Grandeurs et unités en dosimétrie pour la radioprotection
Grandeurs physiques
En dosimétrie des rayonnements ionisants, les grandeurs physiques sont quantitativement mesurables. Elles caractérisent l’effet physique des rayonnements sur la matière en termes d’énergie transférée ou absorbée.
La quantité d’énergie cédée par le rayonnement au milieu est estimée à l’aide de grandeurs physiques, telles que le kerma et la dose absorbée.
kerma (Kinetic Energy Released per unit MAss)
Il faut déterminer la relation entre la fluence de photons primaires en un point M d’un matériau et l’énergie transférée en ce même point par ces photons incidents aux électrons primaires mis en mouvement.
On considère un photon d’énergie E pénétrant dans une sphère élémentaire dont le diamètre est très inférieur au libre parcours moyen de ce photon dans le milieu. Celui-ci à la suite d’une interaction communique une énergie moyenne Etr à la matière de la sphère. Etr est la somme des énergies cinétiques initiales de toutes les particules chargées ionisantes libérées par les particules non chargées.
Pour la surveillance individuelle, il est défini :
• l’équivalent de dose individuel noté Hp(d), défini aux profondeurs d de 0,07 mm et 10 mm suivant le type de rayonnement considéré. Cette grandeur peut être mesurée avec un détecteur porté à la surface du corps, recouvert de l’épaisseur adéquate d, de matériau équivalent au tissu. On doit ainsi réaliser l’étalonnage dans des conditions simplifiées, sur le fantôme équivalent au tissu ICRU qui convient.
La figure I.3 ci-dessus résume les diverses grandeurs utilisées dans le domaine de la radioprotection :
Rayonnement de photons X
Production de rayons X
Les rayons X utilisés dans les domaines médical et industriel sont produits par bombardement d’électrons accélérés sur une cible métallique de nombre atomique élevé. Le dispositif dans lequel s’effectue l’interaction entre les électrons incidents et la cible est appelé tube de Coolidge (Figure I.4). Les électrons sont émis par effet thermoélectronique à partir d’un Grandeurs « pratiques » Situations accidentelles filament chauffé (cathode). La chaleur apporte une énergie suffisante pour que l’électron quitte son support. Ces électrons sont soumis à une tension accélératrice appliquée entre la cathode et la cible (anode) qui leur confère une grande énergie. Ils sont ensuite freinés brutalement par la cible (anode) tel que le tungstène.
L’électron passant au voisinage de l’atome cible peut interagir avec un de ses électrons ou avec le noyau de l’atome. L’interaction avec un électron de l’atome produit un spectre discret en énergie de rayons X, tandis que l’interaction coulombienne avec la charge électrique du noyau donne naissance à un spectre continu en énergie de rayons X. Le spectre en énergie obtenu est donc la résultante de la superposition des deux spectres.
Nous décrirons brièvement les deux types de spectres.
Spectre continu des rayons X
On suppose les électrons monoénergétiques (E0) et unidirectionnels. En passant à proximité du noyau, l’électron subit une interaction coulombienne d’attraction. La trajectoire de l’électron est déviée ce qui entraîne une perte d’énergie cinétique, émise sous la forme d’un rayonnement électromagnétique dit du « freinage », ou « Bremsstrahlung » (en allemand, Brems signifie frein et der strahl le rayon). Filament HTPhotons X Electrons Cible en W HT+
Lorsque l’électron incident passe tout près du noyau, il est fortement freiné et dévié avec l’émission d’un photon dont l’énergie est égale à la perte d’énergie cinétique de l’électron incident.
Si l’électron passe loin du noyau, il est peu dévié et freiné et le photon de freinage a une énergie faible (figure I.5).
Détecteurs
Le principe de fonctionnement des détecteurs de photons (X ou γ ) et de particules est basé sur les propriétés d’excitation ou d’ionisation des atomes du milieu par le rayonnement.
Nos travaux de recherche de thèse se rapportant à la dosimétrie, nous décrirons succinctement les différents types de ces détecteurs (ou dosimètres).
Détecteurs absolus
Ce sont des détecteurs qu’on ne trouve pratiquement que dans des laboratoires nationaux de métrologie. Il existe trois types de détecteurs primaires utilisant chacun un principe physique différent.
La calorimétrie est la méthode la plus directe pour mesurer l’énergie absorbée par un milieu due au rayonnement. Le calorimètre relie la variation de température à la dose absorbée. La mesure se fait à l’aide de thermocouples ou de thermistances. La calorimétrie n’est pas dépendante du type de radiation (électron, photon, neutron,…).
La dosimétrie de Fricke est une dosimétrie chimique à l’aide d’une solution de sulfate ferreux. La radiation oxyde les ions ferreux en ions ferriques. La quantité d’ions ferriques est mesurée par spectroscopie d’absorption de la lumière ultraviolette. La dosimétrie de Fricke est dépendante du type de radiation et du débit de dose.
La chambre d’ionisation utilise un volume de gaz qui est soumis à une différence de potentiel. Le rayonnement incident ionise le gaz et on y enregistre le passage d’une particule chargée en mesurant la charge totale des électrons et des ions produits lors de l’ionisation du milieu par la particule. Dans le domaine des rayonnements de photons X de basses et moyennes énergies, la chambre d’ionisation est tout à fait appropriée pour la mesure du kerma dans l’air (voir chapitre II).
Ces détecteurs sont dits primaires (ou absolus) car ils ne sont pas étalonnés dans la grandeur mesurée. Du point de vue métrologique, le mètre et l’ampère sont les grandeurs de base du systèmeinternational auxquelles les chambres d’ionisation sont raccordées (confère § II.1).
Développement de détecteurs de référence
En 1896, Jean Perrin [PER1896] fut l’un des pionniers qui montrèrent l’ionisation gazeuse provoquée par les rayons X. Il démontra en effet la possibilité de vérifier que les rayons X peuvent décharger en quelques secondes un corps électrisé en traversant simplement le milieu gazeux environnant. Cette hypothèse tient au fait que les rayons X dissocient certaines molécules du diélectrique qu’ils pénètrent, libérant ainsi des ions positifs et des ions négatifs. En présence d’un champ électrique statique obtenu en appliquant une tension continue entre deux électrodes, les ions négatifs sont attirés par l’anode et les ions positifs par la cathode.
Le fonctionnement des détecteurs à gaz tels que la chambre d’ionisation à parois d’air de référence est basé sur ce principe.
Lors de la réalisation de nos travaux de recherche, nous avons utilisé une chambre d’ionisation à parois d’air dont nous montrerons l’intérêt et le principe de fonctionnement.
Intérêt d’une chambre d’ionisation à parois d’air
Dans une chambre d’ionisation à parois d’air le volume de mesure n’est pas délimité par une paroi dense ; ainsi les perturbations liées à une éventuelle déformation de la paroi sont supprimées. De plus, le volume de collection est déterminé à partir de dimensions directement mesurables. La réponse du détecteur est définie par le rapport entre la valeur de mesure obtenue à l’aide de ce détecteur et la valeur vraie du kerma dans l’air.
La mesure du kerma dans l’air, exprimé en gray (Gy) avec une chambre d’ionisation à parois d’air, est liée à des caractéristiques physiques de la chambre (dimensions, …), au milieu ambiant (température, pression et hygrométrie) et aux grandeurs physiques mesurables (courant…).
Méthode de mesure
Grandeur à mesurer
La grandeur à déterminer à l’aide de la chambre d’ionisation à parois d’air est le kerma dans l’air (Kair) en un point de mesure. Si est la fluence énergétique des particules non chargées incidentes (c’est-à-dire des photons),exprimée en J.m -2 , le kerma dans l’air peut également s’écrire.
Equilibre électronique
Conditions d’équilibre électronique
La charge mesurée dans une masse d’air n’est représentative du kerma dans l’air que si le volume de cette masse est à l’équilibre électronique. Lors de l’équilibre électronique [ATT85] (figure II.1) il y a compensation entre les ionisations provoquées par les électrons secondaires provenant de l’extérieur dans le volume et ceux de l’intérieur.
Distance d’équilibre électronique
L’épaisseur d’air entre les plans Z0 et Zm doit être assez importante pour assurer la mise en équilibre électronique du volume v. Si l’on considère un faisceau de photons monoénergétiques pénétrant dans la chambre d’ionisation à parois d’air par le diaphragme (figure II.2), les électrons secondaires créés par ces photons auront une énergie comprise entre 0 et une valeur maximale proche de l’énergie des photons incidents. Le parcours maximal des électrons est noté pm.
La première tranche d’air située après le diaphragme n’est traversée que par les électrons secondaires y ayant pris naissance. La deuxième tranche est traversée par les électrons qui ont été créés et par ceux créés dans la première tranche dont l’énergie est suffisante pour atteindre la seconde. Le même raisonnement peut être mené pour les tranches d’air suivantes. On constate que l’énergie totale des électrons secondaires augmente régulièrement jusqu’à une épaisseur d’air égale à leur parcours maximal (pm), et reste constante au-delà. La charge collectée dans les tranches d’air situées au-delà de pm reste alors constante, en supposant que l’atténuation du flux de photons incidents soit négligeable.
L’équilibre électronique est atteint à la profondeur correspondant au parcours maximal des électrons secondaires. Il est donc nécessaire que la distance (Z0 -Zm) soit au moins égale à pm. En pratique, elle est prise égale à pm afin de minimiser à la fois l’atténuation dans cette épaisseur d’air et les dimensions du détecteur.
Caractérisation du parcours des électrons
La trajectoire réelle d’un électron est éminemment erratique et se distingue de ce fait du parcours, définit comme la longueur de la trajectoire (trajectoire développée). Dans l’optique d’étudier la caractérisation du parcours des électrons, nous avons, à l’aide du programme « SHOWER » contenu dans le Code Monte Carlo PENELOPE, simulé les trajectoires réelles de 20 électrons d’une même énergie cinétique initiale de 50 keV. La figure II.3 présente les résultats obtenus. L’examen de cette figure fait apparaître des trajectoires différentes.
La figure II.4 met l’accent sur la différence entre la portée des parcours des électrons et le parcours de Bethe. Cette différence est de l’ordre de 20 à 30 %.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Nature et objectif de l’étude
I.1 Contexte de l’étude
I.2 Interaction rayonnement matière
I.2.1 Rayonnement ionisant
I.2.2 Interaction photon-matière
I.2.3 Sections efficaces d’interactions
I.3 Grandeurs et unités en dosimétrie pour la radioprotection
I.3.1 Grandeurs physiques
I.3.1.1 kerma (Kinetic Energy Released per unit MAss)
I.3.1.2 Dose absorbée
I.3.2 Grandeurs de radioprotection
I.3.3 Grandeurs opérationnelles
I.4 Rayonnement de photons X
I.4.1 Production de rayons X
I.4.2 Spectre continu des rayons X
I.4.3 Spectre de raies
I.5 Détecteurs
I.5.1 Détecteurs absolus
I.5.2 Détecteurs de transfert
I.5.2.1 Dosimétrie active
I.5.2.2 Dosimétrie passive
I.6 Matériels et méthode pour établir une référence dosimétrique
Chapitre II : Développement de détecteurs de référence
II.1 Intérêt d’une chambre d’ionisation à parois d’air
II.2 Méthode de mesure
II.2.1 Grandeur à mesurer
II.2.2 Equilibre électronique
II.2.2.1 Conditions d’équilibre électronique
II.2.2.2 Distance d’équilibre électronique
II.2.2.3 Caractérisation du parcours des électrons
II.3 Description de la chambre d’ionisation à parois d’air
II.4 Détecteur pour les moyennes énergies (WK06)
II.4.1 Description du Volume de collecte V’
II.4.2 Détermination des dimensions caractéristiques
II.4.2.1 Distance D entre le plan de sortie du diaphragme et le plan de mesure
II.4.2.2 Distance L entre les plaques
II.4.3 Volume de mesure V
II.4.4 Choix des matériaux
II.4.5 Réalisation et caractéristiques principales
II.4.6 Résultats
II.5 Détecteur pour les faibles énergies (WK07)
II.5.1 Réalisation du détecteur WK07
II.5.2 Caractéristiques principales du détecteur WK07
Chapitre III : Caractérisation des faisceaux de rayons X et calcul des facteurs de corrections
III.1 Introduction
III.1.1 Définition de la couche de demi-atténuation (CDA)
III.1.2 Définition de l’énergie effective
III.1.3 Mesures spectrométriques
III.1.3.1 Empilement d’impulsions
III.1.3.2 Plateau Compton
III.1.3.3 Pic d’échappement
III.1.4 Traitement du signal et résolution spectrale
III.2 Qualité des faisceaux utilisés pour les comparaisons internationales
III.2.1 Qualité de faisceaux selon la norme ISO 4037
III.2.2 Qualité de faisceaux selon le CCRI
III.3 Facteurs de correction
III.3.1 Facteurs de corrections liés aux conditions climatiques
III.3.1.1 Température (kT)
III.3.1.2 Pression (kP)
III.3.1.3 Hygrométrie (kH)
III.3.2 Facteurs de corrections liés aux détecteurs
III.3.2.1 Atténuation dans le détecteur (ka)
III.3.2.2 Atténuation dans l’air devant le détecteur (katt)
III.3.2.3 Polarisation (kpol)
III.3.2.4 Recombinaison (ks)
III.3.2.5. Transmission du diaphragme (kl)
III.3.2.6 Transmission des parois (kp)
III.3.2.7 Distorsion du champ (kd)
III.3.2.8 Photons diffusés (ksc)
III.3.2.9 Perte d’électrons (ke)
Chapitre IV : Simulation de spectre de rayons X et calcul des facteurs de correction à l’aide de code de Monte Carlo
IV.1 Les codes de Monte Carlo
IV.1.1 Le code MCNP
IV.1.2 Le code PENELOPE
IV.1.3 Le code BEAMnrc (EGSnrc)
IV.2 Simulation de spectres de rayons X
IV.2.1 Simulation avec le code PENELOPE
IV.2.1.1 Modélisation numérique du Tube à rayons X
IV.2.1.2 Paramètres physiques de simulation
IV.2.2 Simulation avec le code EGSnrc
IV.2.2.1 Modélisation numérique du Tube à rayons X
IV.2.2.2 Paramètres de simulation
IV.2.3 Comparaison des spectres
IV.3 Validation géométrique du détecteur WK06 à l’aide du code MCNP 4C
IV.3.1 Modélisation du détecteur WK06
IV.3.2 Evolution du spectre dans le détecteur WK06
IV.3.3 Fluorescence dans le détecteur WK06
IV.3.4 Profil au niveau du volume de mesure
IV.3.4.1 Simulation avec utilisation d’une source ponctuelle
IV.3.4.2 Source étendue
IV.3.5 Modélisation numérique avec simplifications géométriques
IV.4 Calcul des facteurs de correction k e et k sc à l’aide du code PENELOPE
IV.4.1 Modélisation du détecteur WK06
IV.4.1.1 Modèle numérique simplifié
IV.4.1.2 Modèle numérique détaillé
IV.4.1.3 Modèle numérique détaillé avec collimateur
IV.4.2 Facteurs de corrections ke et ksc
IV.4.3 Paramètres de simulations
IV.4.4 Calculs des facteurs de correction k e et k sc à l’aide du Code PENELOPE pour le détecteur WK06
IV.4.4.1 Forme générale des réponses
IV.4.4.2 Comparaison entre modèle simplifié (Geo1) et modèle détaillé (Geo2)
IV.4.4.3 Comparaison entre modèle détaillé(Geo2) et modèle détaillé avec collimateur (Geo3)
IV.4.5 Applications au spectre énergétique des faisceaux
IV.4.6 Calculs des facteurs de correction k e et k sc à l’aide du Code PENELOPE pour le détecteur WK07
Chapitre V : Estimations des incertitudes associées à la mesure du débit de kerma dans l’air
V.1 Définitions pour l’estimation des incertitudes
V.1.1 Vocabulaires
V.2.1 Méthodes d’estimations des incertitudes
V.2.1.1 Incertitude de type A (statistique) (uA)
V.2.1.2 Méthode de type B (non statistique) (uB)
V.2.1.3 Incertitude type composée (uc)
V.2.1.4 Incertitude élargie U
V.2. Etablissement des incertitudes associées aux résultats des mesures réalisées avec les
détecteurs WK06 et WK07
V.2.1 Incertitudes associées aux constantes physiques (W/e,air, et g)
V.2.1.1 Constante physique W/e
V.2.1.2 Constante physique air
V.2.1.3 Constante physique g
V.2.2 Incertitude associée au volume de mesure V
V.2.3 Incertitudes associées à la mesure du courant d’ionisation
V.2.3.1 Incertitude aléatoire (Type A)
V.2.3.2 Incertitude de type B sur le courant brut
V.2.3.2.1 Le condensateur
V.2.3.2.2 Tension aux bornes du condensateur
V.2.3.2.3 Intervalle de temps
V.2.4 Incertitudes associées aux facteurs de correction
V.2.4.1 Température (kT)
V.2.4.2 Pression (kP)
V.2.4.3 Hygrométrie (kH)
V.2.4.4 Atténuation dans le détecteur (ka)
V.2.4.5 Polarisation (kpol)
V.2.4.6 Recombinaison (ks)
V.2.4.7 Transmission du diaphragme (k
l) et transmission des parois (kp)
V.2.4.8 Distorsion du champ (kd)
V.2.4.9 Photons diffusés (ksc) et perte d’électrons (ke)
V.3 Bilan des incertitudes associées au débit de kerma
Chapitre VI : Comparaisons internationales
VI.1 Etalonnage de dosimètre secondaire
VI.2 Comparaisons avec le BIPM
VI.3 Inter-comparaison EUROMET (projet 738)
VI.3.1 Détermination du débit d’équivalent de dose individuel à l’aide du détecteur WK06
VI.3.2 Détermination de la réponse du détecteur de transfert
VI.4 Comparaison interne au LNHB
Comparaison des détecteurs WK06 et WK07
Conclusion
Bibliographie
Annexe A) Interaction photon matière
Annexe B) Les sections efficaces d’interactions
Annexe C) Paramètres de simulation
Annexe D) Vocabulaire International des termes fondamentaux et généraux de Métrologie
Annexe E) Source d’incertitude sur la valeur de la capacité d’un condensateur