L’appareil locomoteur humain fait l’objet d’un grand nombre d’études, d’une part pour augmenter la connaissance médicale fondamentale, d’autre part pour obtenir des paramètres morphologiques ou fonctionnels à prendre en compte dans le cadre de routines cliniques de rééducation ou de protocoles de chirurgie naviguée. Un élément important pour comprendre le fonctionnement des articulations saines ou pathologiques, est la connaissance de la position et l’orientation des structures osseuses au cours d’un mouvement. Des informations sur les structures osseuses sont donc nécessaires pour répondre au mieux à cette problématique. Actuellement, différents capteurs en permettent l’estimation : les systèmes d’acquisition dédiés à l’étude de la cinématique comme les systèmes magnétiques (Fastrack), optiques (VICON), ou bien dédiés à l’étude de la morphologie 3D (CT, IRM). Aucun capteur actuel n’est optimisé à la fois pour la cinématique et l’anatomie des segments en mouvement si on excepte l’utilisation de broches intracorticales extrêmement invasives et interdites en France, qui donnent cependant une fiabilité d’estimation de la position temporelle de ces structures (McClure 2001, Alexander 2001). Pour les mouvements de la vie quotidienne (marche, sport, préhension,…) les systèmes cinématiques sont nécessaires. Ils utilisent des marqueurs externes cutanés pour estimer le mouvement des os sous-jacents mais la relation entre les positions de ces marqueurs et celles des os n’est pas directe à cause des artefacts dus aux mouvements relatifs de la peau et des tissus mous par rapport aux structures osseuses (Della 2005). Ainsi de nombreuses méthodes de correction existent dans la littérature et sont basées, soit sur des considérations cinématiques (Chèze 1995, Söderkvist 1993), soit sur des considérations géométriques (van de Giessen 2009, Arbabi 2009), soit sur un multi-recalage 3D (Jacq 2008, Jacq 2010) ou 2D/3D (Zollei 2001, Jerbi 2012) prenant en compte des données d’imagerie. La première contribution de ces travaux de thèse est de savoir s’il est possible de rendre compte de la qualité d’une estimation de mouvement par des indices temporels quantifiés de cohérence articulaire. En effet, la notion de cohérence articulaire semble au cœur de la problématique. Elle généralise la notion de congruence utilisée pour l’articulation de la hanche ou du coude. Des outils porteurs d’informations telles que la présence de collision ou de dislocation au cours du mouvement estimé permettrait de valider des méthodes de correction mais aussi de comparer différents protocoles d’acquisitions cinématiques ou différents protocoles chirurgicaux restituant une fonctionnalité.
L’estimation de mouvements concernant essentiellement les segments des membres supérieurs ou inférieurs, les articulations étudiées dans ces travaux concernent l’épaule, le coude, la hanche avec un focus plus important sur l’articulation du genou. Comme alternative à une capture du mouvement, nous proposons dans ces travaux une modélisation morpho-fonctionnelle du genou afin de simuler le mouvement entre 2 surfaces articulaires en vis-à-vis. L’approche morpho-fonctionnelle consiste à lier la forme de l’articulation à sa fonction. En effet, il existe une relation bidirectionnelle entre ces 2 notions. D’une part, la forme d’une articulation contraint fortement son mouvement, d’autre part, les mouvements entre segments donnent une conformation spécifique aux surfaces articulaires et maintiennent cette forme dans la durée. Par exemple, les mouvements du foetus sont indispensables pour le bon développement des articulations (Feduccia 1991). C’est ainsi qu’un mouvement répété, anormal ou absent aura une influence à plus ou moins long terme sur la forme des articulations. Intégrer cette connaissance morphologique dépend fortement du type de l’articulation étudiée. La forme de l’articulation coxo-fémorale, articulation dite à centre, se modélise assez fidèlement par un ellipsoïde voir une sphére. Lorsque nous sommes face à des articulations disposant d’un axe de rotation, comme cela est le cas pour l’articulation huméro-ulnaire, un modèle mathématique de type hyperboloïde donne de bons résultats par rapport à l’axe anatomique palpé entre les épicondyles par exemple. Ces représentations géométriques sont à mettre en parallèle avec les représentations synoviales des articulations du corps humain (Allaire 2007) .
Nomenclature et arthrologie du membre inférieur humain
Ces rappels d’anatomie s’inspirent largement des ouvrages d’anatomie (Kapandji 2009) et des manuels universitaires. Afin de décrire la position ou le mouvement d’une articulation, une nomenclature a été mise en place en médecine. Cette nomenclature est également utilisée en biomécanique.
Nomenclature
Description des plans, axes et directions anatomiques
Les 3 principaux plans de l’anatomie sont :
– le plan sagittal (ou médian) qui sépare les parties droite et gauche du corps,
– le plan frontal (ou coronal) qui sépare les parties avant et arrière du corps,
– le plan transversal (ou axial) qui sépare les parties haute et basse du corps.
Les 3 principaux axes anatomiques sont :
– l’axe vertical qui est longitudinal au corps,
– l’axe transverse qui est l’axe horizontal allant de gauche à droite,
– l’axe sagittal qui est l’axe horizontal allant de l’arrière vers l’avant.
Les 3 principales directions sont :
– la direction proximo-distale qui part de la racine d’un membre vers son extrémité,
– la direction médio-latérale qui part du centre du corps vers l’extérieur dans le plan frontal,
– la direction antéro-postérieur qui part de l’avant du corps vers l’arrière.
Classification des articulations
Un des enjeux de cette thèse est de comprendre les rapports ostéo-articulaires qui interviennent dans le mécanisme de la marche. Dans sa thèse, Allaire propose un atlas de classification des formes osseuses selon la mobilité articulaire, cet atlas a été élaboré à partir des ouvrages de références signés par I. A. Kapandji (Kapandji 2009), P. Kamina (Kamina 2006) et J. Castaing (Castaing 1975). L’anatomiste Pierre Kamina a contribué à clarifier la définition des classes d’articulations en faisant le lien entre la mécanique du solide et la forme des surfaces articulaires. Ainsi la classification des articulations synoviales est étroitement liée à la morphologie des surfaces. Allaire a proposé une Table Typologique Interdisciplinaire de Correspondance Forme Osseuse – Mobilité Articulaire (TTIFOMA). Cette table a pour but de fusionner et de synthétiser les classifications biomécaniques, arthrologiques, anatomiques et géométriques. Sa contribution a été de proposé, en collaboration avec le professeur Lefèvre du CHU de Brest, une colonne biomécanique qui donne des informations sur la mobilité articulaire telles que le nombre de degrés de liberté et la nature du mouvement. Une colonne morphologique a été ajoutée et précisent les notions de formes des surfaces en terme de convexités, concavités et rapports angulaires. Pour exemple, la tête humérale peut être assimilée à une liaison rotule et modélisée mathématiquement par un ellipsoïde.
Arthrologie du membre inférieur
Afin de permettre au lecteur de s’approprier les termes anatomiques utilisés dans ce document, cette section présente les principales articulations du membre inférieur. Les membres inférieurs, dit membres de locomotion, permettent à l’Homme de se soutenir et de se déplacer. Ils sont composés de 3 principales articulations :
– L’articulation de la hanche,
– L’articulation du genou,
– L’articulation de la cheville.
L’articulation coxo-fémorale
Lors du passage de la station quadrupède à la position bipède, la hanche est devenue l’articulation de la racine du membre inférieur qui est lui-même exclusivement devenu le membre porteur et locomoteur. Elle permet de joindre la cuisse au bassin. La hanche assume à la fois la fonction d’orientation mais aussi celle de support du membre inférieur. Du fait de sa forte congruence articulaire, c’est une articulation très stable, difficile à luxer. C’est au niveau de cette articulation qu’ont été développées les premières prothèses et que le nombre de modèles proposés est le plus grand. Elle est constituée de 2 structures osseuses qui sont l’os iliaque et le fémur. Les surfaces articulaires en vis-à-vis sont l’acetabulum et la tête fémorale.
L’articulation du genou
Le genou est l’articulation intermédiaire du membre inférieur et possède principalement 1 degré de liberté qui est la flexion/extension. Lorsque le genou est fléchi, on observe un deuxième degré de liberté qui consiste en une rotation autour de l’axe longitudinal de la jambe. Du fait du poids du corps, le genou travaille essentiellement en compression. Le défi mécanique de cette articulation est d’être stable en extension et mobile en flexion, et ceci malgré la faible congruence des structures osseuses mises en jeu. Ces structures sont le fémur, le tibia et la patella. Les condyles et le plateau tibiale forment les compartiments fémoro-tibiales. La trochée fémorale et la face postérieure de la patella forment le compartiment fémoro-patellaire .
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 : L’appareil locomoteur humain : de l’anatomie au mouvement
1 Nomenclature et arthrologie du membre inférieur humain
1.1 Nomenclature
1.1.1 Description des plans, axes et directions anatomiques
1.1.2 Classification des articulations
1.2 Arthrologie du membre inférieur
1.2.1 L’articulation coxo-fémorale
1.2.2 L’articulation du genou
1.2.3 Articulation de la cheville
2 Comparaison des différents systèmes pour l’étude de la cinématique
2.1 Critères d’évaluation des différentes méthodes d’analyse de mouvement
2.1.1 Palpation de points anatomiques
2.1.2 L’utilisation de marqueurs cutanés
2.1.3 Utilisation de broches intra-corticales
2.1.4 Etudes sur pièces anatomiques
2.1.5 Acquisitions par imagerie médicale 3D
3 Synthèse
Chapitre 2 : Modélisation morpho-fonctionnelle de flexion du genou
1 Etude du mouvement par modélisation : application à l’étude du genou
1.1 Modélisation du genou basée sur la morphologie d’une seule structure
1.2 Approches basées sur la morphologie du complexe articulaire complet
1.2.1 De l’étude de l’articulation fémoro-tibiale dans le plan sagittal vers une modélisation de mouvement
1.2.2 Modélisation du mouvement par l’approche des axes hélicoïdaux
1.2.3 Approche morpho-fonctionnelle et notion de points de contact
1.2.4 Notion de point de contact, polode et développée
1.3 Synthèse
2 Description de la modélisation morpho-fonctionnelle proposée
2.1 Du condyle entier vers la coupe pseudo sagittale de chaque condyle
2.1.1 Mise en évidence du chemin des points de contact
2.1.2 Sélection de la coupe pseudo sagittale
2.2 Calcul de la développée
2.2.1 Description du repère de Frénet
2.2.2 Ajustement d’ellipse : description de la méthode
2.2.3 Détermination des axes de rotation
3 Conclusion
Chapitre 3 : Comportement de deux surfaces en mouvement relatif : état de l’art
1 Définitions liées à la cohérence articulaire
2 Position relative de 2 surfaces articulaires : état de l’art
2.1 Distances entre les repères osseux
2.2 Distance relative entre 2 objets
2.3 Carte de courbure
2.4 Méthodes générales de détection de collisions au cours d’un mouvement
2.4.1 Méthodes basées sur les volumes limitants
2.4.2 Méthode Hybride
2.4.3 Découpage ou échantillonnage de l’objet 3D pour la détection de collision
2.4.4 Utilisation d’une « brosse » d’échantillonnage
2.4.5 Mise en place d’une surface de glissement
3 Présentation de l’indice de cohérence articulaire
3.1 Matériel
3.1.1 Focus sur l’articulation Gléno-Humérale
3.1.2 Position de référence
3.2 Estimateur de Tukey : application à la notion de distance
3.3 Estimateur de Tukey : application au nombre de vis-à-vis
3.4 Détermination des points de rejet
3.5 Applications
3.5.1 Tests sur des surfaces synthétiques
3.5.2 Applications au mouvement scapulo-humérale
3.6 Application au mouvement huméro-ulnaire
3.6.1 Rappels d’anatomie de l’articulation huméro-ulnaire
3.6.2 Description des simulations de mouvements
4 Synthèse générale
CONCLUSION
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