Les récentes directives Européennes instaurent la fin de la production de moteurs thermiques en 2035. Le stockage et l’utilisation d’énergies issues de ressources renouvelables devient dès lors un enjeu majeur pour l’industrie automobile. Sa survie et son développement sont ainsi désormais intimement liées aux performances des appareils de stockage de l’énergie.
Ce diagramme de Ragone permet de mettre en évidence l’existence d’un vide technologique : aucun dispositif ne permet à la fois de stocker une grande densité d’énergie et de la délivrer avec une grande densité de puissance. Combler ce vide technologique est un enjeu majeur, en particulier pour le monde automobile, qui sous-tend une intense activité en recherche fondamentale et appliquée au plus haut niveau international. Le développement des batteries tout-solide est actuellement un axe de recherche privilégié. Ces systèmes associent un électrolyte solide à une anode en lithium métal.
Les électrolytes performants utilisés actuellement requièrent l’utilisation de solvants organiques souvent toxiques, volatiles et inflammables. Malgré de bonnes propriétés électrochimiques, pour des raisons de sécurité (emballement thermique en cas de croissance dendritique, danger pour l’utilisateur ou l’environnement en cas de rupture du système), ils ne peuvent être utilisés face à une électrode de lithium solide. Les liquides ioniques présentent une tension de vapeur basses (10⁻⁷ mbar), sont peu volatiles, ininflammables jusqu’à 300°C. Ils sont, d’autre part, particulièrement stables thermiquement, chimiquement et électrochimiquement. Ces particularités leur confèrent la capacité d’être de bons candidats d’électrolytes à mettre en œuvre dans des dispositifs présentant une sécurité d’utilisation maximale. Ils sont toutefois très visqueux et s’auto-organisent en domaines nanométriques en constante réorganisation. Cette nanostructure induit l’existence de barrières de potentiels transitoires qui pénalisent la diffusion des électrolytes à longue distance et donc leur confère une faible conductivité. En particulier, les modestes propriétés de transport du lithium d’une électrode à l’autre a pour conséquence directe une faible puissance du dispositif, un critère très limitant pour un véhicule à propulser.
Sous confinement nanométriques, les propriétés physiques des liquides moléculaires diffèrent significativement de celles de leur analogue en volume (bulk). Par exemple, au sein de NanoTubes de Carbone (NTC) de 1,4 nm de diamètre, les molécules d’eau ne peuvent plus s’organiser selon l’agencement tétraédrique qu’elles adoptent en bulk. Elle se structure selon une organisation spécifique et frustrée (modification du réseau de liaisons hydrogènes) où un cœur de molécules en file indienne selon l’axe du NTC est encadré d’une couronne de molécules adossées à la paroi.
Les molécules centrales n’engageant pas les 4 liaisons hydrogènes qui permettent de minimiser leur énergie présentent alors des propriétés dynamiques originales : elles montrent un comportement de dynamique diffusive à des températures aussi basses que 160 K. L’une des conséquences est qu’à l’échelle macroscopique, sous pression, la vitesse d’écoulement de l’eau confinée à l’intérieur des NTC est trois ordres de grandeurs supérieure à ce que prédisent les estimations des calculs d’hydrodynamiques classiques.
Des résultats expérimentaux récents (obtenus par spectroscopie d’impédance) montrent des gains de conductivité significatifs de liquides ioniques confinés au sein des membranes d’alumine poreuses constitué de nanopores macroscopiquement verticalement alignés. D’autre part, des simulations numériques par dynamique moléculaire montrent un remplissage spontané des NTC et une augmentation de jusqu’à deux ordres de grandeur, du coefficient d’autodiffusion du LI confiné par rapport à la situation bulk. Un arrangement des molécules de LI en cylindres concentriques a également été proposé, et pourrait favoriser la diffusion de charges dans l’axe des NTC. Dans ce contexte, l’objectif de cette thèse et de mettre à profit le confinement nanométrique unidimensionnel pour proposer un séparateur de batterie tout-solide original à base de liquides ioniques confinés dans des NTC verticalement alignés macroscopiquement .
Dans un système de ce type, nous découplons les propriétés de transport de l’électrolyte de la tenue mécanique du séparateur. L’objectif du confinement des LI dans les NTC est double :
i) frustrer la formation spontanée des agrégats nanométriques observée en bulk qui limitent la conductivité,
ii) mettre à profit le gain direct d’un facteur 3 des propriétés de transport induit par une diffusion unidimensionnelle.
Une problématique impliquant à la fois des distances nanométriques (le diamètre des NTC) et macroscopiques (la longueur des NTC) conduit naturellement à une approche multi-échelle. La dynamique du fluide confiné, sera donc étudiée sur des échelles spatiales et temporelles allant du nanomètre au millimètre et de la picoseconde à la milliseconde respectivement.
Contexte
L’Environnement est un des enjeux majeurs de notre époque. Les rapports alarmistes se succèdent quant à l’évolution du climat et de nombreuses préoccupations sociétales qui en découlent. La transition énergétique initiée depuis, maintenant plus de trente ans, tarde à se mettre en place. Les pays européens sont lents à décarboner leur production d’énergie en abandonnant les énergies fossiles au profit de sources renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque, par exemple, pour venir en complément du nucléaire. D’ici 2030, l’Union Européenne s’est engagée à ce qu’un tiers de sa production d’énergie soit issue de sources renouvelables.Toutefois, du fait de leur intermittence, ces sources de production ne sont pas toujours disponibles au moment souhaité. La demande en énergie, qui varie en fonction des saisons – forte l’hiver et moindre en été – révèle certains paradoxes. Les panneaux solaires par exemple produisent davantage d’énergie l’été, mais celle-ci n’est pas forcément utilisée dans l’immédiat et se retrouve parfois perdue faute de moyen efficace de stockage de l’électricité.
Le secteur automobile amorce également une transition spectaculaire. Les moteurs thermiques sont peu à peu remplacés par des moteurs électriques. En 2021 ils représentent 10% du marchéi et le secteur continue son essor tandis que les véhicules thermiques n’attirent plus le consommateur. Les fleurons de l’industrie automobile cherchent tous un moyen de développer l’autonomie, le temps de recharge et la sécurité de leurs batteries. C’est une période charnière pour tous les acteurs de la filière. Remplacer le parc automobile actuel par des véhicules 100% électriques pourrait d’ailleurs permettre de disposer de suffisamment de moyens de stockage de l’énergie afin d’éviter les pertes liées aux fluctuations de production des énergies renouvelables.
Aujourd’hui, la plupart des batteries secondaires utilisent la technologie lithium-ion. On parle de batteries secondaires pour désigner les appareils rechargeables. Un long chemin a été parcouru depuis les premiers travaux d’Alessandro Volta qui ont ouvert la voie au stockage électrochimique de l’énergie.
Les accumulateurs lithium-métal
Au sommet de ce diagramme (Figure 6), on retrouve la technologie lithium-métal. Dans ce cas-ci l’anode est un feuillet de lithium solide. L’utilisation du lithium à l’anode permet de compter sur un réservoir de lithium infini et donc sur une capacité spécifique impressionnante : 3860 mAh.g-1. A titre d’exemple, les matériaux à base de graphite utilisés actuellement dépassent difficilement 350 mAh.g-1.
Cette technologie est toutefois limitée à cause de la trop grande réactivité du lithium. Dans le cas d’une charge trop rapide ou bien lors de trop nombreuses charges et décharges de l’appareil, le lithium va s’accumuler sur l’électrode négative et va croitre à sa surface par électrodéposition. Des fils de lithium solide vont alors pousser dans le système. C’est ce qu’on appelle les dendrites . Ces fils, s’ils connectent les deux électrodes peuvent conduire au court-circuit de la batterie et donc à son emballement thermique. C’est un problème de sécurité majeur qui peut mettre en danger l’utilisateur. Il existe des cas de figure où la batterie prend feu consécutivement à un court-circuit, lorsque toute l’énergie de la batterie est brusquement libérée au contact de l’électrolyte, qui est inflammable. Les matériaux d’insertion (souvent à base de graphite) utilisés à l’anode des batteries Lithium-ion limitent cette croissance dendritique mais possèdent des énergies massiques et volumiques moins élevées que les feuillets de lithium métallique seuls.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. CONTEXTE
II. LES ACCUMULATEURS LITHIUM-METAL
1. ÉLECTROLYTES SOLIDES INORGANIQUES
a. LISICONs et Thio-LISICONs
b. Argyrodites
c. Grenats
d. Pérovskites
e. Vitrocéramiques
2. ÉLECTROLYTES SOLIDES POLYMERES
a. Quelques électrolytes polymères
b. Améliorer la conductivité des électrolytes polymères
c. Copolymères à blocs
3. ÉLECTROLYTES SOLIDES COMPOSITES
a. Charges passives
b. Charges actives
c. Couches successives
d. Structures nanoporeuses tridimensionnelles
III. LES NANOTUBES DE CARBONE (NTC)
1. UTILISATION DANS DES BATTERIES LITHIUM-ION
2. POUR LES FUTURS SYSTEMES LITHIUM-SOUFRE
3. UTILISATION DANS LES BATTERIES LITHIUM-AIR
IV. LES LIQUIDES IONIQUES (LI)
1. APPLICATIONS
a. En synthèse organique
b. Les LI dans l’industrie
c. Dans le domaine de l’énergie
2. STRUCTURE ET PROPRIETES DE TRANSPORT
a. LI en volume (bulk)
b. Structure et dynamique en confinement
V. CONCLUSION
VI. REFERENCES
CONCLUSION