La fièvre aphteuse (FA) est, depuis longtemps, une préoccupation majeure des autorités sanitaires dans de nombreux pays. Très contagieuse, cette maladie virale, qui atteint principalement les ruminants et les porcs, se caractérise par une éruption vésiculeuse sur les muqueuses et sur la peau : dans la bouche, entre les onglons, sur la mamelle, d’où la dénomination anglaise foot and mouth disease, et allemande Maul und Klauenseuche. Médicalement bénigne, la FA occasionne tout de même des pertes de production au sein de l’élevage mais constitue, surtout, un fléau économique redoutable pour des raisons commerciales en raison de son extraordinaire contagiosité.
La maladie sévit à l’état enzootique dans de nombreux pays, à travers la majeure partie de l’Afrique et du Moyen-Orient avec une prévalence élevée, en Afrique du Sud principalement confinée aux animaux sauvages, en Asie Centrale et du Sud-est et sur le continent Indien. La maladie est présente également aux portes de l’Europe en Turquie, et est récemment apparue en Europe, en Bulgarie (Thrace, région frontière). La préoccupation pour les pays européens porte essentiellement sur les risques de voir ces foyers se déplacer vers l’Ouest. La menace s’est concrétisée mais de façon inattendue en 2001 par une épizootie de plus de 2000 foyers en Grande-Bretagne, avec une contamination beaucoup plus réduite de la France (2 foyers) de l’Irlande (1 foyer) et des Pays-Bas (26 foyers).
En France, en 2001, cette épizootie a suscité beaucoup d’émotion par l’effet de surprise et par la mise en place de mesures préventives d’abattage. Auparavant, les alertes de 1974, 1979, et 1981, quoique fort onéreuses, étaient passées presque inaperçues.
La maladie ne serait apparue en France que tardivement, à partir de 1809, alors qu’à deux reprises, elle aurait sévi à l’Est de nos frontières sans les atteindre, en 1764 et en 1827. L’Angleterre, plus protégée encore que la France, ne l’a connue qu’en 1839. Les auteurs du XIXe siècle estimaient la mortalité à seulement 2 à 5‰ (Vallat, 2001) mais les veaux, plus sensibles, mouraient parfois davantage. Tant que l’élevage est resté extensif et les échanges internationaux rares, l’impact de la maladie a été considéré comme bénin. Jusque dans les années soixante, la FA était donc en France une maladie enzootique avec des pics épizootiques pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d’animaux. Sans compter les épizooties du XXe siècle, celle de 1871 aurait frappé 700 000 animaux, mais la contagion de 1893 1898 a dépassé toutes les autres en intensité. Ainsi, la France, comme la plupart des pays européens, n’a mis en œuvre un programme de prophylaxie médico sanitaire contre la FA qu’a partir de 1960 (vaccination facultative puis obligatoire et annuelle de tous les bovins et abattage des élevages en cas de foyers), et a réussi à obtenir, progressivement, une disparition de la maladie.
En 1991, la Communauté Européenne a décidé d’arrêter la vaccination, au vu :
– D’arguments sanitaires : En 1989, le territoire communautaire était indemne de fièvre aphteuse depuis presque 10 ans.
– D’arguments économiques : Le coût de la vaccination prophylactique a été estimé nettement moins favorable qu’un renforcement des contrôles à l’introduction et qu’une surveillance passive événementielle basée sur une surveillance clinique des animaux.
– D’arguments commerciaux : Il n’existait pas de tests permettant de distinguer les anticorps naturels des anticorps vaccinaux et il n’était pas possible de garantir que les animaux vaccinés n’étaient pas porteurs du virus. Le risque potentiel d’héberger de manière inapparente le virus pour les cheptels vaccinés entraîne des restrictions commerciales lors des échanges, les pays ne vaccinant pas fermant leur frontière aux animaux vaccinés. L’absence de vaccination était donc une condition de la liberté des échanges d’animaux et de leurs produits entre les pays.
Entre 1991 et 1993, la vaccination contre la FA a été progressivement interdite dans les pays de l’Union Européenne (UE). La mondialisation des échanges et l’élargissement vers les pays de l’Est amplifient pourtant les risques de contamination des pays européens désormais indemnes de FA et (dont les troupeaux sont non immunisés), par l’importation d’un plus grand nombre d’animaux et surtout de produits potentiellement infectés, non traités ou mal contrôlés. La FA fait depuis l’objet d’une surveillance stricte et de mesures sanitaires très sévères telles que l’abattage et la destruction des foyers et ainsi que l’abattage en anneau des élevages proches ou ayant eu des contacts à risque avec les élevages infectés et des restrictions de circulation des animaux et produits d’origine animale. La vaccination contre la FA des espèces sensibles est interdite sur tout le territoire de l’UE et ne peut être utilisée que sur autorisation en cas de foyers déclaré pour contenir la maladie. Des épizooties ont toutefois continué à sévir sporadiquement de 1990 à 2000, notamment dans les Balkans et en Italie.
Les voies de transmission de maladies contagieuses varient selon l’agent pathogène. Certains demandent des contacts directs et étroits entre animaux alors que d’autres peuvent se transmettre à travers les produits, les excrétions ou secrétions ou de façon indirecte par le matériel, les véhicules ou personnes qui sont en contact avec les animaux. La FA regroupe tous ces modes de contacts et on lui attribue également une diffusion aérienne sur de longue distance (Donaldson and Alexandersen, 2002). Mais même si cette voie a été démontrée par le passé, elle est largement discutée aujourd’hui et les contacts directs et indirects restent les voies majeures de diffusion de la maladie notamment par l’introduction d’un animal infectieux dans le troupeau (Rweyemamu et al., 2008). L’épizootie de 2001 avec sa longue phase silencieuse confirme non seulement le rôle des mouvements d’animaux dans la diffusion de maladie mais attire également l’attention sur une diffusion à bas bruit lors d’échanges commerciaux (Gibbens et al., 2001).
Et si dans l’absolu, l’interaction entre l’agent pathogène et l’individu sensible est désormais bien connue, l’importance des différents modes de contamination a évolué depuis vingt ans. Les profils des établissements se sont modifiés, les contacts entre les élevages ont changé, par exemple. Les mesures actuelles adoptées pour prévenir l’introduction de la FA en Europe consistent en une surveillance renforcée et des contrôles sur les mouvements commerciaux d’animaux et de leurs produits. Le renforcement de la traçabilité et l’identification des animaux contribue à cette surveillance en apportant des connaissances sur les établissements d’élevage et les animaux et les mouvements entre ces exploitations. Par ailleurs, comme l’épizootie 2001 au Royaume-Uni l’a illustré, compte tenu des densités, de l’organisation et du niveau de production actuels des élevages, les conséquences économiques pourraient être catastrophiques du fait des pertes directes (chute de production) mais surtout du fait de pertes indirectes liées à des fermetures de certains marchés d’exportation. Les moyens humains et matériels nécessaires pour appliquer les mesures de lutte seraient également rapidement considérables.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 EPIDEMIOLOGIE DE LA FIEVRE APHTEUSE
1.1 Etiologie et espèces sensibles
1.2 Pathogénie
1.3 Symptômes et lésions
1.4 Voies de contamination
1.4.1 Sources de virus
1.4.2 Réceptivité
1.4.3 Mode de propagation
2 SURVEILLANCE ET GESTION DE LA FIEVRE APHTEUSE EN FRANCE
2.1 Surveillance
2.1.1 Réseau d’alerte et de surveillance
2.1.2 Vigilance et détection précoce
2.1.3 Outils de dépistage de laboratoire
2.2 Gestion d’une épizootie
2.2.1 Prophylaxie sanitaire et abattage des animaux
2.2.2 Mesures complémentaires
2.3 Sortie de crise
2.4 Préparation et planification
3 PERTES ECONOMIQUES INDUITES PAR LA FIEVRE APHTEUSE
4 VERS UN OUTIL D’AIDE A LA DECISION CONTRE LA FIEVRE APHTEUSE
4.1 Caractérisation du réseau d’élevages
4.1.1 Principe de l’analyse de réseaux
4.1.1.1 Mesures et indicateurs « réseau »
4.1.1.2 Structure et typologie de réseau
4.1.2 Analyse structurale de réseau appliquée au réseau d’élevages
4.1.2.1 Etude descriptive du réseau d’élevage
4.1.2.2 Etude de la vulnérabilité du réseau face à la diffusion de maladie
4.1.2.3 Apport pour la modélisation
4.2 Modélisation de la fièvre aphteuse
4.2.1 Généralités sur la modélisation
4.2.1.1 Définitions
4.2.1.2 Représentation de la population
4.2.1.3 Représentation dynamique de la diffusion de maladie
4.2.1.4 Hétérogénéité de la population et composante spatiale
4.2.2 Modèles de diffusion de la fièvre aphteuse
4.2.2.1 Caractéristiques de diffusion
4.2.2.2 Caractéristiques de détection
4.3 Evaluation efficacité/coût des stratégies de lutte
4.3.1 Approche épidémiologique
5 Conclusion
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