Le magmatisme alcalin : définition
Source des magmas alcalins et fusion du manteau en présence de CO2 et de H2O
Le magmatisme sur Terre se produit dans des contextes géodynamiques différents. Les caractéristiques chimiques et physiques des magmas peuvent varier en fonction de ces contextes géologiques (Hall, 1987; Winter, 2001). On distingue trois principaux types de magmatisme sur Terre: le magmatisme des rides médio océaniques produit au niveau des zones d’accrétion océanique et qui permet la formation des volcans de dorsales, le magmatisme de subduction océanique ou continentale permettant la formation de volcans d’arc insulaire ou de type cordillère, et enfin le magmatisme intraplaque continental ou océanique dont les îles volcaniques formées par des points chauds sont les plus connues.
Le magmatisme dit « alcalin » se produit principalement en contexte de volcanisme intraplaque, dans les zones de rifts continentaux (comme le Rift Est Africain), de cratons continentaux stables (provinces magmatiques d’Ilimaussaq au Groenland, Khibiny et Lovozero en Russie, Thor Lake au Canada…) et de points chauds (Hawaii, Îles Canaries, Îles du Cap Vert…). Ce type de magmatisme est classiquement décrit comme étant la trace en surface d’un panache mantellique profond sousjacent, et résulte de la fusion partielle à faible taux (0,1 à 5 %) du manteau profond. Il est à l’origine d’une grande variété de magmas silicatés ainsi que de magmas carbonatés. Ces magmas sont caractérisés par un enrichissement en éléments incompatibles (Na, K, terres rares, Th, U, Pb, Zr, Hf, Ti, Nb, Ba, Sr etc…) c’est-à-dire des éléments qui se concentrent dans les liquides magmatiques résiduels au cours de la cristallisation fractionnée, ce qui indique une source mantellique enrichie en ces éléments et/ou un faible taux de fusion. Dans la littérature, le terme de « roches alcalines » peut à la fois être attribué aux roches magmatiques contenant des minéraux de types feldspathoïdes, et à la fois aux roches pauvres en silice et riches en éléments alcalins (Edgar, 1987).
Le magmatisme dit « alcalin » se produit principalement en contexte de volcanisme intraplaque, dans les zones de rifts continentaux (comme le Rift Est Africain), de cratons continentaux stables (provinces magmatiques d’Ilimaussaq au Groenland, Khibiny et Lovozero en Russie, Thor Lake au Canada…) et de points chauds (Hawaii, Îles Canaries, Îles du Cap Vert…). Ce type de magmatisme est classiquement décrit comme étant la trace en surface d’un panache mantellique profond sousjacent, et résulte de la fusion partielle à faible taux (0,1 à 5 %) du manteau profond. Il est à l’origine d’une grande variété de magmas silicatés ainsi que de magmas carbonatés. Ces magmas sont caractérisés par un enrichissement en éléments incompatibles (Na, K, terres rares, Th, U, Pb, Zr, Hf, Ti, Nb, Ba, Sr etc…) c’est-à-dire des éléments qui se concentrent dans les liquides magmatiques résiduels au cours de la cristallisation fractionnée, ce qui indique une source mantellique enrichie en ces éléments et/ou un faible taux de fusion. Dans la littérature, le terme de « roches alcalines » peut à la fois être attribué aux roches magmatiques contenant des minéraux de types feldspathoïdes, et à la fois aux roches pauvres en silice et riches en éléments alcalins (Edgar, 1987).
Un modèle de fusion de péridotite mantellique (« pyrolite model » ; Green and Falloon, 1998; Foley et al., 2012; Green, 2015) basé sur la troisième hypothèse proposée ci-dessus, est souvent mis en avant dans la littérature afin d’expliquer la production de liquides magmatiques de compositions différentes (Fig.I.1). Dans ce modèle, le domaine de faible taux de fusion (« incipient melting », en gris clair dans la Fig.I.1) est délimité par le solidus de la péridotite (de type lherzolite) anhydre et celui de la péridotite avec ± de H2O et CO2. Au-delà du solidus de la péridotite anhydre se trouve le domaine de fusion partielle (« major melting ») où sont formés les magmas de type MORB (Green and Falloon, 1998). Les différents types de magmas alcalins (leucitite, mélilitite, néphélinite et basanite ) sont ainsi produits dans ce domaine de faible taux de fusion, par la fusion de péridotite ± H2O et CO2 ; les magmas les plus mafiques de types leucitite/mélilitite sont formés à plus forte pression, c’est-à-dire plus grande profondeur . Ceci implique que la position du solidus de la péridotite ± H2O et CO2 joue un rôle très important quant à la fenêtre de formation de ces magmas dépendante de la présence de H2O et CO2 dans la péridotite.
Sources et nature des éléments volatils
Les éléments volatils majeurs présents dans les magmas sont H2O, CO2, S, Cl et F. Leur présence dans le manteau profond, et particulièrement de H2O et CO2, implique des processus complexes à l’origine de l’évolution géodynamique et géochimique de la Terre (Hirschmann, 2006; Dasgupta and Hirschmann, 2010; Hammouda and Keshav, 2015; Foley and Fischer, 2017). Les magmas produits par le magmatisme alcalin sont riches en ces éléments volatils.
H2O et CO2
L’eau est l’espèce volatile la plus abondante dans le manteau (Green et al., 2010) avec des concentrations estimées entre 50 et 200 ppm dans le manteau supérieur (Hirschmann, 2006) et 300 à 1000 ppm dans le manteau profond. Elle est principalement recyclée au travers des zones de subduction (Fig.I.3a). Sa présence dans les magmas dépend de l’état de stabilité des minéraux qui en sont porteurs en fonction des conditions P-T du manteau ou de la source (pargasite et phlogopite, partie I.1.1). L’eau diminue les températures de fusion du manteau, et sa présence peut ainsi provoquer des zones de fusion préférentielles (Fig.I.3a). Trois régions sont proposées comme étant les principales sources de H2O dans le manteau supérieur : les zones de subduction au niveau du « mantle wedge » (coin mantellique), les zones de points chauds qui sont les lieux de production des magmas alcalins de type OIB, et également la zone de transition entre le manteau supérieur et le manteau inférieur (Hirschmann, 2006).
Le deuxième élément volatil le plus abondant dans le manteau est le CO2 (Jambon, 1994; Symonds, 1994). Tout comme le cycle de l’eau, le cycle du carbone mantellique implique différentes zones possibles de fusion carbonatée (Fig.I.3b). Le carbone peut être introduit dans le manteau dans les zones de subduction. Au niveau du « mantle wedge » peut se produire la fusion d’éclogite carbonatée (Dasgupta et al., 2004, 2006; Hammouda et al., 2009). Les liquides carbonatés ainsi formés ont une faible viscosité (Treiman and Schedl, 1983; Dobson et al., 1996) et peuvent percoler dans le manteau en provoquant ainsi un métasomatisme local. Les carbonates peuvent aussi être emportés par le slab jusqu’à la zone de transition, et peuvent potentiellement être enfouies dans le manteau inférieur (Hammouda et al., 2009; Dasgupta and Hirschmann, 2010). De plus, d’autres zones de péridotites dans le manteau lithosphériques peuvent être carbonées localement (Fig.I.1 et I.2), en contexte intraplaque ou au niveau des rides océaniques et des points chauds. Le carbone présent dans le manteau supérieur peut alors soit provenir du manteau inférieur profond (panaches mantelliques profonds), soit du recyclage de lithosphère subductée. Rappelons que la présence de phases carbonatées dépend principalement de la fugacité de l’oxygène du manteau, avec une zone de fusion par oxydation (redox melting) qui permet une transition de l’état de carbone réduit à l’état de carbonate (Fig.I.3b ; Fig.I.1).
La plupart des roches carbonatées (carbonatites) identifiées sont situées sur le continent Africain qui est actuellement le témoin d’un rift intracontinental (Bailey, 1993; Woolley and Kjarsgaard, 2008). Foley and Fischer (2017) ont proposé que la lithosphère continentale ainsi que cette zone de rift intracontinental jouent un rôle primordial sur le budget de carbone profond en permettant le stockage d’une importante quantité de carbone. Ils proposent que les volcans centraux dans le rift qui sont les plus récents produisent principalement des basaltes, alors que les volcans situés aux bords du rift qui correspondent quant à eux à des stades plus précoces du rifting produisent des magmas alcalins silicatés riches en CO2 de type mélilites et néphélinites, ainsi que des carbonatites (Fig.I.4). Les occurrences de magmas riches en CO2 dans les rifts continentaux seraient la conséquence de l’accumulation du carbone à long terme sous la lithosphère épaisse et de sa remobilisation dynamique par remontée au travers du rift actif. Le craton sous-jacent, et de manière générale les lithosphères épaisses (Tappe et al., 2018) constitue ainsi une importante source de carbone.
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Table des matières
I. Introduction
I.1. Le magmatisme alcalin : définition
I.1.1. Source des magmas alcalins et fusion du manteau en présence de CO2 et de H2O
I.1.2. Sources et nature des éléments volatils
I.1.2.1. H2O et CO2
I.1.2.2. Autres volatils : F, Cl, P et S
I.1.3. Différenciation des magmas alcalins
I.1.4. Les carbonatites, roches magmatiques particulières
I.1.5. Processus de formation des carbonatites et genèse des liquides carbonatés
I.2. Les métaux rares dans les magmas alcalins
I.2.1. Les métaux rares : définition et contexte économique
I.2.2. Carbonatites et roches magmatiques alcalines : principaux gisements de métaux rares
I.2.2.1. Les gisements associés aux carbonatites
I.2.2.2. Les gisements associés aux complexes magmatiques alcalins
I.2.3. Processus de formation des gisements
I.3. Enrichissement en métaux rares au stade magmatique: objectifs de la thèse
II. Etat de l’art
II.1. Magmas silicatés alcalins et carbonatites : éléments volatils et structure
II.1.1. Éléments volatils dans les roches magmatiques alcalins et les carbonatites
II.1.2. Solubilité du CO2 et de H2O dans les liquides alcalins et carbonatés
II.1.3. Structures des liquides silicatés et carbonatés, et effets des volatils
II.2. Immiscibilité entre magmas silicatés et carbonatés
II.2.1. Champ de composition et domaine de stabilité des liquides immiscibles
II.2.2. Partage des éléments traces entre liquides carbonatés et silicatés
II.2.3. Rôle de la structure des liquides et des volatils sur le partage des éléments
II.2.3.1. Effet de la structure des liquides
II.2.3.2. Rôle des volatils sur le partage des métaux rares entre liquides-liquides
II.3. Comportement des éléments traces entre cristaux et liquides magmatiques
II.3.1. Partage des métaux rares entre cristaux et liquides silicatés
II.3.2. Partage des métaux rares entre cristaux et liquides carbonatés
II.3.3. Modèles de partage préexistant : influence de la structure des cristaux ou des liquides ?
II.4. Rôle du fluide sur l’immiscibilité et sur le comportement des métaux rares
II.5. Questions à résoudre
III. Méthodologie
III.1. Matériaux de départ
III.1.1. Stratégie expérimentale
III.1.2. Préparation des produits de départ
III.1.3. Préparation des capsules
III.2. Expériences
III.2.1. Piston-cylindre
III.2.2. Autoclave à chauffage interne
III.2.3. Polissage des échantillons
III.3. Méthodes analytiques
III.3.1. Microscope électronique à balayage (MEB)
III.3.2. Microsonde électronique
III.3.3. LA-ICP-MS
III.3.4. Nano-SIMS
III.4. Calcul du coefficient de partage d’un élément entre deux phases et de l’erreur associée
IV. Conclusion
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