Sentiments des écoutants envers les appelants réguliers

Sentiments des écoutants envers les appelants réguliers

Depuis une dizaine d’années, le monde des télécommunications a offert à l’ensemble de la population des possibilités auxquelles elle n’avait pas songé auparavant. Ces nouvelles technologies de l’information permettent à une majorité de personnes de communiquer avec les différents membres de son réseau social, d’obtenir des informations sur la température, de consulter les résultats sportifs, de découvrir d’autres cultures, de se tenir au courant de l’actualité et même d’obtenir certains services de nature psychosociale. De plus en plus, l’Internet, la messagerie électronique et les téléphones cellulaires sont utilisés afin d’obtenir des renseignements sur les phénomènes concernant l’état de santé physique et psychologique des individus et plus directement d’intervenir en cas de crise. En ce sens, les centres d’écoute ou d’intervention téléphonique font partie des plus anciennes formes d’intervention psychosociale ayant été proposées comme alternative à l’intervention en face à face (Guo & Harstall, 2004).Depuis une cinquantaine d’années, ces centres se sont imposés comme une ressource d’intervention indispensable en situation de crise et comme complément à l’intervention thérapeutique (Lester & Brockopp, 1970 ; Mann & al., 2005). L’utilité de ces centres n’est plus à défendre et ils se sont fortement multipliés depuis. Toutefois, la plupart des services d’aide téléphonique (écoute ou intervention téléphonique) font face à une problématique devant laquelle ils montrent des signes d’impuissance. Cette difficulté à laquelle sont confrontés les centres d’écoute ou d’intervention téléphonique est celle des appelants réguliers qui utilisent de façon assidue les services d’écoute ou d’intervention téléphonique. Ces cas d’appels  répétitifs ont même déjà fait l’objet de poursuites judiciaires pour harcèlement dans certains centres d’écoute téléphonique (Gauthier & al.,2012 ; Seeley, 1993). Si ce n’était que de la sur-utilisation des services téléphoniques, il n’y aurait pas lieu de parler en termes de « problématique » mais, comme la plupart des écoutants de ces centres n’arrivent que très rarement aux résultats escomptés vis-à-vis ce type d’appelant, il en résulte un épuisement du personnel et une difficulté d’atteindre la mission visée par les centres d’écoute ou d’intervention téléphonique (Echterling & Hartsough, 1989 ; Kinsel & Nanson, 2000). Le phénomène des appelants réguliers semble perdurer depuis la création des premiers centres d’écoute téléphonique (Farberow & al., 1966 ; Lester & Brockopp, 1970). Malgré tout, les intervenants se retrouvent devant bien peu de solutions  afin d’aider ces individus qui sont davantage intéressés à discuter qu’à véritablement mettre en action les solutions qui peuvent leur être proposées (Hall & Schlosar, 1995 ; Leuthe & O’Connor, 1981 ; Maltais, Savard & Gauthier, 2010).

C’est donc dans le but de mieux documenter le phénomène des appelants réguliers et, par le fait même, favoriser la venue de solutions ou, à tout le moins, une meilleure compréhension des caractéristiques de ces appelants que ce mémoire s’est penché sur le sujet. C’est d’ailleurs en complément d’une étude de Maltais, Savard et Gauthier (2010) visant à évaluer l’efficacité des services d’aide téléphonique membres de l’Association des Centres d’Écoute Téléphonique Du Québec (ACETDQ) que s’inscrit cette recherche puisque les auteurs ont relevé que le phénomène des appelants réguliers était peu documenté. De plus, une recherche subséquente de Gauthier et al. (2012) a révélé que, bien que les centres d’écoute ou d’intervention téléphonique ont déjà recours à divers moyens pour répondre aux besoins des appelants réguliers, il existe peu de stratégies spécifiques visant à répondre à ces besoins.

Ce mémoire présente donc, dans un premier temps, la problématique reliée au phénomène des appelants réguliers suivi d’une recension des écrits sur le sujet abordant les thèmes suivants : les services d’écoute ou d’intervention téléphonique, l’ampleur du phénomène des appelants réguliers, l’écoute et l’intervention téléphonique auprès des appelants réguliers, les principales caractéristiques des appelants réguliers, les stratégies des centres d’écoute et d’intervention téléphonique face aux appelants réguliers, les recommandations émises par les différents auteurs et les limites des recherches sur les appelants réguliers. Dans un deuxième temps, le cadre théorique sur lequel repose ce mémoire est exposé, c’est-à-dire le modèle écologique de Brofenbrenner (1979). La troisième partie du mémoire détaille l’ensemble des dispositions reliées à la méthodologie de la recherche dont la stratégie de recherche, les questions de recherche, la population à l’étude, la collecte de données, l’analyse des données, les considérations éthiques, les forces et les limites de l’étude ainsi que la pertinence de la recherche. La quatrième partie présente d’abord, les résultats récoltés lors des entrevues semi-dirigées réalisées auprès de six écoutants de deux centres d’écoute ou d’intervention téléphonique œuvrant dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Une deuxième section de ce chapitre s’attarde aux résultats obtenus à la suite de rencontres de cinq groupes focalisés réalisées cette fois-ci auprès de cinquante écoutants provenant de cinq centres d’écoute ou d’intervention téléphonique répartis dans cinq régions socio-sanitaires du Québec. Enfin, la dernière partie discute ces résultats à la lueur du cadre théorique et de la recension des écrits. Cette dernière section se subdivise en cinq parties, c’est-à-dire les principales caractéristiques des appelants réguliers et problèmes biopsychosociaux rencontrés, les types de relations et de communications entretenues par les bénévoles avec les appelants réguliers, les stratégies individuelles et organisationnelles envisagées afin d’améliorer les services offerts aux appelants réguliers, les implications pour la pratique ainsi que les perspectives de recherches futures.

Les premiers services d’écoute ou d’intervention téléphonique sous la forme actuelle sont apparus dans les années 60. À cette époque, ils étaient surtout orientés vers la prévention du suicide et l’intervention en situation de crise dans le but de fournir rapidement des services à moindres coûts (Lester, 2002a). De nos jours, il existe une grande variété de services d’écoute ou d’intervention téléphonique offrant du soutien à la population générale et à différents groupes cibles (Coman, Burrows & Evans, 2001), comme par exemple les adolescents (Tel-Jeunes), les personnes âgées (Tel-Aînés), les parents aux prises avec des difficultés dans l’éducation de leurs enfants (Ligne Parents) ou les gais et lesbiennes (Gai Écoute). En occident, les services d’aide téléphonique se sont multipliés au cours des années 70 (ONUSIDA, 2003). Par exemple, entre 1966 et 1989, les centres de prévention du suicide sont passés de 28 à 225 aux États-Unis (Roberts, 1995). Au Canada, la prolifération des centres d’écoute ou d’intervention téléphonique a surtout eu lieu dans les années 80 et a été accompagnée d’une diversification des champs d’activité de ces centres : prévention du suicide, intervention en situation de crise, consommation de drogues, intervention auprès des victimes d’agressions sexuelles, troubles sexuels, sida, etc. (Hunt, 1993 ; Lester, 2002b). Selon Bobevski et Holgate (1997), il existe trois grandes catégories de services d’écoute ou d’intervention téléphonique : les services généralistes, les services offerts à des groupes de personnes spécifiques ou ayant des besoins spécifiques et les services de santé et de bien-être personnel. Au Québec, le premier centre d’écoute active généraliste, anonyme et confidentielle a fait ses débuts à Montréal en 1970 (ACETDQ, 2009). Aujourd’hui, l’Association des Centres d’Écoute Téléphonique du Québec (ACETDQ) compte 24 centres répartis à travers le Québec dont un est situé au Saguenay-Lac-Saint-Jean. La grande majorité de ces 24 centres effectuent de l’écoute téléphonique de type généraliste alors que certains d’entre eux offrent des services à des populations cibles selon un champ d’activité spécifique : cancer, homosexualité, santé mentale, etc. (ACETDQ, 2013). Le Québec compte aussi parmi ses rangs plusieurs centres de prévention du suicide faisant partie de l’Association Québécoise de Prévention du Suicide (AQPS). On dénombre 35 centres membres de l’AQPS dont le CPS 02 situé au Saguenay-Lac SaintJean (AQPS, 2013). Le CPS 02 (2013) a pour mission de: «Prévenir le suicide et contribuer à réduire les facteurs associés dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. ».

Les centres d’écoute ou d’intervention téléphonique procurent plusieurs avantages dont Pimmédiateté de l’intervention, la facilité d’accès au service, le coût minime, l’anonymat et le sentiment de contrôle, car l’appelant peut mettre fin à la conversation dès qu’il le désire (Coman, Burrows & Evans, 2001 ; Haas & al., 1996 ; Masi, 2001). Ce sentiment de contrôle perçu par l’appelant peut être à l’origine de la réduction des comportements défensifs, d’une confiance personnelle solidifiée ainsi que de la libre expression de ses émotions et de ses pensées. (Lester, 2002b ; Reese, Conoley, & Brossart, 2006). L’aspect de l’anonymat des lignes de consultation téléphonique est un facteur d’attraction pour une grande majorité d’utilisateurs (Bertera & Bertera, 1981 ; Hornblow, 1986 ; Snipes & McDaniels, 1982). L’anonymat permet de conserver une estime de soi plus intact suite à l’interaction auprès des écoutants puisque l’identité n’y est pas dévoilée, le sentiment de menace est donc amoindri et les révélations se font plus aisément (Mishara & al.5 2007 ; Nadler & Fisher, 1986). Ce sentiment de confort peut, par contre, s’avérer excessif et mener à des appels difficiles à gérer tels que les appels nuisibles (farce ou anodin), les appels obscènes et les appels répétés (Lapointe-Goupil, 2004). Toutefois, bien que certains auteurs affirment que l’intervention téléphonique soit moins efficace que l’intervention en face-à-face (Palmer & al., 2002), cette forme d’aide permet d’atteindre des personnes qui n’oseraient pas consulter autrement (Lazar & Erera, 1998).

Parmi les divers centres d’écoute ou d’intervention téléphonique, certains appelants dits « réguliers » les contactent à de nombreuses reprises. Plusieurs de ces appelants sont même en contact avec deux ou trois centres d’écoute ou d’intervention téléphonique différents à chaque semaine (Kramer, 1994). Le nombre significatif d’appelants réguliers au sein de plusieurs centres d’écoute ou d’intervention téléphonique contraint ces derniers à agir en tant que ligne de consultation sous forme de suivi continu malgré le fait que ce ne soit pas leur mission de départ (Kramer, 1994 ; Urbis Keys Young, 2003 ; Watson, McDonald & Pearce, 2006). D’ailleurs, les services d’écoute téléphonique fournissent davantage un soutien social qu’une aide à la résolution de crises, c’est pourquoi les centres d’aide généralistes seraient plus touchés par ce phénomène que les centres téléphoniques d’intervention de crise ou ceux visant à prévenir le suicide (Perkins & Fanaian, 2004 ; Teare & al., 1995 ; Watson, McDonald & Pearce, 2006). Pour plusieurs centres d’écoute ou d’intervention téléphonique, la réponse à ces appels fréquents pervertit leur mission première. Pour certains écoutants, les appelants réguliers manipulateurs ou dépendants rendent impossible toute forme de conversation axée sur le changement et la résolution de problèmes, ceux-ci profitent donc des valeurs et du code d’éthique des CEIT qui ne peuvent interdire l’accès à la ligne téléphonique (Licoppe, 2006). Certains appelants réguliers connaissent même l’horaire des différents bénévoles et vont appeler en fonction de la disponibilité de la personne avec laquelle ils souhaitent parler (Licoppe, 2006). La fréquence d’appels de ces appelants peut aller jusqu’à plusieurs fois par jour et des centaines de fois durant l’année pour le même problème ou sans problème apparent (Metro Help Line, 1996 ; Mishara & al., 2007 ; Ricard & al., 2005 ; Watson, McDonald, & Pearce, 2006). Ces appelants ne démontrant, par le fait même, que très peu de volonté d’effectuer des changements dans leur vie (Gréer, 1976 ; Sawyer & Jameton, 1979). D’ailleurs, Gréer (1976) a observé que, à court terme, les appelants réguliers appelaient plus souvent pour des problèmes différents que les appelants occasionnels mais que, dans plus de la moitié des appels, un lien existait avec l’appel initial. C’est pourquoi, plusieurs centres d’écoute ou d’intervention téléphonique classent fréquemment les appelants réguliers parmi les appelants nuisibles en raison de l’incohérence de leurs besoins et de la mission de leur organisation (Brockopp, Lester & Blum, 2002 ; Telephone Helplines Association, 1999). Sans compter que plusieurs centres d’écoute ou d’intervention téléphonique considèrent que ces appelants accaparent inutilement les lignes téléphoniques diminuant par le fait même la disponibilité de leurs services (Gauthier & al., 2012). La difficulté de répondre aux besoins de ce type d’appelant amène les écoutants des divers services d’aide téléphonique face à un dilemme puisque la mission de ces organismes inclue la réponse téléphonique à n’importe qui et à n’importe quel moment (Speer, 1971 ; Seeley, 1993). De plus, ces appelants ne représentent pas la clientèle visée par les centres d’intervention de crise et les centres d’écoute généralistes, mais ils utilisent tout de même leurs lignes téléphoniques tout en refusant la plupart du temps les suggestions référentielles des écoutants de ces lignes d’écoute (Hall & Schlosar, 1995 ; Sawyer & Jameton, 1979). De façon générale, ces appelants sont rarement considérés comme étant en état de crise (Slaikeu, 1990). Les conséquences des appels répétés de certains individus peuvent même conduire les membres des centres d’écoute, surtout les bénévoles, vers l’épuisement émotif et le désengagement en raison du sentiment d’impuissance qui accompagne le comportement statique des appelants réguliers (Echterling & Hartsough, 1989 ; Kinsel & Nanson, 2000 ; Brunet, Lemay & Belliveau, 1994 ; Leuthe & O’Connor, 1981 ; Maltais, Savard & Gauthier, 2010 ; Speer, 1971). Les écoutants peuvent même en venir à douter de leurs compétences en raison de cette absence de progrès (Kehoe & Grant, 1997 ; Kinzel & Nanson, 2000 ; Licoppe, 2006). Par ailleurs, Cyr et Dowrick (1991) ont noté des effets délétères tels que des cauchemars, des pensées envahissantes et des émotions négatives chez certains écoutants. En général, les appelants réguliers font partie d’une forme de suivi, mais ne font partie d’aucun programme particulier visant leur prise en charge par les services d’écoute ou d’intervention téléphonique (Gauthier & al., 2012). Les procédures entreprises par ces centres ont surtout pour but de limiter l’accès aux services à ce type d’appelants (Fédération française de psychiatrie, 2000). Il en résulte une frustration de la part des écoutants qui prétendent que les techniques d’écoute ou d’intervention habituelles ne démontrent que très peu de résultats face aux appelants réguliers et aimeraient que l’organisation des services d’écoute ou d’intervention téléphonique leur octroie plus de latitude dans leurs interactions auprès de ces usagers (Maltais, Savard & Gauthier, 2010). Toutefois, certains écoutants prétendent que les services d’écoute ou d’intervention téléphonique répondent forcément à un besoin important des appelants réguliers puisque ceux-ci rappellent et déclarent être généralement très satisfaits des services reçus (Boddy & Smith, 2007 ; Maltais, Savard & Gauthier, 2010). Étant donné la chronicité des appels reçus, cette satisfaction est peut être moins perçue par les écoutants, car ces derniers déclarent que les nouveaux appelants semblent plus satisfaits et reconnaissants de l’aide reçue que les appelants réguliers (Aubry & al., 2005).

Au Québec, il existe peu d’écrits à propos de cette clientèle régulière des centres d’écoute ou d’intervention téléphonique. Par contre, une étude récente réalisée dans cinq CEIT membres de l’ACETDQ, où 194 appelants ont été interrogés, révèle que la majorité des appelants réguliers présentent une détresse émotionnelle élevée et que ces derniers sont généralement très satisfaits des services qu’ils reçoivent (Maltais, Savard & Gauthier, 2010). De plus, les services d’écoute ou d’intervention téléphonique du Québec n’ont, à titre officiel, développé que très peu de stratégies d’intervention ou d’écoute particulières pour les appelants réguliers (Gauthier & al., 2012). Toutefois, un des centres d’écoute à l’étude, soit le centre Tel-Aide Saguenay-Lac-Saint-Jean a adopté une approche de directivité aidante en plus de tenir un dossier de suivi pour chaque appelant régulier et de mettre à leur disposition une ligne téléphonique spécifique, ce qui permet de ne pas encombrer la ligne téléphonique mise à la disponibilité des autres appelants. Par contre, ce centre fait figure d’exception au Québec. Il apparaît donc pertinent, dans ce contexte, de mieux documenter le vécu de ces personnes ainsi que les motifs qui les poussent à appeler fréquemment dans les services d’aide téléphonique. La présente étude vise d’ailleurs à obtenir ce type d’informations en recueillant la perception des bénévoles au sujet des appelants réguliers.

Recension des écrits

Les centres d’écoute ou d’intervention téléphonique

Certains médiums de communication se font de plus en plus présents dans le domaine de l’intervention psychosociale. L’Internet et les vidéoconférences ont reçu plus d’attention ces dernières années, mais le téléphone demeure la forme d’aide à distance la plus utilisée (Coveney & al., 2012 ; Williams, 2000). Les CEIT sont d’ailleurs considérés comme des ressources essentielles parmi les services d’intervention psychosociale (Miller & al., 1984 ; Reese, Conoley & Brossart, 2002). Leur efficacité est toutefois difficile à mesurer car les contacts établis avec les appelants sont souvent de courte durée et anonymes, le suivi des impacts est donc difficile à évaluer (Leenaars & Lester, 2004 ; Mishara & al. 2007). Toutefois, l’impact des CEIT à court terme a été démontré à de nombreuses reprises par la diminution des intentions suicidaires, l’amélioration de l’état mental des appelants et la diminution de l’anxiété perçue à la fin de l’appel (Aubry & al., 2005 ; Guo & Harstall, 2004 ; Ko & Lim, 1996 ; Maltais,Savard & Gauthier, 2010 ; Mann & al., 2005). Puisque ces impacts sont de courte durée, il est donc plus probable qu’un appelant requiert le service à plusieurs occasions (Leitner, Barr & Hobby, 2008). Selon Mishara et Giroux (1993), ce sont surtout sur ces impacts que les écoutants doivent se centrer afin d’éviter le découragement puisqu’ils ne pourront régler les problèmes d’une vie en un seul appel, particulièrement en ce qui concerne les appelants réguliers. Kalafat et al. (2007) reconfirment cette affirmation selon laquelle la nature même des problèmes vécus par les appelants réguliers nécessite plus d’un appel avant d’envisager une forme de progrès. De plus, Rosenfield (1997) mentionne qu’un des inconvénients des CEIT est de déceler les incongruités entre les messages verbaux et non verbaux et, par le fait même, de déceler l’état des appelants au moment de terminer l’appel.

L’ampleur du phénomène des appelants réguliers

Les appelants réguliers manifestent leur présence auprès des CEIT depuis l’apparition des premiers centres d’intervention de crise par téléphone dans les années 60 (Lester & Brockopp, 1970). Ce type d’appelant constitue une imposante part des appels reçus dans les services d’aide téléphonique (Gauthier & al. 2012). La proportion des appels effectués par les appelants réguliers dans les CEIT est évaluée entre le tiers et un peu plus de la moitié de l’ensemble des appels reçus par la majorité des centres (Gauthier & al., 2012 ; Metro Help Line, 1996 ; Mishara & al, 2007 ; Ricard & al., 2005 ; Rogers & Rogers, 1978 ; Slem & Cotler, 1973 ; Watson, McDonald, & Pearce, 2006). Bien que dans plusieurs centres d’écoute ou d’intervention téléphonique la majeure partie des appels soit effectuée par des appelants réguliers, ceux-ci ne constituent pas la plus grande proportion des appelants, mais une somme considérable de temps et d’énergie est employée à interagir avec ce type d’appelant. Mishara et al. (2007) lors d’une étude effectuée auprès de deux centres de prévention du suicide situés au Québec évaluent à 25% du total des appelants la part associée aux appelants réguliers bien qu’ils effectuent 63% des appels. D’autres auteurs arrivent à des proportions variables selon le type de CEIT, c’est-à-dire entre 17% et 42% du temps alloué aux appels effectués par des appelants réguliers (Johnson & Barry, 1978 ; Perkins & Fanaian, 2004 ; Rogers & Rogers, 1978 ; Samaritans, 2011 ; Speer, 1971). Il faut toutefois mentionner que ces résultats peuvent dépendre des barèmes utilisés pour définir les appelants réguliers (nombre d’appels effectués la même journée ou au cours de la même semaine ou mois, fréquence des appels, etc.). Il n’en demeure pas moins que les appelants réguliers constituent une source d’épuisement émotif considérable pour le personnel des centres d’écoute (Kinzel & Nanson, 2000 ; Mackinnon, 1998 ; Sawyer & Jameton, 1979).

Les principales caractéristiques des appelants réguliers

Certains critères servent à identifier les appelants réguliers. De façon générale, les caractéristiques suivantes sont observées chez les appelants réguliers : 1) la répétition du discours, 2) l’absence de crise ou d’urgence, 3) l’impossibilité de déterminer la nature du premier appel, et 4) l’incapacité ou l’indifférence face à la résolution de problème et la mise en place d’actions concrètes (Montheil, 2009 ; S.O.S. Amitié France, 2009). Une étude de Gauthier et al. (2012) s’est attardée aux principales caractéristiques des appelants réguliers au sein de plusieurs centres d’écoute et d’intervention téléphonique du Québec. Ces auteurs rapportent les caractéristiques suivantes : un discours répétitif, une utilisation de la ligne téléphonique dans le but de diminuer le sentiment de solitude ou de ventiler ses émotions, une difficulté à identifier leurs besoins et leurs motifs de prise de contact auprès de l’organisation, un problème de santé mentale et la connaissance de l’individu au sein de plusieurs organisations du réseau de la santé et des services sociaux. Toutefois, la principale problématique observée par la plupart des membres des CEIT concernant les appelants réguliers est l’absence de progrès substantiels. Ainsi, ces appelants auraient souvent le même discours que lors de l’appel initial (Telephone Helplines Association, 1999). Schegloff (2007) avance que c’est lors de ce premier appel que les appelants réguliers intègrent la légitimité de rappeler le centre dès qu’ils en ressentent le besoin puisque les écoutants les invitent à recontacter leur centre en cas de besoin.

CONCLUSION

L’objectif principal de cette étude était de décrire les principales caractéristiques des appelants réguliers utilisateurs des services d’aide téléphonique Tel-Aide du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Centre de prévention du suicide 02 ainsi que les défis que ces appelants représentent pour les écoutants bénévoles de ces deux centres. De cet objectif global, découlaient trois objectifs spécifiques : 1) décrire les principales caractéristiques biopsychosociales des appelants réguliers et les principaux problèmes biopsychosociaux rencontrés au cours de leur quotidien, 2) décrire les types de relations et de communications entretenues entre les écoutants et les appelants réguliers, et 3) décrire les stratégies individuelles et organisationnelles envisagées par les écoutants afin d’améliorer les services offerts aux appelants réguliers.

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Table des matières

INTRODUCTION 
CHAPITRE 1 – Problématique 
CHAPITRE 2-Recension des écrits 
2.1 Les centres d’écoute ou d’intervention téléphonique
2.2 L’ampleur du phénomène des appelants réguliers
2.3 L’écoute et l’intervention téléphonique auprès des appelants réguliers
2.4 Les principales caractéristiques des appelants réguliers
2.5 Les stratégies employées par les centres d’écoute ou d’intervention
téléphonique face aux appelants réguliers
2.6 Les recommandations émises par les experts afin d’améliorer les services
offerts aux appelants réguliers
2.7 L’attitude des écoutants face aux appelants réguliers
2.8 Conclusion
2.9 Les limites des recherches auprès des appelants réguliers
CHAPITRE 3 – Cadre théorique 
3.1 Modèle écologique
CHAPITRE 4 -Méthodologie 
4.1 Stratégie de recherche
4.2 Objectif général et objectifs spécifiques de la recherche
4.3 Population à l’étude
4.3.1 Population à l’étude et mode de recrutement pour les entrevues semi-dirigées
4.3.2 Population à Pétude et mode de recrutement pour les groupes focalisés
4.4 Collecte de données
4.5 Analyse des données
4.6 Considérations éthiques
4.7 Pertinence de la recherche
CHAPITRE 5 – Résultats 
SECTION A : RÉSULTATS DES ENTREVUES SEMI-DIRIGEES 
5.1 Les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des
répondantes
5.2 La perception des répondantes concernant les appelants réguliers
• 5.2.1 Caractéristiques sociodémographiques des appelants réguliers
5.2.2 Conditions de vie des appelants réguliers
5.2.3 Santé physique et psychologique des appelants réguliers
5.2.4 Réseau social des appelants réguliers
5.2.5 Stratégies de résolution de problèmes et motivation des appelants réguliers.
5.2.6 Les appelants réguliers et le réseau de la santé et des services sociaux
5.2.7 Les attentes et les besoins des appelants réguliers face aux centres d’écoute ou
d’intervention téléphonique
5.3 L’attitude des écoutants envers les appelants réguliers
5.3.1 Sentiments des écoutants envers les appelants réguliers
5.3.2 Type d’aide apportée par les centres d’écoute et d’intervention téléphonique
5.3.3 Types d’écoute et d’interventions préconisées
5.3.4 Les principaux obstacles à l’écoute et à l’intervention téléphonique auprès des
appelants réguliers
5.4 Recommandations des répondantes en ce qui a trait à l’écoute ou à
l’intervention téléphonique auprès des appelants réguliers
SECTION B : RÉSULTATS DES GROUPES FOCALISÉS 
5.5 Les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des écoutants
des groupes focalisés
5.6 La perception des répondants des groupes focalisés concernant les appelants
réguliers
5.6.1 Principales caractéristiques personnelles des appelants réguliers
5.6.2 Réseau social des appelants réguliers
5.6.3 Les appelants réguliers et le réseau de la santé et des services sociaux
5.6.4 Les attentes et les besoins des appelants réguliers face aux centres d’écoute ou
d’intervention téléphonique
5.7 L’attitude des écoutants des groupes focalisés envers les appelants réguliers
5.7.1 Sentiments des bénévoles envers les appelants réguliers
5.7.2 Types d’écoute et d’interventions effectués auprès des appelants réguliers.
5.8 Recommandations des écoutants en ce qui a trait à l’écoute ou l’intervention
téléphonique auprès des appelants réguliers
SECTION C : SIMILITUDES DANS LE DISCOURS DES REPONDANTS 
CHAPITRE 6 – Discussion 
6.1 Principales caractéristiques des appelants réguliers et problèmes
biopsychosociaux rencontrés
6.2 Types de relations et de communications entretenues par les bénévoles avec
les appelants réguliers
6.3 Stratégies individuelles et organisationnelles envisagées afin d’améliorer les
services offerts aux appelants réguliers
6.4 Retombées pour la pratique
6.5 Perspectives de recherches futures
6.6 Forces de l’étude
6.7 Limites de l’étude
CONCLUSION

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