PÉRIODE DE L’ANCIEN RÉGIME – LAURE-MINERVOIS ET LA DESCENDANCE DES GASQUET (BRANCHE DES BERNARD)
Le Minervois et le village de Lauran au XVIIIème siècle
Situation géographique et historique du terroir de Lauran
Aujourd’hui, en prenant la route de Carcassonne vers Caunes-Minervois 2, on ne voit que des vignes, et tout comme l’autre terroir de cette région en plaine et à perte de vue, le Cabardès, le Minervois jouit justement d’un climat très favorable à la fabrication de vins de grande qualité. A 19km de Carcassonne, et peu avant Caunes-Minervois (à 4km de ce village, pourvu d’une importante abbaye), la route de droite, qui passe tout d’abord par la métairie de Prat Majou et dont deux vignobles distincts se partagent aujourd’hui les bâtiments, d’époque pour certains d’entre eux, mène directement au village de notre étude, aujourd’hui nommé Laure-Minervois (cette route fait 5km). Derrière Laure et à 6km, se trouve Peyriac-Minervois, entourée de coteaux de vignobles eux aussi en appellation vins du Minervois.
L’ancienne métairie de Prat Majou est l’une des nombreuses métairies alors rattachées au village de Laure, preuve de la grande activité agricole dans cette région. En dépouillant les registres paroissiaux de Laure, j’ai compté en plus de Prat Majou 11 autres métairies rattachées au village 3 : Métairie Du Bas, Russol, Gibaleaux, Neuve, Neucadhéry, Pradel, Pallax, Grande, Fabas, Buadelle, Fontanilles. En comptant en plus les fermes isolées comme Joffre et les hameaux de Tinal d’Abrens et Cauquil qui dépendaient aussi de la commune de Laure, la communauté des habitants de Laure était géographiquement très éparse. Pour Laure et ses environs, on compte environ 1000 personnes au dénombrement de 1793 .
Pour bien s’en rendre compte, j’ai inclus en annexe 4 5 l’image du tableau d’assemblage du plan parcellaire de la commune de Laure fait en 1827 reconstituée, les plans Napoléoniens de 1827 ayant été les premiers plans « dignes de ce nom », c’est-à-dire « à l’échelle ».
2. Un certain nombre d’agglomérations de cette région ont vu leur toponyme original agrémenté du nom du terroir au XXème siècle, rattaché par un trait d’union. Ainsi, La commune de Laure (anciennement Lauran) s’appelle aujourd’hui Laure-Minervois, tout comme Caunes-Minervois, Peyriac-Minervois, Félines-Minervois et d’autres communes. J’utilise dans le texte de préférence le nom que chaque commune porte à l’époque précisément étudiée selon le déroulement du récit.
Le plan parcellaire original étant sombre (en carton d’un gris plutôt foncé), l’image que j’utilise pour cette étude est une reconstitution sur fond blanc que j’ai effectué afin de faire ressortir les routes, sentiers et cours d’eau, ainsi que les habitations et les autres bâtisses comme des étables, tous ces éléments ayant été repris exactement à leur place et échelle sur le plan parcellaire d’origine, mais en évitant de reprendre les inscriptions relatives au cadastre (les numéros de feuilles et les sections notamment, ainsi que leurs tracés). L’image originale est également jointe, éclaircie par mes soins. Enfin, pour comparer et vérifier l’exactitude des données relevées en 1827, le plan de l’IGN fourni par le site Internet de Géoportail est lui aussi mis dans cette annexe. Les trois plans sont parfaitement superposables, il suffit de présenter les feuillets dans un lecteur de fichier PDF ou en transparence devant une fenêtre ou une lampe pour s’en apercevoir. Nous voyons que mis à part les cours d’eau et certains chemins dont le tracé ne correspond plus précisément avec la réalité d’aujourd’hui, le plan de 1827 est d’une grande précision, comparé au plan de l’IGN. Les limites des sections cadastrales sont elles aussi parfaitement superposées, ce sont donc ces mesures de l’époque qui ont toujours cours depuis bientôt 200 ans.
Nous pouvons grâce à ce plan définir avec précision l’emplacement et même les dimensions des divers bâtiments qui jadis étaient les métairies et les fermes du terroir. Les cours d’eau irriguent largement toute la superficie de ce terroir, et les routes et sentiers sont eux aussi très nombreux, permettant un accès et une utilisation de l’eau pour la population et les cultures de manière optimale. J’ai souligné en rouge ces lieux d’habitations disséminés dans la campagne, qui représentait quelques 200 personnes sur les mille habitants de la région au XVIIIème siècle (mille au mieux, car selon les temps difficiles de famine, conflits ou épidémies, il aura pu être moindre). Ce chiffre de 200 personnes est celui que nous donne la page de récapitulation du recensement de 1846 et que je considère valable aussi pour la période d’avant la Révolution, car toutes ces métairies étaient aussi fortement habitées, voire plus, en 1710, 1750 qu’en 1845 6. On y voit le nombre d’habitants exact de chaque métairie et maisonnée de la campagne de Laure. Par exemple, on voit que 15 personnes habitent à la métairie de Prat Majou, et 12 à la métairie Neuve, deux grandes métairies assises dans la plaine au beau milieu des vignes.
Un très bon livre d’Hervé Luxardo 7, qui est une étude sur la population paysanne en France au temps jadis, nous apprend un tas de choses.
Dans le tome second de son étude, intitulé « Rase campagne, la disparition des communautés d’habitants », on peut lire (p. 47) : « D’après une enquête agricole de 1862, 7400000 personnes (dont trois millions de domestiques et un million de journaliers) vivent de la terre, soit 51% de la population active. […] La population rurale a commencé à décliner irrémédiablement vers 1880-1890. De près de 19 Mo en 1876, elle tombe à 17 Mo en 1892. Les campagnes se vident lentement de toute une population d’ouvriers agricoles et de paysans très pauvres, laissant derrière elle un mode de vie et des conditions de travail qui n’ont guère changées depuis le début du XIXème siècle. » On lit aussi (p. 23) qu’ « il y a 27 millions de ruraux en 1845 (sur 35 Mo d’habitants environ). La faim des terres, conséquence d’une trop forte pression démographique et de la montée de l’individualisme agraire oblige les paysans a penser au partage des biens communaux. » Il rappelle aussi que « les biens communaux offrent encore l’unique moyen de survivre pour les misérables et la plupart des petits paysans ». Les glaneuses, la vaine pâture, le ramassage du bois, le fauchage y sont alors possibles « sans rien débourser ». Comme il le dit justement, c’est donc après 1850 que la période des « petites guerres » et des gardes forestiers et gardes champêtres toujours de plus en plus nombreux amèneront nos terroirs à se dépeupler, prémices de la lente disparition de nos coutumes ancestrales et de notre savoir-faire paysan, au profit d’une véritable révolution industrielle naissante.
Voici à quoi pouvait aussi ressembler jadis un ruisseau de campagne Image tirée de « Rase campagne » d’Hervé Luxardo (source : Bibliothèque Nationale)
Le bourg lui-même est donc bien une petite ville, et compte alors tous les métiers habituels que j’ai pu lire dans les registres d’état-civil depuis 1680, le chirurgien y compris. Un notaire officiera sur place, mais de registres nous n’en trouvons que jusqu’en 1709, après, il n’y a plus trace d’actes notariés sur la commune et versés aux archives départementales.
Le bourg de Peyriac, à 6km sur le coteau au nord-est de Laure, est le chef-lieu du canton, le bureau du contrôle des actes s’y trouve donc, et on recense un puis deux notaires sur place. Par contre, ce bourg n’est pas plus gros que Laure (aussi 1000 habitants), mais bien trois fois moins étendu que Laure, car évidemment placé sur le coteau précédemment cité.
A côté, Rieux-Minervois (anciennement Rieux), jouit, avec Caunes, d’une bonne reconnaissance comme centre de foire ou de marché pour tous les habitants de la région car il s’étend sur le double de la surface de Peyriac, pour 1250 habitants à l’époque de la Révolution. D’ailleurs, la superbe Église romane de l’Assomption témoigne de l’activité humaine de ce bourg, et de plus, Rieux se trouve être sur un des chemins de pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Ces trois bourgs avec leur campagne et pris ensemble avec Caunes (aussi étendue que Laure, mais pour 1750 habitants, c’est un bourg très compact, aux minuscules ruelles qui serpentent entre les hautes maisons), forment à eux quatre et en y ajoutant encore Saint-Frichoux et Aigues-Vives, à eux six, le coeur de ce terroir très rural.
Rural, oui bien sûr, mais à l’exception toutefois de la carrière de marbre rouge de Caunes, en forte activité au XVIIIème siècle (toujours exploitée de l’antiquité jusqu’à nos jours, et dont Louis XIV fit grand intérêt, d’où son nom de carrière du Roy). Une autre exploitation locale est celle du sel de Peyriac, qui avec celle de Sigean représente alors un tiers de la production du Languedoc face aux salins de Camargue.
Cette dernière information est tirée de l’ouvrage réalisé sous le haut patronage du Conseil Général de l’Aude en 1980 par des chercheurs reconnus de l’histoire de la région, « Histoire des Pays d’Aude » 8, qui nous donne une vue d’ensemble mais excellente des conjonctures d’alors dans cette partie du Languedoc. On peut y lire aussi les précisions suivantes, fort à propos pour une vision claire de la situation probable à Laure dans la période qui nous intéresse : « […] À Pépieux entre 1661 et 1777, les terres augmentent de 17%. Or ces défrichements vont de pair avec l’extension de la vigne qui va de 13 à 33% du terroir durant la même période. Il en va de même dans tout le Minervois : Après 1770, Pépieux, Caunes et Laure produisent plus de 3000 hl de vin, mais Peyriac et Rieux approchent les 5000 hl. »
En citant les vins du diocèse de Narbonne en particulier, il est précisé que « Les plus estimés de ces vins sont ceux du Minervois et les blanquettes de Limoux : Par les précautions prises pour cuver les vins, ils se transportent sans crainte qu’ils se gâtent ; On débite cette liqueur dans toutes les villes du royaume, dit un rapport de 1744. » On dénombre à la fin du siècle une trentaine de distilleries spécifiques aux vins dans le diocèse de Narbonne.
Toujours d’après l’ «Histoire des Pays d’Aude » : « La base de l’alimentation reste les bouillies farineuses, les galettes de seigle, le lait de brebis et les légumes verts ou secs ». Cependant, la forte implantation du maïs dans la région par le Lauragais, qui permet l’assolement triennal avec de forts rendements, ainsi que l’apparition d’une plante venue des Amériques, le haricot, estompent les temps de disette difficiles dernièrement passés à partir de 1720, après la grande famine de 1694 et le grand hiver de 1709 notamment.
À propos de céréales, toujours d’après le livre, et pour reprendre l’exemple de Pépieux-Minervois (à 10km de Peyriac-Minervois), on lit : « Dans le Minervois, Pépieux se consacre principalement aux céréales – 60% du terroir en 1661, à diviser par deux dû à la jachère – Le froment ne se trouve que sur les meilleures terres, alors que les autres portent du seigle, de l’avoine ou de l’orge. Pour ne pas perdre entièrement une année de jachère, les champs sont complantés d’oliviers et d’arbres fruitiers, mais la proportion d’olivettes seules représentent 27% et les vignes 13% : On les trouve surtout dans les garrigues qui nourrissent également de nombreux moutons fournisseurs de laine et de fumier. Le compoix de 1661 nous indique combien sont nombreux les petits propriétaires :
59% ont moins de 4 ha, 24% entre 4 et 10 ha, 17% plus de 10 ha ; les micro-propriétaires sont en général des ouvriers agricoles auxquels la vigne fournit un revenu complémentaire car son produit est en partie commercialisé. » La réalité de la partie côté Laure du Minervois coïncide donc probablement avec ces données, Pépieux étant assis dans la plaine, exactement de la même manière que le terroir de Laure.
Le bourg de Lauran
Il est tout d’abord à noter que cette petite ville de Laure-Minervois a été le théâtre d’accomplissements, puis bien plus tard de découvertes de natures diverses, mais listées ici simplement, sans commentaires 9. Il y a de plus fort à croire que ces vestiges n’auront eu dans la vie des ouvriers agricoles et habitants absolument aucune incidence, sauf pour les capitelles bien sûr, dont j’ai inclus la note rapide quand même dans cette section :
Le dolmen de Saint-Eugène : Les habitants locaux de la période protohistorique nous ont laissé une allée couverte de 16m sur 3m (en trois parties, une antichambre, un couloir et un ossuaire). Ce monument du chalcolithique a été fouillé de 1924 à 1928 par Germain Sicard et a révélé les ossements de 300 personnes et un riche mobilier funéraire.
Par ailleurs, sur le terrain de la métairie Grande, c’est une sépulture du VIIème siècle avant notre ère et contenant du mobilier en céramique et en fer qui a été ramenée au grand jour par l’archéologue Cyril Calvet en 2000.
Un four de potiers gallo-romain, diverses poteries et des objets de cette époque, ont été fouillés par G. Sicard et par Claude Journet de 1966 à 1975.
Une matrice de sceau en bronze fut découverte près de Laure. Il s’agit d’une empreinte consulaire ecclésiastique du XIVème ou du XVème siècle.
Les Capitelles : entre 150 et 200 capitelles ont été recensées dans le territoire de Laure, selon la commune (voir leur site Internet, lien 4 en annexe 2). Ces abris pour les outils ou en cas d’orages ont été construits exclusivement en pierre sèche (sans mortier) par les ouvriers paysans au XVIIème et XVIIIème siècle. Vous pouvez voir ci-dessus un des rares capitelles qui fut construite au bord de la route.
Plusieurs « sentiers des Capitelles » à travers le terroir sont disponibles à la randonnée pédestre depuis Laure-Minervois (voir avec la commune et le site de Midi-libre – Lien 6 de l’annexe 2 – pour plus d’informations).
Les registres de délibérations 10 du bourg de Lauran nous apportent des détails intéressants que je mentionne encore ici rapidement, ceci pour s’imprégner encore un peu plus de la teneur de la vie à Laure au début du XVIIIème siècle, avant de nous lancer dans l’étude des familles qui y vécurent.
– En 1705, naît l’idée de changer le vieux compoix, qui a alors quarante ans d’âge. Mais ceci ne sera effectif qu’en 1712. Et curieusement, en 1716, « certenes perssonnes mal intentionnees pour le bien public » fracturèrent la maison du greffier consulaire et « ont enlevé les compoix anciens et moderne » ainsi que d’autres livres et du papier.
Mais heureusement pour la commune, un ancien consul Jacques Camps, et décédé, avait fort bien travaillé sur le compoix de Laure justement. Alors la veuve Camps, moyennant 60 livres, pu remettre la précieuse copie à la ville.
– Je citerais également dans ce paragraphe ce que l’on se doit d’appeler pour l’époque des catastrophes naturelles, car elles étaient très importantes dans la vie des habitants, et engendraient souvent de gros problèmes, et donc des délibérations au niveau du conseil politique. Orages, brouilhards (rudes gelées), inondations, sécheresses, etc.
« L’an mil sept cens trese et vingtdusieme octobre a Lauran dans la maizon consulaire […] a été proposé […] que la pluye si abondante et tomba avec tant de rapidité dans letandue du consulat du present lieu le dixhuitieme du courant depuis midy jusqu’à la nuit et linondation fut si extraordinaire quelle submerga entierement le terroir, combla les fosses, emporta les grains […] et les couverts de sable et de pierre des murailles qui servoint de deffance qui furent entierement ruinees et les 3 terres mise hors destat detre ensemancees. »
Ce n’est que trois ans plus tard, dans la délibération du sept février de l’année 1716, que les réparations seront ordonnées, on lit : « reparer la place publique et les couverts de la muraille mestrese et principalle, remettre le pont qui est devenu impratiquable par les ruines, ce qui cause un notable prejudice tant pour la menagerie des habitants que pour la vente des vins et autre denrees que les geans de la montagne et des lieux circonvoizins ne viennent plus prendre, faute dun passage libre pour les charrettes et autre voiture ce qui fait cessé toute sorte de commerce, le puis commun comble de limon et toutes les imondices […] le couvert de la nef de leglise paroissialle, la porte de lottel de ville, et de fournir generallement tous les matteriaux naissaires […], les prepozent ayant trouvé les fonds naissaires […] ».
– En été 1717, de nombreux champs ayant été désertés au fil du temps par les « déguerpissements » sont mis en délibération de reprise (car en friche depuis trop longtemps). Une trentaine d’habitants s’octroieront une parcelle moyennant la « paye de la taille ». Antoine Gasquet en prendra un. Une pareille délibération aura de nouveau lieu en 1720.
– Concernant les services à Sa Majesté, ils font aussi partie de la vie de la communauté. J’ai recensé en 1698, 1719, 1721, des programmes de logements de régiment et d’aide au transport de denrées vers Narbonne, avec à l’ordre du jour la fourniture de fourrages, chandelles, logis et repas autour du feu, et mise à disposition de dizaines de mulets par les habitants. La première demande de 1698 fut trop lourde en fourrage notamment et entraina dans les délibérations suivantes des dépôts de plaintes des habitants qui réclamaient alors des indemnisations. Le coût de l’opération pour la communauté d’un convoi de mulets vers Narbonne fut de 200 livres.
– Dans une délibération de 1728, il est écrit : « l’éducation de la jeunesse étant le plus solide fondement de la vie et des moeurs, il est necessaire de pourvoir cette commune dun regent capable de procurer aux enfants cette salutaire nourriture… ». Décidé sera le salaire de 60 livres pour faire venir le Sr Pierre Gout de Carcassonne à cette fin. Pour valider cette somme, chaque habitant se verra ponctionné la valeur marchande de diverses denrées qui seront revendues. La liste est très longue, étant donné cette forte somme.
– Cette même année, malheureusement, nous apprenons que le « brouilhard a tellement gatté la recolte du bled segle advoine et autres grains […] que tous les fruits du terroir ne sauraient suffire pour lentretien de la moittie des habitants ». Une délégation devra se rendre à Narbonne pour exposer les faits et réclamer de l’aide. En janvier 1729, plusieurs habitants n’ont pas pu payer la taille, et le pain vient à manquer. C’est M. Gaspard Rigaud qui est désigné député pour se rendre chez « Mrs. Les commissaires du dioceze » afin de se « faire prester du pain » pour nourrir les habitants.
– 1731 est à Laure l’année de la rotation des miliciens qui servent dans l’armée du Roi, 5 ans de service passés. Il n’est pas précisé dans cette délibération le nombre des appelés.
Hormis donc la majorité des affaires en rapport avec l’imposition des habitants, les principales causes de délibérations concernent le terroir, le climat et le service aux armées de manière plus sporadique.
Parallèlement, ayant également parcouru de nombreuses pages du registre d’état-civil de Caunes, je confirme simplement que les histoires mettant en scène des étrangers au terroir sont inexistantes dans cette commune de Laure ancrée si loin dans son territoire, contrairement à une ville à fort passage comme Rieux ou Caunes, où des actes que j’ai pu lire faisant office de véritables anecdotes le prouve. Me les rappelant à mon bon souvenir, je cite par exemple le décès d’un ‘gentilhomme’ armé et retrouvé mort sur le chemin à la sortie de la ville, ou encore fait l’acte de décès d’un moine voyageur dont le bien unique retrouvé dans sa poche fut un parchemin indiquant qu’il venait d’Italie, mais que tout le monde connaissait en ville et qui avait décidé de « rester » dans la région !
Je n’ai pas non plus dépouillé les actes judiciaires ici, le côté « pratique » de me lancer dans cette entreprise ayant été largement élimé cette saison 2020 par les conséquences de la pandémie de Covid-19, mais aussi pour le peu d’intérêt et de chance d’y trouver quelque chose (enfin, espérons-le) par rapport à ces familles dont j’étudie la généalogie dans ce mémoire.
Les Gasquet et leurs unions – Les Castanié, les Villa, les Azaïs, les Sidobre
Aux origines de la famille à Laure : les première, deuxième, troisième générations : L’héritage de Pierre Jacques Gasquet (inclus la méthodologie générale de recherche des actes et données)
Qui sont donc ces Gasquet de Laure, comment commence la reconstitution de la généalogie? (Inclus une méthodologie générale)
Pour avoir systématiquement relevé tous les actes concernant des Gasquet depuis 1652, je peux affirmer qu’il n’y a à Laure pas d’autres Pierre Jacques (père) Jacques (fils), Antoine son frère, ou Bernard (petit-fils de Pierre Jacques) que ceux qui nous concernent, et qui entament l’arbre que nous étudions. Je dis ceci en toute logique bien évidemment, en admettant que personne ne portant le patronyme de Gasquet et étranger au bourg n’ai rejoint la communauté entre temps. Ce dépouillement « massif » a un autre côté pratique en plus de celui d’être très rapide grâce à l’informatique, car il me permet aussi de visualiser et mettre en place rapidement les unions et descendances des collatéraux, leurs propres fratries, et ainsi de pouvoir vérifier les branches non reliées à la famille de l’étude.
Cette lecture exhaustive des registres d’état civil m’a permis de commencer de dresser les ascendances, unions et fratries de cette étude. Afin d’optimiser et accélérer la recherche, surtout dans le cas de registres à ‘feuilleter’, c’est-à-dire dont un ordre alphabétique ou une écriture chronologique est inexistant, j’emploie les moyens suivants, qui se sont avérés très utiles devant la masse de travail à pourvoir : L’usage de loupes (lunettes grossissantes) permet d’éviter de ‘zoomer’ à chaque page pour pouvoir lire les informations sur un écran de taille moyenne. Repérer les pages blanches ou à moitié blanches dans la série de vignettes des visionneuses permets d’avancer vite ‘d’atterrir’ facilement au bon endroit parmi les centaines de vues, tout autant que de noter le numéro de la vue d’une date choisie et aller directement à ce numéro au registre suivant peut faire gagner du temps.
La méthodologie générale qui permet d’assurer une telle généalogie ascendante, hormis le ‘tri‘ des actes glanés lors du dépouillement systématique ou ‘massif’ comme je l’ai appelé plus haut, est la suivante :
Je pars de la date et du lieu du mariage du couple de départ, donc de Bernard Gasquet et d’Eugénie Monnié, que j’ai obtenu en l’occurrence de l’arbre généalogique de Chantal Eychenne mis sur le site Internet de Généanet 11, un peu comme si c’était un client qui m’avait fourni ce point de départ. L’acte de mariage est vite trouvé grâce aux archives en ligne 12 :
Je feuillette le bon registre (trouvé par un tri, d’abord de la commune, puis des dates extrêmes des registres) jusqu’à la bonne date.
Grâce aux informations contenues dans celui-ci, les actes de leurs naissances sont retrouvés, et dans chaque commune, l’acte de mariage des parents est recherché. Celui des parents de Bernard et les actes de naissance des frères et soeurs de Bernard sont trouvés, en feuilletant dans le temps par les registres ou les tables si disponibles, à partir de chaque mariage. Les enfants décédés en bas âge ou jeunes seront aussi retrouvés (Tous ces actes sont exploités, je commence le récit ci-après). Au fur et à mesure que l’arbre est remonté soit par l’acte de mariage ou par les actes trouvés lors du dépouillement de la commune que j’ai effectué sur 150 ans – de 1650 à 1800 –, soit par les tables décennales à partir de 1803, du côté de Bernard (Laure-Minervois, je rappelle qu’il y a 1000 habitants, ce qui est peu), l’arbre se rempli correctement, car tous ou presque sont de Laure ! Y compris pour les branches des épouses et ce jusqu’à la première génération étudiée, ce travail va bon train… (Mais, pour certains parents de personnes de la première génération étudiée, des incertitudes m’ont bloqué, j’en parle donc dans une section dédiée de l’étude, en Annexe 7). Du côté de Marie Junie (que j’appellerai désormais Eugénie), n’ayant d’abord rien trouvé sur la commune de Saint-Amans-Soult, j’essaie la commune de Mazamet, car je sais maintenant qu’elle et ses parents y habitaient. J’y retrouve grâce aux tables décennales 13 (des mariages) la date, puis l’acte mariage de ses parents. Je trouve aussi la naissance d’Eugénie et de deux autres soeurs nées à Mazamet… (voir tout le récit des Monnié – et ses renvois – à partir de la page 36).
e préfère donc commencer le récit… par son commencement. Pierre Jacques Gasquet 14 est né le 28 juillet 1643 à Laure, fils de jacques et de Raymonde d’Alet. Ce même jour, Pierre Gasquet ‘prestre’ (celui du compoix) et Gabriel Durand diacre seront présents à son baptême. Il se mariera à l’aube de ses 18 ans (le 05 juin 1661) avec Claire Catusse (fille d’Anthony et de Jeanne Cellet), dans le petit bourg voisin de Bagnoles (250 hab. environ, à 9km à l’est de Laure) 15. De cette union naîtront trois enfants : L’ainé, Jacques naît à Laure le 21 février 1664 16. Le second enfant, Antoine, voit le jour le 12 janvier 1666 17. Son parrain est Anthoine Catusse de Bagnoles, et sa marraine sa grand-mère paternelle Raymonde d’Alet. Une fille, Françoise, rejoindra la fratrie deux ans plus tard, le 11 février 1668 18, mais elle ne vivra malheureusement que trois ans et demi 19. Claire, la mère des trois enfants, décèdera à l’âge de 35 ans, le 27 septembre 1671 20, deux mois après la petite Françoise.
Ayant aussi trouvé plusieurs naissances d’enfants de Pierre Jacques Gasquet et Jeanne Arrufat, « nés de légitime mariage », nous savons aussi que Pierre Jacques s’est remarié après le décès de Claire.
Il aura 7 autres enfants en plus de cette fratrie de trois, j’ai recensé la première naissance du couple le 20 août 1673 21. Encore, selon deux actes de mariage de filles du couple Gasquet/ Arrufat à Laure, Marie et Claire, ces actes m’indiquent que Pierre Jacques mourut entre le 23 mai 1706 22 et le 10 septembre 1707 23. Jeanne décèdera quant à elle le 13 février 1715 24. Tous ces évènements ont eu lieu à Laure. Jacques était laboureur (voir note 17), cela voulait donc dire qu’il avait une grande exploitation de terres agricoles. Sa date de décès n’a pas été retrouvée, et comme pour toute la période de l’ancien régime, les fichiers du contrôle des actes pour le bureau dont dépendent toutes ces communautés d’habitants, le bureau de Peyriac, ne sont malheureusement pas communicables car en cours de restauration, j’ai renoncé à trouver un testament ou même un contrat de mariage pour pouvoir faire des recoupements dans cette partie de l’arbre.
Antoine Gasquet se marie une première fois à 36 ans, le 27 novembre 1703 avec Marguerite Icard . Pierre Jacques sera le parrain de la petite première en 1705, et Jeanne Arrufat marraine du petit dernier en 1713, sur les quatre enfants de ce couple que j’ai pu retrouver. Seuls deux sur les quatre enfants survivent.
En effet, le nom de sa mère pourrait avoir été mal noté par le curé ou le greffier, mais les trois enfants existant bien, elle apparait dans mon arbre à sa juste place. Marguerite décèdera en décembre 1733 27. Elle avait environ 42 ans, selon son acte de décès. Un Gasquet, dont le prénom n’est pas visible dans l’acte, est présent à son inhumation, dans le cimetière de Laure.
Antoine et Marguerite auront au moins Marie en 1717 28, Jean en 1723 29, tous deux nés à Laure.
Bernard, dont l’acte de naissance n’a pas été retrouvé, est aussi un de leurs enfants. Les autres actes le concernant n’indiquant pas sa date de naissance, il sera placé dans l’arbre généalogique à la fin de la fratrie, faute de lui en donner la vraie position. Bernard, qui est le premier du nom dans cette généalogie, aîné ou pas, prendra tout de même une belle importance, comme nous allons voir.
Il épousera Marie Villa à Laure le 30 avril 1754 30, fille de Jean Villa (alors décédé, nous indique l’acte de mariage) et de Marguerite Azaïs. Marie villa est de toute évidence née Marie Gabriele le 22 novembre 1733 31, car il n’y eut aucun autre acte concernant Marie Gabriele Villa par la suite, alors que le seul acte d’état civil faisant défaut à Marie Villa femme de Bernard Gasquet est justement son acte de naissance. Cet acte seul et cet acte manquant semblent bien ‘s’emboiter’ comme deux pièces d’un puzzle… Je fusionne donc les deux, Marie et Marie Gabriele avec conviction, et si je ne le faisais pas, il y aurait quatre enfants dans cette fratrie, car de plus, le couple Villa/ Azaïs a eu en 1722 Antoine 32, et une petite Françoise en 1727 33 qui ne vécut que trois jours .
Jean Villa, le père de Marie, était ménager à Laure. J’ai trouvé un acte de naissance de Jean Baptiste Villa 35, fils de Bernard et d’Antoinette Guiraud, qui pourrait également nous dire que Jean et Jean baptiste ne font qu’un. En cherchant les enfants, j’en trouve deux de Jean et un de Jean Baptiste, et tous de Marguerite Azaïs. Avec la naissance de Jean Baptiste et le l’acte de mariage mentionnant Jean, tous à Laure, et ne voyant que cette seule famille Villa à cette époque précise, je ne peux pas croire qu’il y eut deux Marguerite Azaïs mariées au même endroit et au même moment avec deux Jean Villa, et valide ces deux ‘Jean’ pour une seule personne. Je lui trouve grâce aux noms des parents un frère et une soeur, tous deux ses aînés.
Les Sidobre, de Félines à Laure
Lorsque Bernard, le cadet du couple Gasquet/Villa se marie, il va avoir 28 ans. Nous sommes le 3 ventôse an 5 de la République (21 février 1797).
Un manque dans le registre des délibérations (qui passent du 21 germinal an 4 au 17 pluviôse an 9, soit une lacune du 10 avril 1796 au 6 février 1801) ne me permet pas de citer des évènements survenus à la période proche du mariage de Bernard Gasquet deuxième du nom.
J’ai feuilleté les pages précédant cette lacune dans le registre, et je rapporte en plus de 2 images parlantes du registre, d’avoir vu plusieurs mentions de convocations pour enquête sur le civisme de personnes, non sûres d’être de vrais citoyens, une allégeance aussi. Ce sont des faits intéressants, en cette période révolutionnaire de ‘la Terreur’ de 1793 à 1794. De ce fait, je confirme que les frères Gasquet, Bernard, et surtout Jean, sont réellement actifs dans la vie de la communauté. A la vue 21 (délibération du 28 fructidor an) 55, Bernard Gasquet participe aux délibérations. A la vue suivante, la composition entière du ‘Conseil général’ de la ville est inscrite (Voir photo ci-dessous). Jean Gasquet, l’aîné, y est aussi inscrit, lui dans la rubrique ‘notables’. Les deux frères sont présents à cette délibération. La signature de Jean Gasquet dans les délibérations suivantes est visible jusqu’au 13 vendémaire an 4 (5 octobre 1795), et Bernard participe aussi régulièrement aux assemblées. On peut donc dire que les Gasquet de la branche du ‘Factore’ sont de vrais citoyens de la République à cette époque particulière.
Lorsque Bernard contracte son mariage à la maison communale, c’est donc à Jeanne Sidobre qu’il tend la main, native aussi de Laure, et qui vient d’avoir 17 ans. Les parents de Jeanne n’étaient eux pas de Laure, dans leur histoire découverte au travers de leur généalogie, il y a eu du chemin de parcouru, même s’il s’agit de petites distances ! L’acte du mariage Gasquet/ Sidobre nous donne le nom des parents de Jeanne, Jacques et Marie, et son deuxième prénom, Marie. En remontant les registres dans le temps comme il est d’usage en l’absence de tables, je trouve plusieurs naissances d’enfants du couple Sidobre/Caunes, soit Joseph né le 28 février 1778 56, malheureusement décédé huit mois plus tard, le 5 novembre 57, et Jeanne, née le 7 février 1780 58, Jacques né le 17 avril 1782 59, un enfant né et décédé le même jour le 14 novembre 1784 60, et Alexis né le 6 mars 1786 61. Le mariage, ainsi que les naissances de Jacques Sidobre ou de Marie Caunes n’apparaissant pas dans les registres de Laure, j’opte, tout en restant actif dans mes recherches par Internet, d’orienter mes recherches vers des sites collaboratifs, n’ayant rien en ligne sur le site des archives départementales de l’Aude pour m’aider à avancer. Un site sérieux, la base H.G.M. (Histoire et généalogie en Minervois) 62 m’apprend que Jacques Sidobre et Marie Caunes se sont mariés à Félines-Minervois (anciennement Félines, mais dont les archives sont désormais à Montpellier, car la commune se situe dans l’Hérault, mais bien près de l’Aude – c’est à 12km de Laure-Minervois par la route derrière Peyriac-Minervois). Ce site Internet m’apprend également que Jacques serait né à Rustiques (à 9km de Laure) vers 1754, ce qu’aucun autre site comme Généanet ou Filae ne m’auront appris de leur côté (et ses parents sont la paroisse de Merinville, il y a aujourd’hui encore une rue de Merinville à Rieux-Minervois). Je retrouve ainsi l’acte de mariage des parents de Jeanne, qui eut lieu le 6 septembre 1774 63. Cet acte mentionne l’âge de La mère de Jeanne, et ainsi son acte de naissance à Félines est obtenu, qui m’apprend que Marie a été baptisée Marie Anne le 29 avril 1749 64. L’acte de mariage de 1774 donne Jacques et son père Pierre bergers de leur état, et Joseph le père de Marie est Maître tailleur d’habits. L’acte de baptême de Marie donne quant à lui le poste de Régent des écoles à Joseph en 1749.
Jacques, par les actes de naissance de ses enfants, donne bien des couleurs à sa vie active : Pour la naissance de Joseph en 1778, il est brassier, et pour Jeanne, en 1780, négociant.
Pour la naissance de Jacques (en 1782) il est toujours berger, et pour l’enfant décédé prématurément en 1784, il est ménager. Il est de nouveau berger en 1786 pour la naissance du petit Alexis. Son acte de décès 65 (du 28 mai 1867) retrouvé dans les registres de Félines m’apprend qu’il s’était remarié avec Marguerite Séard. Son deuxième mariage est à Laure, le 12 mai 1807 (listé à la vue 183 en TD des mariages de Laure 66. Le registre contient tout le canton en NMD de 1802 à 1812). L’acte 67 contient la date précise du décès de Marie, sa première épouse. Marie est décédée à la veille de ses trente-neuf ans (le 12 mai 1787, et est indiqué « environ trente six ans » dans cet acte) 68. L’acte du mariage Sidobre/Séard à sa lecture, laisse quand même confus… Jacques, devant sa promise, dit qu’il a 25 ans.
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Table des matières
Préface au travail de soutenance du diplôme universitaire
Introduction au récit du mémoire
Introduction au travail de soutenance
Glossaire et abréviations utilisés
I. Sous l’Ancien régime : Laure-Minervois et la descendance des Gasquet (branche des Bernard)
1) Le Minervois et le village de Lauran au dix-huitième siècle
i- Situation géographique et historique
ii- Le bourg de Lauran
2) Les Gasquet et leurs unions (Les Castanié, les Villa, les Sidobre)
i- Aux origines : Les 1ère , 2ème et 3ème générations étudiées L’héritage du Laboureur Pierre Jacques
ii- Les Sidobre de Félines à Laure
iii- Bernard Gasquet (deuxième du nom) et sa descendance
II. De l’autre côté de la montagne Noire : Des villes, face au futur
1) Bernard Gasquet, troisième du nom : Téméraire, …et inventif
i- La fameuse industrie mazamétaine
ii- Les années de voyage et de conversion
iii- La grande ville : Castres …et la postérité
2) La descendance des Gasquet à partir de 1860
i- La révolution industrielle et les trieurs à grains
ii- Un horizon lointain : L’Argentine
iii- Abel Gasquet et le succès mondial
iv- Et aussi,… des destins variés
III. Annexes
1) Annexe 1 : Bibliographie
2) Annexe 2 : Liens et ressources Internet
3) Annexe 3 : Récapitulatif des cotes en ligne utilisées
4) Annexe 4 : Documents intégrées et analysées dans le texte
5) Annexe 5 : Documents entiers numérisés
6) Annexe 6 : Images diverses
7) Annexe 7 : L’arbre généalogique
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