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Solutions pour améliorer la distribution d’une substance active à l’organisme
Plusieurs méthodes existent pour améliorer la distribution d’une substance active, soit en augmentant sa solubilité ou en augmentant son assimilation par l’organisme. La méthode utilisée va dépendre des propriétés chimiques des molécules à solubiliser, notamment de leur hydrophobicité ou de leur pKa dans le cas d’acides ou de bases faibles.
Formation de sels et modification locale du pH
Près de 70% des substances actives présentes sur la liste des substances actives essentielles de l’OMS sont ionisables à un pH situé entre 2 et 129. En fonction du mode et de la zone d’administration du médicament, la solubilité de ces substances variera fortement. Il est possible de contrôler cette solubilité en adjoignant à la substance active un contre-ion. De manière générale, les formes salines d’une substance active ont une solubilité plus élevée que celle de l’acide ou de la base libre10. En choisissant soigneusement le contre-ion, il est possible de moduler la solubilité du sel obtenu en fonction du pH. Cette méthode est particulièrement utilisée pour des formulations de substances actives administrées par voie orale. En utilisant les différences de pH au sein de l’appareil digestif, il est possible de choisir un contre-ion de manière à ce que le sel obtenu se solubilise préférentiellement dans une des parties de l’appareil digestif. Il est aussi possible d’adjoindre à la substance active un tampon qui sera choisi de manière à ramener le pH local dans une gamme adaptée à une bonne solubilité de la substance active. Ces tampons sont adaptés à la fois aux formulations à administration orale11 ou intraveineuse12.
Contrôle de la cristallisation du principe actif
Dans les cas où la molécule active n’est pas ionisable, il est parfois possible de l’obtenir sous forme cristalline. En contrôlant la manière dont elle cristallise, il est possible d’obtenir un polymorphe avec la solubilité voulue13. Il est aussi possible de cocristalliser le principe actif avec un autre composé qui se solubilisera dans les conditions voulues et entrainera la dispersion et la dissolution de la substance active14.
Utilisation de cosolvants et de tensioactifs
Lorsque la solubilité de la substance active ne dépend pas du pH ou que les méthodes précédentes ne suffisent pas pour atteindre la concentration désirée, il existe d’autres manières pour augmenter la concentration en principe actif. Une possibilité est de lui adjoindre un cosolvant, solvant organique miscible à l’eau, qui changera localement les propriétés physico-chimiques du milieu pour augmenter la solubilité du principe actif. Les cosolvants les plus couramment utilisés sont l’éthanol, le propylène glycol, la glycérine ou encore des polyéthylène glycol de petit poids moléculaire. Un des inconvénients de l’utilisation de cosolvant est qu’ils peuvent avoir des effets délétères sur l’organisme, qu’ils soient administrés par voie orale ou par injection. A cause de cela, ils doivent être utilisé en petit volume concentré ou dilué dans une solution aqueuse. Une manière de diminuer la quantité de cosolvant nécessaire pour solubiliser une substance active est de l’utiliser conjointement à des tensioactifs non-ioniques. Parmi les tensioactifs non-ioniques très utilisés pour solubiliser des principes actifs on retrouve les molécules de la famille des Span (esters de sorbitane) et des Tween (esters de sorbitane pegylé) ou encore du Kolliphor/Cremophor (mélange principalement de mono, di et triesters d’acides gras, extraits de l’huile de ricin, pégylés). Les tensioactifs permettront d’obtenir micelles et émulsions qui pourront alors servir de réservoir hydrophobe pour solubiliser le principe actif. Cette méthode, étudiée15 et utilisée depuis des années, entre dans la fabrication de médicaments anticancéreux commerciaux tels que le Taxol16, solution de paclitaxel, de Kolliphor et d’éthanol, ou encore le Taxotere17, solution de doxatel, de tween 80 et d’éthanol. Elle nécessite tout de même de diluer la solution avant de l’injecter mais, malgré cette dilution, il subsiste toujours des effets secondaires liés aux cosolvants et aux tensioactifs en circulation dans l’organisme.
Utilisation de nanovecteurs
Pour pallier à une partie de ces effets secondaires, il est possible d’utiliser des systèmes plus stables qui seront moins affectés par la dilution dans l’organisme. Ceci repose sur l’encapsulation de la substance active, de manière covalente ou non, dans ou à la surface d’un objet de taille nanométrique, un nanovecteur. En jouant sur les propriétés du nanovecteur utilisé et sur la manière dont la substance active lui est liée, il est possible de contrôler la distribution de la substance active dans l’organisme, tant sur le plan spatial que temporel.
L’aspect spatial de la distribution est lié à plusieurs notions importantes telles que le ciblage actif ou passif et l’effet EPR. Le ciblage est la capacité qu’aura le nanovecteur à s’accumuler préférentiellement dans les tissus cibles. Ceci peut être obtenu en décorant le nanovecteur de molécules pouvant se lier à des récepteurs spécifiques situés sur la cible, on parle dans ce cas de ciblage actif. L’exemple le plus répandu est le ciblage de récepteurs du folate, surexprimés par les cellules tumorales, en greffant de l’acide folique sur les nanovecteurs18. Il est possible d’effectuer un ciblage dit passif en utilisant un effet appelé effet EPR (pour Enhanced Permeability and Retention soit Perméabilité et Rétention Augmentées). Cet effet repose sur une hétérogénéité de la vascularisation des cellules cancéreuses (Figure 1).
En effet, puisqu’elles ont besoin d’une grande quantité de nutriments et d’oxygène pour proliférer, les tumeurs sont plus vascularisées avec une perméabilité des vaisseaux sanguins qui est plus grande qu’ailleurs dans le corps20. Ainsi, en utilisant des nanovecteurs avec une durée de circulation dans l’organisme et une taille adéquate, entre 10 et 500 nm21, ils pourront s’accumuler au niveau des tumeurs, permettant une distribution localisée d’un agent thérapeutique encapsulé. En ce qui concerne l’aspect temporel de la distribution d’un nanovecteur dans l’organisme, plusieurs paramètres peuvent influencer sa durée de circulation dans l’organisme. Le facteur principal de l’élimination des nanoparticules dans l’organisme est sa captation par le système réticuloendothélial, la part du système immunitaire chargée d’éliminer les éléments étrangers à l’organisme. En jouant sur la taille de la nanoparticule ou sur la présence de chaines de polymère à sa surface, il est possible de diminuer son élimination par l’organisme22. On parle alors de furtivité de la nanoparticule.
Classification des nanovecteurs
Il est possible de différencier les nanovecteurs en fonction de leur nature et de leur composition. On peut distinguer deux grandes catégories, les nanovecteurs inorganiques et les nanovecteur organiques.
Nanovecteurs inorganiques
Il existe de nombreuses sortes de nanoparticules inorganiques utilisées comme nanovecteur.
Nanoparticules de silice
Les matériaux à base de silice mésoporeuse, bien connus et dont la synthèse est parfaitement maitrisée depuis les années 199023, ont été utilisés pour leur capacité à pouvoir absorber des substances et à les relarguer lentement au cours du temps24. Utilisés comme implants25, ces matériaux présentent une très faible toxicité ce qui en fait de bon candidats en tant que nanovecteurs. Des nanoparticules de silice mésoporeuse ont ainsi été synthétisées en vue d’encapsuler des substances actives dans les années 200026. Hautement fonctionnalisables et possédant une grande surface spécifique, elles ont été utilisées pour vectoriser divers types de substances et leurs applications ont été décrites en détail dans la litérature27–30.
Nanoparticules d’or
Bien qu’étant un concept moderne, on retrouve des utilisations de nanoparticules d’or aussi loin qu’au 4ième siècle à travers le travail du verre effectué par les artisans de l’Empire Romain.
L’exemple le plus connu est la coupe de Lycurgue, dont le verre contenant des nanoparticules d’un alliage d’or et d’argent change de couleur en fonction de la direction selon laquelle il est illuminé, grâce à un effet de résonance de plasmon de surface qui est maintenant bien connu31. Ce ne fut qu’en 1857 que Faraday décrivit pour la première fois la synthèse32 à proprement dit de nanoparticules d’or. Cette synthèse, reposant sur l’oxydation de sels d’or par du citrate de sodium pour obtenir de l’or métallique, fut modernisée dans les années 1950 par Turkevitch33 puis par Frens dans les années 197034 et reste une des méthodes de référence pour obtenir des dispersions colloïdales contrôlées d’or. L’intérêt principal de ces dispersions est leur grande surface spécifique. L’affinité de l’or pour le souffre permet de fonctionnaliser la surface des nanoparticules avec toutes sortes de composés contenant un groupement thiol. Ceci donne aux nanoparticules d’or une grande versatilité, ce qui leur permet de trouver leur place dans de nombreuses applications35–37.
Oxydes de fer
Les nanoparticules d’oxyde de fer sont déjà couramment utilisées dans le domaine médical notamment pour la bioimagerie. Leurs propriétés magnétiques en font de bons agents de contraste pour l’imagerie par résonance nucléaire (IRM) mais elles ont aussi été exploitées dans des applications à visée thérapeutique. Une de ces applications est l’hyperthermie locale induite par champs magnétique, qui permet de faire détruire par élévation de la température des tumeurs38. Il est aussi possible de fonctionnaliser ces nanoparticules pour y adsorber des principes actifs. Les propriétés magnétiques des oxydes de fer permettent alors de suivre leur trajet dans l’organisme par IRM39,40, voire même de le guider jusqu’à leur cible à l’aide d’un champ magnétique41.
Fullerène, graphène et nanotubes de carbones.
Le fullerène est une des formes allotropiques du carbone. Prédit théoriquement dans les années 1970 et isolé en 1985 par irradiation laser de graphite42, le Buckminsterfullerene est le première fullerène décrit et le plus fréquent. Il s’agit d’une molécule en forme de cage sphérique, appelée buckyball, composée de 60 atomes de carbone. Outre ce C60, d’autres buckyballs ont pu être synthétisées et isolées. En plus de celles-ci, parmi les nanomatériaux de carbone, on retrouve aussi les nanotubes de carbone et les feuillets de graphene (Figure 2).
Nanovecteurs à base d’homopolymères
Une manière de classer les différents types de nanovecteurs que l’on peut obtenir à partir de polymères de synthèse est de les distinguer en fonction de la structure du polymère utilisé. Par exemple avec des homopolymères, polymères synthétisés à partir d’un seul monomère, il est possible d’obtenir des objets nanométriques ayant des propriétés proches du monomère utilisé. A partir de l’acrylamide, molécule hydrophile, il est possible de synthétiser le polyacrylamide de manière à former des particules qui peuvent encapsuler une substance active hydrophobe présente dans le milieu réactionnel initial50. Ces particules, elles-mêmes hydrophiles et dispersables dans l’eau, permettent d’acheminer la substance active jusqu’à sa cible. Il est aussi possible de formuler des nanoparticules à partir d’homopolymères hydrophobes. Une des techniques les plus utilisées est la nanoprécipitation. Le polymère est dissous dans un bon solvant, un solvant organique volatil, et est ajouté au goutte à goutte à un mauvais solvant, une phase aqueuse. Ce changement de solvant va entrainer l’agrégation du polymère qui formera alors des nanoparticules51. En ajoutant une substance active hydrophobe lors de la dissolution initiale du polymère, elle se retrouvera au cœur des objets ainsi formés. On peut citer notamment les applications de telles particules faites de poly acide lactique (PLA) pour encapsuler et délivrer différents types de substances52. Même si l’utilisation d’homopolymère pour formuler des nanoparticules donne des résultats intéressants, elle reste limitée par les propriétés chimiques du polymère utilisé. Pour pallier à ces limitations, il est possible de modifier la surface des nanoparticules pour leur apporter des propriétés supplémentaires.
Nanovecteurs à base de copolymères
Structure des copolymères
Une autre solution est d’utiliser la chimie de synthèse moderne, pour obtenir des polymères issus de la copolymérisation de plusieurs monomères, permettant ainsi de combiner leurs propriétés chimiques. Les copolymères les plus souvent utilisés lors de la formulation de nanoparticules sont les copolymères à blocs. Il s’agit de polymères composés d’au moins deux monomères différents structurés en groupe (—AAABBB—). Les cas les plus couramment utilisés sont les di-blocs (AA—AABB—BB) et les tri-blocs (AA—AABB—BBCC—CC) (Figure 3-a, b et c). Une autre famille de copolymères utilisée dans la conception de nanoparticules est celle des copolymères greffés (Figure 3-d). Dans ce cas, sur une chaine principale sont greffées plusieurs chaines composées d’un autre type d’unités monomère. Notons le cas particulier des dendrimères, polymères hyper-ramifiés issus d’une croissance par générations successives d’un ou plusieurs groupements fonctionnels (Figure 3-e). Leur structure se présente en trois zones : une surface pouvant être modifiée chimiquement, une couronne externe possédant une microstructure contrôlée et un cœur protégé de l’extérieur53. Il est possible d’encapsuler en ce cœur des molécules d’intérêt qui seront alors protégées du milieu extérieur et de fonctionnaliser la surface pour lui apporter des propriétés de solubilité, de furtivité ou de ciblage.
Les photosensibilisateurs
Propriétés du photosensibilisateur idéal
Pour qu’une molécule ou un objet macromoléculaire puisse être utilisé en tant que photosensibilisateur pour la PDT, il doit posséder certaines propriétés particulières88. Ainsi le photosensibilisateur idéal ne doit pas présenter de toxicité lorsqu’il n’est pas irradié et avoir une bonne photostabilité. Il doit pouvoir être retenu par les tissus proches de la cible et être ensuite excrété rapidement par l’organisme. Il doit avoir une bonne absorbance et un grand coefficient d’extinction molaire entre 600 et 800 nm, gamme où la pénétration de la lumière dans les tissus est la plus grande et où les photons sont assez énergétiques pour atteindre l’état excité singulet. Il lui faut aussi avoir un bon rendement de conversion à l’état triplet avec un temps de vie de cet état assez long pour maximiser la production de ROS.
Photosensibilisateurs de première génération
Isolé du sang pour la première fois par Scherer dans les années 1840, il fallut attendre les années 1910 pour que Meyer-Betz découvre les propriétés de photosensibilisation de l’hématoporphyrine. Au cours du 20ième siècle, les recherches autours de la famille des porphyrines, macrocycles tétra-pyrroliques très aromatiques, ont pu mettre en évidence leur efficacité dans le diagnostic et le traitement de tumeurs. Ces recherches ont mené au premier photosensibilisateur commercial, le Photofrin, un mélange de monomères, dimères et oligomères de dérivés d’hématoporphyrine. Cette formulation a été utilisée pour traiter différents types de cancer89.En revanche, le fait qu’elle absorbe la lumière hors de la gamme de transparence des tissus limite son utilisation à des tumeurs superficielles.
Photosensibilisateurs de seconde génération
Le développement de nouveaux photosensibilisateurs dit de seconde génération fut orienté avec l’objectif d’améliorer leur absorption de photons dans le proche infrarouge, d’augmenter leur rendement de production de ROS ou encore leur solubilité dans l’eau. Ainsi, l’attention s’est portée par exemple sur l’acide 5-aminolevulinique, un acide aminé précurseur de la biosynthèse de la protoporphyrine IX. Cette molécule et ses dérivés ont montré une bonne efficacité pour traiter différents types de tumeurs90,91. D’autres dérivés de porphyrines ont été développés pour augmenter leur solubilité via l’ajout de groupements sulfonates ou carboxylates ou pour décaler leur absorption vers le rouge en replaçant les azotes du cycle par d’autres hétéroatomes92. D’autres familles de composés sont utilisées pour leurs propriétés photosensibilisatrices, telles que les chlorines et les bactériochlorines. La structure générale de ces molécules ne diffère de celles des porphyrines que par la réduction de respectivement une et deux instaurations. Ces modifications entrainent un décalage vers de plus grande longueurs d’onde et une plus grande intensité des bandes Q de ces molécules (Figure 8). En utilisant la même chimie ayant servie à améliorer les propriétés des porphyrines, de nombreux dérivés de chlorines ont ainsi été synthétisés et utilisés pour la PDT jusqu’à obtenir l’approbation pour pouvoir être appliqué au traitement de cancer de la tête et du cou en Europe93.
Il est aussi important de noter l’utilisation d’une autre famille de macrocycles tétra-pyrroliques, les phthalocyanines, qui possèdent leur gamme d’absorption de la lumière située de 700 à 850 nm, soit dans le haut de la fenêtre thérapeutique. En revanche, ces molécules possèdent une faible solubilité, demandant alors l’ajout de groupements hydrophiles, et peuvent nécessiter la complexation de métaux pour arriver à une cytotoxicité suffisante pour pouvoir être utilisées dans le traitement de cancers95,96.
Il existe évidemment aussi des photosensibilisateurs non-porphyriques. Il s’agit parfois de molécules déjà connues et possédant d’autres applications. Par exemple, le bleu de méthylène, colorant connu depuis le 19ième siècle et utilisé dans le traitement de différentes pathologies, présente la capacité de pouvoir produire des ROS sous irradiation et a donc trouvé sa place en tant que photosensibilisateur97,98. Il en est de même pour un autre colorant classique, le rose Bengale99. L’hypéricine, molécule polycyclique aromatique pouvant être extraite du millepertuis, connue pour ses propriétés antidépressive, antimicrobienne et antivirale, se révèle aussi être un photosensibilisateur100. On peut noter aussi que les fullerènes, qui via leur système π-conjugué très étendu, possèdent les propriétés d’absorption de la lumière nécessaires et peuvent être fonctionnalisés pour permettre une production de ROS suffisante pour pouvoir être utilisés en PDT101.
Photosensibilisateurs de troisième génération
La troisième génération de photosensibilisateurs se démarque de la précédente par une orientation accrue de la recherche vers un ciblage spécifique des zones tumorales. Ce ciblage est obtenu en utilisant la reconnaissance spécifique de certains ligands par les cellules tumorales. Par exemple, en greffant des sucres ou des peptides sur le photosensibilisateur, il a été montré que sa solubilité et son absorption par les cellules s’en retrouvaient augmentées102,103.
Vectorisation de photosensibilisateurs
Un paramètre important et commun à la plupart des photosensibilisateurs est leur grande hydrophobicité. Elle découle bien souvent de la présence de cycles aromatiques nécessaires à l’obtention des propriétés spectrales essentielles pour que le photosensibilisateur soit efficace. Il en résulte très souvent que ces composés s’agrègent en milieu aqueux ce qui limite leur biodisponibilité et diminue aussi leur efficacité à générer des ROS. De nombreux travaux de recherches ont été menés pour modifier chimiquement des photosensibilisateurs classiques pour augmenter leur solubilité et leur biodisponibilité104 ou pour trouver de nouvelles familles de photosensibilisateurs pouvant présenter des propriétés pharmacocinétiques interessantes105. En revanche, parmi ces travaux, peu comparent les propriétés photosensibilisatrices de ces molécules, suscitant des interrogations sur leur efficacité thérapeutique potentielle.
Encapsulation des photosensibilisateurs
Il reste toujours possible d’utiliser des photosensibilisateurs peu solubles dans l’eau mais efficaces en condition PDT en les encapsulant. Les stratégies d’encapsulation des photosensibilisateurs sont les mêmes que celles décrites dans la partie I du chapitre. Ainsi, on retrouve les photosensibilisateurs encapsulés dans des liposomes106–109, des nanoparticules de silice110–113, ou encore des nanoparticules de copolymères. Nous allons rentrer plus en détail dans cette dernière catégorie.
Les copolymères biocompatibles, non-toxiques et approuvés par la Food and Drug Administration, l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, sont les plus utilisés pour encapsuler des photosensibilisateurs. Parmi ces copolymères, on retrouve les pluronics114–119 ou des polyesters aliphatiques biodégradables tels que les poly( caprolactone) ou poly(acide lactique)120–125. La dégradation des polyesters in vivo en fait un excellent choix pour la délivrance contrôlée de principes actifs126.
Des copolymères présentant un bloc acrylate ont aussi été utilisés, leurs chaines latérales pouvant être fonctionnalisées pour augmenter l’affinité du photosensibilisateur pour le polymère et augmenter le taux de chargement du nanovecteur127. Il est possible d’augmenter la solubilisation du photosensibilisateur dans le nanovecteur en utilisant d’autres interactions que celles hydrophobes. Des interactions électrostatiques peuvent améliorer le chargement du photosensibilisateur dans le cas de l’utilisation de copolymères comprenant des blocs chargés de type poly(lysine)128,129 ou poly(acide aspartique)130,131 pouvant former des complexes polyioniques (PIC pour Poly Ion Complexes). En revanche, l’utilisation de PIC peut avoir un effet délétère sur la production de ROS, des micelles de PIC ayant été par exemple proposées comme antioxydants132,133. La complexation de type hôte-invité de porphyrines dans des cyclodextrines a été également proposée pour former des auto-assemblages pour la PDT134–136.
Un désavantage de ce genre de système où le photosensibilisateur est simplement solubilisé dans le domaine hydrophobe de l’auto-assemblage est le risque de fuite de la substance active avant qu’elle n’atteigne la cible. Pour résoudre ce problème, différentes solutions existent. Il est possible d’utiliser des systèmes qui vont pouvoir répondre à certaines propriétés caractéristiques de l’environnement des tumeurs ou encore à un stimulus externe et relarguer le photosensibilisateur à l’endroit désiré. Il est par exemple possible d’utiliser les variations de pH de l’environnement local des tumeurs pour déclencher le relargage de l’agent thérapeutique. Ceci peut être obtenu en utilisant des copolymères contenant un bloc présentant des groupements ionisables, tels que les pipéridines dont la valeur du pKa est proche du pH des tumeurs120, ou encore certains PIC sensibles au pH137. Une autre manière de résoudre le problème de fuite précoce du photosensibilisateur est de le lier de façon covalente au nanovecteur. Ce lien peut ensuite être rompu sous l’action de divers stimuli. Par exemple, il est possible de lier le photosensibilisateur au copolymère à l’aide de liaison disulfures qui pourront être réduites dans la cellule pour libérer l’agent thérapeutique138 ou à l’aide de liaisons sensibles au pH telles que des liaisons acétals139.
Interactions entre nanovecteurs et membranes
Les copolymères à blocs proposés dans la littérature pour des applications en PDT sont généralement testés in vitro et parfois in vivo afin de vérifier leur efficacité dans le traitement. Pour être efficace, le nanovecteur doit optimiser l’internalisation du photosensibilisateur dans la cellule et le protéger de la dégradation . La membrane plasmique des cellules eucaryotes est une barrière hautement sélective qui protège toutes les cellules vivantes du microenvironnement environnant et limite efficacement l’entrée et la sortie de biomolécules et d’ions. Ainsi, les nanovecteurs développés dans le domaine de l’administration de médicaments doivent surmonter cette barrière physique pour pénétrer dans les cellules.
La membrane cellulaire
La cellule est le point commun à tous les êtres vivants, des organismes unicellulaires, tels que les bactéries, les protozoaires ou les levures, aux organismes pluricellulaires que sont les algues, les plantes terrestres ou les animaux. C’est au niveau de l’organisation des cellules que se fait la différence entre les êtres vivants. La vie se divise principalement en deux grandes familles, les cellules procaryotes et eucaryotes. Les cellules procaryotes ont une organisation relativement simple, un compartiment unique, pas ou peu d’organites et notamment pas de noyau. Les cellules eucaryotes ont quant à eux une organisation plus complexe. Elles sont multi-compartimentées, possèdent un noyau contenant leur matériel génétique et de nombreuses organites assurant différentes fonctions. En dépit de toutes ces différences, il subsiste un point commun général à toutes ces cellules : elles possèdent toutes une membrane qui les définit, les protège et leur permet d’échanger avec l’extérieur.
Les membranes sont la séparation physique entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule ou de l’un de ces compartiments. Elles ont des compositions et des structures différentes en fonction des espèces et de la fonction qu’elles doivent assurer. De manière générale, elles sont majoritairement composées de lipides organisés en une bicouche au sein de laquelle sont incorporés des protéines.
Les lipides
Les lipides sont la base de la membrane. Très souvent amphiphiles, ils forment spontanément des auto-assemblages en milieu aqueux et notamment des bicouches. Les lipides qui composent les membranes sont des phosphoglycérides, des sphingolipides et des stérols.
Phosphoglycérides
Les lipides les plus abondants des membranes, les phosphoglycérides sont composés de deux acides gras estérifiés aux hydroxyles d’un glycérol-3-phosphate auquel est lié un groupement dit tête polaire. C’est la nature de cette tête polaire qui définit le type du phosphoglycéride (Figure 9). Les chaines grasses varient en longueur mais sont typiquement composées de 16 à 18 carbones et peuvent présenter jusqu’à deux insaturations. Il existe un type particulier de phosphoglycérides, les plasmalogènes, dont l’une des chaines grasses n’est pas issues d’un acide gras mais d’un acyle et est attachée au glycérol par une liaison ester.
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Table des matières
Introduction générale de la thèse
Chapitre I : Contexte bibliographique
A. Nanomédecine
1. Contexte appliqué au cancer
2. Solutions pour améliorer la distribution d’une substance active à l’organisme
a) Formation de sels et modification locale du pH
b) Contrôle de la cristallisation du principe actif
c) Utilisation de cosolvants et de tensioactifs
d) Utilisation de nanovecteurs
e) Classification des nanovecteurs
(1) Nanovecteurs inorganiques
(a) Nanoparticules de silice
(b) Nanoparticules d’or
(c) Oxydes de fer
(d) Fullerène, graphène et nanotubes de carbones.
(2) Nanovecteurs organiques
(a) Liposomes
(b) Nanovecteurs à base de polymères
f) Caractérisation d’auto-assemblages à base de copolymères
B. La thérapie photodynamique
1. Origine historique
a) La photothérapie
b) La thérapie photodynamique
2. Principe
3. Les photosensibilisateurs
a) Propriétés du photosensibilisateur idéal
b) Photosensibilisateurs de première génération
c) Photosensibilisateurs de seconde génération
d) Photosensibilisateurs de troisième génération
e) Vectorisation de photosensibilisateurs
f) Encapsulation des photosensibilisateurs
C. Interactions entre nanovecteurs et membranes
1. La membrane cellulaire
a) Les lipides
(1) Phosphoglycérides
(2) Sphingolipides
(3) Stérols
(4) Composition en lipides de la membrane
b) Les protéines membranaires
c) Particularité des procaryotes
2. Effets de nanovecteurs à base de copolymère sur des cellules
a) Cultures cellulaires
(1) Type de cellules
(2) Méthode de culture
b) Mesures sur des cellules
3. Les modèles de membranes
a) Types de modèles de membranes
(1) Géométrie
(a) Modèles de membranes sphériques
(b) Modèles de membranes planes
(2) Composition
4. Méthode de caractérisation des membranes modèles
a) Techniques de diffusion
b) Microscopie
c) Calorimétrie
d) Tension de surface
e) Spectroscopie
f) Autres techniques de caractérisation
5. Interactions entre membranes et nanovecteurs à base de copolymères à blocs
a) Modélisation par dynamique moléculaire
b) Mesures sur des monocouches lipidiques
c) Mesures sur des bicouches lipidiques supportées
d) Mesures sur des liposomes
D. Objectifs de la thèse
Chapitre II : Etude des propriétés physico-chimiques de nanovecteurs à base de copolymères à blocs encapsulant un photosensibilisateur
A. Propriétés spectroscopiques
B. Affinité du phéophorbide-a pour les différents types d’objets
C. Transfert du phéophorbide-a des micelles vers les modèles de membranes
1. Mesures par fluorescence
2. Etude d’un mélange de micelles et de liposomes par AF4
D. Conclusion
Chapitre III : Etude des effets sur des modèles de membranes de nanovecteurs à base de copolymères à blocs encapsulant un photosensibilisateur sous irradiation lumineuse
A. Suivi des modifications de perméabilité des modèles de membranes à la suite d’une
irradiation lumineuse
1. Recherche des conditions expérimentales
2. Mesure de la production d’oxygène singulet
3. Suivi des modifications de perméabilité des membranes
B. Suivi de l’oxydation des modèles de membranes
C. Conclusion
Conclusions générales de la thèse
Annexe 1: Matériels et méthodes
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