Theodore Schultz (1979) disait : « Pour la plupart, les habitants de la planète sont pauvres ; par conséquent, étudier l’économie de la pauvreté nous apporterait beaucoup de renseignements sur les principes économiques qui comptent vraiment. Partout dans le monde, les pauvres tirent en majorité leur revenu de l’agriculture ; par conséquent, étudier l’économie agricole nous apporterait beaucoup de renseignements sur l’économie de la pauvreté » . D’ailleurs, Cervantes-Godoy D. et Dewbre J. (2010) appuient cette vision de Schultz en démontrant l’importance économique de l’agriculture.
Dans toute société, l’activité économique tourne autour de trois secteurs : le secteur primaire dont principalement l’agriculture, le secteur secondaire avec les industries, et le secteur tertiaire dominé par les services. La part de ces trois secteurs dans la croissance économique dépend du niveau de développement d’un pays à l’autre. Dans les pays développés, l’industrie et le commerce sont florissants, de même pour l’agriculture même si ce dernier n’emploi qu’un infime pourcentage de la population active, habituellement 10% des actifs (3% pour les Etats-Unis). Dans la majorité des pays en développement les plus démunis – Chine et Inde incluses – elle occupe, au minimum, de 60% à 70% de la population active locale (Gillis M. et al., 1998). L’agriculture demeure un secteur d’activité essentiel pour l’amélioration des conditions de vie des populations les plus pauvres. Selon le Fonds international de développement agricole (FIDA, 2011), 70% des pauvres vivent encore en milieu rural et dépendent essentiellement de l’agriculture pour survivre. Compte tenu des résultats obtenus dans certains pays en développement, l’atteinte de l’un des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) visant à réduire de moitié le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté et dans la faim d’ici 2015 (Objectif 1) reste néanmoins réaliste.
Situation de l’agriculture mondiale
Histoire et théories sur l’agriculture
Origine de l’activité agricole et son évolution dans le temps
Au tout début, pour se nourrir, l’homme est chasseur-cueilleur. C’est la seule profession exercée pour satisfaire son besoin le plus fondamental : « manger pour survivre ». Il parcourait de vastes territoires en quête de grains, de glands et de gibier. « L’homme manipula la nature et la domina. Sa perpétuelle errance s’arrêta lorsqu’il décida d’abandonner sa vie de nomade, aléatoire et risquée pour se fixer sur des terres avec des animaux domestiqués à ses côtés» (Bodin-Rodier D. et Blanchet J., 1997, p. 7). L’homme changea ainsi de métier, sans doute sans le savoir, de prédateur courageux il devint agriculteur-éleveur. Depuis, des civilisations se sont formé le long des cours d’eau où l’homme cultive la terre. La présence de l’eau est donc fondamentale pour l’activité agricole et l’élevage. L’homme n’a plus besoin de changer d’endroit où vivre pour se nourrir. Il commença à construire des habitats, à labourer la terre. L’agriculture liée avec l’élevage devient ainsi les premières activités économiques de l’homme. Mais en même temps, il taillait des statuettes, il sculptait et façonnait des terres cuites. L’homme est devenu aussi artisan, et la fabrication artisanale a été destinée à l’agriculture dans sa majorité.
De la Mésopotamie aux Andes, l’homme fit surgir les premières techniques agricoles ainsi qu’une diversité de productions. Plus le temps passait, plus la population a augmenté, et plus les champs de culture s’agrandissait. Les échanges de produits agricoles naissaient par la suite, et des marchés furent créés pour la réalisation de ses échanges. Depuis l’apparition de l’agriculture, elle a occupé la majorité de la population. A l’âge des Cathédrales jusqu’au siècle des Lumières, la place de ce secteur était non seulement d’ordre économique et commerciale, mais aussi d’ordre politique. L’agriculture n’a cessé de s’évoluer et la production s’est beaucoup plus diversifiée. Les techniques de production agricole s’améliorait et devenait de plus en plus efficace. « Les progrès révolutionnaires de la production, de la nutrition, de la démographie furent tels que […] de nouvelles classes sociales productives et improductives se formèrent avec l’essor des villes et des manufactures » (Bodin Rodier D. et Blanchet J., 1997, p. 7). Le monde industriel ainsi créé détrôna le monde rural, et l’agriculture moderne remplaça le paysan et maîtrisa tous les outils que l’industrie lui avait apportés. L’homme créa alors dans les régions, de grands bassins agricoles aux cultures intensives spécialisées. La production agricole explosa et matraqua la nature. L’agriculteur-éleveur le plus téméraire, traditionnellement polyvalent, transforma l’agriculture en une vaste usine monofonctionnelle.
A l’époque d’aujourd’hui, le XXIème siècle, l’agriculture continue sur sa lancée et prospère dans les pays développés. Tandis que dans les pays en développement, les paysans majoritairement ruraux n’arrivent pas à suivre le rythme de ces pays à agriculture modernisée. « Aujourd’hui, notre société agricole au double visage […] se compose ainsi de deux mondes, aux objectifs, aux systèmes, aux valeurs, totalement différents et l’un et l’autre contenant tous les ingrédients pour entrer en conflit. […] D’un côté, une poignée d’agrimanagers performants des grands bassins de production (céréaliers, betteraviers, laitiers, …) se comportant avec les traders comme des chefs de PME dynamiques, ouverts au monde et jouant parfaitement la carte de la mondialisation. […] Et enfin, le deuxième monde agricole, les autres … plus nombreux, les exploitants agricoles traditionnels qui bénéficient de structures de type familial. […] Ils luttent pour vivre et survivre. » (BodinRodier D. et Blanchet J., 1997, p.9-10). Telle est l’image de l’activité agricole de nos jours après de longue évolution historique.
L’agriculture suivant l’histoire de la pensée économique
Dans chaque courant de pensée, l’agriculture a eu sa place correspondante que se soit mercantiliste, physiocrate ou classique. Il s’agit ici donc de déterminer cette place de l’agriculture dans les grands courants de pensée économiques.
L’agriculture et les Mercantilistes (XVème – XVIIème siècle):
Les thèmes économiques du courant mercantiliste sont principalement la réflexion sur le commerce international, le rôle de la monnaie et l’intervention de l’Etat dans l’économie. Le mercantilisme est une doctrine et politique économique selon laquelle la richesse d’un pays est facteur de son stock d’or et d’autres métaux précieux. Les pays doivent donc les accumuler en exportant, sans importer. Selon eux, comme la richesse repose sur l’or que détient un pays, il faut exporter beaucoup et être payé en or ou convertir les gains en or. Les importations sont limitées car elles sont considérées comme néfastes. Les mercantilistes développent ainsi une pensée protectionniste (Zeng, 2009). Dans la doctrine mercantiliste, l’agriculture reste une activité servant à produire la nourriture. Cependant, il ne suffit pas seulement de répondre aux besoins du pays, mais également envahir d’autres marchés extérieurs. Des biens manufacturés artisanalement, et même de la nourriture sont exportés pour augmenter la réserve d’or et de métaux précieux, à condition de ne pas importer. Les mercantilistes n’accordent ainsi donc que peu d’importance à l’agriculture.
L’agriculture et les Physiocrates (XVIIIème siècle)
Avec Quesnay en tête, les physiocrates s’opposent au mercantiliste sur le commerce international, ils sont en faveur de l’économie libérale interne et externe. Les physiocrates anticipent déjà l’idée d’autorégulation, base du libéralisme, sans pour autant parler de marché. Ils préconisent que la propriété privée est primordiale, que la rencontre d’acheteur et de producteur crée le bon prix, qu’il existe un ordre naturel gouverné par des lois qui lui sont propres. Pour les physiocrates, la richesse repose sur l’agriculture, seul le travail de la terre est productif. Les agriculteurs sont appelés « la classe productive » tandis que l’industrie ne crée rien, elle transforme les matières premières produites par l’agriculture, et le commerce ne fait que déplacer la production agricole et industrielle (Zeng, 2009). La seule activité productive, pour les physiocrates, est l’agriculture. Elle tient donc la place la plus importante de la vie économique pendant le XVIIIème siècle. La terre multiplie les biens, c’est-à-dire qu’une graine semée produit plusieurs graines. L’émergence de la physiocratie s’effectue ainsi alors que le monde entre dans une période d’essor agricole qui sera influencée par le Siècle des Lumières.
L’agriculture et les Classiques
Pour les classiques, le mode d’allocation des ressources qui permet la meilleure régulation économique est le marché, il permet également la coordination si on laisse-faire le marché concurrentiel. Avec la propriété privée des moyens de production, l’objectif des entreprises est de faire du profit pour ensuite accumuler du capital. La fixation du prix des biens résultent de la confrontation de l’offre et de la demande (Zeng, 2009).
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : CADRE THEORIQUE SUR L’AGRICULTURE
Chapitre 1 : Situation de l’agriculture mondiale
Section 1 : Histoire et théories sur l’agriculture
Section 2 : Etat des lieux de l’agriculture mondiale
Chapitre 2 : Les rôles de l’agriculture
Section 1 : Les rôles de l’agriculture dans la lutte contre la pauvreté
Section 2 : Les rôles de l’agriculture dans la préservation de l’environnement et l’alimentation
Partie 2 : L’AGRICULTURE A MADAGASCAR
Chapitre 3 : La place de l’agriculture dans le pays
Section 1 : L’importance du secteur agricole pour l’économie malgache
Section 2 : Les conditions d’existence de l’agriculture : les caractéristiques physiques du pays
Chapitre 4 : La production agricole malgache
Section 1 : Les facteurs de production de l’agriculture à Madagascar : la terre, le travail, et les intrants agricoles
Section 2 : Les techniques de production, le marché et les prix agricole à Madagascar
Partie 3 : PROBLEMES ET POLITIQUES AGRICOLES A MADAGASCAR
Chapitre 5 : Les problèmes de l’agriculture malgache
Section 1 : Bilan du secteur agricole
Section 2 : Les différents problèmes rencontrés par l’agriculture malgache
Chapitre 6 : Analyse des politiques agricoles
Section 1 : Les réussites et les échecs des politiques agricoles malgache
Section 2 : Madagascar face à l’insécurité alimentaire et la libéralisation de l’agriculture
Conclusion