La domestication du cheval
Solutions préventives et thérapeutiques contre l’agressivité chez le cheval
Les différents types d’agressions observés chez le cheval domestique
L’agressivité des chevaux en captivité faisait déjà parler d’elle en 1970 (Thrower, 1970). Pourtant nous allons voir qu’aujourd’hui encore, de nombreuses lacunes dans nos connaissances éthologiques nous empêchent de tout comprendre et donc de régler les problèmes d’agressivité. Par exemple, nous savons désormais que les chevaux agressifs ont un taux de sérotonine plus faible que les chevaux non agressifs mais nous ignorons encore quels sont les mécanismes impliqués (Meral et al., 2007). Mais comment définir l’agressivité ? L’agressivité est une tendance à attaquer l’intégrité physique de l’autre. Elle dépend d’un seuil de tolérance individuel qui dépend lui-‐même du vécu familial et social. Plus ce seuil est bas, plus l’individu est enclin à l’agression face à certains événements, et plus il est donc qualifié d’agressif. Il semblerait que les relations sociales des chevaux soient tellement perturbées par leur domestication qu’un certain nombre d’entre eux développent une agressivité pathologique c’est-‐à-‐dire qu’ils montrent des signes de menace ou d’agression sans contexte objectivement déclencheur, et/ou ont des réactions démesurées par rapport à la majorité des chevaux (Arthaud, 2005). Ainsi, Fraser (1992) et McGreevy (2004) proposent chacun une liste de réactions comportementales anormales observées chez les chevaux domestiques dans lesquelles apparaissent : -‐ les tendances à charger/pousser un congénère ou un autre animal (dont l’Homme), -‐ les réactions d’alerte exagérées, -‐ les attitudes menaçantes, notamment à l’approche de l’Homme, -‐ les morsures, -‐ les coups de pieds, -‐ les réactions d’évitement, de fuite face à des stimuli courants. Ces différentes réactions peuvent être innées ou apprises lors d’une communication inadéquate entre l’Homme et le Cheval, et ont différents buts possibles : agression, intimidation ou encore évasion visant à protéger son intégrité et ses intérêts (Durand, 2008 ; McGreevy, 2004). Il est important d’en comprendre la cause et l’expression pour la désamorcer le plus vite possible, la soigner et ainsi éviter les conséquences néfastes dues au poids et à la taille de ces animaux qui peuvent très vite devenir de grands dangers pour l’Homme mais également pour eux-‐mêmes (Arthaud, 2005 ; Durand, 2008). Plusieurs classifications peuvent être établies : • selon l’individu agressé : intraspécifique, interspécifique, automutilation • selon la cause : peur, douleur, trouble organique… • selon l’intensité de l’agression : agressions minimes, modérées, intenses… • selon le mode d’agression : vocalises, morsures, coups de pieds… • selon les conséquences : fuite, plaie, combat… Arthaud (2005) qui s’inspire d’un article du magazine Cheval Santé, Dallaire (1988) ou encore Beaver (1986) proposent ainsi des classifications en fonction des principales causes connues des agressions.
L’agression par peur
Le cheval, par son statut de proie, a tendance à être craintif, prenant généralement peur des objets inconnus. Malgré cela, il s’agit d’un animal curieux qui tend à explorer si le danger n’est pas avéré. Ainsi, chaque cheval est motivé à la fois par la néophobie et par la curiosité qui lui est caractéristique selon son tempérament et son expérience. Le comportement observé face à l’inconnu est par conséquent propre à chaque individu, se traduisant par une réactivité sensorielle et motrice plus ou moins intense (Kikilis, 2005). De plus, la peur est communicative au sein d’un groupe de chevaux, et il est primordial d’en tenir compte pour éviter les fuites collectives. Celles-‐ci peuvent en effet avoir des conséquences néfastes sur les hommes qui se trouveraient dans les parages mais également sur les animaux eux-‐mêmes qui ne font alors guère attention à leur environnement et à leurs congénères. Si la domestication a en partie atténué l’émotivité à l’origine de ces réactions de peur, le cheval reste un animal craintif qu’il faut apprendre à gérer comme tel car toute peur est susceptible de provoquer de violentes réactions, particulièrement quand il se trouve privé de possibilités de fuite (Dallaire, 1988 ; McGreevy et McLean, 2005). Ces réactions sont d’autant plus importantes que le cheval est amené en première intention, par un réflexe d’opposition, à s’opposer à toute pression ou traction qu’il lui est imposée (McGreevy et McLean, 2005). Par exemple, les consultations vétérinaires, par les personnes non familières présentes et l’environnement parfois inhabituel (consultation au cabinet), sont des situations particulièrement stressantes. Les réactions peuvent donc être agressives faces à certaines manipulations et ce d’autant plus si le cheval manque d’apprentissage interspécifique et n’est pas habitué à être manipulé, à sentir certaines odeurs, à voir certaines tenues de travail… (Kikilis, 2005).
L’agression par algie (par irritation selon Arthaud, 2005 et Dallaire, 1988)
La douleur est très mal supportée par les chevaux, et les agressions suite à une telle sensation peuvent être très violentes. Il suffit par exemple d’observer un cheval en colique pour se rendre compte de l’intensité des réactions (cheval qui se jette contre les murs, se mord les flancs, s’agite, se roule par terre…). La douleur est par conséquent une des grandes causes d’agression, les autres causes irritatives étant la gêne, la contrainte, la faim et la soif selon Arthaud (2005). Ces agressions sont fréquemment observées chez les chevaux domestiques. Elles sont majoritairement dirigées vers l’Homme et dépendent d’un seuil de déclenchement individuel variant notamment avec le caractère, l’état physiologique et l’éducation de chacun. Une solution pour éviter ce type d’agression est donc d’habituer les chevaux à supporter certaines douleurs de faible intensité (prise de sang, vaccin…) ou certains moyens de contention. L’utilisation d’analgésiques peut également permettre d’éviter la douleur mais aussi d’en diagnostiquer la cause en supprimant les agressions provoquées par cette sensation (Arthaud, 2005 ; Kikilis, 2005). L’étude récente de Fureix et al. (2010) qui s’est également penchée sur la question des douleurs chroniques, met ainsi en évidence que les douleurs aiguës ne sont pas les seules en cause dans l’agressivité des chevaux. Les douleurs chroniques, liées en particulier à des problèmes vertébraux, sont en effet trop peu recherchées et le cheval est qualifié de » caractériel « , » dominant » ou encore » vicieux » alors qu’il a tout simplement mal de manière chronique (sensibilité individuelle, harnachement inadapté, cavalier débutant, lombalgie…).
L’agression par apprentissage (instrumentalisée selon Arthaud, 2005)
L’agressivité » par irritation » peut parfois s’aggraver et évoluer en agressivité apprise. Un objet donné, par la contrainte ou la douleur qu’il provoque, va induire en premier lieu des menaces, puis le retrait de l’objet en question par l’homme va renforcer positivement ces menaces. Ainsi, avec le temps, par conditionnement, le cheval va apprendre à se montrer menaçant puis agressif à la simple vue de l’objet. Les menaces disparaissent, et les agressions deviennent plus intenses, plus rapides, et donc plus dangereuses (Arthaud, 2005 ; Kikilis, 2005). Par exemple, un sanglage mal effectué par un débutant avec une sangle mal adaptée peut être douloureux et provoquer une réaction agressive de la part du cheval. Le recul du cavalier mal à l’aise qui a peur ainsi que les hésitations futures au moment de sangler vont alors renforcer ce type de réaction au sanglage mais également par la suite à la pose de la selle sur le dos du cheval. Ce type d’agressivité se déroule donc généralement en une seule étape : l’attaque. Celle-‐ci est le plus souvent rapide, imprévisible et d’intensité non contrôlée. Elle représente donc un danger important pour l’Homme et est très difficile..
|
Table des matières
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Un peu d’histoire
1.1. La domestication du cheval
1.2. Le cheval dans notre société
1.3. Les débuts de l’éthologie équine
2. Une organisation dans le temps et l’espace perturbée par la captivité
2.1. Milieu de vie et occupation du territoire en liberté
2.1.1. Des groupes mobiles
2.1.2. Une proie à l’affût
2.2. Budget-‐temps et déroulement des journées
2.3. Les contraintes de la captivité et leurs conséquences
2.3.1. L’environnement du cheval domestique
2.3.2. Les capacités d’adaptation du cheval
3. Domestication et relations sociales
3.1. Le cheval, un animal social
3.1.1. La communication
3.1.2. Les relations affines
3.1.3. Les comportements agonistiques et les relations dominant-‐subordonné
3.2. Domestication et familiarisation à l’Homme
3.2.1. Une nouvelle rencontre : l’Homme
3.2.2. La gestion humaine des relations intraspécifiques entre chevaux
4. Solutions préventives et thérapeutiques contre l’agressivité chez le cheval
4.1. Les différents types d’agressions observés chez le cheval domestique
4.1.1. L’agression par peur
4.1.2. L’agression par algie (par irritation selon Arthaud, 2005 et Dallaire, 1988)
4.1.3. L’agression par apprentissage (instrumentalisée selon Arthaud, 2005)
4.1.4. L’agression hiérarchique
4.1.5. L’agression » territoriale »
4.1.6. L’agression provoquée par un(des) trouble(s) organique(s)
4.1.7. Les agressions idiopathiques
4.2. Le rôle de conseil du vétérinaire
4.2.1. Avant l’achat
4.2.2. En consultation
4.3. La contention
4.3.1. La contention physique
4.3.2. La contention chimique
4.4. Thérapies médicales et comportementales
4.4.1. L’amélioration de l’environnement
4.4.2. La rééducation
4.4.3. Les traitements médicaux
4.4.4. Les médecines alternatives
5. Conclusion sur cette première partie
DEUXIÈME PARTIE : LA SITUATION EN FRANCE, ENQUÊTES ET RÉSULTATS
1. Problématique
2. L’enquête réalisée auprès des centres équestres
2.1. Matériels et méthodes
2.1.1. Création du questionnaire
2.1.2. Échantillonnage
2.1.3. Analyse des résultats
2.2. Résultats
2.2.1. Population interrogée
2.2.2. Relation entre mode de vie et agressivité
2.2.3. Signes d’agressivité et ressenti des gérants
2.3. Discussion
2.3.1. Matériels et méthodes
2.3.2. Résultats
2.4. Conclusion
3. L’enquête réalisée auprès des vétérinaires
3.1. Matériels et méthodes
3.1.1. Création du questionnaire
3.1.2. Échantillonnage
3.1.3. Analyse des résultats
3.2. Résultats
3.2.1. Population interrogée
3.2.2. Manifestations agressives et ressenti des vétérinaires
3.3. Discussion
3.3.1. Matériels et méthodes
3.3.2. Résultats
3.4. Conclusion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRE SOUMIS AUX CENTRES ÉQUESTRES
ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE SOUMIS AUX VÉTÉRINAIRES
Télécharger le rapport complet