Contexte et objet de la recherche
Issue d’un environnement montagnard dont l’économie principale est aujourd’hui celle du tourisme, nous avons toujours évolué au cœur de problématiques liées à la valorisation du territoire et de ses activités associées. Les diverses tactiques de promotion d’un secteur d’activité ainsi que l’avènement du web dans les organisations ont éveillé en nous la curiosité d’approfondir la question des stratégies de communication des prestataires touristiques à l’heure où le digital devient une variable incontournable de leur organisation. Aujourd’hui, la construction de l’identité globale des entreprises passe inévitablement par la manière dont elles investissent le web. Les processus organisationnels qui se mettent en place autour des nouvelles technologies dépendent en partie de stratégies officiellement établies à côté desquelles se développent des stratégies organisationnelles parallèles qui ont une influence notoire sur la production des discours promotionnels et la conception identitaire de l’entreprise.
C’est à partir d’observations et de considérations issues de notre expérience professionnelle que nous nous sommes intéressée à la question de la communication web au sein des entreprises, et notamment, à la question de la construction et de la gestion d’une identité numérique. Ce sont les enjeux qu’elle soulève au sein des organisations en général qui motivent le présent travail de thèse. Cette étude communicationnelle nous amène à investir plusieurs champs disciplinaires et théoriques et à mobiliser des concepts issus de disciplines diverses qu’il convient de délimiter et de mobiliser dans le cadre de l’appréhension de notre problématique.
Communication organisationnelle
En communication organisationnelle, nous adoptons une approche symbolique et culturelle à travers l’idée selon laquelle l’organisation peut être analysée à partir de ses structures symboliques et expressives. Nous considérons que l’analyse des discours produits au nom d’une entreprise permet de révéler les strates invisibles de la culture, qui se manifeste dans l’acte communicatif. Autrement dit, nous partons du postulat selon lequel l’entreprise est en partie ce qu’elle dit être à travers ses discours, signaux et idéologies qu’elle relaie et qu’elle dit revendiquer (Bouillon, Bourdin, Loneux, 2008 : 8)1 Par ailleurs, dans la lignée des travaux de l’école de Palo Alto, nous n’excluons pas que l’organisation résulte d’un ensemble d’éléments en interaction constituant un système où la communication devient la composante intrinsèque de l’organisation. Aussi, notre perspective est celle d’analyser le contenu des messages produits au nom de l’entreprise, mais également, d’analyser les relations qui se construisent à travers eux et qui peuvent expliquer les dynamiques organisationnelles observées. Nous considérons que la dynamique de l’organisation dépend de la situation, d’un ensemble de processus ainsi que de politiques de communication qu’il est possible de croiser pour rendre compte de ces dynamiques. Ainsi, les messages sont analysés en contexte, en tenant compte de l’environnement de production dont les composantes sont en interaction constante avec l’organisation. Ces considérations rejoignent en sociologie ce que Michel Calon et Bruno Latour appellent la sociologie de la traduction ou la théorie de l’acteur-réseau sur laquelle nous appuyons les fondements de notre proposition méthodologique en fin de thèse.
Sémiotique du web
C’est à partir des travaux de Peter Stockinger , Sébastien Rouquette , Nicole Pignier ou encore Julia Bonaccorsi sur l’analyse du web que nous abordons la question de l’analyse des plateformes numériques et socionumériques investies par les entreprises qui constituent notre corpus. Nos considérations se veulent d’ordre sociosémiotiques, dans la lignée des travaux d’Andrea Semprini , à travers un élargissement de nos considérations sémiotiques à des problématiques de type socio culturelles. Le postulat de Semprini nous permet de dépasser la simple analyse technique d’une plateforme web : l’objectif est de comprendre en quoi le sens des messages décryptés d’un point de vue sémiotique peut influencer le fonctionnement de l’espace social dans lequel ils sont produits. L’idée est de dépasser la simple analyse figurative, narrative et axiologique du discours afin d’appréhender les dimensions pratiques et identitaires des sites web en tant qu’outil de gestion de la communication d’entreprise. En effet, nous postulons que la construction de l’identité pour un acteur social n’est pas uniquement liée aux discours qu’il émet à travers ses divers supports de communication, mais à une synergie qui se créé entre l’ensemble des discours qui se croisent au sein d’un même écosystème. L’avènement du numérique a largement contribué à la mise en circulation de ces discours. Nous pensons que l’entreprise est un acteur à part entière d’un écosystème dont elle profite en termes d’image et qui participe à la construction de son identité tout comme elle participe à la valorisation d’une identité territoriale à laquelle elle est rattachée. Aussi, c’est à travers la proposition d’une méthodologie globale d’analyse de la présence des entreprises sur le web en tenant compte du réseau d’acteurs humains et non-humains dans lequel elles s’inscrivent, que nous entendons contribuer, à l’appui de la théorie de l’acteur réseau insufflée en sociologie par Michel Callon et Bruno Latour (op.cit.), aux travaux ayant été précédemment menés sur la question de l’analyse des sites web et du web en général.
Concepts phares
Tout au long de ce travail de thèse, nous mobilisons le concept d’identité numérique qui nous amène sur le terrain des Sciences de l’Information et de la Communication, et plus spécifiquement des TIC, pour expliquer les évolutions et les changements liés à l’investissement dans le numérique que l’on peut observer au sein d’entreprises spécifiques. Nous cherchons, à travers l’exploration de ce concept, à redessiner les frontières entre virtuel et réel, et à définir ce que peut constituer le numérique en tant que « transfert technologique » (Bougnoux, 2001 : 59) , c’est-à-dire d’un point de vue de l’évolution des pratiques communicationnelles en termes de matérialité et de support véhiculant des discours sous une forme spécifique. A travers la mobilisation de ces concepts, nous cherchons à saisir les liens qui peuvent se former entre organisation et technologie en décrivant une pratique de communication.
Nous nous intéressons par ailleurs en marketing, au concept de marque comme moyen de représentation de l’entreprise, et plus exactement au concept de « monde possible » développé par Semprini (op.cit.) qui contribue à la construction des représentations et à l’attribution d’un ensemble signifiant autour des discours générés par les marques. Nous soulevons également la question de la relation entre marketing stratégique et opérationnel et de l’articulation entre ces deux pôles fondamentaux constitutifs de l’entreprise qui conçoivent, régissent et génèrent les messages produits en son nom. En outre, nous questionnons l’évolution du marketing eu égard à l’évolution des technologies de la communication concernant l’intégration du numérique ainsi que de nouvelles stratégies à travers l’implantation du marketing digital au sein des pratiques de communication.
L’un des derniers concepts majeurs abordés dans notre recherche est celui de l’innovation touristique, et plus exactement, de l’investissement du web par l’entreprise et les organisations économiques et politiques comme innovation en termes de communication territoriale. Nous postulons que les analyses déployées au niveau de la stratégie de communication d’entreprises locales spécifiques dévoilent également des enjeux économiques et sociaux qui s’étendent sur l’ensemble d’un territoire régional et qui font de l’activité principale de ces entreprises une vitrine identitaire en termes de communication touristique et de valorisation du territoire.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1. CONTEXTE ET OBJET DE LA RECHERCHE
2. QUESTION GENERALE DE RECHERCHE ET METHODOLOGIE
3. CONTRIBUTIONS DE LA RECHERCHE
4. ORGANISATION DE LA RECHERCHE
PREMIERE PARTIE CADRE GENERAL : PROBLEMATIQUES, OBJECTIFS DE RECHERCHE, PRESENTATION ET APPROCHE DU TERRAIN
1. PREAMBULE
2. COMMUNICATION ET ORGANISATION
3. PRESENTATION DE L’APPROCHE ET METHODOLOGIE
4. ENJEUX DE LA RECHERCHE
5. OBJECTIFS DE RECHERCHE
6. SYNTHESE ET BILAN DU CADRE GENERAL
DEUXIEME PARTIE AXE NUMERIQUE : ANALYSES SEMIOTIQUES DES SITES WEB
1. PREAMBULE
2. QUELQUES CONSIDERATIONS SUR LE WEB ET LA QUESTION DU NUMERIQUE
3. ANALYSES DES SITES WEB
4. CHEMINEMENT ANALYTIQUE
5. PRESENTATION METHODOLOGIQUE
6. SYNTHESE ET BILAN DES ANALYSES SEMIOTIQUES DE SITES WEB
TROISIEME PARTIE AXE ORGANISATIONNEL : ANALYSE DES ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFS
1. PREAMBULE
2. CARACTERISTIQUES DE L’ENQUETE
3. ANALYSE DES DISCOURS APPREHENDES
4. LOGIQUES ORGANISATIONNELLES ET STRATEGIQUES EMERGENTES
5. OUVERTURE SUR L’AXE INSTITUTIONNEL
QUATRIEME PARTIE AXE INSTITUTIONNEL : OBSERVATIONS DE TERRAIN EN SITUATION PROFESSIONNELLE
1. PREAMBULE
2. L’INNOVATION : UN FACTEUR DE DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
3. LA QUESTION DE L’INNOVATION DANS LES ORGANISATIONS
4. LE ROLE DES INSTITUTIONS TERRITORIALES DANS LA COMMUNICATION DES CENTRES THERMOLUDIQUES
5. SYNTHESE ET BILAN DES OBSERVATIONS DE TERRAIN EN SITUATION PROFESSIONNELLE
CINQUIEME PARTIE RETOMBEES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES
1. PREAMBULE
2. DISCUSSION METHODOLOGIQUE A PARTIR DES TRAVAUX DE STOCKINGER
3. PROPOSITION METHODOLOGIQUE POUR UNE ANALYSE DES SITES WEB ACTUELS A L’ERE DU WEB 2.0.
4. PENSER L’IDENTITE NUMERIQUE DE L’ENTREPRISE
5. VERS UNE DEFINITION ELARGIE DE L’IDENTITE NUMERIQUE
6. SYNTHESE ET BILAN DES RETOMBEES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES
CONCLUSION GENERALE
1. RAPPEL DE L’OBJET DE LA RECHERCHE
2. SYNTHESE GENERALE
3. REFLEXIONS METHODOLOGIQUES, THEORIQUES ET PRATIQUES A PARTIR DE LA SYNTHESE NOS RESULTATS
4. LIMITES ET PERSPECTIVES DE LA THESE
BIBLIOGRAPHIE