Depuis la première démonstration d’un laser à Ruby en 1960 par Mainman [1], les technologies laser se sont extrêmement diversifiées pour couvrir une large gamme spectrale allant de l’XUV à l’infrarouge dans des régimes de fonctionnement allant du régime continu au régime d’impulsions ultra-brèves. En particulier, le développement des oscillateurs laser à verrouillages de modes passif associés au concept d’amplification d’impulsions à dérive de fréquence [2] ont révolutionné la technologie des lasers ultrarapides en permettant l’accès aux fortes intensités lumineuses en régime femtosecondes. Ceci a engendré des avancées significatives dans différentes applications scientifiques et industrielles telles que l’imagerie biologique, le micro-usinage de précision et la science des champs forts. Par ailleurs, les avancées réalisées dans la fabrication des cristaux et fibres optiques dopés à l’ytterbium combinées à la montée en puissance des diodes lasers à semi-conducteurs ont ouvert la voie vers la montée en cadence des sources ultrarapides permettant ainsi une pénétration du marché du micro-usinage de précision. La disponibilité de sources lasers ultra-rapides fiables délivrant de hautes énergies dans le proche infrarouge a permis de développer des sources secondaires pour étendre ces performances vers l’UV ou XUV par la génération d’harmoniques d’ordres élevées ou vers le moyen infrarouge par l’amplification paramétrique optique dans les cristaux. En particulier, la zone du moyen infrarouge est le siège de raies d’absorption de plusieurs molécules chimiques mais les sources paramétriques permettant de la couvrir sont complexes et coûteuses. Le développement de sources ultrarapides compactes couvrant cette zone spectrale pourrait donc trouver des applications en spectroscopie temps réel, en chirurgie et en micro-usinage de matériaux organiques [3]. Une partie des travaux rapportés dans cette thèse porte sur le développement d’une source laser ultrarapide à base de fibres optiques en verre fluoré émettant dans l’infrarouge moyen autour de 3 µm.
Un autre domaine qui a fortement bénéficié du développement des sources laser femtosecondes intenses est le domaine du THz. En effet, l’exploitation de différents processus non-linéaires tels que la rectification optique dans les cristaux ou les plasmas dans l’air pilotés par des impulsions ultracourtes intenses permettent de générer des impulsions THz de plusieurs centaines de kV/cm [4]. La disponibilité de ces sources THz intenses a permis des avancées remarquables en optique non-linéaire terahertz en particulier dans le domaine de la nano-optique ou le couplage d’une impulsion ultracourte avec une structure nano-métrique permet un contrôle précis de la dynamique des charges à la surface de la structure [5]. Le couplage des impulsions THz intenses avec une nano-pointe métallique présente ainsi un avantage majeur pour le contrôle et l’analyse de la matière à l’échelle atomique en raison de leur grande énergie pondéromotrice associée à une faible énergie de photon. Cette plateforme a donné lieu à des applications originales en microscopie électronique [5]. Le deuxième objectif de nos travaux concerne l’extension de ces études à la manipulation et le contrôle des ions en vue d’augmenter les performances de la sonde atomique tomographique. Cet instrument s’appuie sur l’effet de champ électrique généré à l’extrémité d’un échantillon taillé sous la forme d’une aiguille nanométrique pour faire évaporer les atomes de surface qui sont collectés par un détecteur à deux dimensions. La mesure du temps de vol des ions déclenché par une impulsion électrique ou optique permettent de remonter à la composition chimique en plus de la localisation 3D des atomes.
Etat de l’art des lasers THz
La science du térahertz (1 THz = 10¹²Hz) est l’étude du rayonnement électromagnétique couvrant la région du spectre entre infrarouge et les micro ondes, typiquement : 30 µm ∼ 3 mm de longueur d’onde ou 0,1 ∼10 THz en fréquence . Par exemple, 1 THz correspond à 300 µm de longueur d’onde, 4,1 meV en énergie photonique et 1 picoseconde (1 ps = 10−¹² s) en période. Traditionnellement, le THz est connu comme étant une fréquence trop élevée pour être générée par des dispositifs à semi-conducteurs ; la longueur d’onde est trop longue pour que les dispositifs thermiques puissent émettre efficacement le rayonnement. En raison de ce manque de sources THz adéquates, cette région a été surnommée le gap THz [6]. Pour parvenir à générer ces longueurs d’ondes, il existe deux approches, la « up-conversion » et la « down-conversion ». Dans les communautés de micro-ondes, des efforts ont été faits pour convertir la fréquence de plusieurs GHz en THz. D’un autre côté, les scientifiques de la photonique ont généré des fréquences THz obtenues par la down-conversion pendant plusieurs décennies.
Application THz
On peut trouver de diverses applications THz, de la science pure à l’industrie [7]. Par exemple, de nombreuses molécules ont des spectres d’absorption rotationnels et vibrationnels aux fréquences THz. Par conséquent, les techniques de spectroscopie dans le domaine temporel THz à large bande (THz-TDS) constituent des outils précieux pour les chimistes [8] ; [9]. L’imagerie THz non invasive est un autre domaine intéressant, car le THz peut se propager à travers papiers et plastiques sans ioniser les matériaux, contrairement aux rayons X [10]. En ce qui concerne le domaine de sécurité, il est possible de développer un système de détection capable d’imager le contenue des colis ou d’enveloppes postales et même d’identifier des documents inconnus à l’aide d’empreintes spectroscopiques THz [11] ;[12]. Par ailleurs, les bancs de mesure THz exploitant des impulsions ultracourtes, pour l’étude des propriétés non-linéaires de la matière ou pour l’exploration de la réponse transitoire de certaines grandeurs physiques par des montages pompe-sonde, ont ouvert de nouveaux champs d’investigation avec un fort potentiel applicatif [13] ; [14]. Comme le montrent les exemples ci dessus, la génération de rayons THz présente un intérêt considérable dans de nombreux domaines académiques et industriels .
Sur la base des informations présentées dans les exemples précédents, les exigences relatives au spectre THz diffèrent fortement d’une application à l’autre. Cependant, de nombreuses applications nécessitent une source THz ayant une large bande spectrale, couvrant idéalement toute la plage de 0,3 à 30 THz. La plupart des applications THz effectuent des mesures de propriétés optiques linéaires des matériaux. La puissance moyenne THz est importante pour fournir un rapport signal sur bruit raisonnable. Cependant, les puissances moyennes de 0,1 à 50 µW sont souvent suffisante [17], [18]. Celles-ci peuvent être atteintes d’une part par des énergies d’impulsions suffisamment élevées, d’autre part par des taux de répétition élevés. Ces impulsions THz peuvent être amplifié à travers le couplage avec des objets en formes de nanopointes pour différentes applications, notamment l’émission d’électrons par effet de champ. Par exemple, les pointes nanométriques peuvent induire un effet d’éxaltation du champ THz au voisinage de la pointe permettant de créer ou de contrôler le flux d’électrons émis.
Sources THz impulsionnelles
Lasers à cascade quantique
Jusqu’en 1994 il n’était pas possible d’exploiter le principe du laser pour combler le gap THz [19]. La raison en est la difficulté technologique de construire un milieu actif fonctionnant aux fréquences THz. Les lasers émettant des rayonnements dans la région spectrale du visible et dans l’infrarouge proche contiennent des milieux actifs solides ou gazeux, fournissant ainsi des transitions électroniques avec des énergies de l’ordre de l’eV.
Les cascades d’états quantiques bien conçues peuvent fournir des transitions meV . Il est constitué de structures arrangées périodiquement qui peuvent être divisées en une région active et une région de relaxation. La région active contient des couches semi-conductrices avec différentes bandes interdites. Une séquence de trois couches peut former un puit de potentiel pour les électrons avec un état quantique localisé. Trois puits de potentiels avec les conditions d’excitations conduisent à un système à trois niveaux selon les besoins pour créer une inversion de population. La transition du niveau 3 au niveau 2, par exemple, peut conduire à une émission stimulée de rayonnement THz. Après avoir atteint le niveau 1, l’électron entre dans la région de relaxation qui a pour fonction principale d’éviter la création de charges d’espace. Le milieu actif est pompé par un champ électrostatique qui crée un potentiel diminuant de gauche à droit . Ainsi, après avoir quitté la région de relaxation, l’électron passe au 3ème niveau du système suivant et répète ce même processus en « cascade », d’où le nom de « cascade quantique ». Les QCL fonctionnent dans les bandes de fréquences comprises entre 1 et 5 THz et entre 10 et 30 THz [21]. Ces derniers sont basés sur le principe du laser, seul le fonctionnement pulsé sur une seule fréquence ou sur une faible largeur de bande est possible [22], [23]. Le rayonnement THz à très large bande dans le contexte des QCL ne couvre que les largeurs de bandes spectrales de seulement ∆ν = 1 THz et ne peut être obtenu qu’avec des techniques avancées de contrôle de mode [24]. En règle générale, un fonctionnement en dessous de 5 THz nécessite un refroidissement de plusieurs dizaines de Kelvin au-dessous de la température ambiante et donne, en générale, une puissance moyenne inférieure à 100 mW [7]. Au-dessus de 10 THz, une puissance moyenne THz de 1 W a été atteint et avec une amplitude crête du champ électrique THz d’une dizaine de kV/cm[25]. Les faibles largeurs de bandes spectrales accordables des QCL sont pratiques pour la spectroscopie où des résonances étroites doivent être résolues.
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Table des matières
Introduction
1 Etat de l’art des lasers THz
1.1 Introduction à la science du Thz
1.2 Application THz
1.3 Sources THz impulsionnelles
1.3.1 Lasers à cascade quantique
1.3.2 Antenne photoconductive
1.3.3 Redressement optique
1.3.4 Différence de fréquences
1.3.5 Génération du THz dans le plasma
1.4 Théorie de la génération par mélange de deux couleurs dans le plasma
1.5 Théorie de la distribution spatial du champ THz par accord de phase en géométrie non-colinéaire
2 Génération et caractérisation de la source THz
2.1 Le banc expérimental
2.1.1 Montage pour la mesure de l’énergie de l’impulsion THz
2.1.2 Montage de la détection électro-optique de l’impulsion THz
2.2 Résultat des mesures
2.2.1 Détection électro-optique avec les cristaux ZnTe et GaP
2.2.2 Influence de l’humidité de l’air
2.2.3 Effet de la phase relative
2.2.4 Caractérisation en puissance
2.2.5 Caractérisation du profil spatial
3 Interaction de l’impulsion THz avec une pointe nanométrique de Tungstène et d’Aluminium
3.1 Introduction
3.2 Montage Expérimental
3.3 Résultats
3.4 Conclusion
4 Sources laser dans le moyen infrarouge
4.1 Introduction
4.1.1 Sources lasers solides dans le moyen infrarouge
4.1.2 Sources lasers non-linéaires dans le moyen infrarouge
4.1.3 Sources lasers à fibre dans le moyen infrarouge
4.2 Éléments sur le modèle numérique d’aide à la conception
4.2.1 Mécanismes de verrouillage de modes
4.2.2 Régimes de verrouillage de modes dans les lasers à fibres
5 Laser à fibre ZBLAN double gaine dopée à l’Er3+
5.1 Introduction
5.2 Laser à fibre verrouillée en mode avec absorbant saturable à 2,8 µm
5.2.1 montage expérimental
5.2.2 Résultats expérimentaux et discussions
5.3 Laser à fibre à blocage de modes par ENP à 2,8 µm
5.3.1 Montage expérimental
5.3.2 Résultats expérimentaux
5.4 Amplificateur à fibre ZBLAN dopée Er3+ à 2,8 µm
5.4.1 Caractérisation de l’amplificateur de puissance
5.4.2 Auto-décalage solitonique Raman
5.5 Conclusion
Conclusion générale