Services écosystémiques des forêts menaces liées au changement climatique

Services écosystémiques des forêts : menaces liées au changement climatique

Les écosystèmes forestiers qui couvrent environ 30% de la surface terrestre (FAO,2006), en incluant les savanes, sont en grande partie des abris et des réservoirs de biodiversité (Lumsden et al., 2005, Manning et al., 2006). Ils sont fournisseurs de services aussi bien marchands que non-marchands (Millennium ecosystem assessment, 2005). Les écosystèmes forestiers interviennent de manière non-négligeable dans le cycle global du carbone. En effet, la photosynthèse est le principal point de passage du CO2 inorganique (i.e. minéral) vers le carbone organique qui constitue la biomasse végétale. Le flux de CO2 qui passe ainsi dans le compartiment organique a été estimé à 1,48 Tonne/an (maximum) sur des arbres âgés de 60 ans (Nilsson & Schopfhauser 1995). Ce CO2 inorganique est intégré ainsi dans le cycle du vivant (Bonan 2008). De plus, les arbres contribuent au maintien et à la santé des sols ainsi qu’à la qualité des eaux des bassins versants (Neary et al., 2009). Si les facteurs abiotiques (tel que le climat) ont un impact sur le fonctionnement des écosystèmes, les espèces forestières peuvent également en rétroaction influencer les services écosystémiques. Une étude menée sur deux espèces forestières, et leurs hybrides F11 naturels respectifs (Fischer et al., 2004), a établi ce fait et a montré que la variabilité génétique des espèces arborées dominantes peut avoir une influence sur des processus écosystémiques comme la décomposition ou le cycle des nutriments.
Cependant, tous ces services rendus par les écosystèmes forestiers, (dans un fonctionnement «normal» de l’écosystème), sont menacés par des perturbations climatiques et notamment par des épisodes de sècheresse qui vont altérer le fonctionnement de ces écosystèmes. Une conséquence bien décrite de ces épisodes de sécheresse au niveau de l’écosystème est une baisse de productivité et de performance (Ciais et al., 2005, Bréda et al., 2006). Cette «inefficacité» est due à une fermeture stomatique pour maintenir l’état hydrique des plantes, ce qui induit une réduction de l’assimilation carbonée. À terme, la fermeture stomatique peut engendrer des risques de perte du service écosystèmique « puits de carbone » (Grant et al., 2006) et entraîner une mortalité individuelle ou massive des arbres (Hartmann et al., 2012). Ainsi, les dépérissements forestiers observés actuellement pourraient transformer les écosystèmes forestiers en « source » nette de CO2 due à la respiration des arbres et du sol (exemple de la sécheresse de 2003 cf. Ciais et al., 2005). Enfin, les écosystèmes forestiers sont peu aptes à une résilience face à une contrainte environnementale rapide, car ils sont composés d’organismes ligneux à longue durée de vie, ce qui augmente leur temps de réponse.

La ressource eau et les écosystèmes forestiers : conséquences de la limitation de cette ressource

À l’échelle globale, la disponibilité en eau représente la principale limitation à la productivité primaire nette des écosystèmes forestiers (NPP) (Zhao & Running, 2010), cette limitation étant dominante ou co-dominante pour la majorité des biomes (Churkina & Running, 1998). L’eau des sols, accessible aux plantes terrestres, ne représentant que 0,27% de l’eau douce sur terre (Chapin et al., 2002). Du fait que ce compartiment (l’eau des sols) est en disponibilité limitée, et du grand besoin d’eau pour le fonctionnement des arbres, il en découle une vulnérabilité importante (i.e. risque de mortalité) des arbres à des épisodes de sécheresse, soit par famine carbonée soit par dysfonctionnement hydraulique.
La sécheresse est un phénomène météorologique et environnemental, défini comme une période sans précipitation, suffisamment longue pour que les réserves en eau du sol s’épuisent (Kramer 1980). Dans le concept de sécheresse, il convient cependant d’intégrer la typologie qui est un facteur très important à prendre en compte. Cette typologie d’épisodes de sécheresse peut être définie par deux principaux facteurs : l’intensité et la durée des événements de sécheresse. Plusieurs études et échelles allant de l’écosystème à l’individu ont été considérées pour évaluer les impacts des sécheresses sur les écosystèmes forestiers (Allen et al., 2009). Nous allons voir trois niveaux d’organisation décroissants pour lesquels les effets d’épisodes de sécheresse sur les écosystèmes forestiers ont été étudiés.
À l’échelle du fonctionnement de la communauté et des écosystèmes, des expériences de manipulation de précipitations ont été menées (cf. par exemple des expériences menées en forêts méditerranéennes de chênes verts (Quercus ilex, L.) (Limousin et al., 2009, Misson et al., 2010). Cependant, la réponse à la contrainte hydrique observée en parcelles expérimentales dans un intervalle de temps limité, est parfois difficile à extrapoler à plus large échelle spatiale et temporelle. En effet les changements climatiques futurs et leurs interactions peuvent avoir des effets contradictoires sur les réponses de la végétation. Par exemple, l’augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique peut limiter les effets négatifs de la sécheresse en augmentant l’efficacité de l’utilisation d’eau.
À l’échelle de la population, plusieurs travaux ont souligné les effets d’épisodes de sécheresse, tel celui qu’a connu l’Europe en 2003 (Ciais et al., 2005, Bréda et al., 2006).
Les mécanismes de réponse des arbres à la sécheresse demeurent cependant dans une large mesure imprévisibles à cette échelle (population), car lors d’un épisode de sécheresse, certains individus succombent alors que d’autres survivent pour un même niveau de contrainte hydrique et dans des conditions pédoclimatiques identiques. Ce résultat peut être expliqué par la composition génétique variable des individus composant les grandes aires de répartition des espèces forestières considérées (Hampe et al., 2005).
Enfin à l’échelle individuelle, des études entreprises sur des hybrides de peuplier (Populus sp.) montrent qu’il n’existe pas une réponse commune à tous les individus, mais plutôt une mosaïque de réponses (Wilkins et al., 2009). D’autres travaux interdisciplinaires, à cette même échelle individuelle, mais ayant pour objet d’étude des individus clonaux de peupliers, montrent que les effets de la sécheresse peuvent être réversibles (Bogeat-Triboulot et  al., 2006). Il est également possible qu’ils dépendent de traits d’histoire de vie des clones testés (i.e. si les individus considérés ont connu des épisodes limitant en termes de disponibilité en eau (Raj et al., 2011).

Stratégies des arbres forestiers à l’échelle individuelle en réponse à une contrainte hydrique 

À l’échelle individuelle, les organismes végétaux supérieurs ont un compromis permanant à réaliser entre le risque de desséchement en maintenant un certain niveau de transpiration malgré le déficit hydrique et le risque de pénurie en assimilats carbonés lorsque les stomates sont fermés pour diminuer les pertes en eau (Cowan & Farquhar, 1977). De manière triviale, on peut résumer ce dilemme crucial pour l’arbre, devant à chaque pas de temps faire un choix entre une stratégie de tolérance à la contrainte hydrique («mourir de faim») ou une stratégie d’évitement de cette contrainte (« mourir de soif ») . En cas de contrainte hydrique sévère (forte intensité et durée courte), l’approvisionnement en eau par les racines s’épuise, la tension de la colonne de sève augmente, les tissus de transport de la sève brute (xylème chez les Angiospermes) peuvent perdre leurs propriétés mécaniques en se remplissant partiellement d’air et l’arbre risque le desséchement par embolie, c’est-à-dire que ses « réserves » en eau se sont épuisées plus vite que ses réserves en carbone (Tyree & Sperry, 1988, Tyree et al., 1994).
L’arbre souffre alors de la sécheresse à cause d’une défaillance hydraulique. Cette défaillance peut avoir quatre origines selon le type d’entrée d’air dans les vaisseaux de xylème (Tyree et al., 1994) : entrée d’air par un pore au niveau de la paroi du vaisseau de xylème, néoformation d’une bulle d’air dans les vaisseaux de xylème, entrée par un déchirement hydrophobe au niveau de la paroi des vaisseaux de xylème et enfin adhésion d’une bulle d’air sur les parois des vaisseaux. À titre d’exemple, une étude récente estime que plus de 70% des arbres (Gymnospermes et Angiospermes) sont menacés de dysfonctionnement hydraulique de part une insuffisante marge de sécurité hydraulique (Choat et al., 2012).
En cas de contrainte hydrique prolongée (intensité faible mais durée longue), la réduction de l’assimilation carbonée, provoquée par la régulation stomatique de la transpiration, peut conduire à une réduction de formation d’assimilats carbonés (glucose) de l’arbre. Alors que dans le même temps la consommation de ressources par le métabolisme est maintenue, via par éventuellement la fermentation pour maintenir un métabolisme de base (Bossel 1986, Martínez-Vilalta et al., 2002) provoquant in fine un épuisement carboné.

Les événements d’hybridation et leurs implications dans un contexte de changement climatique

L’hybridation interspécifique homoploïde peut avoir plusieurs conséquences, incluant une augmentation de la diversité génétique, l’apparition ou le transfert d’adaptations génétiques, l’apparition de nouveaux écotypes et le renforcement ou la rupture des barrières d’isolement reproducteur (i.e. dédifférenciation d’espèces) (Rieseberg 1997). Les zones hybrides sont des opportunités pour étudier les processus de divergences entre lignées aboutissant à la spéciation (Hewitt G.M., 1988, Harrison 1990). Ces zones hybrides peuvent donc être vues comme de véritables laboratoires d’un point de vue évolutif (Barton & Hewitt, 1985, 1989). La plupart des espèces forestières économiquement importantes connaissent, ou ont connu des événements d’hybridation au cours de leur histoire biologique, comme l’épicéa (Picea sp.) (Krutovskii et al., 1995), le pin (Pinus sp.) (Dungey 2001), le peuplier (Populus sp.) (Hamzeh et al., 2007, Lexer et al., 2007), le chêne (Quercus sp.) (De Dios et al., 2006, Burgarella et al., 2007) et le frêne (Fraxinus sp.) (Gérard et al., 2006, Fernandez-Manjarrés et al., 2006, Gérard et al., 2012). Ces événements périodiques ou récurrents d’introgression, peuvent fournir de nouveaux allèles et sont un facteur déterminant d’adaptation à de nouvelles conditions (Morjan & Rieseberg 2004). Cette introgression progressive peut avoir comme conséquence l’obtention d’individus ayant des phénotypes plus étendus que ceux des espèces parentales, dus à des effets alléliques complémentaires (Lexer et al., 2004).  Voire même des individus ayant des phénotypes extrêmes qui surpassent ceux des deux parents dont l’hybride provient, on parle alors de «ségrégation transgressive» (Rieseberg 1999, Rieseberg et al., 2003).
Cette possibilité d’introgression interspécifique peut offrir une voie évolutive alternative et plus rapide que la spéciation allopatrique (Ungerer et al., 1998), pour faire face à de nouveaux environnements, comme cela a été démontré dans une étude chez le tournesol (Helianthus annuus L.) (Lexer et al., 2004). L’hybridation s’est également produite entre plusieurs espèces et sur de faibles échelles spatiales (i.e. île), ce qui était considéré comme très rare théoriquement (Papadopulos et al., 2013).
Les zones hybrides naturelles offrent également de formidables opportunités pour conduire des études d’expression différentielle, et peuvent permettre d’identifier des gènes et des loci à effets quantitatifs (Quantitative Trait Locus : QTL), impliqués dans les processus d’adaptation aux environnements nouveaux (Lexer et al., 2004). Les processus d’hybridation revêtent donc une importance accrue dans une perspective de changement climatique. Il est par conséquent intéressant d’étudier les réponses d’individus ou de populations hybrides d’espèces forestières face à un épisode de sécheresse. Néanmoins, de manière générale, la génération d’individus hybrides présente certains « faiblesses », car ils peuvent être associés à des valeurs sélectives (ou fitness) moindres. Ces individus hybrides peuvent ainsi voir leur viabilité et leur fertilité réduite par rapport aux individus parents dont ils sont issus (Rieseberg & Willis 2007), étant ainsi contre-sélectionnés dans leur milieu naturel, et donc conduisant certains auteurs à considérer l’hybridation, en tant que processus, comme une «voie sans issue évolutive» (Mayr, 1942, Barton 1979b, Arnold 1997, Seehausen 2004, Hey et al., 2005).

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Table des matières

I) Contexte général des changements climatiques
I-a) Services écosystèmiques des forêts, menaces liées au changement climatique
I-b) La ressource eau et les écosystèmes forestiers : conséquences de la limitation de cette
ressource
I-c) Stratégies des arbres forestiers à l’échelle individuelle en réponse à une contrainte hydrique
I-d) Les événements d’hybridation et leurs implications dans un contexte de changement climatique
II) Problématique de notre étude
II-a) Introduction du modèle d’étude : le complexe d’espèce frêne : F.excelsior, F.angustifolia et les populations hybrides
II-b) Questionnement de la thèse et objectifs d’étude
III) Chapitre 1 : Réponse de populations de frênes communs, méditerranéens et hybrides à une faible contrainte hydrique : Approches écophysiologiques et génétique
III-a) Introduction chapitre 1
III-b) Principaux résultats
III-c) Discussion chapitre 1
Article1: Ash hybrid populations as a reservoir of adaptive variability: New insights from a combined genetic and ecophysiological approach
IV) Chapitre 2 : Réponse de la conductivité hydraulique de populations de frênes à une forte contrainte hydrique
IV-a) Introduction chapitre 2
IV-b) Principaux résultats
IV-c) Discussion chapitre 2
Article 2: Is there population variability in vulnerability of leaf xylem to cavitation? A case study with ash (Oleaceae) populations?
V) Discussion-Perspectives
V-a) Caractérisation des populations de frênes étudiées avec ou sans contrainte hydrique
V-b) Risque hydraulique des populations de frênes étudies
V-c) Généralisation sur les aspects de contrainte hydrique-limites des choix méthodologiques
V-d) Aspects novateurs de notre étude
V-e) Comportement et dynamique des espèces de frênes et leur hybrides dans une perspective de changement climatique
V-f) Perspectives méthodologiques
V-g) Comportement et dynamique des frênes dans une perspective de changement climatique
V-h) Intérêt de l’hybridation pour la conservation
Conclusion
Références bibliographiques
Résumé-abstract

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