Simulation multi-résolution/multi-échellesde la thermohydraulique des assemblages de réacteurs à neutrons rapides

Contexte industriel et scientifique

Depuis les années 2000, le pôle nucléaire du C.E.A. (Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives) est partie prenante dans les programmes de recherche internationaux sur les réacteurs nucléaires du futur. En fonction de leur technologie, les réacteurs nucléaires sont classés en générations :
• La Génération I est composée des premiers prototypes, construits entre 1950 et 1970 essentiellement aux États-Unis, en Russie, en France – avec par exemple le réacteur UNGG (Uranium Naturel Graphite Gaz) – et en Grande-Bretagne. Ces réacteurs utilisaient de l’uranium naturel, l’uranium enrichi n’étant alors pas disponible pour les applications civiles ;
• La Génération II désigne la majorité des réacteurs actuellement (en 2011) en service dans le monde, construits entre les années 70 et 90. Ensemble, les R.E.P. (Réacteurs à Eau sous Pression) et R.E.B. (Réacteurs à Eau Bouillante) comptent 357 unités en fonctionnement, soit plus de 81% du parc électronucléaire mondial;
• La Génération III, imaginée dans les années 90, est une amélioration de la génération II. Ces nouveaux réacteurs sont en cours de déploiement, à l’exemple du futur E.P.R. (« European Pressurized Water Reactor ») de Flamanville, dont le chantier a débuté en 2007 ;
• La Génération IV présente une rupture technologique avec les générations précédentes, les objectifs étant de répondre aux enjeux d’une production d’énergie dans une vision à long terme, en minimisant les déchets radioactifs et en utilisant au mieux les ressources naturelles en combustible. Plusieurs concepts, sélectionnés en 2002, s’inscrivent dans cette génération, parmi lesquels les R.N.R. (Réacteurs à Neutrons Rapides).

Après une première phase de fonctionnement ayant permis d’en acquérir une expérience industrielle – le programme français a compté le réacteur expérimental Rapsodie  , la centrale de démonstration Phénix  et la centrale prototype Superphénix  –, le concept des réacteurs à neutrons rapides connaît un regain d’intérêt. Ainsi ce travail de thèse, comme l’indique la deuxième partie de son intitulé, intervient dans le cadre des nouvelles études engagées sur les RNR. Les réacteurs à neutrons rapides se démarquent technologiquement de leurs prédécesseurs. Leurs spécificités principales touchent aux points suivants (Cretté [37]) :

• le fluide caloporteur : dans la filière RNR, le sodium liquide fait l’objet d’un large consensus en raison de ses propriétés physiques avantageuses  et de son caratère nonmodérateur (voir ci-après). On parle alors de réacteur à neutrons rapides (refroidi) au sodium, abrégé en RNR-Na. Un enjeu technologique notable lié à l’utilisation de sodium liquide est la prévention de toute interaction entre eau et sodium, qui produit une réaction fortement exothermique ;
• l’absence de modérateur pour les neutrons : contrairement par exemple à la filière REP, où l’eau joue le rôle de modérateur en ralentissant les neutrons par chocs élastiques, les neutrons émis dans un RNR-Na lors de la fission nucléaire (Fig. 1) ne sont volontairement pas ralentis – d’où leur qualificatif de rapides. Cette caractéristique confère aux RNR-Na une aptitude à la surgénération : en effet, bien que la réaction en chaîne (Fig. 1) soit statistiquement d’autant mieux entretenue et efficace que le bombardement neutronique est ralenti, il est néanmoins possible en mélangeant dans une certaine proportion matière fissile et matière fertile  et en disposant judicieusement les assemblages et la couverture du cœur, de faire fonctionner la réaction en chaîne avec des neutrons rapides et ainsi produire du plutonium  en quantité plus importante que celle apportée initialement. De cette façon, la matière fertile du combustible (238U) est consommée en faible quantité, la matière fissile produite (239Pu) étant réutilisée comme combustible. Par utilisation d’uranium appauvri 238U, plutôt que son isotope 235U rare (utilisé dans les centrales actuelles), la surgénération offre donc la possibilité de ralentir l’épuisement des ressources en uranium naturel en exploitant de façon plus optimale le potentiel énergétique de l’uranium.

• la conception des assemblages : les pastilles de combustible sont empilées dans de fines aiguilles disposées conjointement à la verticale, parallèles entre elles, et maintenues espacées par des fils d’acier, souvent appelés fils espaceurs, s’enroulant autour d’elles. Ce faisceau, délimité par une paroi externe hexagonale, prend alors le nom d’assemblage (Fig. 2). Les assemblages sont eux-mêmes disposés en nid d’abeille dans le cœur du réacteur. Le nombre d’aiguilles par assemblage dépend du type de RNR (par exemple, 217 pour Phénix et 271 pour Superphénix), de même que le nombre d’assemblages.

Un réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium forme une structure complexe dont l’étude hydraulique et thermique offre des défis importants (Tenchine [110]). Comme désormais dans presque toute activité de recherche et développement, la phase d’étude des RNR comprend un volet de simulation numérique qui vient compléter les études expérimentales, et non les supplanter. Naturellement, comme ce mémoire l’illustrera amplement, la simulation numérique est tout autant soumise à des incertitudes que l’expérimentation, liées à la modélisation des phénomènes physiques (traduite par des équations d’évolution), aux méthodes de calcul adoptées et à la finesse de résolution. Elle offre néanmoins par rapport à l’expérimentation de nouvelles possibilités : études paramétriques, simplicité des « mesures » numériques (à peu de chose près, toute grandeur est post traitable en tout point), isolement d’un phénomène donné pour étudier sa seule contribution, etc..

Une grande variété de phénomènes physiques est susceptible de se produire à l’intérieur d’un cœur de réacteur (hydrauliques, thermiques, mécaniques, chimiques, nucléaires, …), la plupart étant en profonde interaction. Or, la simulation numérique fine et complète d’un assemblage – soit une petite partie de toute la structure – du seul point de vue thermohydraulique (c’est-à-dire de l’écoulement du fluide caloporteur couplé aux effets thermiques) est encore difficilement accessible. Elle est compliquée notamment par la présence des fils espaceurs, qui multiplient sévèrement le nombre de mailles nécessaires à la résolution. Pour cette raison, les simulations réalisées à ce jour concernent des configurations réduites d’assemblage, où une partie des échelles spatiales est modélisée  , mais demeurent malgré tout coûteuses en temps de calcul. Ainsi, Gajapathy et al. [48] considèrent un assemblage de 7 aiguilles avec un modèle de turbulence k epsilon. À l’époque de leur simulation (2006), ils estiment nécessaires 200 millions de mailles et 100 jours de temps CPU pour mener un calcul similaire sur 217 aiguilles. Bieder et al. [20] s’intéressent à la thermohydraulique dans un assemblage de 61 aiguilles, avec un modèle k-epsilon. Leur simulation de 200 millions de mailles nécessite 10 jours de calcul sur 1000 processeurs en parallèle. Pointer et al. [88] réalisent une simulation des grandes échelles (L.E.S.) d’un assemblage de 217 aiguilles avec plus d’un milliard de points de discrétisation. La simulation du cœur complet du réacteur (ensemble des assemblages) serait de l’ordre de 300 fois plus coûteuse.

On touche donc à une limitation essentielle de la simulation numérique, les temps de calculs, et ceci malgré la croissance rapide des technologies micro-informatiques et microélectroniques. Partant de ce constat, et considérant l’évidente nécessité de parvenir à des calculs d’assemblage en des temps raisonnables, nous allons donc envisager dans cette thèse une méthodologie de calcul particulière, consistant en une résolution « fine » d’une partie seulement d’assemblage, le reste étant calculé de façon « moyenne ». Cette approche suggère le recours à des méthodes multiéchelles, dont le cadre retenu sera celui des milieux poreux.

Milieux poreux et approche multiéchelle

La modélisation multiéchelle désigne l’analyse de problèmes physiques au sein desquels coexistent plusieurs échelles, généralement spatiales. Cette approche est largement mise en œuvre dans le domaine nucléaire [1] et plus généralement industriel, ainsi qu’en météorologie, océanographie, mais également dans des domaines de recherche plus fondamentaux comme l’étude de la formation des grandes structures de l’univers. Comme indicateur de l’intérêt croissant porté à la modélisation multiéchelle ces dernières années, Horstemeyer [58] (page 90) fait part de la forte augmentation du nombre d’articles scientifiques publiés contenant « multiscale modeling » dans leur titre : de 10 en 1999 à 236 en 2007. Cette expansion est liée à la place grandissante faite à la simulation numérique dans les activités de recherche et développement.

Les milieux poreux semblent particulièrement bien adaptés aux approches multiéchelles (mais n’en sont évidemment pas le seul cadre d’application). En effet, ils contiennent au moins deux échelles spatiales : l’échelle des pores, dite microscopique, et une échelle plus globale, dite macroscopique. Par exemple, un tas de sable apparaît de loin (donc à l’échelle macroscopique) comme un matériau homogène puisqu’il n’est pas possible d’en distinguer les grains, alors qu’en zoomant sur sa structure (donc à l’échelle microscopique) on a une impression de grande hétérogénéité en raison de la variété de tailles et de formes des grains de sable. Or, un assemblage de RNR-Na peut effectivement être vu comme un matériau poreux : il contient un espace chargé de fluide caloporteur (l’espace entre aiguilles), et des espaces solides constitués par l’ensemble des aiguilles et des fils espaceurs. Cette structure poreuse n’est d’ailleurs pas quelconque puisqu’elle possède la particularité, malgré la présence des fils espaceurs, d’être géométriquement périodique  , à l’image de nombreux échangeurs de chaleur industriels ; elle est donc formée d’une unité structurelle que l’on appellera cellule unitaire. Cette approche des assemblages est d’un grand intérêt, puisqu’elle permet de tirer profit du formalisme associé à l’étude des milieux poreux périodiques.

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Table des matières

Introduction
(i) Contexte industriel et scientifique
(ii) Milieux poreux et approche multiéchelle
(iii) Objectif général de la thèse
(iv) Méthodologies et plan de la thèse
1 De l’échelle locale à une échelle macroscopique continue
1.1 Méthodes de changement d’échelle
1.2 Méthode de la prise de moyenne volumique
1.2.1 Choix et propriétés du filtre
1.2.2 Problèmes de fermeture
1.2.3 Calcul numérique de la perméabilité et de la conductivité effective
1.3 Conditions aux limites macroscopiques
1.3.1 Motivation
1.3.2 Calculs analytiques
1.3.3 Calcul numérique du coefficient de Robin
1.3.4 Implémentation et stabilité
1.4 Conclusion
2 Une description macroscopique des assemblages de réacteur au sodium
2.1 Échelle macroscopique au sens d’un sous-canal
2.1.1 Principes généraux
2.1.2 Détermination des vitesses par sous-canal
2.1.3 Détermination des températures par sous-canal
2.2 Correspondance entre approches discrète et continue
2.2.1 Des moyennes par sous-canal aux moyennes cellulaires
2.2.2 Des moyennes volumiques aux moyennes cellulaires
2.2.3 Construction des gradients de champs moyens
2.2.4 Bilan
2.3 Conclusion
3 Retour à l’échelle locale à partir d’une description macroscopique
3.1 Remarques et développements préliminaires
3.2 Étapes détaillées de la méthodologie
3.2.1 Problème de reconstruction dans une cellule
3.2.2 Pénalisation
3.2.3 Synthèse
3.3 Premières applications
3.3.1 Écoulement en canal plan
3.3.2 Écoulement tournant bidimensionnel
3.3.3 Écoulement turbulent tridimensionnel
3.4 Conclusion
4 Applications à des assemblages de réacteur à neutrons rapides
4.1 Écoulement laminaire dans un assemblage à 61 aiguilles
4.1.1 Simulation numérique de l’assemblage complet
4.1.2 Simulation numérique d’une cellule
4.1.3 Résultats et interprétation
4.2 Écoulement laminaire dans une configuration modèle d’assemblage
4.2.1 Simulations de référence et de cellule
4.2.2 Résultats et discussion
4.3 Couplage « sous-canal »/cellule en régime turbulent
4.3.1 Simulation « sous-canal »
4.3.2 Simulation numérique d’une cellule
4.3.3 Analyse des résultats
4.4 Conclusion
5 Vers un couplage multiéchelle itératif
5.1 Positionnement du problème
5.2 Description du couplage
5.2.1 Problèmes constitutifs
5.2.2 Algorithme de couplage
5.3 Simulations numériques
5.3.1 Discussion sur le choix de Ωz
5.3.2 Remarques sur la discrétisation
5.3.3 Tests numériques
5.4 Conclusion
Conclusion générale

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