’applique principalement aux investissements réalisés par des promoteurs nationaux ou étrangers ou en association des deux, dans des activités tournées exclusivement vers l’exportation. Le régime de zone franche malgache a toutefois très peu évolué ; c’est un droit purement en gestation ; actuellement, un projet de refonte de la loi relative à ce régime est en cours. Ce projet apporte plus de précisions sur certains domaines, en l’occurrence sur le respect de l’environnement et des règles d’hygiène, sur l’élargissement du champ d’application de cette loi, non seulement aux zones franches industrielles mais également aux entreprises franches, sur l’application effective des normes sociales et de sécurité sociale.
En tant que régime d’exception, le projet met surtout l’accent sur l’allègement des procédures en prévoyant des réformes sur le régime fiscal et douanier des entreprises franches, tout en insistant sur la nécessité d’offrir un cadre incitatif aux investisseurs.
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Table des matières
− INTRODUCTION GENERALE
− PREMIERE PARTIE : APPLICATION DU DROIT DU TRAVAIL DANS LES ENTREPRISES FRANCHES
CHAPITRE 1 : SPECIFICITE DES ENTREPRISES FRANCHES
Section 1 : Enjeux des entreprises franches
Section 2 : Cadre législatif et réglementaire des entreprises franches
CHAPITRE 2 : MISE EN OEUVRE DES REGLES DU DROIT DU TRAVAIL DANS LES ENTREPRISES FRANCHES
Section 1 : Principes du droit du travail applicables dans les entreprises franches
Section 2 : Contrôle de l’application des règles du droit du travail dans les entreprises franches
− DEUXIEME PARTIE : EFFECTIVITE DU DROIT DU TRAVAIL DANS LES ENTREPRISES FRANCHES
CHAPITRE 1 : CONDITIONS DE TRAVAIL DES SALARIES DES ENTREPRISES FRANCHES
Section 1 : Embauche
Section 2 : Exécution du contrat de travail
Section 3 : Temps de repos
Section 4 : Suspension et rupture du contrat de travail
CHAPITRE 2 : CONDITIONS SOCIALES DES SALARIES DES ENTREPRISES FRANCHES
Section 1 : La Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNaPS)
Section 2 : La Médecine d’entreprise
Section 3 : Situation particulière des femmes travailleuses et des représentants du personnel
− CONCLUSION
− JURISPRUDENCE
− ANNEXES
− BIBLIOGRAPHIE