Signatures spectrales de l’oxygène dans des oxydes cristallins et vitreux

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Structure des silicates alcalins vitreux

Pour des concentrations en alcalins suffisantes ( > 20-25 %mol), il est possible d’obtenir des silicates alcalins vitreux à partir d’un mélange de SiO2 et de carbonates alcalins. Pour de plus faibles concentrations en alcalin, et plus particulièrement dans les systèmes Li2O-SiO2 et Na2O-SiO2, des phénomènes d’immiscibilité rendent difficile la formation d’une structure vitreuse homogène [19,72].
En dehors des zones d’immiscibilité, l’ajout d’un oxyde alcalin R2O (où R est un alcalin) à SiO2 conduit à la formation d’un verre dont la structure peut être vue comme un réseau de tétraèdres SiO4 dont la connectivité se réduit avec la formation d’oxygènes non-pontants (cf. Fig. 1.2 (c)), dans lequel chaque NBO est lié à un cation alcalin. Afin de décrire la structure des silicates, une nomenclature a été développée autour de la notation Qn qui traduit le nombre d’oxygènes pontants n par unité structurale. La si-lice amorphe est donc constituée à 100% de Q4, et la proportion des différentes espèces Qn varie avec l’ajout d’un alcalin jusqu’à ce que le composé ne soit plus constitué que d’espèces Q0 (cf. Fig 1.3) [177,203].
Figure 1.3 – Distribution des espèces Qn en fonction de la concentration en Li2O dans les silicates de lithium vitreux, déterminée expérimentalement par RMN du silicium (figure extraite de [31]).
De nombreuses études de Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) du silicium ont permis d’obtenir les distributions d’espèces Qn pour une large gamme de concentration en alcalin dans des silicates de lithium et de sodium. Ces études ont mis en évidence que, contrairement aux phases cristallines généralement entièrement constituées d’une même espèce Qn, les polymorphes amorphes présentent un pourcentage de tétraèdres d’espèce Qn+1 et Qn−1 entrainant des différences structurales pour des concentrations identiques en NBO et en alcalin [41,43,102,121,167,173].
Concernant la position des ions alcalins dans la structure du verre, il semblerait qu’ils ne soient pas distribués de manière aléatoire dans le réseau. Selon le modèle proposé par G. Greaves dans les années 1985, le verre présenterait ainsi des domaines riches en alcalin séparant des régions plus ou moins structurées (chaines et couches) riches en silicates [20,24,68,147]. Dans les silicates alcalins, l’ordre à moyenne distance est donc lié à la distribution des cations en zones plus ou moins riches dans le réseau silicaté, plutôt que de manière homogène [24]. D’après des études de dynamique molé-culaire, cela favoriserait l’organisation des Qn en clusters d’espèces identiques au sein du réseau Si-O [32, 37]. Dans les verres silicatés, les unités SiO4 tendent à s’agencer en anneaux dont la taille augmente progressivement avec la concentration en alcalin passant, par exemple, d’une majorité d’anneaux de six unités SiO4 dans v-SiO2 [155] à des anneaux d’une dizaine et d’une vingtaine d’unités dans des silicates de sodium contenant de 10 à 25 %mol de Na2O [37].

Les verres boratés

Structure de B2O3 vitreux

La structure du trioxyde de bore vitreux, v-B2O3, diffère fortement de celle de v-SiO2, v-B2O3 est en effet entièrement constitué d’unités structurales triangulaires BO3 et non d’unités tétraédriques comme l’est v-SiO2. Ces unités triangulaires sont reliées entre elles par des oxygènes pontants de sorte à former un réseau à trois dimensions entièrement polymérisé. L’unité structurale de base du réseau boraté est une structure plane BO33−, la troisième dimension est apportée par des variations d’angles O-B-O qui referment la structure sur elle-même via la formation de liaisons de Van der Waals [177]. Dans v-B2O3 et v-SiO2 les unités BO3 s’organisent en anneaux boroxol B3O6 [215,217]. la structure de v-B2O3 diffère en cela de la structure de ses polymorphes cristallins B2O3-I et B 2O3-II constitués, respectivement, de rubans d’unités BO3 et de tétraèdres distordus BO4.

Structure des borates alcalins vitreux

Figure 1.4 – Evolution du taux de [4]B (x4) en fonction de la concentration en Li2O (xM) dans des borates de lithium amorphes (figure extraite de [216]). Les données de RMN issues des travaux de Jellison et al. [86] sont représentées en bleu, celles obtenues par Kroeker et al. [100] en rouge, et celles obtenues par Bray et al. [10] en vert et les données de diffraction de neutrons issues des travaux de Cormier et al. [23] en cyan.
Si pour les verres silicatés, l’ajout d’un oxyde alcalin à v-SiO2 entraîne la forma-tion de NBO, les modifications structurales liées à l’ajout d’un alcalin dans les verres boratés sont plus complexes. Pour de faibles concentrations en alcalin, l’ajout d’un cation modificateur de réseau est responsable de l’augmentation du nombre de coordi-nation des atomes de bore qui passe de trois à quatre. Ce changement de coordinence se traduit par la transformation des unités triangulaires en unités tétraédriques BO−4 pouvant incorporer l’oxygène apporté par l’oxyde alcalin mais également compenser la charge positive du cation modificateur de réseau. Cette transformation des unités BO3 en unités BO4 a lieu jusqu’à une concentration maximale en oxyde d’alcalin de l’ordre de 40-45 %mol (cf. Fig. 1.4). Pour de plus grandes concentrations en alcalin, compensation de charge se fait via la formation de NBO qui provoque la dépolyméri-sation progressive du réseau boraté [215,216]. Les cations modificateurs de réseau ont un impact important sur la structure des verres boratés : en s’insérant dans les sites interstitiels du réseau dont la taille est déterminée par leur rayon ionique, ils modifient l’organisation locale du réseau et la distribution locale des unités structurales en pré-sence.
Une particularité des borates tient à l’existence d’un ordre à moyenne distance se traduisant par la présence d’unités superstructurales définies comme des arrange-ments spécifiques d’unités triangulaires BO3 et tétraédriques BO4 (cf. Fig. 1.5) [215]. Le modèle structural actuel des verres boratés est basé sur des distributions d’unités superstructurales reliées entre elles par des unités BO3 et BO4 de sorte à obtenir un réseau désorganisé.

Polyamorphisme

Le polyamorphisme se définit comme l’habilité d’un système à former plusieurs structures amorphes distinctes de composition chimique identique. A l’instar du phé-nomène de polymorphisme dans les structures cristallines, le polyamorphisme se ma-nifeste lorsque le composé est soumis à des contraintes extérieures comme les hautes pressions et les hautes températures. Ce phénomène est généralement réversible, c’est-à-dire que le composé reprend sa structure initiale lorsque la pression et la température sont ramenées à leurs valeurs ambiantes.

Polyamorphisme des silicates

L’influence de la pression sur la structure des silicates amorphes a donné lieu à de nombreuses études théoriques et expérimentales [95, 177]. Les modifications structu-rales des silicates vitreux sous l’application de hautes pressions ont ainsi été étudiées au travers de différentes techniques comme la spectroscopie Raman, la RMN, la diffrac-tion de neutrons, la diffusion Raman des rayons X (XRS) ou par des études théoriques centrées sur des calculs de dynamique moléculaire [58,111,129].
En ce qui concerne v-SiO2, les effets de la pression sont responsables d’un réarran-gement des tétraèdres SiO4 s’accompagnant de modifications des angles Si-O-Si qui se resserrent progressivement perdant en moyenne 1.5◦ entre l’ambiante et 2 GPa. Cela a un effet sur la structure en anneaux de v-SiO2 dont la taille et la répartition dans le réseau change avec la pression [80,129]. La structure composée entièrement de Q4 est maintenue jusque vers 15 GPa. Au delà on assiste au changement de coordinence de certains atomes de silicium qui passent de [4]Si à [5]Si et [6]Si, ces changements de co-ordinence s’accompagnant d’une augmentation des distances Si-O (1.59 Å à l’ambiante et 1.64 Å à 20 GPa) [164].
Les effets de la pression sur la structure des silicates alcalins, se traduisent par une réduction des angles Si-O-Si et la recombinaison de NBO pour former des espèces Q4 [14,54]. Puis, à l’instar de v-SiO2, l’augmentation de la pression finit par entraîner un changement de coordinence du silicium. Ce phénomène semble être favorisé par la présence de NBO dans le verre à pression ambiante, mettant en évidence l’importance du chemin thermodynamique suivi [44]. Ce dernier point est également illustré par le fait que les phénomènes de densification du réseau silicaté apparaissent à plus basse pression lorsque la compression est associée à des températures élevées que lorsque celle-ci a lieu à température ambiante [44].

Polyamorphisme des borates

Alors que la structure des borates à pression ambiante est plutôt bien documen-tée [215], les principales études sur leurs structures hautes pressions datent des années 2000 et ont été réalisées par RMN ou XRS [107,109,112].
Alors qu’à l’ambiante v-B2O3 est entièrement constitué d’atomes de bore tri-coordonnés, sa structure change progressivement sous l’effet de la pression : à quelques GPa, Ies premiers [4]B apparaissent dans la structure de v-B2O3 et deviennent majoritaires à partir de 6 GPa. Ce phénomène s’accompagne d’une diminution de la longueur de liai-son B-O et de la formation d’oxygène tri-coordonné lors du réarrangement des anneaux boroxol (cf. Fig. 1.6) [109,110,112]. Figure 1.6 – Représentation schématique du mécanisme de densification de v-B2O3 sous l’effet de la pression (figure extraite de [112]).
Les effets de la pression sur des borates alcalins amorphes ont été réalisés sur des composés entièrement polymérisés. Ceux-ci subissent un phénomène de densification avec la pression se traduisant par l’augmentation de la proportion de [4]B dans leur structure [107]. Cette densification sous l’effet de la pression diffère en fonction de la nature de l’alcalin. Ainsi, pour un borate de lithium comme v-Li2B4O7, ce phénomène est assez similaire à celui observé dans v-B2O3 et peut être décomposé en trois étapes :
(i) la densification est due à des réorganisations topologiques liées à des changements de longueurs de liaisons et d’angles sans changement de coordinence du bore ; (ii) au dessus de 4-5 GPa, le mécanisme de densification est lié à la recombinaison des atomes de bore et d’oxygènes pour former des unités BO4 ; (iii) au dessus d’une dizaine de GPa, ce changement de coordinence devient moins favorable d’un point de vue énergétique. Dans un composé au sodium, la recombinaison des [3]B en [4]B est beaucoup plus linéaire avec la pression que pour un borate de lithium, ce qui traduit l’influence du cation modificateur sur les changements structuraux subis par le composé [109].

Environnement de l’oxygène

De nombreuses études portant sur la structure des verres boratés et silicatés sont centrées sur l’étude des polyèdres de coordination des cations formateurs de réseau et sur leur connectivité. La structure des verres peut également être étudiée en s’intéres-sant à l’environnement de l’oxygène, puisque les phases vitreuses au même titre que les phases cristallines, peuvent être considérées comme des arrangements en trois dimen-sions de polyèdres de coordination des atomes d’oxygène dont la connectivité dépend des ratios cation/oxygène dans le matériau [177, 187]. L’étude de l’environnement de l’oxygène apporte alors des informations complémentaires à celle de l’étude du cation formateur de réseau pour la compréhension de la structure de l’oxyde considéré. Plusieurs méthodes permettent d’étudier l’environnement de l’oxygène dans des matériaux. Pour les composés cristallins, de nombreuses informations structurales sont obtenues directement à partir de la diffraction de rayons X et complétées par des tech-niques de spectroscopie pour mettre en évidence des variations d’environnement local autour des atomes d’intérêt. Pour les matériaux amorphes qui ne présentent pas de pé-riodicité structurales, les techniques de XPS (X-ray Photoelectron Spectroscopy) [26], de RMN [2] et les techniques de spectroscopie comme le XAS (X-ray Absorption) [135], le XRS (X-ray Raman Scattering) [117] et l’EELS (Electron Energy-Loss Spectro-scopy) [87] sont les plus fréquemment utilisées pour déterminer la structure locale autour des atomes.
La RMN, qui nécessite un enrichissement du composé en isotope 17O compte tenu de la faible abondance naturelle de cet isotope, apporte des informations sur l’environ-nement de l’oxygène. Elle s’est développée depuis les années 1985 avec l’amélioration de la technique rendue possible par l’utilisation d’aimants à fort champ magnétique. Cette technique permet de distinguer BO et NBO de par sa sensibilité à la nature (taille, électro-négativité, etc.) des cations voisins de l’oxygène [39, 188, 209] et aux distribu-tions angulaires cation-O-cation [35, 220, 221]. Les mesures de RMN sont compatibles avec des mesures in situ en température, permettant ainsi de suivre les changements structuraux ayant lieu sous conditions extrêmes [184]. Elles peuvent être couplées à des calculs théoriques afin d’améliorer la compréhension des relations entre paramètres structuraux et spectres RMN [20,22].
La XPS est une technique qui permet de mettre en évidence les différents états des atomes d’oxygène dans des composés cristallins et vitreux [26,140]. Il est en particulier possible de distinguer les oxygènes liés à des cations formateurs ou modificateurs de réseau au travers des photoelectrons émis par l’atome sondé [143]. La XPS a également mis en évidence l’influence de la nature du cation modificateur sur les oxygènes du composé, se traduisant par la diminution progressive de l’écart en énergie entre les états sondés des BO et NBO avec la diminution de la force ionique du cation [12].
Les techniques de spectroscopie comme l’EELS, le XAS et le XRS sont centrées sur l’étude de la forme du seuil K de l’oxygène qui dépend de son environnement chi-mique et électronique local. Le caractère plutôt covalent des liaisons formateur-oxygène a contribué à rendre ces techniques d’investigation adaptées à des études de structure chimique et électronique basées sur l’environnement de l’oxygène. Les spectres d’ab-sorption présentent une grande complexité d’interprétation, c’est pour cela qu’ils sont souvent couplés à des calculs théoriques afin d’améliorer leur interprétation. Plusieurs méthodes de calculs permettent de simuler des spectres d’absorption X, que ce soit des méthodes basées sur la DFT (Density Functional Theory) [117,152], les méthodes basées sur la résolution de l’équation de Bethe-Salpeter [51,198] ou sur la méthode des multiplets [120]. D’autres travaux portent sur la comparaison entre spectres d’absorp-tion et structure de bandes du composé afin de relier transitions électroniques, états vides et caractéristiques structurales [136,137].
En ce qui concerne les oxydes d’éléments des deuxième et troisième lignes du ta-bleau périodique, les spectres au seuil K de l’oxygène sont généralement décrits au travers des orbitales 2p de l’oxygène qui forment des liaisons liantes et anti-liantes avec les orbitales s et p du cation. Les études de XRS effectuées sur des borates cristallins et vitreux ont mis en évidence des signatures spectrales correspondant aux transitions d’un électron 1s vers les orbitales σ∗ d’une unité BO3 [112]. En couplant des mesures XRS à des calculs DFT, G. Lelong et al. ont mis en évidence des signatures spéci-fiques aux oxygènes pontants et non-pontants dans les borates de lithium, permettant ainsi de comparer les données structurales issues de mesures XRS à celles issues de mesures RMN [116, 117]. Des informations similaires sur les transitions électroniques vers des orbitales π∗ et σ∗ anti-liantes ont pu être mises en évidence sur des carbonates comme Li2CO3 ou CaCO3, sur la coordination du germanium dans des germanates vitreux [30,33,115]. L’étude du seuil K de l’oxygène permet également de fournir des indications sur les longueurs de liaison cation-oxygène ou les distributions angulaires dans des oxydes d’aluminium ou de silicium par exemple [78,124]. L’influence des dis-tributions de longueurs de liaison des angles cation-oxygène-cation expliquent ainsi les variations observées entre les seuils K de l’oxygène dans SiO2 et GeO2, qui présentent pourtant des structures locales similaires.
A l’image de la RMN, de l’EELS et du XAS, la spectroscopie XRS présente l’intérêt d’être chimiquement sélective et permet donc d’étudier l’environnement d’un élément donné dans un composé. Comme cette technique utilise des rayons X incidents de haute énergie, elle permet de sonder le bulk de l’échantillon étudié et est ainsi moins sensible aux effets de surface que ne peut l’être le XAS par exemple. Mais, son principal intérêt est d’être compatible avec des mesures in situ utilisant des environnements échantillons complexes, en particulier pour simuler l’effet des très hautes pressions sur un échantillon. Bien que des mesures in situ en pression commencent à être réalisées en RMN, il n’est pas encore possible de réaliser des mesures RMN sous des pressions de plusieurs dizaines de gigapascals que peuvent nécessiter des expériences visant, par exemple, à simuler des phénomènes en sciences de la Terre.

Diffusion Raman des rayons X

La diffusion Raman des rayons X (XRS pour X-ray Raman Scattering) est une technique utilisée en physique et chimie de la matière condensée ainsi qu’en sciences de la Terre et en science des matériaux car elle permet d’étudier la structure ato-mique et électronique locale des solides [45, 46, 195], des liquides [91, 153, 211] et des gaz [84, 161]. Dans des conditions expérimentales assurant la validité de l’approxima-tion dipolaire, cette spectroscopie donne des résultats similaires à ceux obtenus en XAS ou en EELS car ces trois techniques mettent en évidence les mêmes transitions électroniques [131,168]. Cependant, l’utilisation de rayons X incidents de haute énergie rend le XRS particulièrement adapté à l’étude d’éléments légers pour des mesures nécessitant des environnements échantillons très absorbants, ce qui rend possible la réalisation d’expériences in situ en conditions contraintes. Pour réaliser ce type de mesures, le XRS présente donc un net avantage par rapport au XAS pour lequel les mesures in situ sont peu compatibles avec la nécessité de travailler sous vide et qui présente une certaine sensibilité aux effets de surface. L’EELS, pour sa part, est généralement mise en oeuvre sur des microscopes électroniques en transmission ce qui limite les possibilités de réaliser des mesures in situ dans des environnements échantillons particuliers. C’est dans l’optique de réaliser un suivi in situ en pression de composés constitués d’élé-ments légers que la spectroscopie XRS a été privilégiée pour l’acquisition des données expérimentales de cette thèse.

Présentation de la spectroscopie XRS

La diffusion inélastique des rayons X (IXS pour inelastic X-ray Scattering) englobe plusieurs processus dits photon in – photon out, dont les techniques de mesure associées permettent d’étudier diverses caractéristiques de la matière (cf. Fig. 1.7). La spectro-scopie XRS, aussi appelée diffusion inélastique non-résonante des rayons X (notée alors NRIXS pour Non-resonant Inelastic X-ray Scattering), est centrée sur l’étude des seuils d’absorption par IXS.
Figure 1.7 – Diagramme des phénomènes d’excitation qui peuvent être étudiés en utilisant des techniques de diffusion inélastique des rayons X en fonction de la perte d’énergie du photon diffusé (figure extraite de [3]).
Lors d’un phénomène de diffusion inélastique non-résonante des rayons X, le photon incident excite un électron de cœur vers le continuum d’états vides. Cette technique est en cela similaire au XAS (cf. Fig. 1.8) qui est basé sur l’absorption d’un photon lors de l’excitation d’un électron de cœur vers les états vides du continuum. Le photon diffusé lors de cette excitation donne accès à la perte d’énergie entre les deux photons considérés (in et out) qui peut être modulée pour correspondre au seuil d’absorption de l’élément d’intérêt. Un transfert de moment est également défini entre les vecteurs d’onde des photons incidents et diffusés et sa norme est liée à l’angle de diffusion auquel est réalisé l’expérience. Les spectres XRS donnent alors l’intensité du photon diffusé en fonction de la perte d’énergie entre les photons incidents et diffusés.
Figure 1.8 – Schéma des processus d’excitation d’un électron de coeur 1s d’un atome d’oxygène dans le cas de l’absorption X (gauche) et de la diffusion Raman des rayons X (droite) (figure extraite de [190]).
La spectroscopie XRS nécessite des flux incidents de photon de haute énergie ainsi que des détecteurs sensibles aux rayons X diffusés, ce qui est permis par de nombreuses lignes synchrotron dans le monde.

Historique

Dans ses travaux sur les phénomènes de diffusion des photons, Sir C. Raman a indiqué que ces effets pouvaient également être visibles dans le régime des rayons X. En 1928, B. Davis et D. Mitchell mettent en évidence la présence de signaux corres-pondant au seuil K du carbone lors d’études sur le graphite [29], qui seront suivis par les travaux de K. Das Gupta (1959) et de T. Suzuki (1964), apportant ainsi les preuves expérimentales de l’existence des effets de diffusion des photons X [28]. Bien que des travaux théoriques aient déjà traité des interactions avec la matière, permettant ainsi l’étude de seuils K d’absorption [40,183], le premier formalisme autour du XRS est mis en place par Y. Mizuno et Y. Ohmura à la fin des années 60 à partir des expériences de T. Suzuki sur des atomes de beryllium et de carbone [131, 192, 193]. Au cours des années 70, de nouvelles études théoriques viennent compléter les travaux de Y. Mizuno et Y. Ohmura, qui avaient développé la théorie du XRS dans le cadre de l’approxima-tion mono-électronique. S. Doniach et al. mettent ainsi en évidence l’effet du trou de cœur en IXS et développent des outils mathématiques pour l’intégrer au formalisme théorique du XRS [36].
Avec l’amélioration de la résolution expérimentale des spectromètres des lignes de lumière synchrotron [170], de nouveaux travaux soulignant l’intérêt spectroscopique du XRS dans l’étude de la matière condensée sont réalisés. Ainsi, K. Tohji et Y. Udagawa mesurent à la fin des années 80 un équivalent d’EXAFS (Extended X-ray Absorption Fine Structure) du graphite par XRS [195–197], et W. Schülke et al. obtiennent de nouveaux résultats sur les excitations de cœur d’éléments comme le lithium ou le car-bone, ce dernier étant étudié à partir d’un échantillon de graphite orienté [138, 171]. Ces travaux permettent également de prouver puis confirmer l’équivalence entre XRS et absorption X (XANES et EXAFS) sous certaines conditions expérimentales.
Dans les années 90, les premières études sur la dépendance angulaire du XRS sont effectuées avec la publication des travaux de H. Nagasawa et al. et de M. Krisch et al. sur le seuil K du lithium [99, 139]. C’est également pendant cette décennie que sont réalisées les premières mesures in situ en pression et température par N. Schell et al. sur de l’hélium solide [165,166]. En parallèle de ces travaux centrés sur les potentialités de la technique, l’étude de seuils K de métaux de transitions (Cu, Ag, Nb) apporte les pre-miers éléments de correction des spectres XRS vis-à-vis des phénomènes de fluorescence pouvant être observés accidentellement au cours d’expériences de diffusion [83,103,104].
Depuis le début des années 2000, la spectroscopie XRS connait une forte crois-sance avec d’une part l’installation de nouveaux spectromètres sur différentes lignes de lumière synchrotron [1, 49, 81, 206], et d’autre part le développement de codes de simulation du XRS [30, 90, 207] s’appuyant sur le développement du formalisme théo-rique de la technique [158,168,180]. Ces nombreuses études ont ainsi permis de montrer l’intérêt du XRS dans l’étude de la structure de la matière, d’un point de vue fonda-mental via la mise en évidence de transitions électroniques en fonction de la valeur de l’angle de diffusion [45, 65], ou expérimental avec des mesures in situ en pression et température [160].

Etude de la matière condensée par XRS

La possibilité de réaliser des mesures in situ en pression et température a donné lieu depuis les années 2000 à de nombreuses études sur les modifications structurales induites par la pression que ce soit en suivant les signatures correspondant aux liaisons π et σ dans composés lamellaires comme le graphite ou le BN hexagonal [123, 130], en suivant l’évolution des états vides dans le silicium massif [201], ou en détectant les changement de coordinence du silicium [53,111,119,134,218], du germanium [115] ou du bore [106, 108] dans des matériaux cristallins ou vitreux. Des mesures en pression ont également été réalisées pour étudier les différentes phases de la glace [18, 153], et des analyses combinant pression et température ont permis de mettre en évidence la structure locale de l’eau en conditions supercritiques [160].
L’intérêt du XRS réside non seulement dans la possibilité de faire varier la perte d’énergie entre photons incidents et diffusés mais également de pouvoir modifier la norme et l’orientation du transfert de moment du photo-electron. La dépendance an-gulaire des seuils K a ainsi été utilisée pour étudier la symétrie des états vides du BN hexagonal [46, 210], de MgB2 [128] ou pour mesurer des champs cristallins dans des iridates [163]. Des signaux dichroïques ont également été mesurés à des seuils comme le seuil N 4,5 du cerium dans CeCu2Si2 et CeCu2Ge2 à de grandes valeurs de la norme du transfert de moment, ce qui a permis de mettre en évidence les orbitales de l’état fondamental de ces composés [157,213].
La possibilité de réaliser des expériences de XRS à une grande valeur du transfert de moment, donnant ainsi accès à des transitions multipolaires, a été à l’origine d’études aux seuils N 4,5 des lanthanides et O4,5 des actinides pour lesquels les contributions dipolaires perdent progressivement en intensité au profit de transitions électroniques d’ordre plus élevé et qui apparaissent à plus basses énergies [7, 17, 65, 70]. Les transi-tions non-dipolaires peuvent également être mises en évidence au seuil K d’éléments légers où elles sont principalement de nature monopolaire ou dans quelques cas qua-drupolaires [45,73,90,99,189]. Par ailleurs, des densité d’états, projetées sur des sites spécifiques et couplées à des spectres XRS obtenus pour différentes valeurs du transfert de moment ; ont permis de mieux appréhender la nature des premiers états vides dans des composés solides et liquides [48,50,153,182].
Les spectres XRS ayant une forte sensibilité au transfert de moment, la modé-lisation joue donc un rôle central dans l’interprétation des signatures spectrales et l’obtention d’informations sur la structure atomique et électronique locale du matériau considéré [82,157,204,213]. La théorie des multiplets est ainsi particulièrement adaptée à la modélisation des seuils présentant des états finaux localisés comme les seuils N 4,5 des lanthanides et O4,5 des actinides. Les seuils K sont généralement mieux décrits par des théories basées sur des approches mono-électroniques, qui peuvent présenter dif-férents niveaux d’approximation allant de la théorie des diffusions multiples basée sur l’approximation muffin-tin [45,180], à des calculs basés sur la Théorie de la Fonction-nelle de la Densité (DFT) [30, 90, 113, 117, 148, 162] ou sur la résolution de l’équation de Bethe-Salpeter (BSE) [60,178,181,207].

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Table des matières

Introduction générale 
1 Etat de l’art 
1.1 Structure des verres d’oxydes
1.1.1 Les verres silicatés
1.1.1.1 Structure de la silice amorphe
1.1.1.2 Structure des silicates alcalins vitreux
1.1.2 Les verres boratés
1.1.2.1 Structure de B2O3 vitreux
1.1.2.2 Structure des borates alcalins vitreux
1.1.3 Polyamorphisme
1.1.3.1 Polyamorphisme des silicates
1.1.3.2 Polyamorphisme des borates
1.1.4 Environnement de l’oxygène
1.2 Diffusion Raman des rayons X
1.2.1 Présentation de la spectroscopie XRS
1.2.2 Historique
1.2.3 Etude de la matière condensée par XRS
1.3 Conclusion
2 Matériaux et Méthodes expérimentales et théoriques 
2.1 Echantillons étudiés
2.1.1 Sels de lithium
2.1.2 Borates alcalins
2.1.3 Silicates alcalins et alcalino-terreux
2.1.4 Aluminates et borosilicates alcalins
2.1.5 Contrôle des compositions
2.2 Spectrométrie XRS
2.2.1 Description d’un spectromètre XRS
2.2.1.1 Ligne de lumière Galaxies du Synchrotron Soleil
2.2.1.2 Ligne de lumière ID20 de l’Esrf
2.2.2 Mesures
2.2.3 Traitement des données expérimentales
2.3 Modélisation et implémentation basée sur la Théorie de la Fonctionnelle de la Densité (DFT)
2.3.1 Principe théorique de la spectroscopie XRS
2.3.1.1 Section efficace en XRS
2.3.1.2 Développement en fonctions de Bessel sphériques
2.3.1.3 Cas particulier
2.3.2 Implémentation dans XSpectra
2.3.2.1 Cadre d’implémentation : DFT et pseudopotentiels
2.3.2.2 Réécriture de la section efficace
2.4 Mise en oeuvre des calculs
2.4.1 Influence de la fonction d’onde de l’état initial
2.4.2 Modélisation de l’interaction électron-trou
2.4.3 Extension spatiale de l’effet du trou de coeur
2.4.4 Convolution des spectres et normalisation
2.4.5 Cas particuliers
2.4.5.1 Calcul pour une poudre
2.4.5.2 Cas d’un composé multi-sites
2.4.5.3 Cas de plusieurs composés
2.4.6 Paramètres de calcul
2.5 Conclusion
3 Validation du code de calcul de spectres XRS aux seuils K d’éléments légers 
3.1 Structure des composés au lithium
3.2 Seuils K d’éléments légers à différentes valeurs de q
3.2.1 Seuil K du lithium
3.2.2 Seuils K du bore et du carbone
3.2.3 Seuil K de l’oxygène
3.2.4 Seuil K du fluor
3.2.5 Dépendance en q : analyse des spectres « différences »
3.3 Décomposition des spectres XRS
3.3.1 Transitions monopolaires versus dipolaires
3.3.2 Contributions des sites cristallographiques inéquivalents
3.4 Conclusion
4 Signatures spectrales de l’oxygène dans des oxydes cristallins et vitreux
4.1 Signature des oxygènes non-pontants dans les silicates alcalins et alcalinoterreux
4.1.1 Mise en évidence d’une signature spectrale des oxygènes nonpontants
4.1.2 Généralisation aux autres silicates alcalins et alcalino-terreux
4.2 Structure électronique locale des borates de sodium
4.2.1 Environnement local dans les borates de sodium cristallins
4.2.1.1 Influence de la concentration en Na2O sur le seuil K du bore
4.2.1.2 Influence de la concentration en Na2O sur le seuil K de l’oxygène
4.2.2 Comparaison verre-cristal
4.2.2.1 Composition Na2B8O13
4.2.2.2 Composition Na2B4O7
4.2.2.3 Composition Na3BO3
4.2.3 Influence de la concentration en Na2O sur la structure des verres
4.2.4 Existe-t-il des signatures spectrales caractéristiques d’un ordre à moyenne distance dans les borates alcalins ?
4.2.4.1 Différenciation des oxygènes non-pontants
4.2.4.2 Existe-t’il des signatures spectrales caractéristiques des unités superstructurales ?
4.3 Autres signatures spectrales de l’oxygène dans les oxydes
4.3.1 L’oxygène dans les borosilicates
4.3.2 Cas d’un oxygène tricluster dans CaAl4O7
4.4 Conclusion
5 Borates de lithium sous pression 
5.1 Polyamorphisme des borates alcalins
5.2 Mesures in situ en pression
5.3 Poly(a)morphisme de LiBO2 en pression
5.3.1 Polymorphisme de LiBO2 en pression
5.3.2 Polyamorphisme de v-LiBO2 en pression
5.3.3 Réversibilité des transformations structurales en pression
5.4 Poly(a)morphisme de la composition Li6B4O9 en pression
5.4.1 Polymorphisme de Li6B4O9 en pression
5.4.2 Polyamorphisme de v-Li6B4O9 en pression
5.5 Comportement des borates alcalins vitreux sous pression
5.5.1 Comparaison entre le comportement en pression de v-LiBO2 et de v-Li6B4O9
5.5.2 Lien entre empilement de l’oxygène et changements structuraux en pression
5.5.3 Influence de la pression sur la structure des verres de borates alcalins
5.5.4 Arrangements des oxygènes dans les verres de borates alcalins à haute pression
5.6 Conclusion
Conclusion générale et perspectives 
Annexe A Echantillons
Annexe B Environnement de l’oxygène

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