La France a consacré en 2013, 11,7% de son PIB en dépenses de santé et s’est classée en 8ème position mondiale d’après la base de données sur les comptes nationaux de santé de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). De plus, le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé (MASS) a annoncé une hausse de 2,4% des dépenses de santé en 2014. Ce qui prouve un engagement politique important face à une demande croissante dans ce secteur. Dans cette étude, nous accordons une attention particulière à l’un des systèmes de soin qui se trouve au cœur de l’activité médicale. Ce système touche presque toutes les autres cellules du réseau des systèmes de soin en jouant le rôle du système tampon, présentant parfois la seule alternative d’orientation des patients à cause de la capacité de traitement insuffisante dans les autres parties de ce réseau. Il s’agit du Service d’Urgences (SU).
Si l’exercice dans les SU diffère d’une prise en charge médicale classique, c’est dû essentiellement à une demande de soin peu stable et prévisible causant ainsi des problèmes d’engorgement et de tension.
Présentation des Services d’Urgences (SU) en France
La Charte de Médecine d’Urgence (SFMU, 2003a) définit les missions des SU : leur principal rôle est d’accueillir et de prendre en charge en urgence tous les patients qui y viennent spontanément ou qui y sont amenés par les services de secours (SAMU, pompiers, police…).
Nous distinguons deux types d’urgence : vitale (dites aussi réelle) et ressentie (Gentile et al., 2004). Cependant les SU accueillent les patients sans sélection 24h/24, tous les jours de l’année comme l’énonce l’article R712-65 du Code de la Santé Publique (CSP) avec quelques exceptions pour les SU spécialisés (maternité, pédiatrie, psychiatrie). Ce qui fait que les portes des SU sont constamment ouvertes puisque aucune barrière d’accès n’existe. D’ailleurs, SU rime souvent avec saturation, problèmes d’organisation, personnel stressé fatigué et débordé, plusieurs notions que nous avons rapportées au terme « Tension ».
De plus, le nombre de passages annuels aux SU de France métropolitaine et de ses départements d’outre-mer est passé de 13,6 millions à 18,5 millions entre 2001 et 2011(Vuagnat, 2013). Soit l’équivalent d’une hausse de 36% en 10 ans qui risque de prendre encore plus d’ampleur dans les années à venir avec tous les problèmes de santé publique modernes, comme l’obésité, l’alcoolisation, le tabagisme, les risques liés à l’environnement, etc.
Afin de comprendre les besoins et les craintes, améliorer les politiques mises en œuvre et optimiser les dépenses face à cette hausse permanente dans ces temps de crise, plusieurs changements et réformes ont touché de près les SU. Nous citons ci-dessous les plus marquants durant ces dix dernières années :
• La loi n° 2009-879 “Hôpital, Patients, Santé, Territoires” (HPST) du 21 juillet 2009 qui réforme en profondeur l’organisation médicale (ANAP, 2010a).
• Les réformes financières : Le Forfait Annuel des Urgences (FAU), le Forfait d’Accueil et Traitement des Urgences (ATU), la tarification à l’activité (T2A) (MASS, 2007).
• Le décret n°2006-576 du 22 mai 2006 relatif à la médecine d’urgence modifiant ainsi son organisation et le CSP.
• Le plan national « Urgence » (MSFPH, 2004) présentant 24 mesures pour améliorer le fonctionnement et la gestion des SU et les actions en aval comme en amont permettant une meilleure organisation de la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS).
• L’arrêté du 22 septembre 2004 fixant la liste et la réglementation des diplômes d’études spécialisées complémentaires de médecine dont la création du diplôme d’études spécialisées complémentaires de médecine d’urgence.
• Le décret n°2003-880 du 15 septembre 2003, relatif aux modalités d’organisation de la PASS.
• L’engagement au niveau régional également : comme la création de l’Observatoire Régional des Urgences (ORU) de Midi-Pyrénées (ORU-MIP) qui représente l’initiateur de cette organisation (2001) après se sont succédés dans le temps d’autres observatoires, comme celui de Limousin (ORU-LIM) en 2007, Provence Alpes-Côte d’Azur (ORU-PACA) en 2008, Lorraine (2011), Alsace (2010). Le but étant de suivre régulièrement l’activité des SU encadrés territorialement par ces organisations et d’avoir régulièrement des rapports quantitatifs et qualitatifs détaillés sur l’activité.
A cet effet, la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) a réalisé jusqu’à présent deux vastes enquêtes sur la prise en charge dans les SU. La première était en 2002 (DREES, 2002) tandis que la deuxième était en 2013 (DREES, 2013). Le but à chaque fois était de visualiser les caractéristiques des usagers et d’analyser l’existant. Reconduire l’enquête après 10 ans permet de donner un aperçu sur les évolutions afin d’évaluer et adapter, voir améliorer les politiques mises en œuvre.
Organisation : structure et ressources
L’article D712-56 du CSP énonce qu’un SU en France doit disposer de locaux distribués en trois zones :
♦ Une zone d’accueil où se déroule le premier contact avec le patient afin d’identifier le degré de son état d’urgence et l’orienter vers un cheminement adéquat.
♦ Une zone de soins externes pour les soins et les examens où se déroule la plus grande partie de la prise en charge que nous appelons Unité de Soins Externes (USE). Cette unité comprend les traitements pouvant être assurés sans hospitalisation préalable, parfois en quelques heures.
♦ Une zone de surveillance qui est l’Unité d’Hospitalisation de Courte Durée (UHCD). Comme son nom l’indique, cette zone composée essentiellement de lits sert à stabiliser et à surveiller l’état d’un patient dans une limite de 24 heures, soit avant sa sortie, soit avant son orientation vers un autre secteur de soin .
Un SU comporte, en outre, un plateau technique regroupant obligatoirement un laboratoire d’analyses pour assurer les examens biologiques et un service d’imagerie (Article D712-58 du CSP). De plus, des moyens informatiques et logistiques sont mis à la disposition de l’établissement pour assurer une meilleure gestion de l’activité. Cette structure est gérée essentiellement par une équipe médicale dirigée par un médecin responsable et une équipe paramédicale dirigée par un cadre infirmier (Article D712-53 du CSP). Tous deux veillent sur la permanence de l’activité de sorte que 24h/24 et 7j/7, au moins un Médecin Urgentiste (MU) et deux Infirmiers Diplômés d’Etat (IDE) soient effectivement présents afin d’assurer la prise en charge nécessaire des patients (Articles D712-54 et D712-55 du CSP).
Nous trouvons d’autres métiers indispensables à l’offre des soins, tels que les Aides-Soignants (AS), les brancardiers, les assistants de service social et des agents administratifs.
De plus, les SU ne sont pas des structures indépendantes car ils sont obligatoirement liés au réseau de santé en amont comme en aval, du moment qu’ils absorbent une charge de soins, allégeant ainsi la charge des autres structures (hôpitaux, médecins de ville, structures sociales…) et orientant les patients vers des structures plus adéquates suite à des avis médicaux.
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Table des matières
Introduction Générale
I. CHAPITRE I. Services d’Urgences en France : Un système de soin caractérisé par la tension
I.1 Introduction
I.2 Présentation des Services d’Urgences (SU) en France
I.2.1 Organisation : structure et ressources
I.2.2 Parcours du patient
I.2.3 Quelques caractéristiques
I.3 Problème majeur : la tension dans les SU
I.3.1 Définitions de la tension
I.3.2 Causes
I.3.2.1 Causes internes
I.3.2.2 Causes externes
I.4 Gérer la tension dans les SU
I.4.1 Evaluation et quantification de la tension
I.4.1.1 Travaux menés en Amérique
I.4.1.2 Travaux menés en France
I.4.2 Anticipation de la tension
I.5 Positionnement thématique
I.6 Conclusion
II. CHAPITRE II. Approches et Outils de gestion de tension dans les systèmes de soin
II.1 Introduction
II.2 Modélisation et simulation des flux
II.3 L’évaluation dans les systèmes de soins
II.3.1 Les indicateurs comme outils d’évaluation
II.3.2 L’agrégation des indicateurs pour l’évaluation multicritère
II.3.2.1 Méthodes classiques
II.3.2.2 La logique floue
II.4 Anticipation de la tension
II.4.1 Séries chronologiques (SC)
II.4.1.1 La tendance
II.4.1.2 La saisonnalité
II.4.2 Méthodes de prévision basées sur l’étude des SC
II.4.2.1 Méthodes basée sur le lissage exponentiel
II.4.2.2 Modèles de Box-Jenkins
II.5 Gestion des ressources et planification des activités
II.6 Positionnement méthodologique
II.7 Conclusion
III. CHAPITRE III. Identification et modélisation floue des Indicateurs de tension
III.1 Introduction
III.2 Indicateurs modélisant la tension
III.2.1 Indicateurs spécifiques aux patients
III.2.1.1 Estimation et modélisation de la DP dans l’USE
III.2.1.2 Formulation et interprétation
III.2.2 Indicateurs modélisant la tension
III.2.2.1 Indicateur principal : Ratio Demande sur Offre (RDO)
III.2.2.2 Indicateur de conséquence : Ratio de Dépassement Total (RDT)
III.2.2.3 Indicateur de conséquence : Ratio d’Attente Totale pour la PPC (RAT)
III.3 Agrégation floue des indicateurs de la tension
III.3.1 Phase de fuzzification
III.3.1.1 Modélisation floue des indicateurs d’entrées
III.3.1.2 Modélisation floue du niveau de la tension
III.3.2 Phase d’inférence
III.3.3 Phase de défuzzification
III.4 Conclusion
Conclusion Générale
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