Sélection des porteurs de gamétocytes
Le paludisme constitue un problème majeur de santé publique dans le monde et en particulier au Mali. Il est dû à un hématozoaire du genre Plasmodium, qui est transmis par la piqûre infectante d’un anophèle femelle à l’être humain. Il existe d’autres modes de transmission: la transfusion sanguine, la voie transplacentaire (de la mère au fœtus) et la voie congénitale (OMS, 1964). Il existe cinq espèces plasmodiales pathogènes pour l’être humain: P. malariae (Laveran, 1881), P. vivax (Grassi et Feletti, 1890), P. falciparum Welch 1897, P. ovale Stephens 1922 (OMS, 1964) et P. knowlesi Knowles 1932 (Servonnet et al., 2012). En Afrique elles sont majoritairement transmises par cinq espèces d’anophèles : Anopheles (An) gambiae s.l., An. funestus, An. nili, An. moucheti et An . mascarensis (Fontenille et al., 2003). Au Mali, la transmission est hétérogène du fait des variations écoclimatiques et est assurée par An. gambiae s.l. (vecteur principal) et An. funestus (Touré, 1979).
En 2015, l’OMS a rapporté environ 3,2 milliards de personnes exposées au paludisme dans 96 pays et territoires. Les estimations font état de 214 millions d’épisodes palustres en 2015. Le nombre de décès dû au paludisme est estimé á 438 000 décès en 2015, dont 90 % dans la région Afrique de l’OMS (OMS, 2015). A l’échelle mondiale, 70 % de ces décès imputables au paludisme frappent les enfants âgés de moins de 5 ans (OMS, 2015). Au Mali, pays d’endémie palustre, 90% de la population soit 15 400 000 personnes sont exposées à une forte transmission (> 1/1000 cas) et 10% à une faible transmission (0-1/1000 cas) en 2015. Les évaluations ont dénombré 2 039 853 cas confirmés de paludisme et qui ont conduit à 2 309 décès signalés en 2015 (OMS, 2015).
L’impact socio-économique du paludisme est très important, il peut se mesurer par la morbidité et la mortalité. L’appauvrissement des populations (avec une baisse du produit intérieur brut de près de 1,3 % dans les pays à forte transmission) est dû á la morbidité et la mortalité ou à une perte de main d’œuvre. Les coûts financiers sont très élevés (40% des dépenses publiques de santé dans les pays de forte endémicité). Le financement de la lutte antipalustre a été multiplié par 10 depuis 2010, s’élevant à 1,5 milliards de dollars US (Aubry, 2014). L’OMS, dans ses recommandations pour la prévention et la réduction de la morbidité, a proposé un ensemble d’interventions de base qui sont : la lutte antivectorielle, la chimioprévention, les tests de diagnostic et le traitement. L’accroissement de la résistance des parasites aux médicaments antipaludiques, la difficulté à adopter et à mettre en œuvre une chimioprevention suffisante, une couverture large en moustiquaires imprégnées et la résistance accrue des moustiques aux insecticides nécessitent la mise au point de nouvelles approches de lutte en vue d’aboutir à une élimination et une éventuelle éradication du paludisme.
Généralité
Population anophelienne et transmission du paludisme
La transmission des Plasmodium et la biologie des principaux vecteurs en Afrique sont connues dans leurs grandes lignes depuis plus de 50 ans (Macdonald, 1957).
Le complexe Anopheles gambiae
Le complexe An. gambiae regroupe aujourd’hui neuf espèces : An. gambiae s.s (Giles 1902), et Anopheles arabiensis (Patton 1905), sont les deux vecteurs majeurs de Plasmodium en Afrique ; il y a d’autres espèces comme : An. colluzzi Coetzee & Wilkerson 2013 An. amharicus Hunt, Wilkerson & Coetzee 2013 An. merus (Dönitz 1902) An. melas (Theobald 1903) An. quadriannulatus (Theobald 1911) An. bwambae (White 1985) An. comorensis (Brunhes le Goff & Geoffroy 1997) Les espèces An. melas, An. merus, An. bwambae, An. quadriannulatus, ont un rôle faible ou nul dans l’épidémiologie de la transmission du paludisme. Leur distribution à l’échelle de l’Afrique est localisée. En revanche, An. gambiae et An. arabiensis ont une aire de répartition extrêmement vaste sur tout le continent africain, An. gambiae s.s. étant plutôt adapté aux zones de forêt et de savane humide alors qu’An. arabiensis peuple les environnements plus secs jusqu’en bordure du Sahara (Coetze et al., 2000). Le potentiel adaptatif d’An. gambiae s.s à des environnements très différents est en grande partie lié à la présence d’inversions chromosomiques polymorphes observées notamment sur le chromosome 2. Cinq « formes chromosomiques » ont ainsi été définies en Afrique de l’Ouest: les formes Forêt, Savane, Bamako, Bissau et Mopti (Coluzzi et al., 1979; Gillies, 1987 ; Toure et al. 1998) qui se répartissent principalement en fonction du degré d’aridité du milieu. Ainsi, la forme Forêt, caractérisée par l’arrangement standard (pas d’inversion) sur les deux bras du chromosome 2, peuple les environnements de forêt et de savane les plus humides, les formes Savane ou Mopti se retrouvant quant à elles dans des environnements plus secs, voire très arides (Fontenille , 2003).
La population vectrice au Mali
Au Mali, la population vectrice des parasites du paludisme est composée d’An. gambiae s.s, An. arabiensis et An. funestus, avec une prédominance d’An. gambiae s.s durant la saison pluvieuse (juin-octobre), An. arabiensis durant la saison chaude (mars-mai), An. funestus durant la saison froide (décembre-janvier). Il y a aussi An. rufipes bien qu’il soit zoophile (Dolo et al. 2003). Au Mali, trois formes chromosomiques d’An. gambiae s.s ont été décrites par Coluzzi et al., 1985 : Bamako, Savanna et Mopti. Bamako et Savanna prévalaient dans les zones relativement humides (savanne sud-soudanienne) et menacent la saison pluvieuse. Tandis que la forme Mopti s’étend dans toutes les zones écologiques du Mali et est présente toute l’année (Toure et al.1998). Sur la base des évidences bionomique et moléculaire, la forme moléculaire M (M form) d’An. gambiae a été récemment érigée en espèce et est appelé An. Coluzzii (Coetzee et al., 2013).
Cycle de vie du moustique anophèle
Le développement de l’anophèle est caractérisé par la succession de deux phases. La première est aquatique et recouvre la vie pré-imaginale, c’est à dire l’œuf, les stades larvaires et la nymphe. La seconde est aérienne et concerne l’adulte ou imago.
La reproduction – la ponte
Bien que la femelle moustique soit capable de pondre à plusieurs reprises au cours de sa vie d’adulte, elle ne s’accouplera, généralement, qu’une seule fois avec un mâle. En effet, elle dispose de spermathèques permettant le stockage d’une quantité suffisante de spermatozoïdes nécessaire à la fécondation de ses œufs. Mais, pour porter ces derniers à maturité, elle doit effectuer un repas sanguin, c’est-à-dire piquer un être vivant dont le sang contient les protéines dont elle a besoin. Après la digestion du sang ingéré et la maturation ovarienne; elle va pondre à la surface de l’eau des œufs groupés en nacelles de 50 à 200 éléments (les œufs mesurent environ 1 mm de long). Suivant les conditions climatiques, les œufs éclosent au bout de 2 à 3 jours en climat tropical (dès que l’embryon est complètement développé), pour donner naissance à des larves dont le mode de vie est exclusivement aquatique (Carvenale et al., 2009).
La vie aquatique
La vie de la larve alterne entre le besoin de manger du microplancton et celui de venir respirer en surface par l’intermédiaire d’un siphon respiratoire situé à l’extrémité de l’abdomen. L’eau est indispensable à son développement qui passe par 4 stades successifs, séparés par des mues, (variation de la taille de 2 à 15 mm environ). Après le 4ème stade, la dernière mue donne une nymphe. Phase au cours de laquelle les organes du futur adulte peuvent se mettre en place. Durant ce stade, qui est de courte durée (24 à 48 heures), la nymphe ne se nourrit plus et puise dans les réserves stockées au stade larvaire. La nymphe respire par l’intermédiaire de deux trompettes situées sur le céphalothorax (Carvenale et al., 2009) .
L’adulte
La dernière transformation, qui aboutit à un moustique adulte, est la métamorphose. Au moment de l’émergence la cuticule se fend longitudinalement, l’adulte se gonfle d’air et s’extrait de l’exuvie à la surface de l’eau. Libre, l’adulte peut enfin voler de ses propres ailes. Mâles et femelles pourront s’accoupler et le cycle pourra recommencer (Carvenale et al., 2009) .
Le cycle biologique des plasmodies
Dans le cycle biologique des plasmodies comprend : une étape de développement du parasite chez l’être humain (hôte intermédiaire) et une seconde étape qui a lieu chez le moustique (hôte définitif) appelée sporogonie.
La schizogonie
La phase hépatique
Au cours de la piqûre, l’anophèle femelle infecté injecte dans les capillaires des sporozoïtes. Il est à noter que moins de 20% des piqûres de moustiques contenant des sporozoïtes dans leurs glandes salivaires sont responsables d’infections en zone d’endémie (Carnevale, 2009). Les sporozoïtes transitent dans la circulation générale en quelques minutes, ils envahissent les hépatocytes grâce à une interaction spécifique entre la protéine majeure de surface du sporozoïte (CSP) et un récepteur spécifique situé sur la membrane plasmique de l’hépatocyte du côté de l’espace de Disse, espace directement en contact avec le sang circulant. Le sporozoïte entre alors dans une phase de réplication, au sein de la vacuole parasitophore, et de prolifération intracellulaire qui repousse en périphérie le noyau de la cellule et finit par constituer une masse multinucléée appelée schizonte qui conduit à la libération de plusieurs dizaines de milliers de mérozoïtes dans la circulation. Cette phase de multiplication est asymptomatique et dure de 8 à 15 jours, selon les espèces. Contrairement à P. vivax, P. falciparum ne possède pas de formes de persistance hépatique ou hypnozoïtes (Staudt, 2009) .
La Phase sanguine
Seule cette phase est responsable des symptômes qui peuvent être d’intensité variable. Les mérozoïtes libérés lors de la rupture de l’hépatocyte vont débuter le cycle sanguin asexué de prolifération de P. falciparum en infectant les érythrocytes. Le mérozoïte pénètre grâce à un processus parasitaire actif et se différencie au sein de la vacuole parasitophore en anneau, puis en trophozoïte, stade à partir duquel une intense phase réplicative commence. Il donne alors naissance au schizonte, celui-ci après une segmentation montre une forme caractéristique de rosace, puis libère 8 à 32 mérozoïtes qui rapidement réinfectent des érythrocytes sains. L’ensemble de ce cycle dure 48 heures chez P. falciparum. L’apparition des gamétocytes a lieu, en général la deuxième semaine qui suit l’infection et ces formes peuvent persister plusieurs semaines après la guérison. A la suite d’une nouvelle piqûre par une femelle anophèle, les gamétocytes mâles et femelles (au dimorphisme sexuel marqué) sont ingérés avec le repas sanguin (Staudt, 2009) .
Conclusion
Les taux de gorgement ont été élevés chez les moustiques gorgés sur l’avant-bras et sur le mollet que ceux gorgés sur la cheville. Les moustiques gorgés sur l’avant-bras et sur la cheville ont plus survécu que ceux sur le mollet. Il n’y a pas eu de différence entre les localisations anatomiques. Cependant le taux d’infection était plus élevé au niveau de l’avant-bras. L’aube et le crépuscule ont été comparables en terme des taux de gorgement, de survie et d’infection. On reste dans la réserve où notre effectif était faible cela peut s’avérer plus important avec l’accroissement de l’effectif. Les moustiques âgés de trois jours se sont gorgés, ont survécu et se sont infectés plus que les moustiques de 6 et 9 jours. Le taux de gorgement était plus élevé chez les moustiques mis à jeun de 8 heures que les temps de mise à jeun de 14 et 20 heures. Les moustiques mis à jeun de 8 et 14 heurs ont plus survécu que ceux de 20 heures de mise à jeun. Il n’y a pas eu de différence entre les différents temps de mise à jeun en terme d’infection. Cependant le taux d’infection était plus élevé chez les moustiques mis à jeun de 20 heures. Il n’y a eu pas de différence entre les membranes baudruche et parafilm en terme de gorgement, de survie et d’infection. Cependant le taux d’infection était légèrement élevé chez les moustiques gorgés à travers la membrane baudruche.
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Table des matières
1. Introduction
Objectif général
Objectifs spécifiques :
Gorgement direct sur la peau
Gorgement direct sur membrane
2. Généralité
2.1. Population anophelienne et transmission du paludisme
2.1.1. Le complexe Anopheles gambiae
2.1.2. La population vectrice au Mali
2.2. Cycle de vie du moustique anophèle
2.2.1. La reproduction – la ponte
2.2.2. La vie aquatique
2.2.3. L’adulte
2.3. Le cycle biologique des plasmodies_
2.3.1. La schizogonie
2.3.1.1. La phase hépatique
2.3.1.2. La Phase sanguine
2.3.2. La sporogonie – cycle du parasite chez l’anophèle femelle
2.4. Infestations expérimentales
2.4.1. Définitions
2.4.2. Buts
2.4.3. Intérêts
2.4.4. Historique et applications
2.4.5. Les méthodes de détermination de l’infectivité
2.5. Les antigènes de l’immunité du blocage de la transmission du paludisme
2.5.1. Les antigènes de pré-fécondation
2.5.2. Les antigènes de post-fécondation
2.5.3. La chitine comme antigène_
2.6. Les candidats vaccins au stade hépatique
2.6.1. Le Candidat vaccin des cellules immunitaires CD4 et CD8
2.6.2. La CSP ou Circumsporozoite Protein
2.6.3. Les autres candidats au stade mérozoïte
2.7. Les candidats vaccins au stade érythrocytaire
2.7.1. Antigène de surface du mérozoïte – MSP3
2.7.2. Antigène de surface du mérozoïte – MSP1
2.7.3. Antigène de surface du mérozoïte – MSP4
3. Méthodologie
3.1. Type et période d’étude
3.2. Site d’étude
3.2.1. Description et justification du site d’étude
3.2.2. Historique
3.2.3. Caractéristiques climatiques et relief
3.2.4. Démographie
3.2.5. Économie
3.2.6. Infrastructures
3.3. Personnel de l’étude
3.4. Population d’étude
3.4.1. Description
3.4.2. Échantillonnage
3.4.3. Critères d’inclusion et critères de non inclusion
3.5. Élevage des moustiques et mesures de biosécurité de la fourniture de sang
3.6. Optimisation des essais de gorgement direct
3.6.1. Tri des moustiques pour le gorgement
3.6.2. Transport et conservation des moustiques sur le terrain
3.6.3. Mise à jeun
3.6.4. Sélection des porteurs de gamétocytes
3.6.4. Gorgement
3.6.4.1. Localisation anatomique (l’avant-bras, le mollet et la cheville)
3.6.4.2. Période de gorgement
3.6.4.3. Retrait des moustiques non gorgés
3.6.4.4. Technique de dissection
3.6.4.5. Détermination de la taille des moustiques
3.7. Optimisation de gorgement sur membrane
3.7.1. Catégorie d’âge des moustiques
3.7.2. Mise à jeun des moustiques ou « Starvation » en anglais
3.7.3. Type de membrane
3.7.4. Gorgement
3.8. Les paramètres à mesurer pour les comparaisons
3.9. Considérations éthiques
3.10. Saisie et analyse des données
4. Résultats
4.1. Gorgement direct sur la peau
4.1.1. Localisation anatomique (l’avant-bras, le mollet et la cheville)
4.1.2. Période de gorgement
4.2. Gorgement direct sur membrane
4.2.1. Mesure des variabilités liées à l’âge, au temps de mise à jeun et la taille pouvant influencer
sur la susceptibilité á l’infection
4.2.2. Comparaison des types de membrane (parafilm et baudruche)
5. Discussion
5.1. Gorgement
5.2. Survie
5.3. Infection
5.4. Comparaison taille / l’infection
6. Conclusion
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