La plupart des liaisons avec les satellites multimédia première génération se font aujourd’hui en bande Ka (20-30GHz). Pour libérer de la ressource et offrir un meilleur débit aux utilisateurs, les bandes Q (autour de 40 GHz) et V (autour de 50 GHz) seront utilisées pour relier le satellite aux stations au sol. Les convertisseurs de fréquence au niveau des charges utiles assureraient ainsi le passage de la bande V à la bande Ka à l’aller et de la bande Ka à la bande Q sur la voie du retour. Les fonctions de filtrage au niveau de ces équipements s’avèrent être un point critique et les technologies adoptées pour des bandes de fréquence plus basses rencontrent leurs limites avec la montée en fréquence. Le but du présent projet est de développer des technologies novatrices et performantes permettant de répondre aux besoins de filtrage en bande Q et V à moyen et long terme.
Aux fréquences adressées, les besoins en termes de filtrage sont :
– L’intégrabilité dans des circuits majoritairement planaires.
– Les performances électriques matérialisées par un facteur de qualité élevé.
– Une faible sensibilité aux tolérances de fabrication.
– Des solutions de post-réglages pour corriger les éventuelles erreurs dues aux tolérances de fabrication.
Les solutions de filtrages développées pour les applications en bandes C (6-4GHz), X (8-7.5 GHz) et Ku (18-14 /12-11 GHz) sont majoritairement basées sur des technologies planaires, du type microruban. Avec la montée en fréquence, cette technologie rencontre ses limites notamment à cause de son faible facteur de qualité, sa forte sensibilité à son environnement et sa tendance à rayonner. Pour les fréquences élevées, la technologie LTCC (Low Temperature Cofired Ceramics) émerge. Cette technologie offre une souplesse de conception ouvrant la voie à des formes 3D où l’intégration de composants se fait à la fois horizontalement et verticalement. La réalisation de dispositifs LTCC reste néanmoins assez difficile et coûteuse. La technologie SIW (Substrate Integrated Waveguide) permet de répondre à la fois aux besoins de performances et d’intégrabilité. Cette technologie, tout en gardant les mêmes procédés de fabrication que ceux utilisés par exemple en microruban, permet d’obtenir des facteurs de qualité importants, par le biais de cavités enterrées au sein du substrat. Dans le projet ANR-FILIPIX (2008 – 2011), il a été démontré que les structures SIW utilisées en bandes C et Ku, bien que volumineuses, présentaient des facteurs de qualité deux fois plus importants que ceux obtenus avec des topologies planaires. Pour les bandes Q et V, le problème de la taille ne se pose plus. A ces fréquences, le choix de la technologie SIW est justifié.
Contexte général de l’étude
Pour les futurs satellites de télécommunications (Q/V), les convertisseurs de fréquence doivent assurer les transpositions de fréquence entre la bande Ka et les bandes Q et V. Au sein des convertisseurs de fréquence, les filtres post-mélangeurs présentent un point critique et les solutions de filtrage utilisées pour des bandes de fréquence plus basses rencontrent ici leurs limites. Les besoins de filtrage identifiés en bandes Q et V sont des besoins de performance (facteur de qualité élevé), de précision de fabrication (10 µm serait un objectif satisfaisant), de stabilité en fréquence et d’intégration aisée dans un module RF. Parmi les solutions existantes la technologie SIW présente le meilleur compromis intégrabilité-performance. Pour les filtres SIW, l’épaisseur de substrat est un paramètre important. Son augmentation améliore le facteur de qualité de ses cavités mais s’accompagne de différentes contraintes notamment lors de son report dans le module RF. La première partie de ce chapitre précise le contexte général de l’étude faite dans le cadre de cette thèse. L’architecture d’un satellite de télécommunications ainsi que celle des convertisseurs de fréquence nouvelle génération sont par la suite présentées. Dans la suite, nous nous intéressons à la fonction de filtrage Tx post-mélangeur des charges utiles de type Q/V en introduisant les différents paramètres d’un gabarit de filtrage ainsi que les critères de performance et le facteur de qualité à vide de ses résonateurs, le facteur de qualité étant un critère de choix de la technologie SIW. La technologie SIW ainsi que les technologies planaires et volumiques sont présentées dans le paragraphe suivant. Pour les différentes technologies, nous présentons une liste non exhaustive des topologies utilisés dans les applications spatiales avant de les comparer en fonction des besoins cités plus haut.
Le très Haut débit en France
La fracture numérique entre les villes et les zones rurales
Face à l’évolution des usages (web, Internet vidéo sur PC ou TV, voix IP, communication vidéo, jeux en ligne, téléchargement P2P…) et à la croissance du besoin en termes de très haut débit, le gouvernement a défini en février 2013 le plan France Très Haut Débit qui vise à déployer le très haut débit sur tout le territoire pour 2022. La fibre optique est au cœur de ce programme. Elle permet, en effet, d’accéder à des débits de 100 εbps et plus. Cependant, le coût de son déploiement augmente avec la dispersion de la population. La logique économique va ainsi privilégier les zones denses accentuant paradoxalement la fracture numérique qui existe entre les villes et les zones rurales. Dans l’exemple du département du Finistère (cf. figure I.1), le très haut débit à 30 Mbit/s et plus concerne 40 % de la population avec une concentration aux centres des villes comme la ville de Brest qui profite du très haut débit à 100 Mbits/s et plus à 96 % assuré par une forte infrastructure en fibre optique [1].
Les solutions technologiques pour l’internet en zones rurales
À des débits bien inférieurs au 30 Mbps exigible pour le très haut débit, plusieurs solutions technologiques sont proposées pour assurer la couverture internet des zones dites « blanches ». Parmi ces solutions, il exister la technologie ADSL reposant sur l’utilisation des lignes téléphoniques. La principale limitation de cette technologie concerne les distances à parcourir. Il est, en effet, indispensable d’être assez proche d’un central téléphonique pour avoir une qualité de signal correcte. Comme l’illustre la figure I.2 [2], les débits ADSL peuvent atteindre 20 Mbps, voire plus mais à des distances inférieure à 1 km. A mesure de l’éloignement du central téléphonique, le débit maximal accessible diminue fortement pour descendre en dessous de 512 kbps. Contrairement à l’ADSL, les solutions hertziennes de type WiMax sont accessibles à de longues distances grâce à des antennes qui émettent des ondes radios sur un rayon de plusieurs kilomètres. Le débit maximal accessible reste néanmoins inférieur à 10 Mbps et est très faible, comparé aux 100 Mbps et plus atteints par les connexions fibre optique. Pour une couverture plus étendue à des coûts indépendants de la densité des zones couvertes, l’internet par satellite est à l’heure actuelle l’unique solution technologique possible. Si les débits atteints par les solutions satellitaires restent inférieurs à 10 Mbps, les travaux de recherche et développement sur le très haut débit satellitaire sont d’actualité et sont soutenus par l’état dans le cadre du programme national « économie numérique » et des investissements d’avenir.
Le très haut débit par satellite
Le satellite Ka-Sat
Premier satellite à grande capacité en Europe, le satellite Ka-Sat positionné à la latitude 9° Est sur l’orbite géostationnaire et couplé à dix stations au sol réparties dans toutes l’Europe prévoyait le raccordement de plus d’un million de foyers. Contrairement aux anciennes générations de satellites conçues pour couvrir une large zone avec un seul faisceau, le satellite Ka-Sat utilise la plateforme Eurostar E3000 d’Astrium basée sur 82 faisceaux étroits de 250 Km de diamètre exclusivement en bande Ka. Chaque faisceau est doté d’une capacité de près de 1 Gbps permettant la réutilisation d’une même bande de fréquence jusqu’à 20 fois portant ainsi jusqu’à 70 Gbps la capacité totale en bande passante du satellite [3]. Le service grand public ToowayTM assure aux usagers un débit équivalent à celui de l’ADSL (jusqu’à 22 εbps en réception et 6 εbps en émission).
Seulement quatre ans après son lancement en 2011, Ka-Sat arrive à saturation sur deux des onze faisceaux couvrant la France métropolitaine. Loin des prédictions annoncées par l’opérateur, ce satellite ne desservait en décembre 2014 que 175000 abonnés. Ceci est principalement dû à l’élévation de la demande en termes de débit. À une capacité de 70 Gbps, l’augmentation du nombre d’abonnés signifie une diminution du débit accessible pour chacun. Ne souhaitant pas sacrifier la qualité pour la quantité, Eutelsat décide de suspendre son service ToowayTM dans 28 départements.
La proposition du CNES : le projet THD-Sat
La proposition du CNES pour accéder au très haut débit par satellite repose sur l’utilisation des bandes Q et V en plus de l’utilisation de la bande Ka. Le satellite dédié à cette mission utiliserait des antennes multifaisceaux de faible diamètre pour couvrir la totalité du territoire français. Afin de rester compatible avec le prochain déploiement des terminaux utilisateurs, le lien avec le satellite se fait en bande Ka. De façon à libérer de la ressource sur cette bande, les liaisons avec les stations au sol s’opèrent en bandes Q et V. D’un point de vue technique, le lien entre le satellite et les terminaux utilisateurs s’opère dans un premier temps en bande Ka, autour de 30 GHz en voie montante et de 20 GHz en voie descendante. Le lien entre le satellite et les stations au sol s’opère en bande Q, autour de 40 GHz, à l’allée vers la station et en bande V, autour de 50 GHz, au retour libérant ainsi de la bande passante en bande Ka communément utilisée par les satellites multimédia de première génération. Les convertisseurs de fréquence constituent ainsi un élément clé des charges utiles pour les satellites de télécommunications de type « Q/V ». Dans le cadre du projet THD-sat proposé par le CNES, ces équipements réalisent en particulier la transposition de fréquence de 50 GHz vers 20 GHz dans le sens station au sol vers utilisateur et la conversion de 30 GHz vers 40 GHz dans le sens utilisateur vers station au sol. Le but du projet THD-sat, coordonné par le CNES, est de développer des briques technologiques nécessaires au développement du très haut débit par satellite. Dans cet objectif, il supporte les activités de recherches s’intéressant au développement d’équipements innovants pour les charges utiles des futurs satellites de télécommunications.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Contexte général de l’étude
I.1. Introduction
I.2. Le très Haut débit en France
I.2.1 La fracture numérique entre les villes et les zones rurales
I. Les solutions technologiques pour l’internet en zones rurales
I.3. Le très haut débit par satellite
I.3.1 Le satellite Ka-Sat
I.3.2 La proposition du CNES : le projet THD-Sat
I.3.3 Les constellations de satellites en orbite basse
I.ͺ. Architecture d’un satellite de télécommunications
I.4.1 La plateforme
I.4.2 La charge utile
I.5. Les convertisseurs de fréquence nouvelle génération
I.6. Généralités sur le filtrage Tx
I.7. Etat de l’art des solutions de filtrage utilisées pour des applications spatiales
I.7.1 Filtres planaires
I.7.1.1 Les principales technologies planaires
I.7.1.2 Les principales topologies planaires
I.7.1.2.1 Filtres à lignes couplées
I.7.1.2.2 Filtre « Hairpin »
I.7.1.2.3 Filtre DBR «Dual Behavior Resonator»
I.7.2 Filtres volumiques
I.7.3 Filtres SIW
I.8 Les besoins de filtrage identifiés en bandes Q et V
I.8.1 Facteur de qualité élevé
I.8.2 Intégrabilité dans un circuit intégré microonde
I.8.2.1 Circuits intégrés en technologie hybride
I.8.2.2 Interconnexions par fils de « bonding »
I.8.3 Stabilité en fréquence et précision de fabrication
I.9 Tests de qualification d’un satellite
I.9.1 Tests de vibrations et de chocs mécaniques
I.9.2 Analyses thermiques
I.9.3 Compatibilité électromagnétique
I.9.4 Test de validation électrique
I.10 Conclusion
Bibliographie du Chapitre I
Chapitre II : Techniques de fabrication de circuits 3D en alumine, silice fondue et thermoplastiques COC/COP
II.1. Introduction
II.2. Choix du matériau pour le substrat diélectrique
II..ͷ Critères de choix d’un substrat
II.2.2 Les céramiques
II.2.3 Les polymères
II.2.4 Caractéristiques électriques et thermiques des substrats alumine, silice fondue et polymère COP
II.3 Les conducteurs pour les hyperfréquences
II.ͺ Etat de l’art des techniques de mise en forme de substrat D
II.ͺ.ͷ L’ablation laser
II.4.2 Le micro-usinage mécanique
II.ͺ. L’impression D
II.4.3.1 Impression 3D par dépôt de fil fondu
II.4.3.2 Impression 3D par stéréolithographie
II.3.4 Le moulage par injection
II.3.5 La technologie LTCC
II.ͻ Etat de l’art des techniques de métallisation de substrats D
II.5.1 Le dépôt par sérigraphie
II.5.2 La photolithographie
II.5.3 Le laminage
II.5.4 La gravure
II.5.5 Dépôt sous vide
II.5.6 Croissance électrolytique et croissance auto-catalytique
II.6 Procédé de fabrication des filtres SIW en alumine et en silice fondue
II.7 Procédé de fabrication des filtres SIW en polymère COP
II.7.1 Etape de moulage
II.7.2 Etape de perçage
II.7.3 Etape de métallisation
II.8. Conclusion
Bibliographie du Chapitre II
Chapitre III : Conception et Mesures de Filtres SIW en Bandes Q et V intégrables dans un environnement planaire
III.1. Introduction
III.2. Spécifications et expression du besoin
III.2.1 Gabarits de filtrage
III.2.1.1 Filtre Tx en bande Q
III.2.1.2 Filtre Tx en bande V
III.2.1.3 Spécifications interfaces
III.3.Cavités résonantes et facteur de qualité
III.4. Synthèse du filtre
III.4.1 Réponse idéale du filtre
III.4.2 Filtre à plots inductifs
III.5. Intégrabilité des filtres SIW dans un environnement planaire
III.5.1 Transition microruban à base de « taper »
III.5.2 Limitations de la transition microruban
III.6. Approche de conception et nouvelle transition 3D
III.6.1 Approche de conception
III.6.2 Transition 3D
III.7. Filtres SIW sur substrats d’alumine et de silice fondue
III.7.1 Filtres planaires
III.7.2 Filtres 3D
III.7.3 Filtres en bande V
III.8. Conception des Filtres SIW en thermoplastiques COC/COP
III.8.1 Généricité de la bande passante
III.8.2 Sensibilité aux tolérances de fabrication
III.9. Mesures
III.9.ͷ Résultats de mesures des filtres sur substrats d’alumine et de silice fondue
III.9.ͷ.ͷ Résultats de mesure des filtres sur substrat d’alumine
III.9.1.2 Résultats de mesure des filtres sur substrat de silice fondue
III.9.3 Résultats de mesure des Filtres 3D sur substrat thermoplastique COP
III.10. Conclusion
Bibliographie du Chapitre III
Conclusion générale
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