De la plus haute antiquité jusqu’au milieu du vingtième siècle, la médecine est presque absente du domaine du sommeil, même si celui-ci a été soupçonné d’être un facteur important dans l’émergence ou l’aggravation de certaines maladies. La conviction et la preuve de son rôle s’établiront dans le dernier demi siècle grâce à la possibilité d’études électrophysiologiques du sommeil apparues à la fin des années 50, en particulier sous l’impulsion de Michel Jouvet à Lyon et d’autre part, l’utilisation dans ce domaine des méthodes scientifiques et expérimentales permettant une meilleure connaissance du fonctionnement du cerveau et des autres organes au cours du sommeil. Les troubles du sommeil (TDS) incluent une large gamme de manifestations. Un trouble du sommeil (somnipathie) est un trouble médical pouvant avoir des causes physiologiques, environnementales ou comportementales (lié aux habitudes du sommeil d’un individu). Ils sont traditionnellement divisés en deux grandes catégories: les dyssomnies et les parasomnies. Les dyssomnies se caractérisent par des anomalies au niveau de la quantité ou de la qualité du sommeil ou de ses cycles. Les parasomnies englobent les évènements comportementaux ou physiologiques anormaux survenant au cours du sommeil, mais n’impliquent pas les mécaniques de sommeil comme tel [102]. Les TDS sont très fréquents dans la population générale. Selon une étude multicentrique faite par une équipe de la Warwick Medical School et soutenue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans 8 pays d’Afrique et d’Asie, la prévalence des TDS étaient de 16,6%[35]. Ce chiffre est très proche des pays Occidentaux où 20% de la population se plaint d’un TDS.
SOMMEIL NORMAL ET SES STADES
SOMMEIL NORMAL
Le sommeil peut être défini comme un état réversible de diminution des perceptions et des relations avec l’environnement. Il est produit activement et cycliquement par le cerveau, et s’accompagne de modifications de l’activité cérébrale, du comportement et du contrôle physiologique.
STADES DU SOMMEIL
Chez l’Homme, les modifications de l’encéphalogramme, du tonus musculaire et des mouvements des yeux ont permis, depuis un consensus international en 1968, la description de deux états de vigilance et de deux états du sommeil.
➤Les deux (2) états de vigilance : éveil et sommeil.
➤Les deux (2) états du sommeil : sommeil lent (stades 1, 2, 3 et 4) et le sommeil paradoxal.
Les stades de sommeil apparaissent généralement dans l’ordre chronologique suivant : stade 1, 2, 3, et 4, puis sommeil paradoxal, terminant ainsi le premier cycle de sommeil. Ayant une durée médiane de 90 min, de tels cycles sont cependant plus longs en début qu’en fin de nuit. Ils comportent tous du sommeil lent et du sommeil paradoxal. Par contre, les deux cycles initiaux, riches en sommeil lent profond, contiennent peu de sommeil paradoxal, à l’inverse de ceux de la fin de nuit.
Sommeil à ondes lentes = NonRapidEye Mouvement
Lors du sommeil à ondes lentes, on observe une diminution de la fréquence des ondes cérébrales et une augmentation de leur amplitude. Le dormeur devient de plus en plus difficile à réveiller. Si on réveille quelqu’un lors du sommeil à ondes lentes, il se sentira fatigué et sera moins efficace. Le dormeur peut rêver lors du sommeil lent, les rêves étant relativement logiques et peu chargés émotionnellement.
On peut découper le sommeil à ondes lentes en trois (3) phases :
– L’endormissement, à ondes alpha ;
– Le sommeil léger, à ondes thêta ;
– Le sommeil profond, à ondes delta.
Endormissement
Lors de l’endormissement, les ondes alpha apparaissent par bouffées successives. Le sujet peut être réveillé facilement. Lors de cette phase, le sujet peut être pris d’hallucinations dites hypnagogiques, ainsi que des sursauts musculaires nommées myoclonies d’endormissement. Dans la majorité des cas, cela est tout à fait normal et n’a rien de pathologique. L’endormissement se caractérise par la disparition de l’activité alpha, le sujet est calme, les yeux fermés. Il y a souvent des mouvements lents et pendulaires des yeux et un relâchement du tonus musculaire de posture (chute des paupières, de la nuque). Ce stade de transition, dénommé stade 1 du sommeil lent, occupe environ 5 % de la nuit. Le sujet reste aisément réactif au bruit et autres stimulations, et ne perçoit pas toujours ce stade, a posteriori, comme du sommeil. Le sujet endormi passe rapidement, en quelques minutes, du stade 1 au stade 2, qui occupe 55 % de la nuit. Les stades 1 et 2 constituent le sommeil lent léger. Le sujet peut facilement être éveillé.
Sommeil léger
Le sommeil léger dure environ une demi-heure, voire 45 minutes. Il donne un EEG avec :
– des ondes thêta, les ondes alpha et bêta ayant disparu ;
– des fuseaux en sommet, des bouffées d’ondes de haute fréquence (12- 14 hertz) qui proviennent de la boucle thalamo-corticale ;
– des complexes k. des ondes de haute amplitude qui apparaissent en réaction à des bruits extérieurs.
Le dormeur peut encore être réveillé facilement dans ce stade du sommeil. De plus, le dormeur ne se sentira pas trop fatigué après le réveil, même s’il aura une performance légèrement amoindrie dans la plupart des taches qu’on peut lui donner. Il faut noter que ce n’est pas le cas dans le sommeil : si on réveille quelqu’un en sommeil profond, celui-ci se sentira fatigué et aura des performances fortement dégradées. La durée de cette baisse de performance est d’environ une demi-heure, une heure maximum.
Sommeil profond
Lors du sommeil profond, les ondes delta s’installent. Les ondes lentes ont une plus grande amplitude sur des sujets en manque de sommeil, comparé à des sujets dans des conditions normales. De plus, l’amplitude des ondes lentes est proportionnelle à la dette de sommeil : plus la dette est importante, plus les ondes seront de grande amplitude. Lors de ce stade du sommeil les muscles ne sont pas paralysés : le dormeur peut encore bouger. C’est d’ailleurs lors de cette phase que les somnambules sortent de leur lit ou que les terreurs nocturnes surviennent. De manière générale, une bonne partie de ce que les médecins appellent parasomnies survient dans ce stade de sommeil. Les rêves sont courants en sommeil profond, du moins plus que dans les autres phases du sommeil lent. Mais la fréquence des rêves est inférieure à celle observée dans le sommeil paradoxal, qui est le stade le plus riche en rêves. En sommeil profond, les rêves sont souvent assez logiques, cohérents et assez chargés émotionnellement : leur contenu est nettement mieux organisé que dans les autres stades du sommeil. Ce stade de sommeil aurait un rôle à jouer dans l’apprentissage et la mémorisation. Ce sommeil profond aurait comme rôle principal de réparer le corps et de lui permettre de reposer. A l’appui de cette affirmation, on peut dire que l’hormone de croissance est surtout produite lors du sommeil profond : cette hormone de croissance sert non seulement de faire grandir les enfants, mais aide aussi les cellules et tissus à se réparer. La consommation énergétique du cerveau est aussi beaucoup diminuée lors du sommeil profond, comparé à l’éveil. De plus, une nuit reposante est associée à des ondes lentes de grande amplitude lors du sommeil profond : plus les ondes seront amples, plus le dormeur se sentira reposé au réveil.
Le sommeil lent profond est occupe 20 % de la nuit, soit environ 100 min. Il n’y a ni mouvement du corps, ni mouvements oculaires, en sommeil lent des stades 2 à 4. Le tonus musculaire est diminué. Au stade 4 Le sujet est difficile à éveiller, confus et tachycarde si on parvient à le réveiller.
Sommeil paradoxal : REM = Rapid Eye Mouvement
Immédiatement après les 80 minutes à ondes lentes, le sommeil paradoxal s’installe:
– le rythme cardiaque et la respiration se font plus rapides ;
– les yeux effectuent des mouvements très rapides sous les paupières ;
– la pression artérielle augmente ;
– le pénis entre en érection;
– le dormeur est complètement paralysé.
Si on l’appelle sommeil paradoxal, c’est parce que l’EEG est très proche de l’éveil : le cortex est submergé d’ondes gamma. Cependant l’hippocampe est ominé par des ondes théta, ce qui n’est pas le cas lors de la veille. Lors du démarrage du sommeil paradoxal, on observe des bouffées d’ondes en provenance de la moelle épinière: les ondes ponto-géniculo-occipitales. Ces ondes sont responsables des mouvements des yeux lors du sommeil paradoxal. Les mouvements oculaires rapides peuvent occuper environ 20 % de ce stade, avec un relâchement musculaire total, dénommé «atonie musculaire». Les rêves sont courants lors du sommeil paradoxal, nettement plus que dans les autres phases du sommeil : le sommeil paradoxal est le stade le plus riche en rêves. De plus, les rêves du sommeil paradoxal ont tendance à être assez illogiques, incohérents, riches en émotions. Leur contenu est souvent incompréhensible, vague et bizarre. Le sommeil paradoxal environ occupe 18 à 23 % de la nuit.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. SOMMEIL NORMAL ET SES STADES
1. SOMMEIL NORMAL
2. STADES DU SOMMEIL
2.1. Sommeil à ondes lentes
2.1.1. Endormissement
2.1.2. Sommeil léger
2.1.3. Sommeil profond
2.2. Sommeil paradoxal
II. MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES AU COURS DU SOMMEIL
III. TROUBLES DU SOMMEIL ET CLASSIFIATION
1. INSOMNIE
2. TROUBLES RESPIRATOIRES SURVENANT PENDANT LE SOMMEIL
3. HYPERSOMNIES D’ORIGINE CENTRALE
4. TROUBLES DU RYTHME CIRCADIEN DU SOMMEIL
5. PARASOMNIES
6. MOUVEMENTS ANORMAUX LIÉS AU SOMMEIL
7. AUTRES TROUBLES DU SOMMEIL
IV. SYNDROME D’APNEE HYPOPNEE OBSTRUCTIF DU SOMMEIL (SAHOS)
1. DÉFINITION
2. HISTORIQUE
3. RAPPELS ANATOMIQUES
3.1. Pharynx
3.1.1. Nasopharynx
3.1.2. Oropharynx
3.1.3. Hypopharynx
3.1.4. Larynx
4. RAPPELS PHYSIOPATHOLOGIQUES
5. EPIDEMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE
5.1. Epidémiologie
5.2. Facteurs de risque
5.2.1. Obésité
5.2.2. Age
5.2.3. Sexe
5.2.4. Origine ethnique
5.2.5. Certaines anomalies des voies respiratoires supérieures ou des mâchoires
5.2.6. Consommation d’alcool
5.2.7. Reflux Gastro-Œsophagien (RGO)
5.2.8. Certains médicaments
5.2.9. Tabagisme
5.2.10. Diabète de Type 2
5.2.11. Facteurs génétiques
6. CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
6.1. Symptômes
6.1.1. Hypersomnie diurne excessive
6.1.2. Arrêts respiratoires perçus au cours du sommeil (apnées)
6.1.3. Ronflement
6.1.4. Insomnie
6.1.5. Sensation de fatigue (asthénie physique)
6.1.6. Réveils nocturnes
6.1.7. Troubles de l’humeur et de la concentration
6.1.8. Autres signes
6.2. Signes d’examen physique
6.3. Devant les complications et co-morbidités
6.3.1. Maladies cardiovasculaires
6.3.1.1. Hypertension artérielle
6.3.1.2. Troubles du rythme
6.3.1.3. Insuffisance cardiaque
6.3.1.4. Insuffisance coronarienne
6.3.1.5. Accidents Vasculaires Cérébraux
6.3.1.6. Hypertension artérielle pulmonaire
6.3.2. Complications métaboliques
6.3.2.1. Diabète de Type 2
6.3.2.2. Hyperuricémie/Goutte
6.3.2.3. Dyslipidémie
6.3.2.4. Syndrome métabolique
6.3.2.5. Autres conséquences sur les hormones
6.3.3. Dépression
6.3.4. Accidents
6.3.5. Complications en cas de chirurgie
6.4. Autres circonstances de découvertes
7. ETUDE DIAGNOSTIC
8. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
8.1. Mesures hygiéno-diététiques
8.1.1. Réduction pondérale
8.1.2. Eviter le décubitus dorsal
8.1.3. Eviter les somnifères et l’alcool
8.1.4. Cesser de fumer
8.1.5. Soigner vos allergies
8.1.6. Prise en charge précoce et adaptée des FDRCV associés
8.2. Traitement médicaux
8.3. Traitement mécanique
8.3.1. Traitement par ventilation à pression positive continue (PPC ou CPAP)
8.3.2. Traitement par orthèse d’avancée mandibulaire
8.4. Traitement chirurgical
8.4.1. Uvulo-palato-pharyngoplastie (UPPP)
8.4.2. Amygdalectomie et adénoïdectomie
8.4.3. Chirurgie du nez et des sinus
8.4.4. Trachéotomie
8.4.5. Chirurgie bariatique
9. EVOLUTION ET SURVEILLANCE
CONCLUSION