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La chimie de HOx en couche limite
L’aspect central du rôle du radical hydroxyle OH dans la chimie troposphérique a pour la première fois été étudié par Levy (1971) qui a proposé qu’il pourrait être produit par des réactions photochimiques en raison du cycle diurne de sa concentration, corrélé à l’ensoleillement solaire. Depuis lors, les radicaux hydroxyles HOx, correspondant à la somme de OH et du radical hydroperoxyle HO2, ont été particulièrement étudiés. Il a été déterminé en particulier que le radical OH constitue le principal agent oxydant au sein de la troposphère pour la majorité des gaz. Il contrôle ainsi leur temps de vie et évite leur accumulation. Il est également impliqué dans la formation de polluants secondaires comme l’ozone via un cycle où des radicaux sont consommés et régénérés (Figure 3.1). Les concentrations de HOx sont plus importantes en milieu pollué où des valeurs jusqu’à 0.8 et 80 pptv ont été mesurées pour OH et HO2 respectivement à Nashville par Kovacs et al. (2003); Thornton (2002), et plus faibles en milieu biogénique avec des concentrations maximales de 0.25 et 55 pptv observées au Surinam par Lelieveld et al. (2008); Butler et al. (2008a); Kubistin et al. (2010). La variabilité des HOx est contrôlée par leur production d’une part et les concentrations de NOx d’autre part (Logan et al., 1981).
Description du bilan de HOx Production de HOX
La production de OH dans la troposphère implique ainsi plusieurs espèces dans un cycle où les radicaux sont à la fois produits et détruits (Figure 3.1). Le plus important terme de production de OH correspond à la photolyse de l’ozone avec un rayonnement dont la longueur d’onde est inférieure à 320 nm. C’est une source primaire de HOx car elle ne nécessite pas l’intervention de molécule de OH ou HO2.
O3 + hν −−−−−→ O(1D) + O2 (3.1a)
O(1D) + M −→ O(3P) (3.1b)
O(3P) + O2 −→ O3 (3.1c)
O(1D) + H2O −→ 2OH (3.1d)
La réaction 3.1a produit un atome d’oxygène excité O(1D) et une molécule de dioxy-gène. Par collision avec les molécules de diazote et de dioxygène (représentées par M), O(1D) est rapidement ramené à un état d’équilibre O(3P ) (réaction 3.1b), qui réagit à son tour avec le dioxygène de l’atmosphère pour former de l’ozone (réaction 3.1c). Seule une fraction d’environ 10% de O(1D) réagit avec la vapeur d’eau pour former le radical OH (réaction 3.1d). La formation du radical OH qui provient de cette fraction va déterminer la capacité oxydante de la troposphère. C’est de loin la source la plus importante de HOx à l’échelle globale.
Une source secondaire de OH est l’oxydation du méthane (Logan et al., 1981; Wenn-berg, 1998) :
CH4 + OH −→ CH3O2 + H2O (3.2a)
CH3O2 + NO −→ HCHO + HO2 + NO2 (3.2b)
Le formaldéhyde ainsi obtenu peut ensuite être photolysé : 300<λ<350nm (3.3a)
HCHO + hν −−−−−−−−→ H + HCO
H+O2+M −→HO2+M (3.3b)
HCO + O2 −→ HO2 + CO (3.3c)
Bien qu’une molécule de OH soit consommée dans la réaction initiale 3.2a, plus de HOx sont produits. La réaction est dite autocatalytique puisqu’elle nécessite la présence d’une molécule de HOx pour être initiée. Cette source représente un facteur d’amplification des sources primaires. Finalement, les radicaux HO2 réagissent avec NO, lorsqu’il est en quantité suffisante, pour produire des radicaux OH : HO2 + NO −→ OH + NO2 (3.4)
La quantité de HOx produits dépend donc des concentrations de NOx. L’acide nitreux HON O est un autre terme de production de OH. C’est un composé dont la photolyse est le principal puits et s’accumule la nuit. Sa photolyse produit OH, surtout en milieu pollué où de grandes concentrations de HON O sont présentes : HONO + hν −−−−−−−−→ HO + NO (3.5)
Pour des hydrocarbures plus complexes, les réactions peuvent être différentes. Le ra-dical OH peut être recyclé via les réactions impliquant R, un radical hydrocarboné initié par l’oxydation des hydrocarbures RH :
RH+OH −→R+H2O (3.6a)
R+O2+M −→RO2+M (3.6b)
RO2 + NO −→ RO + NO2 (3.6c)
RO + O2 −→ R0CO + HO2 (3.6d)
A l’issue de la réaction 3.6d, des composés R’CO, correspondant à des COV oxygénés (OVOC) tels les cétones ou les aldéhydes, peuvent être photolysés pour former soit des radicaux hydroperoxyle HO2 ou peroxyle RO2 (figure 3.1). Le radical HO2 pouvant ensuite réagir suivant l’équation 3.4 pour produire un radical hydroxyle OH. Dans un environ-nement biogénique où les concentrations de NOx sont faibles, le radical hydroperoxyle tendra à réagir avec l’ozone suivant la réaction :
HO2 + O3 −→ OH + 2O2 (3.7)
Le résultat de l’oxydation d’un composé hydrocarboné peut donc être soit un puits, soit une source nette de HOx, en fonction notamment des concentrations de NOx présentes.
Les puits de radicaux HOx sont relativement bien connus en phase gazeuse, à l’excep-tion des puits en phase hétérogène à la surface des aérosols. En moyenne sur l’ensemble de la troposphère, le radical OH réagit pour près de 50% avec le monoxyde de carbone et le méthane (Lelieveld et al., 2016). Le reste correspond à des réactions impliquant des composés moins abondants comme le dioxyde d’azote NO2 ou des hydrocarbures non-méthaniques (NMHCs). Cependant, la quasi totalité de ces réactions font partie intégrante du cycle radicalaire présenté dans la partie précédente. Il est donc important de disso-cier les réactions de perte nette pour les radicaux et les composés réagissant avec OH et constituant une perte immédiate pour le radical hydroxyle. D’autant plus que de grandes disparités existent entre les environnements urbains ou naturels.
Dans un milieu influencé par des émissions biogéniques et relativement pauvre en NOx, les principales pertes pour le cycle des radicaux peroxyles ROx sont représentées par des réactions entre radicaux pour former du peroxydes d’hydrogène H2O2 ou des hydroperoxydes organiques ROOH :
HO2 + HO2 −→ H2O2 + O2 (3.8a)
RO2 + HO2 −→ ROOH (3.8b)
En milieu urbain, les NOx constituent les principaux puits de radicaux via la formation de HNO3 et de HONO, espèces solubles dans l’eau pouvant ensuite être éliminées par lessivage :
NO2+OH+M −→HNO3+M (3.9a)
NO+OH+M −→HONO+M (3.9b)
Toutefois, les espèces H2O2, HONO et HNO3 peuvent être photolysées ou bien réagir avec OH pour alimenter le cycle des radicaux. Ces espèces représentent des termes puits seulement si elles réagissent avec plus de radicaux qu’elles n’en produisent en retour.
Les réactions de destruction du radical OH à un instant donné sont aussi dépendantes du milieu considéré. En milieu naturel et en couche limite, l’isoprène constitue le principal puits de OH. Il est le COV d’origine biogénique le plus émis dans l’atmosphère (Guenther et al., 1995) et est très réactif vis-à-vis du radical hydroxyle. Les produits d’oxydation de l’isoprène sont également des puits importants pour OH, tout comme les monoterpènes et les sesquiterpènes qui font partie des COV biogéniques. Yang et al. (2016) ont mené une revue de différentes campagnes de mesures de la réactivité du radical OH, en zones urbaines et forestières. En milieu naturel, il a été observé que le monoxyde de carbone CO, les NOx ainsi que les composés carbonylés pouvaient être des voies de destruction plus ou moins importante de OH, sans toutefois égaler la prédominance des COV d’origine biogénique dans le bilan chimique du radical hydroxyle. Dans un milieu influencé par les émissions anthropiques, la prépondérance des principaux puits varie en fonction des sources d’émissions. En couche limite, les composés inorganiques comme le CO ou les NOx représentent à eux seuls près de la moitié de la destruction de OH (Yang et al., 2016).
En plus de participer aux réactions en phase gazeuse, le radical HO2 est également adsorbé par les aérosols (Jacob, 2000). Ce processus réduit les concentrations de HO2 mais également de OH et d’ozone. Cela a par exemple été démontré dans la troposphère arctique grâce à l’étude de Mao et al. (2010a) qui a permis de quantifier le rôle de la chimie en phase hétérogène sur les concentrations de HO2. Selon les auteurs, l’adsorption de HO2 par l’aérosol peut diminuer de près d’un tiers les concentrations des HOx en raison des basses températures augmentant l’efficacité de l’adsorption. Cependant, de grandes incertitudes demeurent sur les puits de HO2 en phase hétérogène (Macintyre and Evans, 2011). Ce processus n’est pas pris en compte dans cette étude.
Mécanismes potentiels de recyclage de OH
Depuis la première campagne de mesures dans un environnement forestier dans le Colorado en 1991 (Eisele et al., 1994), des écarts entre la concentration de OH modélisée et mesurée ont été constatés avec une surestimation du modèle d’un facteur 4. Depuis lors, de nombreuses mesures de radicaux HOx ont été réalisées lors de campagnes dans une forêt du Colorado (McKeen et al., 1997; Cantrell et al., 1997), du nord-ouest de la Grèce (Carslaw et al., 2001), dans le nord du Michigan (Tan et al., 2001; Faloona et al., 2001), dans le nord de l’Amérique (Ren et al., 2008), du Surinam (Lelieveld et al., 2008; Butler et al., 2008a; Kubistin et al., 2010), d’un environnement rural du sud de la Chine (Lu et al., 2012; Hofzumahaus et al., 2009), de Californie (Wolfe et al., 2011) et de Bornéo (Pugh et al., 2010; Stone et al., 2011c) notamment. Toutes ces études ont trouvé de profonds désaccords entre les observations et les simulations de concentration de OH et moins fréquemment de HO2, qu’il s’agisse de modèles de boîtes ou de modèles 3D. Une surestimation de OH et HO2 a été simulée par Eisele et al. (1994) ou encore par McKeen et al. (1997) respectivement de l’ordre de 50% et 300%, tandis que le radical OH a une concentration systématiquement sous-estimée par les modèles dans le reste des études citées. Les observations de concentrations de OH peuvent être entre 3 et 12 fois supérieures aux valeurs simulées. L’étude de Elshorbany et al. (2012) a confirmé que les plus fortes disparités sont relevées dans les milieux riches en COV et très pauvres en NOx. C’est par exemple le cas au Surinam où le plus gros écart entre observations et simulations a été relevé (Lelieveld et al., 2008; Butler et al., 2008a; Kubistin et al., 2010). Une valeur simulée de concentration inférieure dans les modèles aux observations suggère soit une sous-estimation des termes sources soit une surestimation des puits.
Pour pallier à ces désaccords, de nombreux mécanismes réactionnels ont été proposés dans lesquels le radical hydroxyle OH est recyclé soit lors de réaction de HO2 avec des radicaux peroxyles RO2, soit au cours de l’oxydation de l’isoprène ou des produits ré-sultants de son oxydation. A l’aide du Master Chemical Mechanism (Jenkin et al., 2003; Saunders et al., 2003) contenant près de 5600 espèces et 13500 réactions, Stone et al. (2011c) et Archibald et al. (2010) ont testé un grand nombre de mécanismes proposés dans la littérature et ont comparé les résultats aux observations de la campagne OP3 de Bornéo. Parmi eux est présente la formation de OH lors de l’oxydation de l’isoprène, lors de la réaction entre HO2 et RO2 (Butler et al., 2008b; Lelieveld et al., 2008), lors de la réaction entre l’hydroperoxide ISOPOOH et OH (Paulot et al., 2009) et lors de décompo-sition moléculaire de produits d’oxydation de l’isoprène (da Silva, 2010a,b, 2011; Peeters et al., 2009; Peeters and Müller, 2010). Cependant, aucun de ces mécanismes n’a réussi à réconcilier les valeurs mesurées et modélisées de concentration de OH et HO2.
Dans les environnements urbains, les concentrations mesurées de HOx sont générale-ment bien reproduites par les modèles comme par exemple à New York en 2001 (Ren, 2003a,b; Cai et al., 2008), à Mexico en 2003 (Shirley et al., 2006; Sheehy et al., 2010; Volkamer et al., 2010) ou à Tokyo en 2004 (Kanaya et al., 2007). Toutefois, les concen-trations modélisées de OH et HO2 ont été surestimées de 50% à Los Angeles en 1993 (George et al., 1999), de 72 et 100% (resp. à 105 et 79%) à Birmingham en 1999 (resp. 2000) (Harrison et al., 2006; Heard, 2004; Emmerson et al., 2005), de 24 et 7% à Writtle au Royaume-Uni (Lee et al., 2006, 2009) et de 70% à Mexico en 2006 (Dusanter et al., 2009). A l’inverse, OH et HO2 ont été sous-estimées respectivement de 33% et 56% à Nashville en 1999 (Martinez, 2003; Kovacs et al., 2003; Thornton, 2002), de 2 et 500 % à New York en 2004 (Cai et al., 2008; Ren et al., 2006) et à Houston en 2006 (Chen et al., 2010; Mao et al., 2010b). Les plus grandes différences pour les concentrations de HO2 sont trouvées dans des environnements très concentrés en NOx, ce qui pourrait suggérer une compréhension partielle de la chimie atmosphérique dans de tels milieux, bien que de possibles interférences entre les mesures de HO2 par FAGE (Fluorescence Induite par La-ser après Expansion Gazeuse ou Fluorescence Array by Gas Expansion en anglais) et des radicaux RO2 aient été évoquées (Fuchs et al., 2011). Les écarts trouvés entre simulations et observations en milieu urbain sont toutefois moindres que ceux en milieu rural.
Le radical HO2 est soluble dans l’eau, ses concentrations sont donc susceptibles d’être influencées par la présence de nuages. Whalley et al. (2015) ont mesuré une diminution des concentrations de HO2 de près de 90% en présence de nuages en Allemagne, cette valeur étant variable suivant la taille des gouttelettes et du pH de l’eau nuageuse. Les auteurs ont appliqué le taux de transfert mesuré de HO2 vers la phase aqueuse à un modèle global et ont déduit une baisse de concentrations d’ozone et de OH. Barth et al. (2003) ont également simulé des diminutions de concentrations de HO2 dues à l’activation de la chimie en phase aqueuse. Le radical OH est une espèce modérément soluble. Selon Jacob (2000), c’est une conséquence de la chimie de OH en phase gazeuse qui est plus rapide que le temps de transfert de masse vers la phase aqueuse, limitant ainsi la solubilité de OH. Pourtant, des observations ont déjà montré une diminution de concentrations de OH en présence de nuages (Mauldin et al., 1997). Cela pouvant être dû à la baisse de concentrations de précurseurs de OH, notamment HO2, dans la phase gazeuse et à une destruction de OH dans l’eau liquide (Barth et al., 2016). Une des conséquences attendues de la prise en compte de la réactivité aqueuse est une diminution de OH en phase gaz menant à une capacité oxydante réduite de la couche limite.
Formulation et mesure de la réactivité de OH
Pour prendre en compte la totalité des puits du radical hydroxyle, un diagnostique appelé la réactivité totale ROH (s−1) du radical OH a été introduit. Il correspond à l’inverse du temps de vie τOH de OH et s’exprime par la relation suivante : ROH = 1 = Xi kOH+Xi • [Xi] (3.10)
Où kOH+Xi représente les constantes de réaction entre OH et les réactifs Xi et [Xi] leur concentration. Cette grandeur peut être calculée à partir des concentrations mesurées ou simulées de chaque espèce réagissant avec OH et de la constante de réactions entre ces deux espèces. Cependant, la détermination et la quantification des puits du radical OH s’avèrent être complexes en raison du grand nombre de réactifs.
Depuis plusieurs années, la mesure directe de la réactivité du radical OH est rendue possible grâce au développement de deux techniques de mesures. La première repose sur l’utilisation de la technique FAGE pour la détection et la mesure de la réactivité des radicaux hydroxyles. Au sein d’un tube-injecteur, des radicaux OH sont produits par la photolyse de vapeur d’eau à λ=185nm grâce à l’utilisation d’une lampe à mercure. La décroissance des radicaux hydroxyle est ensuite mesurée au cours du transport de l’échan-tillon au sein du tube, donnant accès à la valeur de réactivité de OH. Cette technique a été utilisée pour la première fois par Kovacs and Brune (2001) et est reprise notamment par Mao et al. (2009). Dans une deuxième variante de cette technique utilisée par Calpini et al. (1999) et Hofzumahaus et al. (2009) entre autres, les radicaux OH sont produits via la photolyse à λ=266nm de l’ozone contenu dans l’échantillon. Cette technique a néanmoins quelques inconvénients de coûts et de dimensions qui restreignent son déploiement sur les sites de mesures. De plus, elle comporte de possibles interférences lorsque les NOx sont à des niveaux élevés. Le deuxième technique de mesure de réactivité de OH, introduite par Sinha et al. (2008), est nommée la méthode de comparaison de réactivité (CRM). Elle repose sur l’utilisation de la pyrrole, un composé absent de l’atmosphère dont la réactivité est bien connue. Après une période de calibration, la réactivité de OH est calculée grâce à la compétition des composés réactifs présents dans l’échantillon et réagissant avec OH mais aussi avec la pyrrole.
Les deux techniques de mesures de réactivité de OH ont été déployées dans plusieurs campagnes de mesure, en environnement urbain, rural mais aussi maritime, et accompa-gnées de mesures de concentrations de composés chimiques afin de déterminer la réactivité calculée. Les valeurs de réactivité totale mesurée varient entre 1 et 200 s−1, respectivement pour des atmosphères propres (Di Carlo et al., 2004) et particulièrement pollué de Mexico (Shirley et al., 2006). En règle générale, les valeurs au dessus d’une forêt des latitudes moyennes peuvent aller jusqu’à 10 s−1. Dans les zones tropicales et subtropicales cepen-dant, les valeurs sont plus élevées puisque la réactivité de OH y atteint 50 s−1 environ au maximum (Yang et al., 2016), avec une valeur extrême de 120 s−1 relevée en Chine (Lou et al., 2010). En milieu urbain, les mesures de réactivité sont généralement plus élevées et s’échelonnent de 10 s−1 pour des villes relativement peu polluées comme Houston (Mao et al., 2010b) à près de 100 s−1 pour des mégacités comme New York (Ren et al., 2006) ou Tokyo (Yoshino et al., 2006), sans compter Mexico où a été relevée la valeur maximale de 200 s−1 (Shirley et al., 2006).
Les mesures expérimentales de la réactivité totale ROH (Équation 3.10) et des concen-trations des réactifs Xi permettent d’estimer la contribution de chaque réaction chimique impliquant OH. Cependant, il a été déterminé, depuis les travaux de Kovacs et al. (2003) et dans beaucoup d’études ultérieures, que la valeur de la réactivité calculée était systé-matiquement inférieure à la valeur totale mesurée. Cette fraction manquante est appelée la réactivité manquante et varie en fonction de l’environnement considéré. Dans des environnements forestiers, la réactivité manquante est proche de 50% (Yang et al., 2016), avec des valeurs maximales à 75% pour la forêt amazonienne (Nölscher et al., 2016). L’ex-plication généralement avancée est celle de la présence de composés organiques volatils biogéniques très réactifs, avec des temps de vie très courts. Holzinger et al. (2005) ont quantifié en Californie les émissions de ces composés manquants pour parvenir à expli-quer la fraction manquante de réactivité de OH et celles-ci doivent être comprises entre 6 et 30 fois celles de monoterpènes émis par la végétation. Selon Sinha et al. (2008) qui ont étudié une forêt boréale en Finlande, ces COV biogéniques très réactifs doivent être émis en quantité telle que leurs concentrations est en-deçà des seuils des outils de mesure actuels. Kim et al. (2011) ont émis l’hypothèse que les produits d’oxydation de composés organiques volatils émis par plusieurs espèces d’arbres et non mesurés pouvaient expliquer la réactivité manquante du radical OH. Finalement, de grandes incertitudes demeurent dans la chimie de OH en milieu naturel et aucun consensus ne semble émerger pour ex-pliquer cette fraction manquante. En revanche, la fraction manquante de la réactivité de OH dans les villes est moindre puisqu’elle varie autour de 30% (Yang et al., 2016). Dans de tels environnements, les masses d’air souvent vieillies sont chargées en NOx et en COV d’origine anthropique. D’une part, les quantités de NOx peuvent perturber les mesures de réactivité réalisées par l’instrument FAGE. D’autre part, la réactivité manquante dans les villes est souvent associée à des composés intermédiaires et issus de réactions d’oxydation, ces espèces n’étant souvent pas intensivement mesurées ni représentées de manière fidèle dans les mécanismes chimiques utilisées dans les simulations.
Impact du mélange turbulent sur la chimie
Mélange turbulent et réactions chimiques
On a vu dans le chapitre précédent que la couche limite atmosphérique a une structure turbulente caractérisée par des ascendances vigoureuses et étroites, appelées thermiques, entourées de subsidences larges et d’intensité faible (Figure 3.2).
Les ascendances transportent de l’air provenant de la surface et riche en composés chimiques émis à la surface. En exceptant une production chimique locale, les espèces chimiques peu ou pas réactives et dont le temps de vie τch est long sont transportées par les ascendances et tendent à avoir une concentration homogène au sein de la couche limite atmosphérique. A l’inverse, le transport de composés réactifs dont le temps de vie peut être court est moins efficace puisqu’ils sont consommés au cours du transport. Un moyen de quantifier la compétition entre le transport par les structures turbulentes d’un composé chimique et son temps de vie est le nombre de Damköhler turbulent pour une espèce Xi. Ce nombre, sans dimension, est égal au rapport du temps caractéristique de la turbulence et du temps caractéristique de la chimie correspondant au temps de vie de l’espèce X considérée : DatX = τturb (3.11)
Le temps caractéristique du transport turbulent, aussi appelé temps de retournement des thermiques dans les chapitres précédents, est le temps mis par une thermique pour atteindre le sommet de la couche limite et dépend de la hauteur de couche limite h et de la vitesse des thermiques approximée par la vitesse convective w∗ : τturb = h (3.12)
Le temps de vie chimique τch est fonction de la concentration des réactifs Yi de X mais aussi des constantes de réactions entre ces composés. τch = 1 (3.13) Pi kX+Yi • [Yi]
Le nombre de Damköhler permet de quantifier la rapidité d’une combinaison de réac-tions chimiques par rapport au mélange par la turbulence. Schumann (1989) a le premier appliqué ce diagnostique aux espèces chimiques de couche limite atmosphérique et a dé-fini une valeur seuil de Da < 0.1 pour des réactions dites rapides et Da > 0.1 pour des réactions lentes. En cas de réactions chimiques plus rapides que le mélange turbulent, l’évolution de la concentration d’une espèce est principalement gouvernée par la chimie. En revanche, des espèces dont la chimie est lente par rapport au mélange turbulent sont efficacement mélangées. Des études plus récentes (Molemaker and Vilà-Guerau de Arel-lano, 1998; Vilà-Guerau de Arellano and Cuijpers, 2000; Vilà-Guerau de Arellano et al., 2005) fixent plutôt le seuil pour le nombre de Damköhler à 1 afin de mieux distinguer les différences de cinétique chimique au sein de la couche limite. C’est cette valeur seuil qui sera utilisée dans la suite de cette étude.
Le transport différencié des espèces chimiques par les thermiques peut induire des hé-térogénéités dans la répartition de ces composés selon leur temps de vie. Un autre diagnos-tique a été introduit par Schumann (1989) pour quantifier la covariance de concentrations de deux espèces chimiques. La ségrégation mesure le degré de mélange de deux composés A et B : IsA,B = a0b0 (3.14)
Les lettres en minuscules représentent les concentrations des deux composés, la barre sur les concentrations les moyennes spatiales ou temporelles et le signe prime l’écart par rapport à cette moyenne. Ce diagnostique a trois domaines de valeurs possibles délimités par les valeurs seuils de -1 et 0. Si la valeur de la ségrégation est comprise entre 0 et -1, les composés sont séparés horizontalement au sein de la couche limite. La valeur -1 étant la limite inférieure de la ségrégation et représente des composés parfaitement séparés et donc qui ne réagiront pas chimiquement. Une ségrégation égale à 0 résulte d’un mélange parfait entre les deux espèces et une ségrégation positive indique qu’elles sont transportées ensemble ou créées au même endroit de la couche limite.
Cependant, le non-mélange des espèces chimiques a un impact sur le taux de réac-tion moyen entre ces composés au sein de la couche limite Vilà-Guerau de Arellano and Cuijpers (2000). Selon Ouwersloot et al. (2011), les champs en trois dimensions d’une simulation à fine échelle devraient être moyennés sur tout le domaine de mélange pour permettre la comparaison avec des observations, des simulations OD ou bien des modèles 3D à résolution grossière. Ainsi, en moyennant le taux de réaction R entre deux espèces A et B : = kA+B • (3.15)
Soit, en appliquant la décomposition de Reynolds sur les champs de concentration : = kA+B • ( R + a0b0) (3.16a) ab a0b0 R = kA+B • ab • (1 + ) (3.16b) ab = kA+B • • (1 + Is) (3.16c) R ab.
En cas de composés chimiques réactifs parfaitement séparés (i.e. Is = -1), le taux de réaction moyenné R est nul. Si les composés sont mélangés de manière homogène (Is = 0), le taux de réaction moyenné est égal au taux de réaction moyen, c’est-à-dire calculé avec des valeurs moyennes de concentration. Dans le cas où les espèces chimiques sont soit transportées ensemble, soit produites ou consommées au même endroit (Is > 0), le taux de réaction moyenné est supérieur à celui calculé sur la base de concentrations moyennes. Les valeurs de ségrégation sont parfois exprimées en pourcentage et expriment une réduction (resp. augmentation) de la constante de réaction entre les deux composés considérés suivant le signe négatif (resp. positif) de la ségrégation. On peut introduire une constante de réaction effective keff prenant en compte le degré de corrélation entre les répartitions spatiales des espèces chimiques :
kAeff+B = kA+B • (1 + Is) (3.17a).
= kAeff+B • (3.17b).
Les processus de ségrégation, donc de mélange turbulent, ne sont pas pris en compte par définition dans les modèles de boîte où est émise l’hypothèse de mélange homogène. Dans les modèles grandes-échelles, les échelles auxquelles se déroulent le mélange turbulent ne sont pas représentées explicitement (Petersen et al., 1996). Dans de tels modèles, l’hypothèse généralement admise est qu’un composé émis sera mélangé instantanément et de manière homogène dans la cellule adjacente à la surface. Cette hypothèse néglige les effets de ségrégation et sous-estime les durées de vie des composés en couche limite (Krol et al., 2000; Li et al., 2016). Afin de prendre en compte l’influence de la turbulence sur les réactions chimiques, il est nécessaire de paramétrer ces effets dans les modèles grandes-échelles (Ouwersloot et al., 2011). A ce jour, plusieurs paramétrisations ont été proposées dans la littérature dans le cadre d’une couche limite convective (Petersen et al., 1996; Vinuesa and Vilà-Guerau de Arellano, 2005). Elles reposent sur l’utilisation de coefficients paramétrés grâce à des résultats de simulation LES, ainsi que l’utilisation du nombre de Damköhler pour des scalaires dont l’un est émis en surface et l’autre détraîné de la troposphère libre. La proposition de Petersen et al. (1996) représente le mélange turbulent par l’action d’une unique ascendance et une seule subsidence et est basée sur un schéma de flux de masse traitant les variables thermodynamiques et les scalaires chimiques. Celle de Vinuesa and Vilà-Guerau de Arellano (2005) introduit des taux de réactions effectifs dépendant en plus des taux d’émissions ou de détraînements de composés pour une simple réaction irréversible du second-ordre.
L’étude de l’impact du mélange turbulent sur les réactions chimiques a débuté avec celle de Schumann (1989) qui, grâce à la modélisation numérique, a mis en évidence que la ségrégation dépend d’une part du temps de vie des espèces considérées, donc de leur nombre de Damköhler, et d’autre part de la constante de réaction entre les deux composés chimiques. De nombreuses études ultérieures (Molemaker and Vilà-Guerau de Arellano, 1998; Krol et al., 2000; Ouwersloot et al., 2011; Kaser et al., 2015) ont montré que des valeurs importantes de ségrégation entre deux composés étaient attendues lorsqu’au moins un des deux a un court temps de vie chimique, soit un grand nombre de Damköhler. Lorsqu’on considère deux composés chimiques dont l’un est émis au niveau du sol tandis que l’autre est détraîné de la troposphère libre, Molemaker and Vilà-Guerau de Arellano (1998) ont démontré que les taux de réaction étaient maximum dans les thermiques dans la partie basse de la couche limite et au cœur des subsidences dans la partie haute. Si la réaction est rapide, cela peut limiter la pénétration du composé émis en surface dans la partie haute de la couche limite (Sykes et al., 1994) (Figure 3.3).
Depuis lors, beaucoup d’auteurs se sont intéressés à la réaction entre l’isoprène et le radical OH. En environnement biogénique, elle correspond à la réaction la plus sensible à la ségrégation en raison de la très faible durée de vie du radical OH (Krol et al., 2000). Grâce à des données recueillies lors de la campagne ECHO 2003 dans une forêt en Allemagne, Dlugi et al. (2010) ont démontré que le terme de transport de OH était négligeable sur l’évolution de son bilan chimique. Dans le cadre de cette étude, la ségrégation calculée entre l’isoprène et le radical OH s’élève à -15%.
Krol et al. (2000) ont par ailleurs démontré que l’hétérogénéité spatiale des émissions d’espèces chimiques augmentait significativement les valeurs de ségrégation entre OH et un hydrocarbure générique RH au sein de la couche limite puisqu’une valeur de -3% est relevée avec des émissions homogènes d’hydrocarbures contre -30% pour des émissions hétérogènes. Auger and Legras (2007) ont confirmé ce résultat et ont trouvé une ségréga-tion maximale en cas d’émissions non homogènes. Toutefois, le mélange turbulent dans la couche limite tend à homogénéiser les gradients de concentration induit par l’hétérogénéité des émissions et réduit la ségrégation (Auger and Legras, 2007). De même, Ouwersloot et al. (2011) ont calculé une ségrégation de -10% (resp. -20%) pour l’isoprène et le radical.
OH pour des émissions homogènes (resp. hétérogènes) en l’absence de NOx en troposphère libre. Les auteurs ont mis en évidence que la ségrégation dépendait également de l’hété-rogénéité des flux d’énergie à la surface ainsi que de la direction des profils de vent. Grâce à des mesures aéroportées dans le centre et le sud-est des États-Unis, Kaser et al. (2015) ont confirmé que la ségrégation entre OH et l’isoprène dépend des hétérogénéités spatiales dans les émissions d’isoprène en surface, celle-ci pouvant atteindre jusqu’à -30%.
Les termes de production de OH ont aussi un impact non négligeable sur la ségrégation entre OH et l’isoprène puisqu’ils contrôlent la répartition spatiale et le temps de vie du radical dans la couche limite. Ainsi, l’étude de Kim et al. (2012) a confirmé que la quantité de NOx en couche limite module le temps de vie des autres espèces via la production de OH. Ainsi, dans des simulations où les niveaux de NOx sont variables, la ségrégation entre l’isoprène et le radical OH fluctue entre -20% (faibles concentrations de NOx) et +10% (fortes concentrations de NOx) (Kim et al., 2016).
La présence de nuages augmente le transport vertical des composés par l’augmentation de la flottabilité et modifie le flux solaire incident, ce qui diminue les taux de photolyse dans et sous les nuages et diminue les taux d’émission de composés sensibles au rayonne-ment comme l’isoprène (Vilà-Guerau de Arellano et al., 2005). Selon Kim et al. (2012), ces deux derniers effets se compensent, chacun modifiant localement les concentrations d’isoprène d’environ 10%. Vilà-Guerau de Arellano et al. (2005) ont pour leur part es-timé un modification de 10 à 40% de concentration de NO2 résultant d’une modification du taux de photolyse, bien que cet aspect soit négligeable lorsque les concentrations sont moyennées sur la couche limite. L’augmentation du transport vertical implique d’une part un transport de composés dans la couche nuageuse, variable selon le temps de vie chi-mique des espèces considérées (Kim et al., 2012), et d’autre part une dilution jusqu’à 50% des espèces dans la couche sous les nuages due à l’élévation de hauteur de couche limite (Vilà-Guerau de Arellano et al., 2005). D’après les mesures réalisées en Amazonie par Karl et al. (2007), la présence de nuages augmente la ségrégation entre le radical OH et les COV dans la couche nuageuse, jusqu’à -39% entre l’isoprène et OH, ce qui dimi-nue les taux de réactions effectifs entre OH et les COV. Les auteurs évoquent le rôle des nuages dans l’entraînement d’air de la troposphère libre et le transport d’air de couche limite au sein des nuages pour expliquer cette ségrégation. Ce processus augmente donc les concentrations de OH et la capacité oxydante de l’atmosphère. L’augmentation de la réactivité de OH et donc de la capacité oxydante de l’atmosphère dans la couche nuageuse est confirmée par Li et al. (2016) à partir de simulations LES. La raison proposée est une augmentation du transport de COV de la partie basse vers la partie haute de l’atmosphère. Les termes sources et puits induits par les réactions chimiques dans la phase aqueuse ne sont considérés dans aucune des études mentionnées précédemment.
Simulation aux grandes échelles de l’écoulement turbulent
Le modèle atmosphérique Meso-NH (Lafore et al., 1998) est un modèle à aire limitée développé par le Laboratoire d’Aérologie (UMR 5560 UPS/CNRS) et le Centre National de Recherches Météorologiques (UMR 3589 CNRS/Météo-France) depuis 1993. C’est un modèle non-hydrostatique qui permet de simuler une grande variété de cas s’étendant de la grande à la petite échelle spatio-temporelle. Pour représenter ces petites échelles, les Simulations aux Grandes Échelles, ou Large-Eddy Simulation en anglais dites LES, sont un outil largement répandu. Leur principe est de calculer explicitement les tourbillons les plus grands et énergétiques, tout en représentant les tourbillons plus petits que la taille de la maille grâce à une paramétrisation sous-maille.
De précédentes études LES ont été réalisées grâce à Meso-NH. Certaines de ces études se sont intéressées à la turbulence ou aux processus de couche limite pour comparer les LES avec la théorie (Carlotti, 2002) ou bien avec des LES d’autres modèles (Siebesma et al., 2003). Des LES réalisées par Meso-NH ont permis d’étudier le transport de va-peur d’eau dans la couche limite (Couvreux et al., 2005, 2007), le mélange dans les jets nocturnes de basse couche (Cuxart and Jiménez, 2007) ainsi que les interactions entre la convection profonde et les processus de couche limite ou la turbulence (Couvreux et al., 2012; Rochetin et al., 2014; Verrelle et al., 2017). Enfin, le modèle Meso-NH a pu être porté sur de très larges grilles avec une fine résolution pour étudier la représentation d’un système de convection très profonde en Australie (Dauhut et al., 2016). Cependant, à ce jour, aucune LES avec couplage de la chimie n’a été réalisée.
Données du programme AMMA
Le programme AMMA (African Monsoon Multidisciplinary Analyses) (Redelsperger et al., 2006) est un programme international visant à mieux comprendre la mousson d’Afrique de l’Ouest, sa variabilité journalière et annuelle, ainsi que les impacts sur la physique et la chimie de l’atmosphère à l’échelle régionale et globale. Des campagnes de terrain, notamment en 2006, ont permis de constituer une conséquente base de données portant sur les données météorologiques de la zone d’étude et la composition chimique de l’atmosphère pour des environnements contrastés. Outre la mobilisation du réseau IDAF (IGAC-DEBITS-Africa) lors de la campagne, trois sites d’instrumentation ont été déployés à Niamey (Niger), à Gourma (Burkina-Faso) et à Ouémé (Bénin). Ces mesures au sol ont été complétées par l’utilisation de cinq avions de mesure sur la période juin, juillet et août 2006 en vue de mesurer la composition chimique et le contenu en aérosol de la troposphère et basse stratosphère de la région. Des données collectées durant la campagne de terrain AMMA ont permis l’initialisation dynamique (Section 4.3.2) et chimique (Section 4.3.3) du cas d’étude présenté par la suite.
La modélisation numérique
Simulations LES semi-idéalisées de régimes chimiques contras-tés en Afrique de l’Ouest
Pour répondre aux objectifs scientifiques cités en introduction, plusieurs simulations LES d’un cas semi-idéalisé ont été réalisées, modélisant deux régimes chimiques contrastés.
— La première partie de cette étude s’articule autour de deux simulations de chimie atmosphérique en phase gazeuse (voir Chapitre 5). La première simulation prend place dans un environnement dominé par des émissions biogéniques, représentatif de la végétation rencontrée dans les forêts du Bénin. Pour cette modélisation, l’iso-prène sera particulièrement étudié pour le cas biogénique puisque c’est le Composé Organique Volatil (COV) d’origine biogénique le plus émis à l’échelle de la surface terrestre. Il influence également la formation d’ozone et d’aérosols organiques se-condaires (AOS) (Guenther et al., 2006).
La deuxième simulation modélise une masse d’air dominée par des composés d’ori-gine biogénique parvenant au dessus d’une ville, représentant la ville de Cotonou au Bénin, et donc dans un régime chimique influencé par des émissions anthropiques.
Pour ce cas anthropique, l’étude se focalisera sur les aldéhydes dont le nombre de carbone est supérieur à 2 (ALD2 dans le schéma réactionnel, voir section 4.2.4). Ils ont à la fois des sources primaires et secondaires et ont un rôle important dans la chimie troposphérique puisqu’ils contribuent à la production de radicaux et de précurseurs de l’ozone (Williams et al., 1996).
— La deuxième et dernière partie de ces travaux de thèse s’organise autour des deux mêmes configurations présentées précédemment, avec activation de la chimie en phase aqueuse dans chacun des deux régimes (voir Chapitre 6).
Configuration du modèle atmosphérique Meso-NH
Les simulations sont effectuées grâce à la version 5-2-1 de Meso-NH. L’advection est effectuée par le schéma WENO d’ordre 5. Il représente une meilleure solution que les schémas centrés pour le transport de scalaire et de quantité de mouvements tout en étant efficace numériquement et moins diffusif que le schéma WENO d’ordre 3. Pour assurer l’intégration des équations du modèle dans le temps, le schéma de discrétisation temporel Runge-Kutta explicite d’ordre 3 est utilisé. Il présente l’avantage d’être efficace car il utilise un petit (resp. grand) pas de temps pour intégrer les modes de hautes (resp. basses) fréquences. Pour représenter les changements de phase de l’eau, le schéma de microphysique des nuages en phase mixte ICE3 (Pinty and Jabouille, 1998) est utilisé. Il contient six catégories représentant la vapeur d’eau, les gouttelettes d’eau nuageuses, la pluie, la glace, la neige ainsi que le grésil. L’effet du rayonnement solaire et infrarouge est pris en compte par le schéma de transfert radiatif ECMWF.
A l’échelle LES, la turbulence sous-maille est représentée en trois dimensions par le schéma de turbulence développé par Cuxart et al. (2000), lui-même basé sur Redelsperger and Sommeria (1986), conçu pour être utilisé lors de simulations à l’échelle synoptique mais également LES. Il est caractérisé par l’utilisation d’équations du second ordre sépa-rées en parties isotrope et anisotrope. La partie anisotrope est considérée stationnaire et les flux sont calculés de manière diagnostique. La partie isotrope est équivalente à une équa-tion prognostique de l’énergie cinétique turbulente. Pour fermer le système d’équations régissant la turbulence, il est nécessaire de rajouter la taille caractéristique du plus grand tourbillon alimentant la cascade d’énergie turbulente jusqu’à la dissipation. Ce terme cor-respond à la longueur de mélange L. Pour des simulations en trois dimensions, le tourbillon non-résolu le plus grand correspond à la taille de la cellule, d’où L = (ΔxΔyΔz)1/3.
Les dimensions du domaine sont 10 km × 10 km × 20 km et sont identiques pour toutes les simulations. Ce domaine est réparti sur 200 points × 200 points sur l’horizontale, soit une résolution horizontale de 50m, et la résolution selon les 118 niveaux verticaux est variable suivant l’altitude. Près de la surface, une résolution de 20 m est appliquée puis celle-ci est étirée progressivement à 50 m à 2000 m d’altitude pour atteindre 250 m à 20 km, au sommet du modèle. Afin de respecter la condition de Courant–Friedrichs–Lewy, le pas de temps est égal à deux secondes.
La durée de la simulation est de trois jours, dont deux jours sont consacrés au spin-up de la chimie. Le premier jour débute le 1er août 2006 à 0600 UTC et seule la dynamique est présente. Les profils des espèces chimiques sont ensuite initialisés à 1400 UTC, heure à laquelle les mesures servant à établir ces profils sont disponibles (voir section 4.3.3). Puis, lorsque la simulation arrive à l’échéance de 0600 UTC le deuxième jour, les champs en trois dimensions d’espèces chimiques sont utilisés pour initialiser le nouveau segment de la simulation dont la partie dynamique est réinitialisée avec les valeurs du précédent segment. La partie dynamique de la simulation est ainsi bouclée suivant les mêmes conditions initiales et forçages grande échelle s’étendant de 0600 UTC le 1er août à 0600 UTC le 2 août 2006 (Section 4.3.2). Une fois que la simulation parvient de nouveau à l’échéance de 0600 UTC, soit après un jour et demi de spin-up pour la chimie, la même configuration est appliquée e t le jour d’étude débute.
Le modèle de surface SURFEx
Pour prendre en compte les interactions de la surface avec la partie basse de l’atmo-sphère, le modèle de surface SURFEx (Masson et al., 2013) couplé à Meso-NH est utilisé dans ces travaux. Il permet de représenter différents types de surface tout en calculant les flux entre le sol et l’atmosphère. Plusieurs schémas existent dans SURFEx et calculent pour chaque type de surface les flux à l’interface entre surface et atmosphère ainsi que les caractéristiques de la surface telles que la température ou l’humidité. Le schéma ISBA (Interaction-Sol-Biosphère-Atmosphère) (Noilhan and Planton, 1989) est utilisé pour la végétation et les couvertures naturelles de sol, TEB (Town Energy Balance) (Masson, 2000) pour les villes tandis que deux schémas supplémentaires (SEAFLX et WATFLX) représentent les échanges entre les eaux intérieures, la mer et l’océan d’une part et l’at-mosphère d’autre part. Seul le schéma ISBA a été utilisé pour ces simulations et le sol est composé de trois couches qui représentent la surface, les racines et le sol profond. Chacune de ces couches dispose de caractéristiques propres comme la température et le contenu en eau. L’ensemble d’une maille, composée de sol nu et de végétation, n’a qu’une seule température de surface rappelée vers la température du sol profond.
Les simulations réalisées étant des cas semi-idéalisés, SURFEx assemble plusieurs types de sol pour former une cellule type et reproduit cette cellule sur chaque maille constituant la surface. La surface est identique entre toutes les simulations réalisées lors de cette étude. Plus précisément, 35% du sol correspond à des cultures tropicales, 35% à des zones tropicales arbustives, 15% à de la mer, 5% à des eaux intérieures, 5% à des zones humides et enfin 5% à des herbages tropicaux.
Le flux de chaleur sensible (H) est calculé de manière interactive par SURFEx grâce à la relation suivante : H = ρacpCH Va(TS − Ta) (4.1)
Dans l’équation 4.1, le terme cp renvoie à la chaleur spécifique (m2.s−2.K−1) ; ρa, Va et Ta à la densité de l’air, la vitesse du vent (m.s−1) et la température (K) au niveau za ; CH le coefficient de traînée (W.m−2) qui dépend de la stabilité de l’atmosphère et Ts la température du sol (K). Le flux de chaleur latente est calculé interactivement par SURFEx et correspond à la somme du flux d’évaporation Eg du sol et de l’évapotranspiration de la végétation Ev :
Eg = (1 − veg)ρaCH Va(huqsat(Ts) − qa) (4.2)
Ev = veg.ρaCH Vahv(qsat(Ts) − qa)
Le terme veg de l’équation 4.2 correspond à la fraction de végétation de la maille consi-dérée ; qsat(Ts) à l’humidité spécifique de saturation (kg/kg) à la température Ts ; qa l’humidité spécifique (kg/kg) de l’atmosphère au niveau za ; hu est l’humidité relative du sol en surface et hv correspond au coefficient de Halstead.
Les cycles diurnes des flux de chaleur latente et sensible ainsi calculés ont une variabi-lité journalière très marquée (Figure 4.1). Il est important de noter que le flux de chaleur latente (maximum de 330 W.m−2 à 1330 UTC) est bien supérieur au flux de chaleur sen-sible (près de 115 W.m−2 au maximum). Cette caractéristique a été observée à Cotonou lorsque le régime de mousson est installé (Gounou et al., 2012).
Équations de continuité des espèces chimiques
Le modèle Meso-NH résout à chaque pas de temps (Δt = 2s) un système d’équations différentielles reliant les différentes concentrations d’espèces constituant le mécanisme chi-mique. Les constantes de réactions entre composés chimiques sont calculées en chaque pas de temps et en chaque point du domaine physique en fonction de grandeurs météorolo- giques telles que la température, la pression ou le contenu en vapeur d’eau.
L’équation de continuité de la concentration Xig d’une espèce i en phase gazeuse est définie comme suit (Leriche et al., 2013) :
∂Xg t ∂Xg t + ∂Xg t ) + ∂Xg t (4.3)
∂ti( ) = ∂ti( ) ∂ti( ∂ti( )
dynamique chimie autres
Le terme dynamique, calculé pour tous les scalaires pronostiques du modèle, regroupe les tendances liées à l’advection, ainsi qu’à la turbulence. Le terme autres est lié aux émissions, au dépôt sec ainsi qu’au transfert éventuel depuis la phase aqueuse lors de l’évaporation ou de la congélation. Enfin, le terme chimie prend en compte les réactions impliquant l’espèce i au sein de la phase gazeuse et les transferts de masse entre phase gazeuse et aqueuse : ∂Xg(t) = Pig(y, t) − Dig(y, t) • Xig(t) − ktw • (LwXig(t) − Xg(t) (4.4)
Avec Xig(t) la concentration de l’espèce i en phase gazeuse (mol par volume d’air sec), Pig(y, t) et Dig(y, t) • Xig(t) les taux de production et de destruction (incluant les réactions de photolyse) de cette espèce (mol par volume d’air sec par seconde). Lw correspond au rapport de volume d’eau liquide et Heff est la constante effective de la loi de Henry (mol•atm−1). T est la température (K) et R la constante universelle des gaz parfaits (atm.M−1.K−1). Pour finir, ktw (s−1) représente la constante de transferts de masse pour l’eau en phase liquide (Schwartz, 1986).
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Table des matières
1 Introduction générale
2 Dynamique de la couche limite convective
2.1 Origine et propriétés de la turbulence dans la couche limite atmosphérique
2.2 Spectre d’énergie
2.3 Évolution et structure de la couche limite convective
2.4 Couche limite nuageuse
2.5 La turbulence dans le modèle Meso-NH
2.5.1 Approche statistique
2.5.2 Paramétrisation de la turbulence
3 Réactivité chimique et couche limite convective
3.1 La chimie de HOx en couche limite
3.1.1 Description du bilan de HOx
3.1.2 Mécanismes potentiels de recyclage de OH
3.1.3 Formulation et mesure de la réactivité de OH
3.2 Impact du mélange turbulent sur la chimie
3.2.1 Mélange turbulent et réactions chimiques
3.2.2 Influence de la turbulence sur la réactivité chimique
4 Cadre de l’étude : des campagnes de mesures à la simulation
4.1 Méthodologie
4.1.1 Simulation aux grandes échelles de l’écoulement turbulent
4.1.2 Données du programme AMMA
4.2.1 Simulations LES semi-idéalisées de régimes chimiques contrastés en Afrique de l’Ouest
4.2.2 Configuration du modèle atmosphérique Meso-NH
4.2.3 Le modèle de surface SURFEx
4.2.4 Équations de continuité des espèces chimiques
4.2.5 Diagnostiques utilisés
4.3 Cas du 1er août 2006 de la campagne AMMA
4.3.1 Conditions dynamiques en Afrique de l’Ouest
4.3.2 Description dynamique du cas d’étude
4.3.3 Régimes chimiques en Afrique de l’Ouest
4.3.4 Analyse de la simulation LES
5 Influence des thermiques sur la réactivité chimique de l’atmosphère
5.1 Impact du mélange turbulent sur les réactions de OH
5.1.1 Transport vertical et temps de vie chimique
5.1.2 Évolution spatio-temporelle de la ségrégation
5.2 Bilan chimique et réactivité du radical OH
5.2.1 Bilan chimique de OH dans les thermiques et dans l’environnement
5.2.2 Réactivité de OH au sein de la couche limite convective
5.3 Conclusions
6 Chimie en phase aqueuse et réactivité de OH dans une couche limite convective
6.1 Modifications de la répartition des composés par la chimie en phase aqueuse
6.1.1 Solubilité des composés chimiques et impact sur le transport
6.1.2 Perturbations des réactions de OH par la phase aqueuse
6.2 Impact de la chimie aqueuse sur les sources et puits du radical OH
6.2.1 Bilan chimique de OH dans les thermiques et dans l’environnement
6.2.2 Réactivité de OH en phase gazeuse
6.3 Conclusions
7 Conclusions et perspectives 123
Bibliographie
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