DE LA RECONNAISSANCE POLITIQUE A L A RECONNAISSANCE POP ULAIRE (1919 -1939 )
Ce qui constitue la premiรจre indรฉpendance de la Lettonie fut donc acquise au prix dโun conflit dโune durรฉe totale de 628 jours, ยซ oรน se cรดtoyรจrent et se combattirent en une mรชlรฉe souvent confuse nationalistes lettons, unitรฉs pro-bolchรฉviques (largement composรฉes des fameux โtirailleurs lettonsโ), corps francs allemands du baroudeur Rรผdiger von des Goltz […] et enfin Russes blancs de lโaventurier Bermondt-Avaloff. La Lettonie ne fut libรฉrรฉe quโen novembre 1919 ยป . Le conflit ne se termine toutefois que le 1er fรฉvrier 1920 avec un bilan lourd pour le jeune pays, puisque 27% de la population vivant sur le territoire letton a disparu . Lโindรฉpendance lettone a donc dรฉbutรฉ par une division du groupe national et un conflit fratricide, considรฉrรฉ par une partie de la littรฉrature lettone comme une vรฉritable guerre civile . Malgrรฉ de lourde perte, le jeune Etat letton peut toutefois se constituer et faire valoir sa prรฉsence auprรจs des autres peuples et des Etats europรฉens dans lโentredeux guerres. Jusquโen 1919, la diplomatie franรงaise รฉlude la question de lโavenir de la Lettonie ainsi que celle des autres pays baltes, renvoyant toute rรฉsolution dรฉfinitive ร la confรฉrence de la paix organisรฉe en janvier de la mรชme annรฉe. Cette position sโexplique par le fait que la France, malgrรฉ une aide militaire et matรฉrielle, nโa pas dรฉveloppรฉ de politique รฉtrangรจre balte ร proprement parler . Georges Clemenceau et le ministre des Affaires รฉtrangรจres Stephen Pichon vont hรฉsiter ร reconnaรฎtre son indรฉpendance et mรชme ne jamais la revendiquer publiquement, ร lโinverse du gouvernement britannique qui a reconnu la Lettonie dรจs le 11 novembre 1918. Cette hรฉsitation sโexplique en partie par la fidรฉlitรฉ du Prรฉsident du Conseil ร lโalliance franco-russe qui refuse de sโimmiscer dans les affaires intรฉrieures russes ou de priver la Russie blanche dโun accรจs prรฉcieux ร la mer. Elle se conjugue ร une mรฉconnaissance historique de la rรฉgion par la diplomatie franรงaise, qui cherche au maximum ร promouvoir un accord commun faisant des pays baltes des ยซ รtats autonomes rattachรฉs ร la Russie ยป . La dรฉfaite des armรฉes russes fidรจles au tsar, lโรฉlimination de la menace allemande et la normalisation des relations diplomatiques entre la Lettonie et le pouvoir bolchevique aprรจs la signature du traitรฉ de Riga le 11 aoรปt 1920 inflรฉchissent la position franรงaise. Ce revirement permet ร Aristide Briand de reconnaรฎtre alors de jure la Lettonie lors de la confรฉrence interalliรฉe ร Paris le 26 janvier 1921 en mรชme temps que lโEstonie. La Lituanie ne sera reconnue par la France que le 20 dรฉcembre 1922 en raison de la persistance dโun diffรฉrend territorial avec la Pologne.
LA MISE EN SOMMEIL D ES RELATIONS DIPLOMA TIQUES JUSQUโA LA FI N DE LA
GUERRE FROIDE (1939 – 1989)
Les relations diplomatiques et politiques entre la France et la Lettonie cessent progressivement avec la montรฉe du nazisme en Allemagne prรฉcรฉdent lโarrivรฉe dโHitler au pouvoir, et avec le rรฉtablissement des relations diplomatiques directes avec lโURSS. Les deux pays, au moment de nรฉgocier le pacte de non-agression et ses clauses secrรจtes par lโintermรฉdiaire des ministres des Affaires รฉtrangรจres Viatcheslav Molotov et Joachim von Ribbentrop, vont dรฉcider du sort de la Lettonie et de ses voisins baltes en moins de cinq heures au soir du 23 aoรปt : la Lettonie et lโEstonie tombent dans la zone dโinfluence soviรฉtique aprรจs la cession du port de Libau (Liepaja) par lโAllemagne, en violation directe du Pacte de Paris de 1928 . La disparition des pays indรฉpendants entre les deux puissances permis le rรฉtablissement puis lโessor du commerce bilatรฉral. Dรจs le 25 septembre 1939, le pouvoir soviรฉtique convoque les reprรฉsentants des pays baltes sur le territoire de lโURSS et adresse un ultimatum pour la signature dโun traitรฉ dโ assistance mutuelle imposant lโinstallation permanente de bases soviรฉtiques sur leur territoire, qui sera finalement ratifiรฉ le 31 octobre 1939. La chute de Paris le 14 juin 1940 prรฉcipite lโoccupation de la Lettonie par les troupes de lโURSS la nuit du 16 au 17 juin, aprรจs la multiplication dโincidents frontaliers. Lโadhรฉsion de la Lettonie ร lโURSS sera acceptรฉe par le pouvoir soviรฉtique le 5 aoรปt 1940. Lโoccupation de la Lettonie par lโURSS marque lโรฉchec de la politique รฉtrangรจre de la Lettonie dans lโentre-deux guerres, axรฉe sur lโintรฉgration au processus global de paix en Europe et sur le soutien ร la SDN et ร lโarbitrage des litiges entre Etats. Le pays a ainsi fait partie des 63 pays signataires du Pacte Briand-Kellog du 27 aoรปt 1928 sur le renoncement ร la guerre dโagression. Cette stratรฉgie de neutralitรฉ et dโindรฉpendance sโest manifestรฉe par une absence de contacts รฉtroits avec les puissances dont les intรฉrรชts pouvaient potentiellement desservir la Lettonie tout en maintenant de bonnes relations avec les pays dโEurope occidentale dont la France et la Grande Bretagne. De mรชme, la possibilitรฉ restreinte de constituer une force armรฉe autonome a poussรฉ les diplomates lettons ร se rapprocher de ces derniers pour tenter de garantir lโindรฉpendance du pays par dโautres moyens.
Lโidรฉe dโun pacte dโalliance avec la France a ainsi รฉtรฉ proposรฉe ร lโinitiative lโambassadeur de Lettonie en France Felikss Cielens et de lโancien Prรฉsident de Lettonie Gustavs Zemgals au dรฉbut des annรฉes 1930, qui dรฉbouchera sur la signature dโun traitรฉ dโamitiรฉ. Lโinvasion du pays, malgrรฉ un mandat extraordinaire attribuรฉ le 17 mai 1940 ร lโambassadeur de Lettonie ร Londres Karlis Zarins, ne permis la mise en place dโune lutte politique et diplomatique de prรฉservation de lโindรฉpendance du pays. La disparition de lโindรฉpendance de la Lettonie sโaccompagne dโune destruction par le pouvoir soviรฉtique des monuments liรฉs ร lโindรฉpendance, de dรฉportations et dโune interdiction de diffusion et de publication dโouvrages en letton. Le russe devient progressivement la langue de lโadministration et la langue de travail du pays aprรจs la Seconde Guerre mondiale. Dรจs 1945 le pouvoir soviรฉtique organise un mouvement de dรฉportation de letton vers la Sibรฉrie (60 000 personnes) puis la migration inverse de 170 000 russophones vers la Lettonie contre des avantages substantiels en termes de salaire, dโemplois favorisรฉs dans lโadministration ou encore de logement. La proportion de lettons ethniques tombe progressivement ร 62% en 1959 puis ร 52% en 1989. Cette politique sโexplique par la volontรฉ des dirigeants de lโURSS dโoublier lโindรฉpendance de la Lettonie dans lโentre-deux guerres, qualifiรฉe de ยซ dictature bourgeoise ยป.
La Lettonie ne devient toutefois pas un pays oubliรฉ sur le plan international, puisque la France, au cรดtรฉ de plusieurs pays europรฉens, refuse dโaccepter la continuitรฉ et la lรฉgalitรฉ des reprรฉsentations diplomatiques et des diplomatiques baltes aprรจs lโannexion, ร la diffรฉrence de la Suรจde, lโItalie, lโEspagne ou les Pays-Bas qui ont tous reconnu lโannexion ร lโURSS. Cette dรฉcision sera suivie par lโAutriche qui en 1974 reconnaรฎt lโannexion des pays baltes et supprime le Consul Honoraire de Lettonie sur son territoire de la liste du corps diplomatique . De lโannexion ร la fin de la guerre froide
la France adoptera une position de silence ambigรผe, pouvant รชtre interprรฉtรฉe au croisement de la nonreconnaissance de jure mais รฉgalement comme une reconnaissance tacite de facto. Aprรจs la Libรฉration le Gรฉnรฉral De Gaulle ne fait aucune mention des pays baltes lors de son voyage en URSS et les clefs des anciennes ambassades sont remises au nouveau reprรฉsentant soviรฉtique ร Paris.
Revenu au pouvoir en 1958, De Gaulle poursuit cette politique de silence quant ร la validitรฉ juridique de lโannexion des pays baltes au moment de lโinstauration de la Ve Rรฉpublique, alors mรชme que la Banque de France continue de garder une partie des avoirs des trois pays baltes. Le Vatican reste le seul Etat qui condamnera expressรฉment lโannexion des pays baltes, ne la reconnaitra pas juridiquement et maintiendra les reprรฉsentations diplomatiques.
Sans le soutien diplomatique direct de nombreux pays europรฉens et suite au dรฉmantรจlement de la rรฉsistance armรฉe par le pouvoir soviรฉtique au dรฉbut des annรฉes 1950, lโidรฉe de lโindรฉpendance sera portรฉe par la diaspora lettone durant toute la pรฉriode de la guerre froide. En 1945, prรจs de 130000 lettons รฉtaient en effet dรฉplacรฉs en Europe. Si beaucoup retournรจrent en Lettonie, entre 1947 et 1951 17 000 lettons rejoindront le Royaume-Uni, 20 000 iront en Australie, 19 000 au Canada, 45000 aux Etats-Unis, 5 000 en Amรฉrique du Sud quand 4 000 resteront en Suรจde et 15000 en Allemagne . La Convention culturelle europรฉenne adoptรฉe le 19 dรฉcembre 1954 par le Conseil de lโEurope permet ร cette diaspora de disposer dโun levier dโaction dans le domaine culturel, son objectif รฉtant ยซ la comprรฉhension mutuelle entre les peuples d’Europe et l’apprรฉciation rรฉciproque de leurs diversitรฉs culturelles, de sauvegarder la culture europรฉenne, de promouvoir les contributions nationales ร l’hรฉritage culturel commun de l’Europe et ce dans le respect des mรชmes valeurs fondamentales en encourageant, notamment, l’รฉtude des langues, de l’histoire et de la civilisation des Parties ร la Convention ยป . Cette volontรฉ dโรฉmancipation, basรฉe sur le droit international et la mobilisation de la sociรฉtรฉ civile est renforcรฉ par lโadoption Acte dโHelsinki de 1975 et du Chapitre VIII en particulier : ยซ En vertu du principe de l’รฉgalitรฉ de droits des peuples et de leur droit ร disposer d’eux-mรชmes, tous les peuples ont toujours le droit, en toute libertรฉ, de dรฉterminer, lorsqu’ils le dรฉsirent et comme ils le dรฉsirent, leur statut politique interne et externe, sans ingรฉrence extรฉrieure, et de poursuivre ร leur grรฉ leur dรฉveloppement politique, รฉconomique, social et culturel ยป. La diaspora lettone et balte, ร la suite dโune mobilisation importante, crรฉent plusieurs ยซ comitรฉs de dรฉfense des accords dโHelsinki ยป afin dโassurer la prise en compte des intรฉrรชts baltes dans les nรฉgociations internationales. Cette initiative pousse le gouvernement franรงais ร rรฉagir, Valรฉrie Giscard dโEstaing dรฉclarant ร son adoption que la position franรงaise envers les Etats baltes reste ยซ inchangรฉe ยป . Cette mobilisation est suivie en 1979 par la signature de la ยซ Charte Baltique ยป par groupe de 45 intellectuels du ยซ Mouvement dรฉmocratique balte ยป transmis au Secrรฉtaire Gรฉnรฉral de lโONU ainsi quโaux mรฉdias europรฉens et demandant la fin de lโoccupation des Etats baltes.Ce travail de lobbying auprรจs des institutions et gouvernements aboutit ร la proposition de lโeurodรฉputรฉ allemand Otto von Habsbourg qui le 14 fรฉvrier 1983 de demande le retrait de lโURSS des Etats baltes au sein mรชme du Parlement europรฉen.
La diaspora, organisรฉe en ยซ Fรฉdรฉration Mondiale des Baltes libres ยป constitue symboliquement un ยซ Tribunal balte ยป en 1985 ร Copenhague, dans lequel tรฉmoignent dโanciens prisonniers et dissidents afin dโalerter lโopinion publique internationale sur le sort des pays baltes. Un voyage est mรชme organisรฉ le long des cรดtes lettones et estoniennes aprรจs lโannonce de la mise en place des politiques dโouverture de la Perestroรฏka et du Glasnost par Gorbatchev, suivies dโune rรฉforme en 1988 permettant aux candidats hors du parti communiste de se prรฉsenter aux รฉl ections. Les annรฉes de 1986 ร 1988 sont marquรฉes par des manifestations populaires dโampleurs en Lettonie ร caractรจre ร priori apolitique. En 1986, des milliers de personnes manifestent contre la construction dโun barrage hydroรฉlectrique sur le fleuve de la Daugava , qui sera suivie le 14 juin 1987 par une commรฉmoration des rafles staliniennes de juin 1940 et 1941 rassemblant 5 000 personnes ร lโinitiative du comitรฉ de dรฉfense des accords dโHelsinki. Le 23 aoรปt, prรจs de 10 000 personnes se rassemblent pour commรฉmorer le 48e anniversaire de la signature pacte germano-soviรฉtique, sans rรฉaction du pouvoir central soviรฉtique. Avec lโespoir de libรฉralisation de la participation politique se constitue le 8 octobre 1988 le Front Populaire letton, revendiquant dรจs la fin de lโannรฉe 120 000 adhรฉrents, ainsi que plusieurs mouvements contre-rรฉvolutionnaires animรฉs par les russes de Lettonie appuyรฉs par le pouvoir soviรฉtique. Le 18 novembre 1988 est commรฉmorรฉe la premiรจre indรฉpendance du pays, qui confirme lโinstauration dโun cycle de ยซ manifestations calendaires ยป lors de chacune des grandes dates de lโhistoire du pays.
Malgrรฉ la mise en sommeil des relations diplomatiques et le refus de reconnaรฎtre les diplomates lettons en exil comme membre du corps diplomatique, la France refuse de franchir le pas et de reconnaรฎtre officiellement lโannexion de la Lettonie et des pays baltes par lโURSS dans une position prudente tant vis-ร -vis de lโURSS que du combat balte. Ce soutien symbolique encourage la diaspora lettone ร adopter une stratรฉgie de sensibilisation mรฉdiatique de lโopinion publique mondiale sur les thรฉmatiques historiques, politiques et culturelles au sein des organisations internationales, permettant le rรฉveil progressif des indรฉpendances lettones et plus largement baltes.
LA RENAISSANCE DES R ELATION BILATERALE F RANCOLETTONES APRES LA FI N DE LA GUERRE FROIDE (1989 – 2004)
DU SCEPTICISME FACE A LA MONTEE DES INDE PENDANCES BALTES
La volontรฉ dโindรฉpendance, qui sโexprime par la crรฉation du Front populaire letton ou du ยซ mouvement pour lโindรฉpendance de la Lettonie ยป plus radical , est le reflet de la volontรฉ dโรฉchapper ร un sentiment dโamertume dรป aux exactions subies depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et ร la russification progressive de la terre lettone. Lโimpossibilitรฉ de mettre en avant sa culture et sa langue, de fรชter lโindรฉpendance ou de commรฉmorer les dรฉportations successives alimentent la revendication de ces mouvements qui nโhรฉsitent pas se manifester au grand jour. Le 14 mai 1989 la ยซ dรฉclaration des droits des nations baltes ยป, signรฉe par lโAssemblรฉe balte dans lequel la Lettonie est reprรฉsentรฉe par le Conseil du Front populaire de Lettonie, rรฉaffirme le droit ร lโautodรฉtermination, au dรฉveloppement culturel et ร lโintรฉgritรฉ territoriale des trois Etats . Le 31 mai, le Front Populaire letton rompt officiellement avec le parti communiste Lโaction la plus emblรฉmatique de la revendication balte a lieu le 23 aoรปt 1989, ร lโoccasion du 50e anniversaire de la signature du pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop, avec la constitution dโune chaรฎne humaine, la ยซ Voie Balte ยป rassemblant deux millions de personnes sur 560 kilomรจtres de Tallinn ร Vilnius en passant par Riga. Cette action spontanรฉe marque la radicalisation des mouvements baltes pour lโindรฉpendance face au pouvoir soviรฉtique et le passage de question intรฉrieure ร lโURSS ร une question internationale.
Lโindรฉpendance de la Lettonie est officiellement approuvรฉe par le Conseil Suprรชme letton le 4 mai 1990, soit quelques semaines aprรจs celles de la Lituanie le 11 mars et le 30 mars pour lโEstonie. Les premiers mois voient cohabiter une ยซ dualitรฉ de pouvoir ยป face au refus de Gorbatchev dโoctroyer lโindรฉpendance dรฉfinitive aux pays baltes. Un blocus des matiรจres premiรจres est instaurรฉ en 1990 et plusieurs revendications territoriales sont formulรฉes. De mรชme, avec le soutien du pouvoir soviรฉtique, sont formรฉs le 20 mai 1990 des ยซ Comitรฉs de protection des droits des citoyens soviรฉtiques ยป qui vont tenter de prendre le contrรดle de plusieurs bรขtiments publics. En janvier 1991, lโarmรฉe soviรฉtique intervient et occupe lโimprimerie du Parti Communiste letton ainsi que plusieurs bรขtiments officiels, avec le soutien dโun des comitรฉs, le ยซ Comitรฉ de Salut National ยป. Le 13 janvier, de nombreuses barricades sont formรฉes ร Riga et un appel ร la mobilisation est lancรฉ pour empรชcher lโoccupation des bรขtiments officiels. Les affrontements avec les forces soviรฉtiques font 14 morts dans la capitale lettone.
Si un appui franc est apportรฉ au mouvement dโindรฉpendance de la part des autres Rรฉpubliques soviรฉtiques (Armรฉnie, Azerbaรฏdjan, Ukraine notamment), les gouvernements europรฉens dont la France sont plus mesurรฉs voire sceptique sur le soutien ร apporter aux pays baltes dans un contexte international mobilisรฉ par le dรฉclenchement de la guerre du Golfe du 2 aoรปt 1990 au 28 fรฉvrier 1991 mais aussi la chute du mur de Berlin et la rรฉunification allemande. Le soucis de ne pas dรฉstabiliser lโEurope et de lโEst et le Caucase tout en mรฉnageant Gorbatchev est au cลur des prรฉoccupations de Franรงois Mitterrand, qui adresse le 26 avril une lettre au dirigeant lituanien emblรฉmatique de lโindรฉpendance Vytautas Landsbergis cosignรฉe par le chancelier allemand Helmut Kohl, lui demandant explicitement de ยซ suspendre temporairement les dรฉclarations dโindรฉpendance des Etats Baltes (โฆ) Afin quโune solution acceptable ร toutes les parties permettent de rรฉsoudre la crise ยป.
Lโorganisation dโune confรฉrence de la CSCE ร Paris du 19 au 21 novembre permet aux reprรฉsentants lettons, estoniens et lituaniens de demander leur invitation au sommet auprรจs de Franรงois Mitterrand, qui consent ร leur octroyer un statut dโinvitรฉs spรฉciaux sans les reconnaรฎtre formellement. Toutefois, la rรฉaction de la dรฉlรฉgation soviรฉtique, pourtant prรชte ร la conciliation dans un premier temps, les pousse ร quitter la confรฉrence dรจs le 19 novembre . La position franรงaise est portรฉe au niveau europรฉen, lโUnion Europรฉenne appelant en janvier 1991 lโURSS ร organiser des nรฉgociations avec les reprรฉsentants รฉlus du Front Populaire afin dโarriver ร une ยซ solution pacifique concernant les aspirations lรฉgitimes des peuples baltesย . Ces appels seront rรฉitรฉrรฉs par le Conseil europรฉen des 28 et 29 juin 1991.
LโAllemagne annonce le 28 aoรปt le rรฉtablissement des relations diplomatiques ยซ au nom de la responsabilitรฉ particuliรจre de lโAllemagne au regard des consรฉquences du Pacte MolotovRibbentrop ยป . Il a fallu de fait non seulement attendre lโeffondrement de lโURSS aprรจs le coup de force manquรฉ contre son leader mais รฉgalement le soutien formel de Boris Eltsine pour que les pays baltes puissent accรฉder rรฉellement lโindรฉpendance et pour permettre aux pays europรฉens et aux EtatsUnis de sortir de leur politique. Dรจs lors, le calendrier sโaccรฉlรจre pour la Lettonie, lโEstonie et la Lituanie qui intรจgre la CSCE dรจs le 10 septembre puis lโONU dรจs le 17 septembre. Une candidature est dรฉposรฉe par la Lettonie le 13 septembre auprรจs du Conseil de lโEurope avant son adhรฉsion en le 10 fรฉvrier 1995. Ces adhรฉsions successives permettent ร la Lettonie et ร ses voisins baltes de ยซ retrouver leur statut de sujets des relations internationales ยป.
La politique รฉtrangรจre franรงaise sur la pรฉriode 1989-1991 reste donc marquรฉe par le scepticisme, dans un paradoxe entre un refus pragmatique de reconnaissance de lโindรฉpendance des pays baltes dans un soucis de mรฉnagement de la relation avec Moscou et une sympathique affichรฉe pour la cause balte notamment par le ministre des Affaires รฉtrangรจres Roland Dumas. Cet รฉquilibre attentiste se maintiendra malgrรฉ les manifestations et lโรฉchec des coups de force qui prรฉcipitent lโindรฉpendance de la Lettonie et de ses voisins. Finalement, la France ne rรฉtablit officiellement les relations diplomatiques bilatรฉrales avec les pays baltes que les 29 et 30 aoรปt, soit une semaine avant la reconnaissance par lโUnion soviรฉtique le 6 septembre et contrairement ร sa politique รฉtrangรจre affichรฉe depuis le dรฉbut de lโindรฉpendance. De mรชme, la France ne se dรฉmarque pas de ses voisins europรฉens allemand, anglais ou encore outre-Atlantique par rapport aux Etats-Unis qui adoptent une stratรฉgie de prudence et dโexpectative dans un contexte international chargรฉ.
A LA RECONNAISSANCE ASSUMEE DANS LโAPRES GUERRE FROIDE
ยซ Mon pays s’est honorรฉ depuis les tragiques pรฉriodes qui ont vu l’effondrement des libertรฉs en Europe au cours de notre gรฉnรฉration, puisqu’il n’a jamais reconnu, pas mรชme dans le domaine des relations diplomatiques, le fait accompli ni la domination de la force. C’est dire ร quel point je me rรฉjouis ce matin de votre prรฉsence ร vous trois parmi nous. Vous devez ressentir plus que quiconque l’importance de ce moment. Tant d’espรฉrances ont habitรฉ votre cลur. Et maintenant vous voici responsables de pays libres qu’il est nรฉcessaire de prรฉparer aux responsabilitรฉs de demain. Ces responsabilitรฉs, je souhaite et ce sera mon dernier vลu, que nous les assumions en commun ยป. Par cette allocution prononcรฉe ร lโoccasion de la signature de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe par les chefs d’Etat des trois rรฉpubliques baltes, le 6 dรฉcembre 1991, le Prรฉsident Franรงois Mitterrand marque la volontรฉ de coopรฉration et de rapprochement de la France avec la Lettonie, lโEstonie et la Lituanie dans la pรฉriode dโaprรจs-guerre froide. Cette reconnaissance assumรฉe aboutira ร lโorganisation dโun voyage officiel du Prรฉsident franรงais dans les pays baltes du 13 au 15 mai 1992, le premier pour un chef dโEtat occidental dans ces pays nouvellement indรฉpendants. Dans son discours prononcรฉ devant le Parlement letton le 15 mai, Franรงois Mitterrand rรฉaffirme la volontรฉ de participation de la France dans le redressement de la Lettonie et dans son processus dโintรฉgration europรฉenne internationale : ยซ La Lettonie ressuscitรฉe est maintenant appelรฉe ร prendre sa place dans ce que l’on appelait par un terme un peu dรฉsuet ยซ le concert des nations ยป. Elle est entrรฉe aux Nations unies, elle participe ou est sur le point de participer aux organismes financiers internationaux. Le Conseil de l’Europe l’attend et la France sera heureuse de vous y accueillir. De la mรชme faรงon nous sommes prรชts ร vous aider pour conclure avec la Communautรฉ europรฉenne un accord de commerce et de coopรฉration qui, lorsque les progrรจs de votre rรฉforme รฉconomique le permettront, devra se transformer en accord d’association. (โฆ) je rรฉpรจte qu’il n’est aucun secteur dans lequel la France ne puisse, d’une faรงon ou d’une autre, contribuer ร votre redressement ยป. De fait se met rapidement en place plusieurs accords de coopรฉration bilatรฉraux dans denombreux domaines parmi lesquels la Dรฉfense, les sciences, et le transport. En effet la Lettonie fait รฉgalement partie des premiers pays anciennement soviรฉtiques avec lequel le ministรจre de la Dรฉfense franรงais a mis en place des accords de coopรฉration. Le ministre de la Dรฉfense, Pierre Jox, est lโun des premiers ministres de la Dรฉfense europรฉen se rendre en Lettonie en janvier 1993, quelques mois aprรจs le Prรฉsident Franรงois Mitterrand. Le 11 mai 1994 un accord sur la coopรฉration dans le domaine de la Dรฉfense est signรฉ entre la France et la Lettonie, reprรฉsentรฉes par les ministรจres de la Dรฉfense respectif. Lโaccord dispose lโรฉlaboration annuelle dโun plan dโaction commun et dโopรฉrations concrรจtes de formation et dโapprentissage ainsi que le soutien de la France ร la Lettonie en matiรจre de sรฉcuritรฉ collective par la tenue de consultations annuelles bilatรฉrales sur les sujets de sรฉcuritรฉ europรฉenne et transatlantique.
LE ROLE DE LA FRANCE DANS LโINTEGRATION E UROPEENNE DE LA LETT ONIE
Au cรดtรฉ de la rรฉaffirmation de lโEtat letton par lโรฉtablissement de la continuitรฉ de la Constitution de 1922 et la recherche de perspectives pour son identitรฉ culturelle, la recherche de sรฉcuritรฉ du jeune Etat sโimpose comme une prioritรฉ de la politique รฉtrangรจre. De fait, la stabilitรฉ politique intรฉrieure se retrouve intrinsรจquement liรฉe avec le dรฉveloppement de la sรฉcuritรฉ extรฉrieure du pays. Cโest dans ce but quโa รฉtรฉ entreprise, dรจs la reconnaissance de la Lettonie et le rรฉtablissement des relations diplomatiques, la reconstruction des institutions assurant la reprรฉsentation du pays ร lโinternational : le ministรจre des Affaires รฉtrangรจres, le ministรจre de la Dรฉfense, les forces armรฉes mais aussi le corps diplomatique. Lโadhรฉsion rapide aux institutions internationales et le rapprochement avec des pays clefs constituaient ร ce titre une premiรจre รฉtape importante, la seconde รฉtant de sโappuyer sur ces soutiens afin dโintรฉgrer lโOTAN et lโUnion Europรฉenne. La reconstruction progressive des liens avec la France et le rรจglement des questions bilatรฉrales va amener cette derniรจre ร jouer un rรดle politique volontaire et modeste dans lโintรฉgration europรฉenne de la Lettonie en tout en participant de maniรจre limitรฉe sur le plan รฉconomique derriรจre les procรฉdures et les programmes menรฉs par lโUnion europรฉenne. Signรฉ le 2 mars 1993, un premier ยซ traitรฉ d’entente, d’amitiรฉ et de coopรฉration entre la Rรฉpublique franรงaise et la Rรฉpublique de Lettonie ยป entrรฉ en vigueur le 29 mars 1995 prรฉvoit entre autres un dรฉveloppement de la coopรฉration bilatรฉrale et multilatรฉrale ainsi quโun engagement de la France ร ยซ favoriser le dรฉveloppement et lโapprofondissement des relations entre la Lettonie et les Communautรฉs Europรฉennes ยป accompagnรฉ dโun soutien ร lโentrรฉe de la Lettonie au Conseil de lโEurope . La France soutient une politique communautaire volontaire envers la Lettonie et de ses voisins baltes depuis la signature dโaccords de coopรฉration internationale europรฉen dรจs 1989 visant ร permettre ร ces pays ร accรฉder plus facilement ร accรฉder aux marchรฉs europรฉens, de fournir des aides financiรจres et une assistance technique selon quatre axes principaux : libre-รฉchange avec lโUE, coopรฉration industrielle et technique et scientifique, programme de soutien financier ร long terme, mรฉcanisme de dialogue politique. A cette fin, la France soutient dans le mรชme temps la mise en place du programme ยซ PHARE ยป dโassistance ร la restructuration รฉconomique des pays dโEurope centrale et orientale ร partir du 1er janvier 1992. Ce programme permet dโassister le pays par un soutien financier et humanitaire important (budget passant de 3.5 milliards de francs en 1989 ร 7.10 milliards de francs en 1992) en particulier de la France qui fournit plusieurs ambulances ร lโHรดpital Universitaire de Riga . Partie intรฉgrante du programme ยซ PHARE ยป, le sous-programme ยซ TEMPUS ยป a รฉtรฉ crรฉรฉ en 1990 afin de promouvoir la qualitรฉ, le dรฉveloppement et la restructuration des systรจmes dโenseignement supรฉrieur dans les pays dโEurope centrale et Orientale ainsi que dโengager une coopรฉration avec les pays europรฉens dans le domaine de lโรฉchange universitaire et professionnel . Le programme ยซ PHARE ยป comprends รฉgalement le versement dโaides financiรจres non remboursable au dรฉveloppement des rรฉgions frontaliรจres, qui sโรฉlรจvent ร 161.6 millions dโรฉcus entre 1990 et 1997 dont 14.2 millions dโรฉcus entre 1994 et 1997 concernant le dรฉveloppement transfrontalier de la rรฉgion de la Mer baltique. Le 18 juillet 1994, lโapprofondissement du libreรฉchange entre lโUnion Europรฉenne permet la meilleure circulation des marchandises lettones ร lโintรฉrieure du marchรฉ europรฉen. Des accords dโassociations signรฉs le 12 juin 1995 entre lโUnion europรฉenne et les pays baltes complรจtent de dispositif รฉconomique et politique, ยซ รฉlรฉments-clรฉs de la stratรฉgie de prรฉadhรฉsion ยป et de soutenir le processus dโintรฉgration de ces pays.
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Table des matiรจres
REMERCIEMENTSย
SOMMAIREย
INTRODUCTIONย
PARTIE I โ DโINCONNUE A ALLIEE : UN SIECLE DE RELATIONS DIPLOMATIQUES
FRANCO-LETTONESย
CHAPITRE PREMIER โ LE ROLE DE LA FRANCE DE LโINDEPENDANCE DE LA LETTONIE A
LโOCCUPATION SOVIETIQUE (1914-1989)
CHAPITRE II โ LA RENAISSANCE DES RELATION BILATERALE FRANCO-LETTONES APRES LA FIN DE LA GUERRE FROIDE (1989-2004)
CHAPITRE III โ DE LโINTEGRATION AU RESEAU DIPLOMATIQUE FRANรAIS A LA COOPERATION BILATERALE A PART ENTIERE (2004-2018)
PARTIE II โ UNE COOPERATION A LโECHELLE DE LโEUROPE ET DU MONDEย
CHAPITRE IV โ LA LETTONIE DANS LE PROJET EUROPEEN DE LA FRANCE
CHAPITRE V โ LA LETTONIE : UN PARTENAIRE PARFOIS DIFFICILE
CHAPITRE VI โ LA PLACE DE LA LETTONIE DANS LA DIPLOMATIE GLOBALE DE LA FRANCE
PARTIE III – SOCIOLOGIE DES RELATIONS DIPLOMATIQUES FRANCO-LETTONES
CHAPITRE VII โ COMMENT LES RELATIONS PERSONNELLES FAรONNENT-ELLES LโACTION
DIPLOMATIQUE ?
CHAPITRE VIII โ LโAMBASSADE DE FRANCE EN LETTONIE
CHAPITRE IX โ LโAMBASSADE : UNE STRUCTURE SOCIALE PARTICULIERE
CONCLUSION GENERALEย
BIBLIOGRAPHIEย
RESUME
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