Solutions d’électrolytes et thermodynamique
Dans de très nombreux procédés industriels on met en œuvre de l’eau et du méthanol, ces composés polaires formant d’excellents solvants de solutions d’électrolytes. Pour la maîtrise de ces procédés, il est indispensable d’utiliser une bonne modélisation thermodynamique des solutions d’électrolytes. Les écarts à l’idéalité ayant une très forte influence sur les équilibres tant chimiques qu’entre phases au sein de ces mélanges, nous nous efforcerons dans ce chapitre d’en décrire les causes. L’eau est un solvant extrêmement répandu dans les applications pétrolières. Le méthanol, quant à lui, est souvent utilisé dans des procédés de séparation autant que co-solvant.
L’eau comme solvant
Cette section présente une brève description de la structure moléculaire des solutions d’électrolytes. Dans un premier temps, nous rappelons ce qu’est une molécule d’eau. Ensuite, nous décrirons comment les molécules d’eau se comportent en solution, et finalement, en présence de sels.
La structure de la molécule d’eau
La particularité de l’eau provient de sa structure moléculaire. Dans celle-ci, l’atome d’oxygène est lié aux deux atomes d’hydrogène par des liaisons covalentes mettant en jeu un doublet d’électrons. L’angle H-O-H est voisin de 104,5° (figure 1). La molécule est électriquement neutre mais elle est polarisée. En effet, la densité d’électrons est plus grande près du noyau d’oxygène que près des noyaux d’hydrogène. L’oxygène montre une surcharge négative (c’est un centre de charge négative) tandis que les hydrogènes sont appauvris en électrons et apparaissent comme des centres de charge positive. C’est la conséquence de l’électronégativité de l’oxygène, qui est supérieure à celle de l’hydrogène. Bien que la molécule d’eau soit globalement neutre, ses atomes constitutifs possèdent des charges partielles dont la somme s’annule dans la molécule entière.
La liaison hydrogène
L’eau est également caractérisée par une forte structuration de la phase condensée du fait de l’existence de liaison hydrogène. L’origine de la liaison hydrogène est essentiellement électrostatique et de type dipôle-dipôle. L’hydrogène lié à un atome électronégatif porte une fraction de charge positive très localisée qui interagit fortement avec le dipôle produit par l’autre atome électronégatif fonctionnant comme accepteur. Chaque molécule d’eau à la capacité d’établir quatre liaisons hydrogène, appelées également liaisons d’association.
Etant donné que l’eau n’est entourée que de molécules semblables, le nombre de liaisons possible est équivalent au nombre de liaisons de valence, formant une structure mouvante, se brisant et se reformant perpétuellement (figure 3). L’énergie requise pour établir une liaison hydrogène varie entre 10 et 40 kJ/mole. Par comparaison, la liaison covalente est d’environ 460 kJ/mole. C’est la raison pour laquelle on qualifie les liaisons hydrogène de liaisons de faible énergie, ou liaisons faibles. La liaison hydrogène possède en effet trois caractéristiques qui la rendent particulière et avantageuse dans toutes les réactions physico-chimiques :
– La liaison hydrogène est directionnelle (comme la liaison covalente) : la liaison O=H s’aligne dans l’axe de sa liaison de valence. Cette disposition explique la structure cristallographique de la glace par exemple. Sa polarité permet également aux ions (atome ou molécule ayant gagné ou perdu un ou plusieurs électrons) de s’isoler des autres molécules, empêchant leur combinaison avec les ions d’autres molécules et de signe opposé.
– La liaison hydrogène est souple. La majorité des liaisons hydrogène s’établissent avec une énergie de 10 et 40 kJ/mole et entre 27 et 37°C environ . C’est à ces températures qu’elles sont les plus flexibles sans pour autant être fragiles ni instables; elles peuvent se tordre, se rompre mais également se restaurer et évoluer en fonction de la température ou de la pression, ce que ne peuvent pas réaliser les liaisons covalentes, beaucoup trop énergétiques et donc rigides dans les mêmes conditions.
– Enfin, la liaison hydrogène permet de transférer des ions hydrogène (H+ ou protons) entre les molécules qu’elle relie. Elle donne lieu à la réaction bien connue : 2H2O = H3O+ + OH
L’eau en présence d’autres molécules d’eau
Avec l’avancement des études théoriques et de la modélisation, plusieurs modèles ont été développés pour décrire la molécule d’eau. De nombreux modèles ont été proposés pour la simulation de l’eau, en se basant sur les approximations de la mécanique moléculaire.
Le premier modèle mettant en évidence la structure de l’eau est celui de Roentgen (1892), il suppose que l’eau liquide est constituée de deux types de molécules, les molécules liquides et les molécules sous forme de glace. En 1933, Bernal et Fowler ont considéré que les propriétés de l’eau proviennent de la géométrie tétraédrique de chaque molécule [12]. En revanche, Smailov (1946) a proposé un modèle ‘interstitiel », qui suppose que l’eau liquide a la structure de la glace. En se basant sur la même hypothèse, Pauling a considéré l’eau liquide comme hydrate avec des structures de type « clathrate » [13].
Plus tard, Pople (1951) [14] a proposé un modèle pour des molécules d’eau qui ont une structure tétraédrique, où les quatre liaisons hydrogène sont en mouvement dans la glace, sans que celles-ci se cassent au moment de la fusion [14]. Avec le développement de la technologie informatique, l’eau a fait l’objet de plusieurs études de simulation, soit par la méthode de Monte Carlo soit par la dynamique moléculaire. L’une des première simulations de l’eau est celle de Barker et Watts en 1969 [15]. Ils ont utilisé la méthode de Monte Carlo en prenant le potentiel intermoléculaire de paire proposé dans les travaux de Rowlinson [16]. Ainsi, ils ont pu déterminer l’énergie, la chaleur spécifique et la fonction de distribution radiale de l’eau. Ben Naim et Stillinger (1972) [17], quant à eux, ont proposé un modèle simple avec un site interactif [13] .
Toutes les approches citées ici ont pour but de décrire et de prédire les différentes propriétés physiques de l’eau, en se basant sur des fonctions d’énergie, la structure et la géométrie des molécules d’eau et les interactions qui dérivent de ces molécules.
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Table des matières
Introduction
I- Solutions d’électrolytes et thermodynamique
I-1- L’eau comme solvant
I-1-1-La structure de la molécule d’eau
I-1-2-La liaison hydrogène
I-1-3- L’eau en présence d’autres molécules d’eau
I-1-3-1- Forces et potentiels intermoléculaires à courte et longue distances
I-1-3-2- Classification des modèles d’eau
I-1-3-3- Paramètres des modèles d’eau en simulation moléculaire et quelques résultats des propriétés de l’eau
I-1-4- La solvatation dans les solutions aqueuses des sels
I-1-4-1- Modélisation de la molécule d’eau en présence d’ions en simulation moléculaire
I-1-4-2- La structure solvatée d’un électrolyte
I-2-Les électrolytes
I-2-1- Généralités sur les électrolytes
I-2-1-1- Définitions
I-2-1-2- États de référence
I-2-1-3- Solutions réelles et coefficient d’activité
I-2-1-4- Fugacité et coefficient de fugacité
I-2-1-5- Propriétés des électrolytes
I-3- Conclusion
II- Modèles thermodynamiques applicables aux systèmes contenant des électrolytes
II-1- L’approche γ-ϕ
II-1-1-Modèle de Debye-Hückel
II-1-2-Modèle de Guggenheim (1955)
II-1-3-Modèle de Pitzer (1973)
II-1-4-Modèles de composition locale
II-1-4-1-Modèle NRTL-électrolyte
II-1-4-2-Modèle UNIQUAC-électrolyte
II-2- L’approche ϕ-ϕ
II-2-1- Introduction sur les modèles de thermodynamique statistique
II-2-1-1-Les ensembles et fonction de partition
II-2-1-2-Les énergies d’interaction
II-2-1-3-La théorie de perturbation de Barker et Henderson
II-2-2- Contribution non électrolyte
II-2-2-1- Equation SAFT
II-2-2-1-2- Le terme associatif
II-2-2-1-3- Le terme de chaîne
II-2-2-1-4- Terme de référence
II-2-2-1-5- Terme dispersif
II-2-2-2-Equation CPA
II-2-3- Contribution électrolytique
II-2-3-1- Contribution Coulombienne longue distance ( long range, LR)
II-2-3-1-1- La méthode de Debye-Hückel
II-2-3-1-2- La théorie de MSA
II-2-3-2- Les interactions courte distance (Solvatation)
II-2-3-2-1- Solvatation incluse dans le terme physique
II-2-3-2-2- Terme spécifique de solvatation
II-2-3-2-3- Approche quasi-chimique
II-2-3-2-4- Utilisation du terme associatif
II-2-3-2-5- La contribution de Born
II-2-3-3- Description de la constante diélectrique en fonction de la concentration en sel
II-2-3-3-1- Constante diélectrique du solvant pur
II-2-3-3-1-1- Constante diélectrique de l’eau
II-2-3-3-1-2- Constante diélectrique du méthanol
II-2-3-3-2- L’effet des ions sur la constante diélectrique
II-2-4-Conclusion : Les équations d’état pour électrolytes
II-3-Description du modèle proposé
II-3-1- L’équation CPA
II-3-2-1-L’équation de Soave-Redlich-Kong (SRK)
II-3-2-2-Le terme associatif
II-3-2-Termes d’électrolytes
II-3-2-1- Terme MSA
II-3-2-2-Terme SR2
II-3-3-3-Terme de Born
II-3-5- Paramètres intervenant dans le modèle développé (CPA-E)
II-3-6- Codage et programmation des termes d’électrolytes
III- Modélisation des systèmes eau-électrolytes
III-1- Introduction
III-2- Analyse des données expérimentales
III-3- Méthode de calcul et optimisation des paramètres
III-3-1 La fonction objectif et le calcul d’erreur
III-3-2- Dénombrement des paramètres ajustables
III-4- Etude des solutions de NaCl et CaCl2 à 25°C
III-4-1-Utilisation de la version du modèle avec les termes MSA et SR2 (CPA_SR2)
III-4-2- Utilisation de la version du modèle avec les termes MSA et Born (CPA_Born)
III-4-3- Contribution des termes et effet de la constante diélectrique dans l’équation CPA_Born
III-4-3-1-Contribution des termes du modèle CPA_Born pour représenter le coefficient d’activité moyen de NaCl
III-4-3-2- Influence de la constante diélectrique sur la représentation du coefficient d’activité moyen
III-4-3-3- Le modèle CPA_Born avec la fonction de Simonin
III-4-5- Introduction du paramètre d’interaction binaire kij
III-4-6- Etude de la sensibilité des paramètres par la représentation des contributions des termes CPA_Born avec le paramètre binaire kij
III-4-6-Conclusion
III-5- Deuxième partie : L’extension du modèle développé
III-5-1- Représentation des volumes et grandeurs d’excès en température
III-5-2- Prédiction de la tension de vapeur de l’eau
III-5-3- Extension du modèle développé à d’autres sels
III-6- Conclusion
Conclusion
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