Simulation numérique d’écoulements multi-fluides sur grille de calcul

L’objectif de cette thèse est de simuler des écoulements de fluides incompressibles à plusieurs phases avec capture d’interfaces en mouvement, dans un contexte de calcul parallèle et de grille de calcul. Cette étude utilise une approche éléments finis en mécanique des fluides bien adaptée à la modélisation directe incompressible, ou faiblement compressible. Puisque aucune théorie rigoureuse ne semble en mesure de prédire les phénomènes complexes dans lesquels différents processus sont couplés (comme les effets de cisaillement, de la turbulence, et des interactions inter fluides), le développement de techniques de simulation numérique apparaît donc comme une voie prometteuse pour comprendre et prédire de tels écoulements. Un des buts de ce travail est ainsi de développer un code de simulation numérique capable de suivre le mouvement des interfaces dans un écoulement multiphasique complexe. Mais aussi, cela exige souvent l’utilisation de ressources de calcul importantes et performantes. Nous avons à notre disposition des outils de calcul parallèle diverses dont deux clusters (grappes de PC Pentium 3 et Pentium 4), et une grille de calcul. C’est ainsi que les travaux de cette thèse s’inscrivent dans le cadre du projet MecaGrid qui vise à bâtir une grille de calcul régionale à partir de grappes de PC géographiquement dispersées pour des applications de calculs intensifs parallèles en mécanique des fluides hétérogènes. Une bonne utilisation de ces outils passe non seulement par une connaissance approfondie de leurs performances théoriques et réelles, mais aussi par une parallélisation efficace des codes de calculs.

Introduction des méthodes numériques implémentées 

Tout au long de cette thèse, nous implémentons, étudions, et comparons plusieurs types de méthodes numériques. L’idée est de garder une approche la plus simple possible, avec une approximation continue, qui facilite la mise en œuvre et la parallélisation.

Notre modélisation est basée sur le couplage entre deux problèmes distincts que représentent le calcul de l’écoulement et la capture des interfaces. Tous les écoulements sont considérés ici comme Newtonniens incompressibles, et peuvent donc être calculés grâce à la résolution du problème de Navier-Stokes incompressible. Cette hypothèse est tout à fait justifiée puisque notre étude ne comprend pas de très forte vitesse. En mécanique des milieux continus, le mouvement d’un fluide tel que l’eau, l’huile, l’air, le métal fondu ou les polymères, peut être traité par ce type de modèle. Ensuite, une équation de transport permet de faire évoluer les phases présentes dans l’écoulement, et donc l’interface qui les séparent, en se basant sur le champs de vitesse unique déterminé par le calcul de l’écoulement.

LE PROJET MECAGRID

Les machines de calcul basées sur les réseaux sont récemment apparues comme une alternative pour permettre aux utilisateurs d’accéder à des ressources et des puissances de calcul considérables. Des applications parallèles comme SETI@home ont rendues populaire le concept des grilles. De plus, le développement et l’amélioration très rapide des réseaux rendent possible la considération pour des calculs massivement parallèles sur des machines autres que des « superordinateurs ». Ces nouveaux outils sont appelés des grilles de calcul, qui ne sont d’autres que des clusters de PC interconnectés. Elles peuvent être vues comme des ordinateurs virtuels distribués et constitués d’un ensemble hétérogène de super nœuds, où chaque super nœud est homogène (ici, un cluster).

L’article [Foster, 1999] est reconnu comme la proposition de développement la plus intéressante pour la nouvelle technologie des grilles de calcul. Le succès de leur développement repose sur plusieurs facteurs : l’amélioration rapide de la puissance des processeurs et du débit des réseaux, la disponibilité des middlewares permettant l’interconnexion de ressources de calcul et de données, l’implémentation (ou l’amélioration) d’algorithmes parallèles hétérogènes, et enfin, la participation et le dévouement des utilisateurs. L’environnement des grilles diffère des machines parallèles standard pour plusieurs aspects :
• elles sont hétérogènes dans leur puissance de calcul (processeur et mémoire virtuelle),
• elles ont des débits de communication moins performants et plus hétérogènes,
• elles sont plus instables de part leur dépendance à des institutions autonomes, et
• elles peuvent intégrer des systèmes d’exploitation très différents.

Le développement des grilles de calcul commença dans le milieu des années 1990. Le but est de rendre disponible différentes ressources de calcul et de données sur une grille afin de réaliser des projets scientifiques qui seraient impossibles ou, surtout, trop coûteux dans un site esseulé. Toute une technologie se développe aujourd’hui, et depuis quelques années, sur ce sujet, et ce sont des organisation telles que iGrid [Brown, 1999] ou Globus Alliance [Foster, 1997] qui semblent être les mieux reconnues à l’heure actuelle dans le monde.

État de l’art des grilles de calcul

Technologie existante 

Bien que chaque grille soit unique, il y a des problèmes de conception récurrents qui apparaissent. C’est justement parce qu’ils sont rencontrés souvent que des organisations développent des solutions les résoudre. Leurs principales préoccupations sont les suivantes :
• Sécuriser des données qui, pourtant, doivent être accessibles à un grand nombre de personnes et d’institutions.
• Donner une interface facile à utiliser tout en cachant une grande complexité, comme la diversité des ressources et des configurations.
• Créer un protocole de transfert de fichiers très rapide, puisqu’il est fort probable que le débit des réseaux soit moins performant qu’avec n’importante quelle autre application.
• Intégrer les différentes politiques des institutions.

Même si le concept des grilles de calcul est en développement depuis plus de dix ans, il reste difficile de construire de tels outils. Ainsi, les logiciels plug-and-play n’existent, à l’heure actuelle, que pour les Desktop Computing et les grilles d’entreprise qui sont simplifiées par le fait qu’elles profitent de leurs propres réseaux et administrateurs. Mais, ce type de logiciel n’existe pas encore pour les grilles de type Virtual Organizations (VO). On appelle VO un regroupement d’institutions totalement indépendantes les une des autres. Cependant, d’autres logiciels comme celui de Globus Alliance [Foster, 1997] (http://www.globus.org) permettent de créer des grilles VO dans un laps de temps raisonnable (de l’ordre de quelques mois).

Exemples d’applications en termes de simulations numériques 

Une des plus grandes organisations s’occupant du développement des grilles est l’iGrid [Brown, 1999]. Elle regroupe des centres de recherche du monde entier : on y trouve des participants des USA, d’Australie, du Canada, d’Allemagne, du Japon, de Hollande, de Russie, de Suisse, de Singapour, et de Taiwan. Ils identifient quatre principales utilisations possibles des grilles :
• Applications distribuées : calculs parallèles qui sont exécutés sur des machines parallèles, qui font appelle à des librairies (API) pour l’allocation des ressources, l’autorisation, authentification et les communications (comme la librairie MPI et le middleware Globus). Comme exemples d’applications à grande échelle, on trouve des calculs en mécanique des fluides, ou des simulations de collisions de trous noirs.
• Applications sur demandes (on demand) : accès à distance d’instruments tels que des microscopes ou des accélérateurs.
• Applications de données intensives : recherche et visualisation basées sur des bases de données.
• Applications collaboratives : accès à des calculs ou des bases de données en temps réel, comme dans les diagnostiques médicaux ou la télé-immersion.

Analyse d’images satellites
Parmi les secteurs les plus demandeurs de la technologie des grilles, on trouve l’analyse d’images satellites [Lee, 1996] : des données apportées en très grand nombre par les satellites a généralement besoin d’importantes machines distribuées pour les stocker, les analyser, les visualiser, les partager…

Modélisation climatique
Dans le domaine de la modélisation climatique [Allcock, 2001] on retrouve les mêmes besoins. Des simulations de problèmes complexes ont une durée très grande, et une énorme quantité de données résultent de ces calculs sous formes de fichiers qui doivent être analysés. Ils sont donc très intéressés à la création d’une grille qui puissent analyser, transporter et distribuer des quantités importantes de données et gérer un très grand nombre d’utilisateurs. En effets, dans ce domaine, des équipes de chercheurs se trouvent très éloignés les uns des autres tout autour de la planète et doivent se communiquer des données sur les différents climats terrestres.

Étude des tremblements de terre
Dans [Pearlman, 2004], les auteurs mettent en évidence les progrès considérables que les gilles apportent à l’ingénierie des tremblements de terre. Les ingénieurs investiguent le comportement des structures terrestres avec à la fois des simulations numériques et des expériences physiques. Récemment, une nouvelle approche hybride demande une analyse distribuée des données expérimentales et calculées : ils font donc appel à la technologie des grilles pour construire NEESGrid (Network for Earthquake Engineering Simulation). NEESgrid permet de rassembler et accéder à des données géologiques récoltées dans différentes parties du monde par des ingénieurs dispersés, puis de les analyser avec des calculs intensifs et massivement parallèles. Le résultat est l’apparition de toutes nouvelles méthodes de travail bien plus efficaces.

Simulations numériques de la relativité
Un record de taille pour une simulation en relativité numérique a été réalisé sur grille de calcul par les auteurs de [Allen, 2001]. Le logiciel nommé Cactus [Allen, 1999] résout les équations d’Einstein pour simuler numériquement l’évolution d’une vague gravitationnelle. Leur modèle s’appuie sur une méthode de différence finie et une fonction discrétisée sur une grille régulière. En plus de la relativité numérique, Cactus est de plus en plus utilisé à des fins différentes comme en astrophysique, chimie, propagation de fissures, et modélisation des climats. Pour les calculs scientifiques parallèles, il se base sur les librairies MPI et PETSc, et le middleware Globus. Une application avec un maillage à environ 720 millions de nœuds a été exécutée avec succès sur les 1500 processeurs d’une grille de calcul.

Recherche de la Nasa 

L’article [Barnard, 1999] décrit une expérience menée par la Nasa, dans laquelle une application en calculs de dynamique des fluides à grande échelle est adaptée pour être exécutée de façon performante sur un environnement distribué. Cette grille de calcul est créée grâce au middleware Globus [Foster, 1997]. Un logiciel de simulation numérique basé sur la librairie de MPI [Gropp, 1996] et appelé OVERFLOW [Buning, 1995] est utilisé pour expérimenter la grille de calcul.

La Nasa veut développer une nouvelle génération d’outils de conception (next generation design tools) pour améliorer la précision des simulations et diminuer de moitié les cycles de développement des avions. Afin de réussir un tel challenge, il est nécessaire d’apporter une amélioration conséquente dans la façon de créer, calculer, comprendre, stocker et communiquer les données. Il n’est cependant pas probable que tout ceci puisse passer par l’utilisation de machines parallèles conventionnelles, même très performantes. La Nasa est donc en train de construire une infrastructure à l’échelle des Etats-Unis appelée Information Power Grid (IPG). L’IPG a pour but de fournir un accès uniforme à travers une interface pratique, à des ressources très importantes de calcul, de communication, d’analyse et de stockage des données. Pour créer un environnement de calcul transparent avec une bonne scalabilité et adaptabilité, d’importantes ressources hétérogènes et géographiquement dispersées aux Etats-Unis sont reliées. L’utilisation de cette machine parallèle virtuelle unifiée passe par une interface qui ne présente pas de complications par rapport à celle d’une machine plus conventionnelle (comme un superordinateur ou un cluster).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
LE PROJET MECAGRID
1. Introduction
2. État de l’art des grilles de calcul
2.1. Technologie existante
2.2. Exemples d’applications en termes de simulations numériques
3. Le projet MecaGrid
3.1. Description du projet
3.2. Difficultés administratives
3.3. Ressources disponibles
3.4. Intérêts d’une grille de calcul
3.5. Technologie de MecaGrid
3.6. Conclusion
4. Performances réelles de la grille
4.1. Outil de mesure des performances
4.2. Performances de la grille
5. Techniques d’optimisations
5.1. Instrumentation de PETSc
5.2. Analyse des biprocesseurs
5.3. Études des préconditionneurs
5.4. Particularités du processus maître
5.5. Méthode de partitionnement optimisé
5.6. Utilisations du partitionneur
5.7. Conclusion
6. Exemples d’applications sur la grille
6.1. Code de calcul
6.2. Cas d’extrusion à 65000 nœuds
6.3. Écroulement du barrage
6.4. Déverse d’un jerricane
6.5. Conclusion sur les applications numérique sur MecaGrid
7. Étude parallèle de la grille
7.1. Définition de l’efficacité parallèle
7.2. Essais parallèles
7.3. Efficacité et scalabilité sur MecaGrid
7.4. Conclusion de l’étude parallèle de MecaGrid
8. Conclusion
Références
CALCUL D’ÉCOULEMENTS
1. Introduction
2. Formulations des équations de Navier-Stokes incompressibles
2.1. Formulation forte
2.2. Formulation variationnelle
2.3. Formulation discrète
2.4. Linéarisation du problème
3. Stabilisations numériques
3.1. Stabilisation du problème mixte de Stokes
3.2. Stabilisation des termes d’advection de Navier-Stokes
3.3. Stabilisation du problème de Navier-Stokes
3.4. Conclusion
4. Formulation matricielle et résolution du problème de Navier-Stokes
4.1. Traitement explicite de la convection
4.2. Méthode implicite de Newton
4.3. Conclusion
5. Applications
5.1. Validations
5.2. Robustesse du code de calcul
5.3. Étude de la convergence
5.4. Comparaison avec le schéma temporel d’Euler explicite
6. Conclusion
Références
CALCUL D’INTERFACES
1. Introduction
2. Modélisation hétérogène et calcul d’interfaces
2.1. Approche Lagrangienne
2.2. Approche Eulérienne
3. La méthode Volume of Fluid
3.1. Présentation de la méthode
3.2. Une loi de mélange pour une modélisation hétérogène
3.3. Résolution de l’équation de transport discontinue
3.4. Adaptation de maillage
3.5. Validations
3.6. Conclusion : forces et faiblesses de VOF
4. La méthode Level Set
4.1. Présentation et historique de la méthode
4.2. Modélisation hétérogène
4.3. Résolution de l’équation de transport continue
4.4. Validations du solveur de convection pure
4.5. Réinitialisation Level Set
4.6. Méthode Level Set locale
4.7. Critères automatiques de réinitialisation
4.8. Une méthode de couplage transport-réinitialisation : Leveller
5. Conclusion sur les techniques de capture d’interface
5.1. VOF – Level Set
5.2. Perspectives d’améliorations
5.3. La conservation
Références
APPLICATIONS
1. Introduction
2. Benchmark du Soliton
2.1. Conditions Initiales
2.2. Évaluation numérique de la cassure d’une vague
2.3. Résultats numériques
2.4. Conclusion
3. L’écroulement du barrage
3.1. Description
3.2. 2 Dimensions
3.3. 3 Dimensions
4. Chute d’une bille dans un fluide
4.1. Dispositif expérimental
4.2. Résultats numériques
5. Conclusion
Références
CONCLUSION GENERALE

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