Enjeux socio-économiques, professionnels, de santé publique
Selon l’HAS, en France, les cancers (29,6 %) et les maladies cardio-vasculaires (27,5 %) étaient les causes les plus fréquentes de décès, loin devant les autres maladies qui représentent moins de 3,2 % (maladie d’Alzheimer). À partir de ces données, l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) a estimé que 2/3 de ces personnes seraient susceptibles de relever d’une prise en charge incluant des soins palliatifs, soit près de 322 200 personnes en 2008. (13) Cela montre que l’accès aux soins palliatifs est un enjeu de santé publique. Le plan national « Soins palliatifs 2015-2018 » a été mis en place pour pallier des inégalités d’accès aux soins palliatifs. Ce plan ce décline en 4 axes principaux qui sont : informer, former développer les prises en charge en proximité c’est-à-dire développer les soins palliatifs au domicile et garantir l’accès aux soins palliatifs pour tous.(14) Un budget de 190 millions d’euros a été débloqué pour la mise en œuvre de ce plan.(15) Aujourd’hui, un nouveau plan national de développement des soins palliatifs est en cours de développement. (16) Ce qui montre qu’il s’agit toujours d’un sujet d’actualité et qu’il y existe des enjeux socio-économiques. Ensuite, la loi Leonetti voté en 2005(17), mets en avant de nouvelles avancées concernant les droits des personnes en fin de vie. Puis, cette loi a été modifier et mise à jour en 2016 et devient la loi Claeys-Leonetti(18) en lien avec l’affaire Vincent Lambert afin d’affiner et d’actualiser les droits des personnes en fin de vie. Cela prouve que derrière la question de la fin de vie, il y a un enjeu éthique. Plus récemment, une proposition de loi visant à affirmer le libre choix de la fin de vie et à assurer un accès universel aux soins palliatifs en France a été proposé le 19 janvier 2021 à l’assemblé nationale.(5) De plus, il y a un enjeu professionnel notamment sur le plan de l’ergothérapie concernant la prise en charge des patients en fin de vie. Selon l’étude Australienne, « “It’s not about treatment, it’s how to improve your life”: The lived experience of occupational therapy in palliative care » (19) publié en 2015 met en avant l’absence l’objectif établie avec le patient et donc que l’approche n’est pas centrée sur le patient/client. Selon l’ANFE , un recensement a été fait en 2013 par une étudiante en ergothérapie et montre que seulement 8 unités sur 30 interrogées disposaient d’un ergothérapeute.(20) Effectivement, l’approche holistique centrée sur l’activité et la personne développée par l’ergothérapie permet de mettre la personne au centre de son accompagnement, dans un but global d’amélioration de sa qualité de vie. (20) Enfin, il y a une absence d’étude récentes faites en France sur la prise en soins de personnes en fin de vie et sur la qualité de vie en lien avec une prise en charge ergothérapique. Cette recherche permettrait de comprendre comment l’ergothérapeute, agit sur la qualité de vie des patients en soins palliatifs tout en faisant cohabiter l’idée de mort et en les accompagnants dans leur projet de vie en France, cette recherche pourrait donc faire évoluer la pratique ergothérapique en France.
La qualité de vie en soins palliatifs
Les soins palliatifs sont centrés sur le patient et prennent en compte le bien-être et la qualité de vie des personnes. Selon Rodolphe Daire et al., Les soins palliatifs « cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés ». (21) Cette idée est confirmée par l’étude « “It’s not about treatment, it’s how to improve your life”: The lived experience of occupational therapy in palliative care Palliative and Supportive Care » qui décrit que l’objectif principal des soins palliatif est d’améliorer la qualité de vie des personnes souffrant d’une maladie mortelle. Donc cela montre que la prise en compte de la qualité de vie est un concept central dans la prise en charge palliative. La qualité de vie est une dimension subjective et personnelle. Mais, comment évaluer la qualité de vie ? Il existe de nombreuses échelles afin d’évaluer la qualité de vie, il y a les évaluations standardisées et non standardisées pour Rodolphe Daire et al. L’entretien psychologique qui est non standardisée est une évaluation a privilégié lors de l’évaluation de la qualité de vie en soins palliatifs car elle est complète, cependant elle est longue à faire passer, ensuite il y a les évaluations psychométriques qui permettent d’avoir des résultats standardisés mais ce sont des évaluations restrictives. Quels outils pour évaluer la qualité de vie, l’ergothérapeute peut-il utiliser ? Comment l’ergothérapeute peut-il agir sur la qualité de vie de ces personnes ? Selon A-N Gueguen et M P Bereziat l’utilisation de la MCRO peut être un indicateur pour l’évaluation de la qualité de vie du patient en soins palliatifs. En effet, la satisfaction peut être un critère d’évaluation de la qualité de vie. « L’évaluation de la qualité de la fin de vie, bien que nécessaire, reste difficile à réaliser du fait de l’absence d’outils spécifiques [5]. La MCRO renseigne sur la perception qu’a le sujet de sa capacité à interagir avec son environnement et sur sa satisfaction. Si, nous considérons la satisfaction comme critère d’évaluation de la qualité de vie, la MCRO renseigne sur la perception du patient de la qualité de ses derniers moments de vie. » (22) En pratique sur le terrain, quels outils d’évaluation de la qualité de vie les ergothérapeutes utilisent-ils ? Utilisent-ils la MCRO dans leur pratique ? Utilisent-ils d’autres outils que la MCRO ?
L’adhésion aux soins
Pour E1 : Les difficultés qu’elle rencontre majoritairement vont être le refus de soins et les difficultés d’acceptation. « Il y a toujours l’adhésion du patient à ce qu’on lui propose il y a aussi l’acceptation certaines personnes ne sont pas encore prêtes accepter certaines choses et ça peut limiter la prise en charge et ça peut être compliqué. » Dans la revue de littérature, aucune étude mentionne les difficultés d’adhésion aux soins ou de refus de soins, cette difficulté estelle rencontrée par d’autre ergothérapeutes et comment cela se manifeste-t-il ? Comment l’ergothérapeute peut-il permettre aux patients d’adhérer aux soins ? L’engagement occupationnel peut-il être un moyen pour permettre à la personne d’adhérer aux soins ? Qu’elles peuvent être les difficultés d’adhésions du patients rencontrées par les ergothérapeutes dans leur prise en charges ? Enfin, le refus de soin peut-il être une conséquence de la non-adhésion du patient aux soins ? et le refus de soins peut-il être lié à des difficultés d’acceptation ?
Motivation, volition et engagement
Afin, de déterminer les concepts les plus adaptés à la recherche, nous nous sommes appuyés sur le cadre conceptuel du groupe terminologie de ENOTHE. Dans un premier temps la motivation est définie comme étant « Un élan qui oriente les actions d’une personne vers la satisfaction de besoins. » (34), selon le CCTE12, cela serait « une pulsion » qui oriente les actions des individus vers des situations qui sont satisfaisantes pour eux. (34) Concernant la définition de la volition, il s’agit d’un concept qui trouve son explication dans le modèle de l’occupation humaine. La volition est définie par le CCTE par « la capacité de choisir de faire ou de continuer à faire quelque chose en ayant conscience que la réalisation de cette activité est volontaire » (34) Enfin, l’engagement occupationnel est défini par le CCTE comme étant le « sentiment de participer, de choisir, de trouver un sens positif et de s’impliquer tout au long de la réalisation d’une activité. » (34). Dans le cadre de cette recherche, le concept qui semble être le pertinent est celui de l’engagement occupationnel. En effet, d’après les entretiens réalisés, en soins palliatif les ergothérapeutes vont s’axer sur ce que la personne a « envie de faire », il s’agit d’un « sentiment de participer ». De plus, dans la littérature scientifique le concept qui est majoritairement ressorti est l’engagement occupationnel. C’est pour cela que le concept d’engagement sera défini.
« L’environnement »
Pour E1 l’environnement peut être un facteur de refus. Effectivement, si l’environnement n’est pas suffisamment confidentiel la personne peut être amenée à refuser le soin « Mais du coup est ce que c’est une chambre double ? parce que ça peut jouer » « C: Si je résume un peu ce que vous dites, l’environnement, c’est aussi un facteur et c’est peut être aussi une cause de refus. S’il n’est pas totalement sécuritaire, si je peux dire ? » « E1: Oui, oui, ou même pas que sécuritaire … pas assez, … Confidentiel aussi. » E2 explique également que l’environnement peut entrer en cause lorsque la personne présente un refus associé à des troubles cognitifs. « Et il ne comprenait pas forcément, comme les salles de bain sont quasiment toujours dans les chambres, on s’est dit que peut être, il n’arrivait peut-être pas à distinguer la salle de bain de son lit ».
La communication
Premièrement, pour E1 le travail en équipe et la communication est un élément important. « Il y a aussi des réunions d’équipe mais actuellement c’est pas sur le jour où je suis sur le service, donc, mais je travaille énormément en équipe avec mes collègues, donc on échange beaucoup » E2 confirme l’importance de la communication avec l’ensemble des personnels soignants « pour essayer de voir avec les équipes soignantes » et elle ajoute « Il y a aussi cette partie-là il faut beaucoup discuter avec le psychologue les médecins les aide-soignante il y a beaucoup de discussions à avoir »
« Le désir de mourir comme projet »
Lors de l’entretien avec E1, elle évoque une situation où la personne prise en charge était en refus de soins et que son seul objectif était de mourir. L’image que cette personne avait d’elle semblait trop insupportable « L’image que ça lui renvoyait d’elle-même était trop insupportable pour elle. » E1 explique également que la personne participait à des séances mais la personne prise en charge exprimait que la seule chose qui la motivait, c’était qu’elle allait tout faire pour mourir « Elle participait quand même à des séances mais la seule qui l’a motivé était de se dire qu’elle allait tout faire pour mourir et ça, ça était dur pour le coup » E1 exprime la difficulté dans la gestion de cette situation « ça était dur pour le coup, parce que ça nous remet beaucoup en question sur ce qu’on peut proposer ou sur les limites de nos interventions ». E1 explique que dans cette prise en charge la personne était pleinement engagée dans son projet et qu’elle a pu aller au bout de son projet accompagner de sa fille. « Elle a demandé à sa fille de l’aider là-dedans et elle a fait tous les documents pour pouvoir faire un suicide assisté dans un autre pays. Et elle est allé au bout de sa démarche. Y’a rien qui a pu la retenir. Je l’ai même recroisé le dernier jour où elle était sur la structure, mais on avait travaillé avec elle pendant des mois et des mois. Et oui, vraiment. Et elle était très claire avec son projet et elle n’avait rien d’autre en tête. Et je ne l’ai jamais vu autant apaisée de sa vie, que le jour où elle a dit beh demain je m’en vais en suisse et c’est la fin. »
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Table des matières
1. Introduction
1.1. Contexte
1.2. Thème général
1.3. Enjeux socio-économiques, professionnels, de santé publique
1.4. La revue de littérature
1.4.1. Méthode de recherche
1.4.2. Analyse de la revue de littérature
1.5. L’enquête exploratoire
1.5.1. Objectifs de l’enquête
1.5.2. Population cible et site d’exploration
1.5.3. Outil de recueil de données : Entretien semi-directif
1.5.4. Biais et stratégies
1.5.5. Construction de l’outil : Trame d’entretien
1.5.6. Dérouler de l’enquête
1.5.7. Choix des outils d’analyse des données
1.5.8. Résultats
1.5.9. Synthèse des résultats : Enquête exploratoire
1.5.10. Analyse critique
1.6. Question initiale de recherche
1.7. Cadre de référence
1.7.1. Choix de la terminologie conceptuelle
1.7.3. Refus de soins
1.7.4. Engagement occupationnel
1.7.3. Problématisation et questionnement
1.8. Question et objet de recherche
2. Matériel et méthode
2.1. Choix de la méthode de recherche
2.2. Population ciblée et site d’exploration
2.3. Construction de l’outil théorisé (Cf. Annexe 7 – Cadre d’écoute)
2.4. Biais et stratégies
2.5. Test de faisabilité et validité du dispositif de recherche
2.6. Déroulement de l’enquête
2.7. Choix d’analyse des données
3. Résultats
3.1. « Représentation des ergothérapeutes des soins palliatifs et de la fin de vie »
3.2. « Origine du refus »
3.2.1. « L’environnement »
3.2.2. « Capacités cognitives et physiques »
3.2.3. « L’état psychique de la personne »
3.2.4. « Causes intrinsèques au thérapeute »
3.2.5. « Habitude de vie de la personne »
3.3. « Rôle de l’ergothérapeute en soins palliatifs ou en fin de vie »
3.4. « Le travail en équipe »
3.4.1. La communication
3.4.2. Collaboration et coopération
3.5. « Conséquence du refus »
3.6. « Favoriser l’engagement occupationnel »
3.6.1. « Activité signifiante »
3.6.2. « L’approche centrée sur la personne »
3.6.3. « L’environnement »
3.6.4. « La participation »
3.7. « Le désir de mourir comme projet »
4. Discussion
4.1. Interprétation des résultats et réponse à la question de recherche
4.2. Limites du dispositif de recherche
4.3. Apports, intérêts et limites des résultats pour la pratique professionnelle
4.3.1. Apports
4.3.2. Intérêts
4.3.3. Limites
4.4. Propositions et transférabilité pour la pratique professionnelle
4.5. Perspectives de recherche
Références bibliographiques
Annexes
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