Silicium amorphe méthylé comme matériau d’électrode négative pour les batteries Li-ion

L’accroissement de la demande d’énergie s’accompagne d’enjeux pour le stockage d’énergie. Les accumulateurs permettant de stocker de l’énergie électrique sous forme d’énergie chimique sont intéressants de ce point de vue. Or les secteurs industriels concernant les applications mobiles/électroniques et les transports (automobile, avionique) sont en forte croissance et ils sont demandeurs en solutions de stockage d’énergie. Le dénominateur commun entre ces secteurs est qu’ils nécessitent de disposer d’une bonne densité d’énergie pour un(e) faible volume/masse . Dans ce contexte, le lithium qui est le métal le plus léger et le plus réducteur de la table périodique a été initialement utilisé pour la configuration des batteries dites « lithium métal » (ρLi = 0,53 g cm−3 , E (V vs. ESH) = – 3,02 V à pH = 0) (Pourbaix & Zoubov [1963] ; Huston & Butler [1968]). En revanche, l’électrodéposition du lithium sur l’électrode négative peut devenir inhomogène sur l’électrode négative lors de cycles de charge/décharge répétées. Cela provoque la croissance dendritique du lithium donnant naissance à un court-circuit entre les deux électrodes (Tarascon & Armand [2001]). L’amélioration de la sécurité du dispositif tout en conservant une bonne capacité était un défi technologique à résoudre.

En 1976, la possibilité d’insertion du lithium dans un solide à partir d’un milieu nonaqueux a été démontrée pour la première fois avec le matériau LixTiSi/Li (Whittingham [1976]). En 1980, Michel Armand introduit l’utilisation de matériau d’intercalation permettant de basculer les ions lithium de part et d’autre des électrodes de façon réversible, définissant ainsi un mécanisme « rocking-chair » (Armand [1980]). Peu après, l’équipe de Goodenough synthétise un nouveau matériau d’électrode positive à base de LiCoO2 avec un potentiel d’ordre de 4 V (Mizushima et al. [1980]). Ensuite, la possibilité d’insérer du lithium dans la matrice du carbone lamellaire a été découverte par Yazami & Touzain (Yazami & Touzain [1983]). Le premier type de batterie « Lithium-ion » est alors commercialisé par Sony en 1991, sur la base des technologies qui viennent d’être mentionnées. La formation de la dendrite n’est plus un problème critique pour ces batteries Li-ion. En revanche, elles ne sont pas tout à fait à l’abri des problèmes de sécurité (Irfan [2014] ; Staller [2016]). Il existe un grand enjeu industriel dans cette thématique.

Comme le nom l’indique, les porteurs de charge ioniques sont des ions lithium. Ils sont présents dans l’électrolyte à base d’un sel de lithium dissout dans un solvant organique à base de carbonates. L’électrolyte doit assurer une bonne conductivité ionique et résister à une grande différence de potentiel entre des électrodes (Xu [2014]). Un séparateur imbibé d’électrolyte est situé entre les électrodes. Le séparateur est suffisamment poreux pour assurer une bonne conduction ionique. Il est fin pour limiter la distance à parcourir pour les ions, mais mécaniquement rigide pour résister à la formation de dendrites et éviter un court-circuit entre les électrodes. En cas d’augmentation de la température de la cellule, les pores du séparateur doivent se fermer (« Shut down ») avant d’atteindre la température d’emballement thermique (Zhang [2007]). L’électrode positive est de type « lamellaire » à base d’un oxyde de métal (M = Co, Mn) alors que l’électrode négative est à base de graphite. Pendant la charge, les ions lithium se déplacent de l’électrode positive vers l’électrode négative. L’électrode positive subit donc une oxydation alors qu’une réduction a lieu à l’électrode négative. Un phénomène inverse a lieu pendant la décharge.

Solid Electrolyte Interphase (SEI) 

Lors de la lithiation, les électrons s’accumulent dans l’électrode négative. Le potentiel de l’électrode s’approche de celui du lithium métallique au fur et à mesure que les atomes de lithium y sont insérés. Une couche de passivation résultant de la décomposition de l’électrolyte à base du solvant organique et de sel est alors formée sur l’électrode. Cette couche est nommée Solid Electrolyte Interphase (SEI) pour la première fois en 1979 par Peled (Peled [1979]).

Cette couche se forme également sur l’électrode positive pendant la lithiation, et est appelée Cathode Electrolyte Interphase (CEI) (Thomas et al. [1985] ; Aurbach et al. [2002] ; Edström et al. [2004] ; Dedryvère et al. [2007, 2010]). Néanmoins, l’approche sur la cathode sort de notre cadre d’études. La SEI est une des causes de l’irréversibilité car elle consomme des charges pour sa formation. Idéalement, une fois que la SEI est formée, elle doit rester perméable aux ions lithium tout en jouant le rôle d’un isolant électronique. Elle doit également protéger l’électrode des dégradations chimiques provoquées par les produits issus de la décomposition. La formation d’une SEI stable et homogène au cours de cyclages est donc cruciale pour assurer la bonne durabilité d’une batterie (Verma et al. [2010])).

Atouts et limites du silicium : état de l’art 

Malgré les avantages des batteries Li-ion, un rebond technologique est nécessaire pour répondre aux besoins actuels. Plus particulièrement, l’amélioration de la densité d’énergie est un des défis majeurs à résoudre et les électrodes sont au cœur de ce défi. Une forte capacité spécifique des électrodes et une grande différence de potentiel entre les deux électrodes sont nécessaires pour obtenir une grande densité d’énergie.

• L’électrode positive est en général constituée d’oxydes de métaux de transition qui sont lourds : sa capacité spécifique est donc faible. Le potentiel du matériau peut être augmenté pour améliorer la densité d’énergie (Kraytsberg & Ein-Eli [2012]).
• A contrario, un potentiel bas (proche de celui du lithium) et une grande capacité spécifique peuvent être envisagés dans le cas de l’électrode négative, car les matériaux utilisés sont plus légers. Notre étude s’inscrit dans ce cadre.

Les principaux mécanismes d’insertion du lithium dans les matériaux d’électrode sont les suivants : intercalation, conversion et alliage.

Réactions d’intercalation

Il s’agit de réactions impliquant des insertions/désinsertions de lithium dans la structure hôte bi ou tri-dimensionnelle. Les matériaux d’intercalation les plus connus sont le graphite LibC6 (0<b<1) . Dans le cas du graphite, les feuillets hexagonaux forment une matrice d’insertion qui se déforme peu lors de l’insertion du lithium (Linden & Reddy [2002]). De ce fait, les réactions se font avec une bonne réversibilité à la température ambiante. En revanche, leur capacité faible est un frein pour la demande croissante en densité d’énergie (372 mAh g−1 ). La capacité du LTO est encore plus faible : 175 mAh g−1.

Changement des paramètres de pilotage 

Les paramètres électrochimiques tels que les potentiels limites de cyclage (cut-off voltage) ou les taux de cyclages (C-rate) sont importants. Par exemple, il est possible d’éviter la transition de la phase amorphe vers la phase cristalline en limitant la limite basse du potentiel, ce qui augmente la réversibilité de l’électrode pendant le cyclage (Fleischauer et al. [2008]). Néanmoins, cette stratégie demeure limitée dans le contexte applicatif.

Changement de la structure et de la dimension

La réduction de la dimension de la structure peut jouer un rôle important pour accommoder l’expansion volumique. Les nano (micro) structures résistent mieux aux contraintes mécaniques que le matériau massif. D’autre part, une électrode nano-structurée dispose de plus d’espace libre pour mieux accommoder l’expansion volumique. En revanche, ses capacités volumiques deviennent faibles par rapport à ses capacités surfaciques (Gauthier [2013]). Plusieurs types de nanostructures sont adoptées : nanofils, nanotubes, silicium poreux et couches minces.

Nanofils et nanotubes

Les structures telles que les nanofils (Chan et al. [2008, 2009] ; Gohier et al. [2012] ; Leveau et al. [2016]) et nanotubes (Park et al. [2009] ; Battaglia et al. [2013] ; Wen et al. [2013]) sont des solutions attractives pour palier à l’expansion volumique. L’espacement entre chaque nanofil (ou nanotube) permet de mieux accommoder l’expansion volumique du matériau et le transport électronique demeure facile du fait de la structure unidimensionnelle qui assure un chemin continu de conduction.

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Table des matières

Introduction Générale
1 Silicium amorphe méthylé comme matériau d’électrode négative pour les batteries Li-ion
1.1 Batteries Li-ion
1.2 Solid Electrolyte Interphase (SEI)
1.3 Atouts et limites du silicium : état de l’art
1.3.1 Introduction
1.3.1.1 Réactions d’intercalation
1.3.1.2 Réactions de conversion
1.3.1.3 Réactions d’alliage
1.3.2 Changement des paramètres de pilotage
1.3.3 Changement de la structure et de la dimension
1.3.3.1 Nanofils et nanotubes
1.3.3.2 Structures poreuses
1.3.3.3 Couches minces
1.3.4 Association de plusieurs éléments pour rendre l’électrode plus souple et conductrice
1.3.4.1 Électrodes composites Si/matrice (in)active
1.3.4.2 Électrodes composites Si/C
1.4 Étude du silicium amorphe méthylé dans une structure modèle
1.4.1 Propriété du silicium amorphe méthylé
1.4.2 Utilisation des couches minces comme structures modèles
2 Approche expérimentale
2.1 Introduction
2.2 Élaboration du silicium amorphe méthlyé
2.3 Caractérisations électrochimiques
2.3.1 Cellule à deux électrodes
2.3.1.1 Présentation de la cellule
2.3.1.2 Préparation de l’échantillon et l’assemblage de la cellule
2.3.2 Cellule à trois électrodes
2.3.2.1 Présentation de la cellule
2.3.2.2 Préparation de l’échantillon et l’assemblage de la cellule
2.4 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) operando
2.4.1 Principe de la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR)
2.4.2 Intérêt de la géométrie en réflexion totale atténuée (ATR)
2.4.3 Préparation des échantillons et de la cellule
2.4.4 Dispositif expérimental
2.5 Spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol (ToF-SIMS)
2.5.1 Principe
2.5.2 Protocole
2.6 Microscopie électronique en transmission (MET)
2.6.1 Principe et l’appareillage
2.6.2 Préparation des échantillons
3 Mécanisme de lithiation/délithiation
3.1 Introduction
3.2 Mécanisme de lithiation/délithiation pendant les premiers cycles dévoilé par ATR-FTIR operando
3.2.1 Contexte
3.2.2 Résultats
3.2.2.1 Étude sur le silicium amorphe hydrogéné a-Si : H
3.2.2.2 Évolution des spectres selon la teneur en carbone
3.2.3 Discussion
3.2.3.1 Origine de l’absorption infrarouge par a-Si :H et a-Si1−x(CH3)x :H
3.2.3.2 Mécanismes associés à la lithiation bi-phasique
3.2.3.3 Composition de la phase lithiée pendant le premier cycle dans a-Si1−x(CH3)x : H
3.2.3.4 Conclusion intermédiaire
3.3 Mise en évidence des structures du silicium amorphe méthylé par microscope électronique en transmission (MET)
3.3.1 Contexte
3.3.2 Méthodologie du traitement d’images
3.3.3 Résultats et discussion
3.3.4 Conclusion intermédiaire
3.4 Répartition de lithium observé après la lithiation par ToF-SIMS
3.4.1 Contexte
3.4.2 Approches préliminaires
3.4.2.1 Prétraitement
3.4.2.2 Choix du substrat
3.4.3 Méthodologie
3.4.3.1 Durée de la lithiation
3.4.3.2 Transfert d’échantillons et les mesures
3.4.4 Résultats
3.4.4.1 Étude sur les échantillons non-lithiés
3.4.4.2 Étude de lithiation pour le silicium amorphe hydrogéné
3.4.4.3 Effet de l’ajout de carbone sur l’évolution de lithiation
3.4.5 Conclusion intermédiaire
3.5 Conclusion du chapitre 3
Conclusion Générale

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