Les écosystèmes terrestres sont de plus en plus sollicités pour faire face à une demande croissante de biomasse alimentaire et non-alimentaire de la population mondiale en constante augmentation. Par ailleurs, les derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) [1], mettent en évidence les conséquences néfastes d’un réchauffement planétaire de 1,5°C d’ici 2050, qui entrainerait une chute considérable des rendements des cultures, mais aussi le rôle crucial des sols pour lutter contre le changement climatique, puisqu’ils représentent un puits de carbone permettant l’absorption de 30 % des émissions humaines de CO2 [1]. Dans un contexte de changement global du climat, mais aussi de raréfaction de certaines ressources minérales telles que le phosphore [2], l’optimisation de la gestion des ressources agricoles, et en particulier des éléments minéraux des sols, est devenu un enjeu majeur [3]. En effet, les éléments minéraux sont à la fois des ressources indispensables pour la croissance des végétaux et le stockage du carbone, des polluants potentiels de certains compartiments de l’environnement, et pour certains éléments, des contaminants potentiellement toxiques susceptibles d’être transférés depuis les végétaux jusqu’à l’homme.
Corpus
L’analyse chimique des sols est difficile, quelle que soit la méthode d’analyse utilisée : les méthodes de routine comme l’ICP-AES nécessitent des digestions acides chronophages, la LIBS peut, elle, être impactée négativement par les variations de la taille du grain d’un sol à l’autre, générant des fluctuations importantes d’intensité pour les spectres obtenus [36]. Ce phénomène fait partie de ce qu’on appelle les « effets de matrice ». L’analyse des plantes par LIBS semble plus simple et moins sujette à ce type de fluctuations. Les stratégies d’étalonnage sélectionnées pour ces deux matrices sont donc bien distinctes et la façon de choisir les échantillons associés également. Plusieurs corpus ont donc été sélectionnés afin de répondre à des problématiques différentes. En effet, dans un premier temps, des échantillons ont été sélectionnés spécialement afin de caractériser qualitativement et quantitativement la matrice des sols agricoles et des plantes en conditions d’analyse optimales, c’est-à-dire en laboratoire avec des échantillons préparés. Dans un second temps, un autre corpus sera exploité dans le but d’évaluer la capacité du pistolet Z-300 à analyser des échantillons dans des conditions dégradées par rapport aux conditions idéales.
Sélection des sols agricoles
Afin de construire en laboratoire des modèles quantitatifs de prédiction des teneurs totales en éléments dans les sols, un premier corpus d’échantillons a été utilisé. Les sols sélectionnés pour notre étude sont issus du réseau Quasaprove, réseau de suivi de parcelles agricoles sur toute la France exploitées pour l’agriculture conventionnelle et biologique, avec des productions végétales de grandes cultures en plein champ. Il s’agit d’un observatoire de la contamination diffuse des grandes cultures. Il est constitué de 97 parcelles de blé dur, blé tendre et tournesol qui ont été suivies sur 33 sites, de 2010 à 2015, répartis sur l’ensemble du territoire français. L’étude à l’échelle nationale permet de couvrir la diversité des systèmes agricoles et de mettre en évidence des situations à risque pour mieux appréhender la contamination des cultures. Ce réseau est piloté par l’Association de Coordination Technique Agricole (ACTA), association gérée par les agriculteurs, et par l’unité ISPA (INRAE Bordeaux). Plus d’informations sur le réseau Quasaprove sont données sur le site officiel [37].
Ces sols, essentiellement limoneux et argilo-limoneux, sont représentatifs des niveaux de fertilité et de contamination diffuse rencontrés en grande culture [5]. La couche de surface des sols (0-30 cm) a été prélevée chaque année et un sous-échantillon de chaque échantillon obtenu pour un site a été analysé pour déterminer les caractéristiques pédologiques et de nombreuses teneurs totales en éléments, dont les éléments d’intérêt pour ce projet : le carbone (C), les éléments majeurs (N, Ca, K, Mg, P) et les éléments traces nécessaires ou toxiques (Al, Cd, Cu, Fe, Na, Zn, Mn) pour la nutrition des plantes. Après prélèvement, séchage et tamisage à 2mm, puis analyse par les méthodes de références, ces sols sont conservés dans la terrothèque de l’unité ISPA. La collection d’échantillons de sols utilisée pour cette étude est un sous-ensemble constitué de 62 échantillons : 51 sélectionnés afin de construire les modèles d’étalonnage des différents éléments d’intérêt et 11 autres, dits de validation et non utilisés dans la construction des modèles d’étalonnage, pour valider les performances analytiques de ces derniers. Ces échantillons ont été choisis selon leur disponibilité, le nombre et la nature des éléments analysés de manière fiable et la gamme des concentrations balayée .
Sélection des échantillons de plantes
Corpus de calibration
Nous avons sélectionné 19 échantillons de plante issus des programmes d’évaluation de Wageningen pour les laboratoires analytiques (WEPAL). Le WEPAL, organisation néerlandaise accréditée (ISO/IEC 17043), organise par le biais de la Wageningen Agricultural University et ce plusieurs fois par an, un programme d’évaluation pour les laboratoires d’analyse. Ce programme, nommé l’International Plant-Analytical Exchange (IPE), consiste en l’analyse de plusieurs échantillons de plantes par des laboratoires participants, selon leurs propres procédures, afin de comparer ensuite les valeurs de concentrations totales en éléments mesurées pour ces échantillons de plantes. Le but est d’assurer le contrôle qualité des procédures analytiques liées à ces types d’échantillons, c’est à-dire d’assurer la production de données analytiques reproductibles et de confiance. Ainsi, 17 échantillons de plante de ce programme, dont les concentrations élémentaires sont donc connues, ont été sélectionnés pour construire les modèles d’étalonnage dans le cadre de notre étude. Ces échantillons de plantes ont l’avantage de présenter des origines géographiques et des espèces très différentes, allant de la feuille de chêne à la pousse de maïs, en passant par la luzerne.
Echantillons pour l’étude de la faisabilité de mesures LIBS in situ
Mesures sur le site expérimental de Qualiagro
Une série de tests préliminaires en conditions in situ a été réalisée sur le site expérimental de QualiAgro à Feucherolles (78), faisant partie du réseau SOERE PRO [40]. Il s’agit d’un réseau de sites expérimentaux piloté par l’INRAE en plein champ monitoré sur de longues durées et ayant pour objectif d’observer les effets de l’apport de Produits Résiduaires Organiques (PRO) sur les différents compartiments d’un système de grandes cultures. Ces sites, conçus à l’échelle de la parcelle, permettent de mesurer, depuis plus de 10 ans pour certains, l’évolution sur le long terme des différents compartiments (sol, plantes, eau, air, PRO) d’un agrosystème soumis à épandage. Le site de QualiAgro est divisé en 40 parcelles expérimentales de blé et de maïs, soumises à des apports répétés de compost de différentes natures et de fumier. L’intérêt de ces parcelles expérimentales est donc de pouvoir observer sur le long terme l’effet de ces différents apports répétés sur la croissance de la plante et sur l’évolution de différents indicateurs, dont les teneurs en éléments minéraux. Les parcelles sur lesquelles ont été prélevés les échantillons correspondent à différents types de traitements, chacun répétés sur 4 parcelles différentes :
i) témoin (pas d’apports) ;
ii) BIO (compost de biodéchets) ;
iii) FUM (fumier) ;
iv) DVB (compost de déchets verts et boues urbaines) et
v) OMR (compost d’ordures ménagères résiduelles), sur une base d’un apport de 4t C/ ha.2ans, les quantités des autres éléments apportés étant dépendant de la composition chimique de chaque PRO.
Un échantillon de sol et de plante représentatif a été extrait pour 20 parcelles différentes. Plus précisément, pour chaque parcelle, 10 feuilles de blé et une carotte de sol de 8 cm de diamètre et de 5 cm de hauteur ont été prélevés, soit un total de 200 feuilles et 20 sols. Pour les plantes, deux zones d’analyse de 10 spots laser avec un tir par spot ont été effectuées directement sur chaque feuille de blé fraiche. Le spectre LIBS moyen de ces 2 zones * 10 spots * 10 feuilles, soit 200 spectres, a été considéré comme le spectre représentatif de l’ensemble de la parcelle. En ce qui concerne les sols, 2 zones d’analyse LIBS de 25 spots laser avec dix tirs par spot ont été effectuées directement sur la surface d’un sous échantillon de sol. Le spectre LIBS moyen de ces 2 zones * 25 spots * 10 tirs, soit 500 spectres, a été considéré comme le spectre représentatif de l’ensemble de la parcelle.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I. Démarche analytique générale appliquée à des matrices agronomiques : sols et plantes
I.1) Corpus
I.1.i. Sélection des sols agricoles
I.1.ii. Sélection des échantillons de plantes
I.1.ii.a) Corpus de calibration
I.1.ii.b) Corpus de validation
I.1.iii. Echantillons pour l’étude de la faisabilité de mesures LIBS in situ
I.2) Mesures des concentrations de référence
I.2.i. Mesures par ICP-AES
I.2.i.a) Principe
I.2.i.b) Analyse des concentrations de référence de nos échantillons
I.2.ii. Mesures par XRF portable
I.3) Méthode LIBS
I.3.i. Principe
I.3.ii. Instrument LIBS portable
I.3.iii. Contrôle de l’instrument portable Z-300
I.3.iv. Analyse LIBS sur pastille : un protocole établi par plan d’expérience
I.3.v. Prétraitement des spectres LIBS
Chapitre II. LIBS portable et plantes : vers des modèles universels ?
II.1) L’observation des données
II.1.i. Identification spectrale
II.1.ii. Analyse en composantes principales, principe et calcul
II.1.ii.a) Principe général et application à la spectroscopie LIBS
II.1.ii.b) Le calcul mis en œuvre dans l’ACP
II.1.iii. ACP centrée sur les plantes
II.1.iii.a) ACP et information physique sur le plasma
II.1.iii.b) ACP et information chimique
II.1.iii.c) Détection de raies auto-absorbées par ACP
II.2) L’analyse quantitative des plantes
II.2.i. Normalisation
II.2.i.a) Etat de l’art de la normalisation en LIBS
II.2.i.b) Figures de mérite pour la sélection de la meilleure normalisation
II.2.i.c) Application aux échantillons de plantes
II.2.ii. Construction des modèles de régression
II.2.ii.a) Calcul par normalisation SNV
II.2.ii.b) Potassium sans normalisation
II.2.ii.c) Normalisation par étalon interne (Argon)
II.2.iii. Validation des modèles d’étalonnage
II.3) Conclusion sur l’analyse LIBS des échantillons de plante
II.3.i. Analyse qualitative LIBS
II.3.i.a) Détection
II.3.i.b) Analyse en composantes principales
II.3.ii. Analyse quantitative LIBS
II.3.ii.a) Calibration
II.3.ii.b) Validation
II.3.iii. L’apport de la XRF
II.3.iii.a) Détection des outliers
II.3.iii.b) Complémentarité des deux méthodes
Chapitre III. LIBS portable et sols agricoles : des modèles représentatifs des sols agricoles français ?
III.1) L’analyse qualitative des sols
III.1.i. Identification spectrale
III.1.ii. Analyse en composantes principales
III.1.ii.a) Décalage en longueur d’onde
III.1.ii.b) ACP et information chimique
III.1.ii.c) ACP et information physique
III.2) L’analyse quantitative des sols agricoles
III.2.i. Analyse univariée
III.2.i.a) Manque de corrélation entre le signal LIBS et la concentration
III.2.i.b) L’exception du Calcium
III.2.ii. Analyse multivariée
III.2.ii.a) Principe de la régression aux moindres carrés partiels
III.2.ii.b) Algorithme utilisé en PLS
III.2.ii.c) Construction du modèle d’étalonnage par PLS du magnésium
III.2.ii.d) Quantification des éléments d’intérêt
III.2.ii.e) Validation des modèles d’étalonnage
III.3) Conclusion de l’étude sur les sols agricoles
III.3.i. Analyse qualitative LIBS
III.3.i.a) Identification spectrale
III.3.i.b) Analyse en composantes principales
III.3.ii. Analyse quantitative LIBS
III.3.ii.a) Régression univariée
III.3.ii.b) Régression PLS
III.3.ii.c) Comparaison avec une étude similaire
III.3.ii.d) L’apport de la XRF
Chapitre IV. Du laboratoire au terrain ?
IV.1) Analyse in situ
IV.1.i. Protocole expérimental pour l’analyse des plantes
IV.1.ii. Protocole expérimental pour l’analyse des sols
IV.1.iii. Signaux obtenus sur les feuilles de blé intactes
IV.1.iv. Signaux obtenus sur les sols frais
IV.2) Influence de facteurs extérieurs sur le signal LIBS d’un échantillon de sol
IV.2.i. Principe du plan d’expériences
IV.2.ii. Réalisation d’un plan factoriel complet à 3 facteurs à 2 niveaux
IV.2.ii.a) Sélection de l’échantillon de sol
IV.2.ii.b) Sélection des modalités du plan d’expériences
IV.2.ii.c) Campagnes de mesures LIBS
IV.2.iii. Résultats
IV.2.iii.a) Graphe des effets
IV.2.iii.b) Graphe des interactions
IV.2.iii.c) Validation statistique : ANOVA
IV.2.iv. Evaluation et correction de l’effet de l’humidité sur le signal LIBS
IV.2.iv.a) Protocole expérimental
IV.2.iv.b) Evaluation du signal en fonction du taux d’humidité
IV.2.iv.c) Potentiel de la normalisation pour réduire les effets de l’humidité
IV.3) Conclusion sur l’effet des paramètres extérieurs sur le signal LIBS
III.3.i. Mesures in situ
III.3.ii. Effet des facteurs extérieurs sur le signal
III.3.iii. Focus sur l’effet de l’humidité et comment le compenser
III.3.iv. Recommandations
Conclusion