Les multiples expériences qui se sont développées depuis l’émergence de l’astroparticule ont montré que la physique des particules, l’astrophysique et la cosmologie étaient complémentaires, s’apportant mutuellement contraintes et réponses sur l’infiniment petit et l’infiniment grand.
L’astronomie observationnelle ‘‘classique’’ qui sonde l’espace à l’aide du spectre électromagnétique des ondes radios au visible et à plus haute énergie des rayons X aux gammas est maintenant complétée par de nouveaux modes d’observation à l’aide des neutrinos, des rayons cosmiques de haute énergie et dans les prochaines décennies des ondes gravitationnelles. Dans ce contexte, le neutrino de haute énergie a une place toute particulière. Cette particule stable, neutre, et possédant une très faible section efficace d’interaction, permettrait d’observer directement et sur des distances cosmologiques, le cœur des objets denses de l’Univers .
ASTROPARTICULES
Les messagers astrophysiques à haute énergie
L’astronomie gamma
Le dernier siècle a été un tournant dans l’histoire millénaire de l’astronomie. Jusqu’alors, les observations du ciel se limitaient au domaine du visible qui ne représente qu’une toute petite partie du spectre électromagnétique. Elles s’étendent maintenant des ondes radios aux gammas, c’est-à-dire sur 18 ordres de grandeur en énergie .
Les premières observations en dehors du visible ont été faites dans le domaine des ondes radios après la seconde guerre mondiale et ont permis de révéler la présence des plasmas relativistes, des quasars, des pulsars et sans doute la plus grande découverte de cosmologie observationnelle, le fond diffus cosmologique. Chaque observation du ciel à l’aide d’une nouvelle longueur d’onde a systématiquement été accompagnée de découvertes inattendues.
L’atmosphère terrestre absorbe un grand nombre de rayonnements. Ainsi, l’astronomie du rayonnement X a dû attendre l’avènement de fusées capables d’atteindre des altitudes supérieures à 50 km. Les premières observations ont révélé des phénomènes qui n’avaient pas été prédits par les astrophysiciens : les systèmes binaires et les processus d’accrétion qui ont apporté de solides indications à l’existence des trous noirs.
Les satellites plus récents (BATSE, EGRET, INTEGRAL et bientôt GLAST) ont permis depuis de cartographier plus précisément le ciel dans des domaines d’énergie de plus en plus élevés (> 100 MeV). Au sol, l’astronomie gamma s’est développée plus tardivement, mais pour sonder un domaine d’énergie encore plus élevé. Les réseaux de télescopes terrestres utilisent la lumière Tcherenkov des gerbes de particules produites dans l’atmosphère par les rayons gamma d’énergie de l’ordre du TeV et au-delà. Depuis les premiers projets comme Whipple, CAT ou HEGRA, c’est actuellement un domaine en pleine effervescence avec des expériences comme HESS ou CANGAROO. Le nombre de sources observées avec ces nouvelles techniques tend à augmenter exponentiellement au fil des années .
Depuis les premières observations, l’astronomie gamma a fait de nombreuses découvertes comme les sursauts gammas dont l’origine reste encore un mystère, l’émission diffuse du plan galactique provenant des interactions des rayons cosmiques avec la matière galactique, le signal intense provenant du centre galactique et la détection d’un signal provenant d’un reste de supernova, la nébuleuse du Crabe. Cette dernière découverte tendrait à confirmer que les restes de supernovæ seraient des sources de rayons cosmiques galactiques.
La détection des sources ponctuelles n’a été possible qu’avec l’amélioration des performances tant en terme de résolution que de sensibilité, et avec l’augmentation de la taille des détecteurs. Les flux à haute énergie sont d’autant plus faibles que l’énergie est élevée, ils décroissent souvent en loi de puissance avec des indices spectraux généralement supérieurs ou égal à 2. De plus, la résolution angulaire des instruments est nettement plus limitée que dans le visible, de l’ordre du degré (1,5° pour EGRET à 1 GeV). Cette mauvaise résolution angulaire des télescopes gamma ne permettait pas (ou difficilement) la détection des sources ponctuelles qui apparaissent comme un fond diffus. L’identification du fond diffus observé par EGRET aux énergies du keV s’est avéré être en réalité une accumulation de sources ponctuelles non résolues jusqu’à leur observation par INTEGRAL[110]. Les nouvelles générations de satellites seront plus performantes. Ainsi, GLAST, dont le lancement est prévu pour être lancé en 2007, aura une résolution de 0,25° à 1 GeV.
Malgré les avancées considérables en terme de détection, certaines contraintes intrinsèques aux photons ne peuvent être contournées. Les photons interagissent avec la matière qu’ils traversent. Dans l’optique, la lumière est absorbée et diffusée par le gaz et la poussière sur la ligne de visée, et à plus haute énergie, les sites de productions ont une densité telle que les photons s’en extraient difficilement sans perte d’énergie. En outre, le libre parcours moyen des photons devient faible à haute énergie diminuant d’autant la profondeur à laquelle il est possible de sonder l’Univers. Cet effet est équivalent à l’effet GZK, du nom de ses inventeurs Greisen, Zatsepin et Kuz’min pour les protons ; il augmente la difficulté de détecter des sources émettant des photons de haute énergie. L’effet GZK est dû à l’interaction des photons sur les différents fonds cosmologiques, infrarouge, micro-ondes et radio.
Les Rayons Cosmiques
Depuis près d’un siècle, les scientifiques ont découvert que l’atmosphère terrestre est continuellement bombardée par un flux isotrope de particules appelées « rayons cosmiques ». C’est en 1912 que Victor Hess s’embarqua avec ses instruments de mesure à bord de ballons pour traquer les rayons cosmiques. D’autres, comme Pierre Auger en 1938, s’installèrent au sommet des montagnes avec des détecteurs de particules afin de comprendre l’origine de ces particules ionisantes. Presque un siècle s’est écoulé et si de nombreuses réponses ont été apportées, l’origine des rayons cosmiques reste toujours un mystère non résolu.
Les rayons cosmiques de basse énergie peuvent être observés, avant leur interaction avec les noyaux de l’atmosphère, à l’aide de petits détecteurs embarqués à bord de ballons ou de satellites. L’importance de leur flux à cette énergie permet d’étudier avec précision leur abondance. Ils sont composés à 99 % de noyaux (89 % de protons, 10 % d’Hélium, et 1 % de noyaux plus lourds), et à 1 % d’électrons.
A plus haute énergie, au-delà de 10⁶ GeV, le flux devient tellement faible que des détecteurs de grandes dimensions sont nécessaires. Ils sont installés au sol et observent la gerbe de particules qui s’est développée après l’interaction du rayon cosmique dans la haute atmosphère. Ce sont soit les particules ionisantes arrivant au sol qui sont détectées, soit la fluorescence des atomes d’azote de l’atmosphère excités par le passage des particules de la gerbe. Seule l’énergie totale et la forme de la gerbe peuvent alors être reconstruites et la composition initiale est difficile à déterminer. Deux types de modèles tentent d’expliquer ces évènements de haute énergie : les modèles bottom–up qui considèrent des particules de basse énergie accélérées, généralement par mécanisme de Fermi , jusqu’aux énergies extrêmes, et les modèles top-down qui supposent des particules très massives reliques du big-bang, qui en s’annihilant ou se désintégrant produiraient les rayons cosmiques de très haute énergie.
|
Table des matières
INTRODUCTION
ASTROPARTICULES
I Les messagers astrophysiques à haute énergie
I.1 L’astronomie gamma
I.2 Les Rayons Cosmiques
I.3 Les ondes gravitationnelles
I.4 Les neutrinos
II Les télescopes à neutrinos
II.1 Principe de détection
II.1.1 L’idée de Markov
II.1.2 Interaction et absorption des neutrinos dans la matière
II.1.3 Effet de la Terre à très haute énergie
II.1.4 Propagation des muons dans la matière
Les corrélations angulaire et énergétique
Interactions dominantes
II.1.5 Détection des muons par effet Tcherenkov
II.1.6 Surface effective et estimation du nombre d’évènements attendus
II.2 Bruit de fond
II.2.2 Muons atmosphériques
II.2.3 Muons induits par l’interaction des neutrinos atmosphériques
II.3 ANTARES
II.3.2 Le détecteur ANTARES
Les lignes
Les modules optiques
Le site sous-marin du télescope
Le déploiement du détecteur
II.3.3 Le traitement du signal
Le suivi du positionnement
II.3.4 L’environnement
Les propriétés optiques de l’eau
Bruit de fond optique
Bio-salissure
II.4 Les autres projets
II.4.1 Les projets en cours
II.4.2 Les projets km3
LA GALAXIE EN NEUTRINOS
III La Galaxie
III.1 Les vues de la Galaxie
III.2 Géométrie de la Galaxie
III.2.1 Généralités
III.2.2 Le halo
III.2.3 Les coordonnées célestes
Le système de coordonnées équatoriales
Le système de coordonnées galactiques
Le système de coordonnées galactocentriques
III.3 Composition
III.3.1 Les étoiles
III.3.2 La matière interstellaire
Le gaz d’hydrogène atomique
Le gaz moléculaire
Le gaz ionisé
La poussière
III.3.3 Le champ de rayonnement interstellaire
III.3.4 Le champ magnétique
Ondes d’Alfvén
III.3.5 Le vent galactique
III.4 Le milieu interstellaire local
IV Les rayons cosmiques galactiques
IV.1 Caractéristiques du rayonnement cosmique
Le flux
Les abondances
IV.2 Interactions des rayons cosmiques galactiques
IV.2.1 La boîte qui fuit
Rapport secondaire sur primaire
Rapport radioactif sur stable
Les abondances
IV.2.2 Equation de propagation
Sources primaires
La diffusion
La reaccélération
Les pertes d’énergie
La convection
Les spallations
Les désintégrations
Retour sur l’équation de propagation
DETECTION DU FLUX DIFFUS GALACTIQUE
V Simulation des neutrinos galactiques
V.1 GALPROP
V.1.1 La méthode de GALPROP
Modèle galactique
Paramètres de propagation
Méthode de calcul
V.1.2 Les différents modèles de flux gammas
Le modèle conventionnel, C
Le modèle de spectre cosmique dur, HN
Modèle de spectre dur d’électrons, HE, HEMN
V.2 Mécanismes de production des neutrinos
V.2.1 Production des pions dans les collisions pp
Section efficace de production des pions
Spectre en énergie de production des pions
V.2.2 Spectre de production des neutrinos issus de la désintégration du pion et du muon
V.2.3 Emissivité et flux des neutrinos
V.2.4 Oscillations de neutrinos
V.2.5 Spectre des neutrinos galactiques arrivant sur Terre
Vue de la Galaxie en neutrinos
Spectre en énergie
V.3 La génération et la reconstruction des évènements dans ANTARES
V.3.2 Simulation des muons et des photons Tcherenkov
Simulation des modules optiques et de l’électronique
Bruit de fond optique
V.3.3 La reconstruction des muons
La trajectoire d’un muon
Sélection des impulsions
Reconstruction de la trajectoire
Reconstruction de l’énergie
V.4 Evènements galactiques et atmosphériques dans Antares
V.4.1 Bruit de fond atmosphérique
Neutrinos atmosphériques
Muons atmosphériques
V.4.2 Pondération galactique
Incidence galactique
Simulation des évènements galactiques
V.4.3 Récapitulatif des évènements
VI Observation des neutrinos galactiques dans Antares
VI.1 Méthode de réjection des muons atmosphériques
La qualité de reconstruction
Coupure angulaire
Estimation du nombre de muons atmosphériques
VI.2 Performances d’ANTARES
VI.2.1 Probabilité de détection
VI.2.2 Algorithme d’optimisation angulaire
VI.2.3 Energie
VI.2.4 Observation du ciel au fil des années
VI.2.5 Optimisation des coupures
La qualité de reconstruction
La reconstruction en énergie
VI.3 La sensibilité d’ANTARES
VI.4 Estimation avec un détecteur kilométrique
VI.4.1 Exemples de géométries
VI.4.2 Performances escomptées
VI.5 Méthode optimisée d’observation
VI.5.2 Maximisation de la probabilité
VI.5.3 Reconnaissance de forme à pixellisation itérative
VI.6 Perspectives
CONCLUSION
ANNEXES
REFERENCES