Sentiment de compétition et performance chez des élèves de CE1

De nos préoccupations de stagiaires à nos premières pistes de réflexion

                 En tant que professeur des écoles stagiaire, nous nous faisons tous une idée plus ou moins réaliste du métier avant d’accéder au poste. Nos questionnements ont, par ailleurs, été nombreux, qu’il s’agisse de la gestion de classe ou la didactique des différentes disciplines. Partant de mon vécu, j’avais une vision très restreinte de l’éducation physique et sportive. J’accordais une place importante aux capacités physique et ne voyait pas comment y intégrer les capacités relationnelles, affectives et cognitives. Mon questionnement s’est amplifié lors de la réalisation de la programmation et des séquences d’EPS : comment amener les élèves à acquérir les compétences ? Quelles modalités pédagogiques utiliser ? De plus, le cadre spatio-temporel et la méthode d’enseignement restent éloignés des autres disciplines. Il m’importait donc, en tant que débutante, de réfléchir à toutes les modalités (différenciation, trace écrite, part de l’oral dans la discipline…) afin de permettre aux élèves d’acquérir tout aussi bien les connaissances et compétences dans le cadre fermé de la classe que dans un cadre plus libre dont nous pouvons disposer lors de séances d’EPS. Pour ce travail de recherche, nous étions soucieuses de répondre à un de nos questionnements initiaux sur la discipline afin d’enrichir notre pratique. Nous avons donc comparé nos programmations afin de cibler une pratique commune. Il est ressorti que toutes deux avions choisi de travailler la course en période 3, de vitesse pour ma collègue et de durée pour ma part. Nos réflexions se sont surtout tournées vers notre pratique réelle et notre vécu de professeur des écoles stagiaire : quelle séquence créer pour permettre aux élèves de progresser ? Il nous est tout de suite apparu intéressant de comparer les deux types de course et de lier nos questionnements à propos de l’activité. Notre vécu et nos représentations de la course ont rapidement pris place dans notre réflexion. La course nous apparaissait comme une activité pénible. La notion de motivation est alors apparue essentielle et nous avions tenté de le relier à notre pratique, non seulement en EPS mais aussi dans les autres disciplines. De nombreux élèves perdent de leur motivation lorsqu’ils ont une image négative de leur performance, « la relation entre les perceptions de soi et l’implication dans les activités est consistante chez les enfants. » (Tessier, 2013) Partant de ce constat, une première problématique a surgi : En quoi les conceptions des élèves au sujet de « courir vite et longtemps » peuvent-elles influencer leur engagement dans cette activité physique et leur progression ? Que peut-on mettre en place pour les amener à dépasser ces conceptions ? Afin de répondre à ce questionnement, nous avons décidé de faire passer un questionnaire (annexe 1) à nos élèves avant de passer à la pratique. Ce questionnaire avait pour but de relever les attentes sur la séquence ainsi que les premières conceptions et représentations sociales de la course. Nous nous attendions à trouver une forte variété de profils mais surtout un manque de motivation que nous aurions travaillé tout au long de cette séquence. Or voici ce qui en est ressorti : Nous avons relié ce plaisir de courir à une certaine forme de motivation que nous ne pensions pas retrouver dans les résultats. En effet, prêt de 92 % de la classe estime aimer courir. Il nous paraissait donc évident d’abandonner notre problématique à la suite de ce constat. Ce questionnaire n’a cependant pas été sans utilité car il nous a permis de relever des données intéressantes pour la suite de notre réflexion. Effectivement, parmi ceux qui aimaient courir, près de 32 % estimaient que la raison principale était qu’ils étaient performants en course. Le manque de performance est par ailleurs la raison donnée par l’une des élèves pour expliquer son désintérêt pour toute course confondue. Nous nous sommes questionnées sur cette idée de performance : était-ce un besoin de battre son propre record ou alors un besoin d’être plus performant que son camarade ? Aimes-tu courir ? Oui Non A la suite de cette passation, j’ai réalisé un brainstorming afin d’obtenir plus d’éléments concernant la représentation de la course du groupe classe (annexe 2). On ne cherche plus à connaître un ressenti individuel mais plutôt à identifier une représentation groupale. Le mot « course » était écrit au tableau et la question de départ était : « quels sont les premiers mots qui vous viennent à l’esprit en lisant ceci ? ». Lorsqu’un élève donnait une idée, les autres levaient la main s’ils étaient d’accord. Les mots qui ressortent sont écrits dans trois couleurs : si 1 à 8 élèves s’accordent sur un mot, ce dernier est écrit en vert, si 8 à 20 élèves s’accordent alors il est écrit en orange. Enfin si plus de 20 élèves acquiescent le mot, alors il sera écrit en violet. Lors de ce brainstorming, seul un mot a fait l’unanimité : « compétition », cela marque le début de notre recherche. Voici un schéma représentant le cheminement de notre réflexion : Cette expérience à rejoint l’idée que nous nous étions faites à la suite des questionnaires, les élèves lient compétition et performance, les entretiens individuels qui ont suivi ont confirmé cette piste de recherche. Il nous est alors paru intéressant de travailler la compétition, bien qu’elle soit un phénomène naturel pour tenter d’améliorer la performance des élèves. Ainsi, cette trame de réflexion nous a amené à poser la problématique suivante : En quoi la compétition influence-t-elle la performance d’élèves de CE1 ? Nous faisons les hypothèses suivantes :
– Les résultats en T2 sont significativement meilleurs qu’en T1
– Lorsque la compétition est ressentie positivement, la performance est améliorée.
– Lorsque la compétition est ressentie négativement, la performance est inhibée.

La motivation : théorie et lien avec l’EPS

                  Lorsque nous avions commencé à réfléchir sur le sujet de ce mémoire nous avions une crainte : ne pas réussir à enrôler nos élèves dans l’activité. Si le document Eduscol cité précédemment insiste bien sur la nécessité de proposer des situations variées et ludiques aux élèves, c’est bien parce que la motivation est une composante essentielle en EPS. C’est elle qui déterminera l’investissement de l’élève dans la tâche, et finalement sa performance. Elle a été définie par Vallerand et Thill (1993) (cités par D. Tessier) comme représentant : « le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement. » Outre l’envie que la motivation peut apporter à l’élève, elle dirige aussi ses choix, on appelle alors cela le « but motivationnel ». De plus, la motivation est aussi à l’origine de l’intensité et de la durée que le sujet accorde à la tâche. Avant de s’engager dans la spécification de ce qu’est la motivation, il me semble important de commencer par une courte exposition de la théorie des buts d’accomplissement (TBA), concept essentiel en psychologie sociale et fortement lié aux théories motivationnelles. Nicholls (1984, cité par D.Tessier, P. Sarrazin, D. Trouilloud, 2009) explique ainsi qu’un aboutissement dans un contexte comme l’école est de « développer ou manifester- à soi ou aux autres -une compétence élevée et d’éviter de paraître incompétent » et qu’il existe deux moyens de montrer sa compétence : la comparaison aux autres ou « progresser dans le temps ». Nous pouvons alors faire le postulat que la compétition intervient lorsque le premier moyen est employé, c’est-à-dire lorsqu’un phénomène de comparaison s’installe. Dans l’enseignement, on désigne souvent l’élève motivé comme étant celui qui alloue ses ressources énergétiques et cognitives à la tâche donnée. Il s’agit ici d’une conception unidimensionnelle de la motivation, c’est-à-dire que la motivation, même provoquée, a une influence sur la performance du sujet. Nous nous sommes emparées de ce constat, il est possible de provoquer la motivation chez des élèves non impliqués dans les activités. Un premier questionnement s’est alors posé : Quel dispositif pédagogique utiliser pour provoquer la motivation ? De nombreux chercheurs ont montré que la motivation a plusieurs directions, c’est le cas de Deci et Ryan (1985, cités dans théorie de l’auto-détermination de Deci et Ryan) à qui l’on doit la théorie de l’auto-détermination. Cette dernière rejoint les théories organismiques faisant le postulat qu’un être humain est un être en perpétuel changement, tourné vers « l’actualisation de leurs potentialités et l’intégration dans le soi de nouvelles expériences » (D. Tessier, 2006). Ce postulat, nous pouvons le lier à notre cadre théorique de l’action situé qui introduit le fait que l’élève se nourrit de ses expériences et de son rapport à l’environnement. La TAD est consciente qu’il existe des personnes démotivées par la tâche et en tire donc la conclusion qu’il existe plusieurs types de motivations influençant l’action des individus. Dans leur modèle initiale, Deci et Ryan5 distinguent la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque. La première se déclenche lorsque l’individu effectue la tâche pour le plaisir qu’elle peut lui procurer et non pas pour la récompense qui en découd. Il est possible de relier ce type de motivation à l’activité de loisir réalisée par l’enfant à l’extérieur de l’école, elle est choisie pour l’attrait qu’elle procure chez l’élève. Par opposition, la motivation extrinsèque, demande l’atteinte d’un résultat, d’une récompense. C’est le cas, par exemple, d’un élève qui n’aime pas courir mais qui effectue l’activité en EPS pour faire plaisir au professeur ou bien pour éviter la punition qui découlerait d’un refus. Cette vision dichotomique (extrinsèque vs intrinsèque) estreprise dans de nombreuses théories et est vulgarisée en termes de didactique. Il ressort dans la culture populaire et scolaire une vision additive, c’est-à-dire que la motivation extrinsèque et intrinsèque formeraient une sorte de « motivation globale ». Cela a donné suite au raisonnement suivant : si la motivation intrinsèque tend à diminuer, il suffit d’augmenter la motivation extrinsèque par l’ajout de récompenses. De nombreuses études ont été réalisées et ont réfuté cette théorie : la motivation intrinsèque a tendance à diminuer lors de l’utilisation de récompenses. La théorie de l’évaluation cognitive ajoute que la motivation intrinsèque de l’individu dépend aussi de la signification qu’il donne à la récompense proposée. Ainsi, il ne faut  pas tomber dans la systématisation des récompenses : un élève qui ne voit pas de but concret dans l’activité, n’en sera pas plus motivé après l’ajout de récompenses. Cela exclut donc plusieurs outils que nous aurions pu utiliser comme la distribution de diplômes par exemple. Si l’on relit toutes ces théories à un versant plus pédagogique, de nombreux chercheurs (dont Deci et Ryan) ont montré une supériorité de la MI sur la ME dans le sens où les performances sont significativement plus élevées lorsque la motivation est intrinsèque. Or, le cadre de l’éducation physique et sportive est plus contrôlant que libre. L’espace est délimité et le temps est imparti, impliquant une organisation qui ne permet que peu de changements et de liberté pour les élèves. De plus, en tant que professeur des écoles débutant, l’articulation des différentes postures pédagogiques reste complexe et si l’on se réfère au triangle pédagogique de Houssaye, c’est la posture « enseigner » que nous privilégions. Nous cherchons à transmettre le savoir afin de rentrer au mieux dans les attentes de l’institution mais notre manque de recul nous pousse à appliquer un enseignement directif qui ne laisse que peu de place aux interactions. Dans cette conjoncture, il est évident que les élève ne peuvent pas toujours pleinement adhérer de leur plein gré. Rares sont les élèves qui rentrent en activité de manière complètement délibérée (MI) et ce premier modèle motivationnel ne nous engage pas dans de bons présages. Vient alors le second modèle réalisé par Deci et Ryan plaçant les concepts de MI et ME sur un continuum de motivation. On parle maintenant de motivation autodéterminée, l’activité est réalisée délibérément, et de motivation non autodéterminée « quand l’individu réalise une activité pour répondre à une pression externe ou interne » (Damien Tessier, Philippe Sarrazin, David Trouilloud, 2009). Le continuum motivationnel est divisé en deux partie par un « seuil d’autodétermination » déterminant si l’action est auto-déterminée ou non. La TAD compte pas moins de six types de motivations différentes allant de la motivation intrinsèque (la plus autodéterminée) à l’a-motivation (la moins autodéterminée).

Statistiques inférentielles

                 Afin d’analyser les performances des élèves et valider ou non mes hypothèses j’ai réalisé des tests t de Student . Le premier test qui sera employé dans cette recherche est le t de Student, il s’agit d’un test paramétrique qui va me permettre de comparer les moyennes des performances en temps 1 (T1) et en temps 2 (T2) Afin de tester notre première hypothèse, j’ai réalisé un t de Student pour groupes appariés. Ce test a démontré que les performances moyennes de course sont différentes entre le T2 (M = 20.38 ; ET = 8.44) et le T1 (M = 16.50 ; ET = 8.38), indiquant une amélioration de la performance en T2, t(23) = – 4.64, p < .0016 Afin d’observer si, suivant la deuxième hypothèse, la performance est améliorée lorsque la compétition est ressentie positivement, j’ai soumis les performances des élèves à plusieurs tests t de Student. Mon objectif ici est d’observer si il y a un lien entre le profil du groupe et l’amélioration de la performance. Lesrésultats montrent que pour les 15 élèves du profil « ayant eu un ressenti positif de la compétition » les performances en T2 (M = 21.33 ; ET = 8.62) sont significativement meilleures qu’en T1 (M = 17.07 ; ET = 8.80), t(14) = – 3.80, p < .002 Au contraire, pour les 7 élèves du profil « n’ayant pas ressenti de compétition » leur performance n’est pas significativement meilleure en T2 (M = 16.71 ; ET = 7.78) qu’en T1 (M = 20.29 ; ET = 8.66), mais tendent à être améliorés, t(6) = – 2.42, p = 0.052 A la vue de ces résultats, notre deuxième hypothèse est validée. En effet, puisque les résultats sont significativement meilleurs entre le T1 et le T2 et ce, seulement pour le profil « ayant eu un ressenti positif de la compétition », nous pouvons considérer que seul le groupe ayant eu un ressenti positif de la compétition a amélioré considérablement sa performance. Dans le but de tester notre dernière hypothèse, j’ai effectué un test t de Student auprès du profil « ayant eu un ressenti négatif de la compétition ». Le test révèle que leur performance en T2 (M = 13.50 ; ET = 6.36) n’est pas significativement améliorée en rapport à leur performance en T1 (M = 11.50 ; ET = 10.61), t(1) = – 0.67, p = 0.626 Si l’on s’intéresse aux résultats des trois profils nous pouvons tout aussi bien valider notre troisième et dernière hypothèse. En effet, parmi les trois profils, seulement le ressenti positif de la compétition a révélé une amélioration significative des résultats entre le T1 et le T2. Le groupe ayant bien ressenti de la compétition mais de manière négative ne semble pas montrer d’amélioration.

Conclusion

                 Cette année est la concrétisation d’un projet professionnel mais aussi nos premiers pas dans le métier. La pratique constitue un enrichissement et un apprentissage sans égal, mais comme le confer le statut de cette année de stage, nous étions débutantes et de nombreux éléments nous ont échappé. Il est vrai qu’un enseignant émérite a eu l’occasion de tester, de se tromper et de réessayer, il parvient plus aisément à anticiper les obstacles qui font face aux élèves. Cette recherche est le résultat de l’évolution d’une réflexion constante. La séquence a été l’objet de nombreuses modifications tout au long de la période 3 afin de s’adapter aux réponses des élèves que nous n’avions pas anticipées. La prise de recul, élément essentiel d’une réflexion abouti, n’a pas toujours été effective puisque nous étions dans une phase d’expérimentation qui ne nous permettait peu de temps de réaction. Malgré cela, auquel nous pourrions rajouter nos doutes quant à l’efficacité de nos mises en œuvre, nous avons tenté de mettre en place une séquence qui allie pédagogie de la performance et compétition. Nous avons su réagir aux réponses de nos élèves et modifier notre pratique en conséquence. Nos lectures à propos de la compétition ont permis une certaine prise de conscience : il est toujours possible d’agir sur les variables secondaires, c’est-à-dire les éléments que nous n’avions pas inclus volontairement dans notre recherche. Parmi les différentes mises en œuvre possibles, nous avons décidé d’articuler performance et compétition dans nos séquences en suivant le cadre de l’action située. Les résultats aux tests statistiques m’ont permis de valider mes trois hypothèses. Bien que j’émets des réserves quant à la validité de ces résultats, j’ai bien observé l’effet de la compétition sur le comportement de mes élèves. Les résultats démontrent que la mise en œuvre de situations pédagogiques compétitives fait évoluer la performance des élèves en course de durée. En effet, la compétition améliore la performance des élèves l’ayant ressenti de manière positive et inhibe la performance des élèves l’ayant ressenti de manière négative. La compétition va agir sur la motivation de l’élève à entrer dans l’activité. Il serait intéressant de reproduire cette thématique de recherche lors de nouvelles activités afin d’observer s’il est toujours pertinent de se saisir de la compétition en tant qu’outil pédagogique. Il n’est pas toujours possible de maitriser le ressenti que les élèves en ont, et puisque notre objectif est la réussite de tous nos élèves, il faudrait l’adapter afin de permettre aux élèves les moins à l’aise avec la compétition d’améliorer leur performance. Cette recherche a été le résultat d’une longue réflexion qui m’a permise de prendre du recul sur la pratique enseignante en EPS et de visualiser la possible utilisation de nouveaux outils pédagogiques.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1. De nos préoccupations de stagiaires à nos premières pistes de réflexion
2. Partie théorique
2.4.1 L’EPS et la course à l’école
2.4.2 La motivation : théorie et lien avec l’EPS
2.4.3 Quelle relation entre performance et compétition ?
2.4.4 Le cadre théorique de l’action située
3. Méthodologie
3.1 Participants
3.2 Matériel
3.3 Procédure et chronologie
4. Résultats
4.1 Analyse qualitative de la séquence 
4.2 Statistiques inférentielles
5. Discussion
6. Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *