Un enfant est considรฉrรฉ comme prรฉmaturรฉ sโil naรฎt avant 37 Semaines dโAmรฉnorrhรฉe (SA). On parle de prรฉmaturitรฉ moyenne entre 32 et 36 SA, de grande prรฉmaturitรฉ entre 28 et 32 SA et dโextrรชme prรฉmaturitรฉ en dessous de 28 SA (1). La naissance prรฉmaturรฉe interrompt le dรฉveloppement in utero de lโenfant : les organes sont prรฉsents mais immatures, notamment le cerveau, les poumons, le cลur et le systรจme digestif. Le taux de prรฉmaturitรฉ en France a considรฉrablement augmentรฉ sur les dix derniรจres annรฉes au dรฉpens des prรฉmaturitรฉs tardives, atteignant 7% des naissances selon lโAssociation des Utilisateurs de Dossiers Informatisรฉs en Pรฉrinatalogie, Obstรฉtrique et Gynรฉcologie (AUDIPOG) .
LโOrganisation Mondiale de la Santรฉ dรฉfinit comme viable un fลtus nรฉ aprรจs 22 semaines dโamรฉnorrhรฉe ou dโun poids supรฉrieur ร 500 grammes (3). En France, vers 2010, suite aux travaux du Groupe de Rรฉflexion sur les Aspects Ethiques de la Pรฉrinatalogie (GRAEP, groupe intรฉgrant obstรฉtriciens et nรฉonatalogistes mais รฉgalement philosophes et juristes), un consensus sโest dรฉgagรฉ pour envisager un recours ร la rรฉanimation ร partir de 24 SA. Dโautres รฉlรฉments majeurs devraient รชtre pris en compte : le poids fลtal, le caractรจre mono-fลtal de la grossesse, lโadministration dโune corticothรฉrapie maturative antรฉnatale, la naissance en maternitรฉ de type III ainsi que lโabsence de chorioamniotite ; par ailleurs le pronostic est meilleur si le fลtus est de sexe fรฉminin (4). Lโensemble de ces รฉlรฉments associรฉ au souhait des parents permettent de dรฉcider dโune rรฉanimation intensive ou non autour de cette zone grise qui se situe entre 23 et 25 SA .
Les soins palliatifs en mรฉdecine pรฉrinatale se sont dรฉveloppรฉs ร partir de la loi nยฐ 2005-370 du 22 avril 2005 dite loi de Lรฉonetti (6). Issus dโune rรฉflexion rรฉcente, les soins palliatifs sont donc encore peu connus. Ils sont dรฉfinis par lโarticle 1110-10 du Code de la Santรฉ Publique : soins actifs et continus, pratiquรฉs par une รฉquipe interdisciplinaire en institution ou ร domicile, qui visent ร soulager la douleur, ร apaiser la souffrance psychique, ร sauvegarder la dignitรฉ de la personne malade et ร soutenir son entourage. Appliquรฉs ร la nรฉonatalogie, ils permettent la sauvegarde de la dignitรฉ du nouveau-nรฉ. Ils visent ร assurer son confort et ร valoriser le temps de vie. La frรฉquence des situations de fin de vie en salle de naissance (SDN) nโest pas connue au niveau national mais la question se pose rรฉguliรจrement dans les services de maternitรฉ. Cependant lโimpact du vรฉcu pour les parents et les soignants est fort. La possibilitรฉ dโรฉlaborer un projet est permise par la collaboration parents-รฉquipe soignante afin dโanticiper la situation de fin de vie et de dรฉlivrer toutes les informations nรฉcessaires.
CONTEXTE
Lโorganisation des soins pรฉrinataux et les progrรจs de la rรฉanimation nรฉonatale ont repoussรฉ la limite de la viabilitรฉ des prรฉmaturรฉs au dรฉtriment dโun risque de morbiditรฉ sรฉvรจre ร long terme. Lโรขge gestationnel en deรงร de 26 SA reste la limite de viabilitรฉ des extrรชmes prรฉmaturรฉs (7)(8)(9). La mortalitรฉ est fonction inverse de lโรขge gestationnel avec 100% de dรฉcรจs ร 22 SA en France (aucune modification en 20 ans mais peu de tentatives rรฉelles de prise en charge) et 20% de dรฉcรจs en dessous de 28 SA (versus plus de 30% il y a 20 ans). La survie reste exceptionnelle avant 24 SA : il sโagit dโune limite basse en-dessous de laquelle le pronostic de lโenfant deviendrait franchement dรฉfavorable mais qui varie selon les pays .
La deuxiรจme moitiรฉ du vingtiรจme siรจcle a permis un essor de la mรฉdecine pรฉrinatale avec des progrรจs dans les techniques de rรฉanimation. Ces derniรจres permettent une augmentation de la survie des nouveau-nรฉs de plus en plus prรฉmaturรฉs ou le traitement de malformations de plus en plus sรฉvรจres comme certaines hernies diaphragmatiques par exemple. Au fur et ร mesure est venu le moment de se poser la question dโune limite raisonnable ร lโentreprise de ces thรฉrapeutiques intensives face ร la possibilitรฉ dโune survie artificielle de ces petits patients. La loi Lรฉonetti (6) a permis le dรฉbut dโune rรฉflexion spรฉcifique sur la dรฉmarche palliative, alternative ร lโobstination dรฉraisonnable. Il sโagit dโassurer le bien-รชtre du nouveau-nรฉ jusquโร sa mort, grรขce ร la mise en place de soins de confort ou ร lโutilisation dโantalgiques si besoin. Un projet de vie est dรฉveloppรฉ, quelle quโen soit la durรฉe ; la prรฉvention de lโinconfort et de la douleur y sont un รฉlรฉment incontournable. La prรฉsence humaine, que ce soit celle des parents, de la famille ou de lโรฉquipe soignante, est indispensable.
La rรฉflexion autour des termes extrรชmes est en train dโรฉvoluer rapidement notamment par le Dรฉpartement Hospitalo-Universitaire ยซ Risques et Grossesses ยป (Bichat, Louis-Mourier, Cochin Port-Royal, Saint-Joseph) sous la direction du Pr P H. JARREAU (5).Cette approche aboutit quand cโest possible ร ne pas prendre une dรฉcision dans lโurgence. Il sโagit de mieux prendre en compte les facteurs qui modulent le pronostic du nouveau-nรฉ prรฉmaturรฉ : le poids, le terme mais aussi ร introduire la collรฉgialitรฉ dans lโรฉvaluation et les propositions qui seront discutรฉes avec le couple. Lโadministration ou non de la corticothรฉrapie antรฉnatale doit รชtre รฉvaluรฉe en amont du recueil de lโavis des parents et ne doit plus dรฉpendre de la dรฉcision dโune prise en charge active ou non ร la naissance. Ces propositions sont dorรฉnavant appliquรฉes et font lโobjet dโune รฉvaluation (enquรชte ยซ EXPRIME ยป) pour connaรฎtre lโimpact de ces nouvelles attitudes notamment sur le nombre dโenfants rรฉanimรฉs aux รขges gestationnels extrรชmes.
Contexte international
En Belgique
Les premiรจres initiatives en matiรจre de soins palliatifs ont dรฉbutรฉ dans les annรฉes quatre-vingt-dix ; la dรฉmarche est largement inspirรฉe de celle pratiquรฉe en France. Il existe ร lโinstar de notre pays, une zone grise ainsi quโune รฉlaboration des dรฉcisions de prise en charge avec les parents, active ou palliative. Cette zone grise varie de 23-24 ร 24-25 SA selon les maternitรฉs. Lโaccueil des prรฉmaturissimes reste mal dรฉfinie et est une source de tensions entre les soignants. Cette discorde peut รชtre en partie expliquรฉe par les diffรฉrentes lois qui sont sujettes ร interprรฉtations, notamment quant ร la place ร accorder aux parents dans les dรฉcisions de limitation et dโarrรชt de traitements actifs (11). Aux frontiรจres de la zone grise, les souhaits de certains parents peuvent paraรฎtre dรฉraisonnables au regard des thรฉrapeutiques actuelles (par exemple des parents qui veulent tout tenter pour leur bรฉbรฉ de 22-23 SA ; et ceux qui refusent quโon intervienne sur leur bรฉbรฉ de 26 SA).
Une enquรชte (12) a eu lieu en 2014 dans les 11 services de soins intensifs de nรฉonatalogie de la Fรฉdรฉration Wallonie-Bruxelles. Elle cherchait ร mettre en รฉvidence des similitudes et dโรฉventuelles variabilitรฉs entre les nรฉonatalogistes concernant leurs attitudes et expรฉriences en matiรจre de dรฉcisions et pratiques de soins dans les situations de grandes prรฉmaturitรฉs. Il sโagissait รฉgalement de recueillir leurs opinions et souhaits en matiรจre de standardisation et/ou lรฉgalisation de prise en charge.
En Suรจde
La Suรจde serait en faveur d’une approche interventionniste avec une rรฉanimation d’attente systรฉmatique qui donnerait une chance de survie ร tous les bรฉbรฉs. Une รฉtude nationale prospective (14) sur 507 nourrissons suivis pendant 2,5 ans montrait quโune prise en charge proactive entraรฎnait un accroissement des taux de survie sans augmentation du risque de sรฉquelles neuro-dรฉveloppementales. Ce travail avait eu lieu dans les centres qui prennent systรฉmatiquement ยซ activement ยป en charge les bรฉbรฉs extrรชmement prรฉmaturรฉs, y compris entre 22 et 24 SA. Lโenquรชte ยซ EXPRESS ยป (15) se dรฉroulant de 2004 ร 2007, รฉtudiait le devenir des prรฉmaturรฉs de terme infรฉrieur ร 27 SA suite ร une prise en charge rรฉanimatoire active systรฉmatique. Il sโavรฉrait que la moitiรฉ des enfants survivants souffraient de sรฉvรจres morbiditรฉs nรฉonatales (hรฉmorragie intraventriculaire, leucomalacie pรฉri ventriculaire, entรฉrocolite ulcรฉro-nรฉcrosante, dysplasie broncho-pulmonaire, rรฉtinopathie).
Prรฉcisons รฉgalement que les pratiques de soins sont trรจs diffรฉrentes des nรดtres tant en obstรฉtrique (une sage-femme pour une parturiente, croyance que la cรฉsarienne est bรฉnรฉfique pour lโenfant aux termes extrรชmes, ce qui est contestรฉe en France) quโen nรฉonatalogie (une infirmiรจre par enfant en soins intensifs, chambres parents-bรฉbรฉ en rรฉanimation nรฉonatale avec longues pรฉriodes de peau-ร -peau mรชme chez les enfants ventilรฉs artificiellement). Par ailleurs lโabsence de sรฉquelles motrices ร 2,5 ans (seules รฉtudes publiรฉes ร ce jour) ne prรฉjuge pas de lโabsence de sรฉquelles de handicap et surtout de troubles cognitifs sรฉvรจres ร lโรขge gรฉnรฉralement admis pour pouvoir juger de lโintรฉgritรฉ physique, psychique et cognitive de lโenfant, soit lโรขge de 6 ans.
Aux Pays-Bas
Le protocole de Groningen (16) a รฉtรฉ รฉlaborรฉ en 2004, permettant aux soignants d’avoir une sรฉcuritรฉ mรฉdico-lรฉgale basรฉe sur des conditions et une procรฉdure clairement dรฉfinies. Les nรฉonatalogistes peuvent รชtre amenรฉs ร prendre la dรฉcision de ne pas initier ou de ne pas poursuivre des soins curatifs en prรฉsence de situations d’extrรชme souffrance jugรฉes sans issue. Ce protocole a รฉtรฉ sujet ร beaucoup de critiques et fait l’objet de nombreuses questions รฉthiques importantes, les critรจres de dรฉcision รฉtant parfois difficiles ร apprรฉcier (17). Il est maintenant presque abandonnรฉ.
En 2013, un groupe dโexperts a pris lโinitiative de rรฉdiger de nouvelles recommandations (18) dรฉcrivant la dรฉmarcation entre euthanasie et soins palliatifs. Ces recommandations reconnaissent le rรดle que joue la souffrance parentale dans la dรฉcision de fin de vie. Les nรฉonatalogistes ont dorรฉnavant obligation de rรฉdiger un rapport mรฉdico-lรฉgal afin de rendre les pratiques plus transparentes. En 2016, Eduard Verhagen (mรฉdecin responsable du service de pรฉdiatrie de lโhรดpital de Groninguen) a considรฉrablement modifiรฉ complexifiรฉ et expliquรฉ le point de vue des nรฉonatalogistes des Pays-Bas dans un long article (19) et dans le livre La dรฉmarche Palliative (du Dr P. Bรฉtrรฉmieux). De faรงon paradoxale, les Hollandais se sont dโabord intรฉressรฉs ร clarifier lโeuthanasie nรฉonatale cโest ร dire ยซ lโรฉchec ยป des soins palliatifs. Et ร partir de lร , de maniรจre rรฉtroactive, ils ont commencรฉ ร dรฉfinir et amรฉliorer les รฉtapes prรฉcรฉdentes des soins palliatifs.
Au Royaume-Uni
Les recommandations au Royaume-Uni (20) sont issues dโune revue systรฉmatique de la littรฉrature et comportent le soulagement de la souffrance, les soins aux parents et familles, le soutien au deuil, la rรฉassurance de lโรฉquipe soignante et lโaide ร la gestion des conflits. Il sโagit donc dโune approche multidisciplinaire et pluri-professionnelle ; les soignants bรฉnรฉficient souvent dโune formation aux soins palliatifs.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CONTEXTE
A) Contexte international
A 1 – En Belgique
A 2 – En Suรจde
A 3 – Aux Pays-Bas
A 4 – Au Royaume-Uni
B) Les soins palliatifs en France
B 1 – La dรฉmarche palliative
B 2 – Les diffรฉrents acteurs
o Equipe Ressource Rรฉgionale en Soins Palliatifs Pรฉdiatriques
o Le Rรฉseau de Santรฉ en Pรฉrinatalitรฉ (RSP)
C)! Prise en charge des prรฉmaturรฉs dรฉcรฉdรฉs en SDN : รฉtat des lieux
D) La gestion des situations palliatives en salle de naissance : rรฉsultats dโune enquรชte nationale
OBJECTIFS
MATERIEL ET METHODE
RESULTATS
A)! Taux de rรฉponses et dรฉmographie
B) Existence dโun protocole
C)! Informations donnรฉes aux parents
D)! Dรฉroulement en pratique
D 1 – Frรฉquence
D 2 – En pratique en SDN
o Prรฉsence du mรฉdecin
o Prรฉsence du soignant
o Prรฉsence des parents
o Prรฉsence dโun membre de la famille
o Mรฉdicaments
D 3 – Temps de vie
D 4 – Transfert
E) Difficultรฉs et retentissement chez les soignants
F) Formation
DISCUSSION
A)! Forces de lโรฉtude
B) Limites de lโรฉtude
o Biais de recrutement
o Biais de mรฉmorisation
o Biais dโinterprรฉtation
o Biais de dรฉsirabilitรฉ sociale
C) Discussion des rรฉsultats
C 1 – Protocole de soins palliatifs
C 2 – Information des parents
C 3 – En pratique
C 4 – Difficultรฉs et retentissement
C 5 – Formation
D) Perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES