Sécurité du patient en chirurgie thyroïdienne

La sécurité du patient s’impose aujourd’hui comme un élément central des politiques de santé et devient l’affaire de tous à l’hôpital. Afin d’améliorer la qualité de sa pratique et ainsi de minimiser le risque d’évènement indésirable, tout chirurgien doit s’interroger sur sa performance quotidienne et tirer profit de ses erreurs pour en prévenir la récidive.

Le suivi d’indicateurs représente une méthode de choix pour suivre objectivement l’évolution des complications opératoires au cours du temps. Néanmoins, l’utilisation d’indicateurs basés sur le résultat d’une chirurgie implique que leurs variations reflètent de réelles variations liées à la sécurité de cette chirurgie. Si certaines variations traduisent des modifications significatives de sécurité, justifiant davantage d’investigations et des changements dans la prise en charge chirurgicale, d’autres variations peuvent être inhérentes à la qualité des données collectées en routine ou au recrutement des patients. Une part importante de cette variabilité est également liée au hasard, c’est-à-dire à ce que nous ne connaissons pas ou ce que nous ne savons pas mesurer. Une multitude de facteurs, qui surviennent à différents moments et interagissent les uns avec les autres, influencent ainsi le résultat d’une chirurgie, rendant sa compréhension particulièrement complexe .

Au-delà du simple obstacle technique lié à leur production en routine, ces indicateurs posent donc la question de leur validité et de l’interprétation adéquate de leur variabilité. Une réactivité insuffisante ou au contraire excessive à leurs variations peut mener à des décisions inappropriées, conduisant parfois à la réorganisation inopportune des prises en charge chirurgicales. A partir de quel seuil d’alerte sur ces indicateurs convient-il d’engager une action afin de garantir la sécurité du patient opéré ? Et quelle action pourrait s’avérer pertinente pour rétablir ou améliorer la sécurité du patient ? Pour le chirurgien, cette double interrogation peut se résumer à ‘quand agir’ et ‘comment agir’, en réponse aux variations des indicateurs dont il dispose ?

La maîtrise statistique des processus apporte une solution à ce problème en donnant du sens aux variations observées. Mise au point au début des années 1930 dans l’industrie pour contrôler la qualité des produits manufacturés, cette méthode tend désormais à s’étendre au champ de la santé. Elle repose sur un outil graphique d’aide à la décision, la carte de contrôle, qui permet de suivre chronologiquement le comportement d’un indicateur afin d’en analyser les variations. En précisant les limites acceptables de ses variations, la carte de contrôle autorise une interprétation plus rigoureuse de la variabilité de l’indicateur, permettant d’aboutir à des décisions plus justes et efficaces basées sur des faits, non sur des impressions.

Pendant quatre années, nous avons suivi la performance collective et individuelle de trois chirurgiens réalisant un nombre élevé d’interventions sur la thyroïde. La mesure de cette performance reposait sur les deux principales complications de la thyroïdectomie : la paralysie récurrentielle et l’hypoparathyroïdie secondaire. Le caractère relativement homogène et standardisé des actes réalisés sur la thyroïde, ainsi que leur volume important comparativement à d’autres types de chirurgie, constituaient un argument facilitateur pour une bonne adaptabilité de la carte de contrôle à la sécurité des soins.

La communauté médicale a perçu depuis longtemps l’importance des affections iatrogènes, nommées aujourd’hui ‘évènements indésirables liés aux soins’. C’est en chirurgie aux États-Unis qu’ont été réalisées les premières analyses de morts évitables au début du vingtième siècle. Les réunions de morbi-mortalité, au cours desquelles les complications opératoires étaient analysées de manière qualitative, se sont répandues dans l’exercice quotidien des équipes chirurgicales. Mais ce sont des travaux récents qui ont permis de quantifier ces accidents directement liés aux soins, sans lien évident avec la raison initiale de la prise en charge ou les caractéristiques du patient. Ces évènements ont été qualifiés de graves quand ils entraînaient un décès, un handicap à la sortie ou une prolongation de la durée d’hospitalisation. Habituellement, leur fréquence et leurs causes ont été explorées rétrospectivement à partir d’audits réalisés dans le dossier médical des patients. Dès 1964, une étude révélait que 20% des patients admis dans un service de médecine hospitalo-universitaire présentaient un évènement iatrogénique dont 20% étaient sévères. En 1981, une autre étude estimait cette proportion d’évènements à 36% des patients, et dix ans plus tard il était rapporté que 64% des arrêts cardiaques survenus à l’hôpital étaient évitables, principalement liés à l’usage inapproprié de médicaments. Puis la Harvard Medical Practice Study, une étude menée sur une population de 30 195 patients hospitalisés dans 51 hôpitaux de l’état de NewYork en 1984, a montré que 3,7% d’entre eux présentaient un évènement indésirable d’origine iatrogène. Parmi ces évènements, 14% étaient fatals, 48% étaient associés à une intervention chirurgicale et 69% étaient liés à une erreur et donc potentiellement évitables.

De nombreuses études ont depuis cherché à mesurer la fréquence de survenue des évènements indésirables liés aux soins hospitaliers. On estime aujourd’hui cette incidence médiane à 9,2%, concernant près d’un patient hospitalisé sur dix. Alors que 7,4% de ces évènements entraînent le décès du patient, 44% sont évitables et la majorité est liée à une prise en charge chirurgicale. En France, une enquête nationale prospective sur un échantillon de 8 754 séjours hospitaliers a permis d’estimer une densité d’incidence moyenne de 6,6 évènements indésirables graves pour 1 000 journées d’hospitalisation .

Étant donné la nature complexe de la pratique médicale et la multitude de soins prodigués au patient au cours de son hospitalisation, un taux élevé d’erreurs n’est peut-être pas surprenant. Cependant, un taux d’erreur de 1% demeure largement supérieur à ce qui est couramment toléré dans l’industrie, en particulier dans l’aviation ou le nucléaire. Comparativement à ces modèles d’organisations à haut risque, le système de soins accuse un net retard concernant la prise en compte de la sécurité de ses prestations. Une des raisons invoquée au manque de moyens mis en œuvre pour prévenir efficacement la survenue d’évènements indésirables liés aux soins est la sous-estimation par les professionnels hospitaliers de leur fréquence comme de leur gravité. En dépit de leur nombre important, les évènements graves demeurent perçus comme isolés et inhabituels, n’affectant pas la pratique quotidienne de la plupart des personnels soignants. Du fait d’une culture de la perfection inculquée au cours de leur formation initiale et renforcée par leur responsabilité vis-à-vis du patient, les professionnels de santé acceptent mal l’erreur humaine lorsqu’elle survient et tendent à la considérer comme inacceptable, forcément liée à une faute individuelle. Cela peut avoir des conséquences importantes sur leur bien-être et leur motivation, l’événement indésirable entraînant une ‘double victimisation’, du patient d’une part et du professionnel de santé d’autre part. Pourtant, les évènements indésirables associés aux soins ne sont pas nécessairement synonymes d’erreurs médicales puisque l’on sait que leur survenue résulte de la conjonction de nombreux facteurs individuels ou collectifs liés à l’organisation de la structure de soins.

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Table des matières

1. Préambule
2. État des connaissances
2.1. La sécurité du patient à l’hôpital
2.1.1. Une prise de conscience internationale
2.1.2. Le développement récent de la sécurité du patient
2.1.3. Des indicateurs pour mesurer la sécurité des soins
2.1.4. L’analyse systémique des causes d’évènements indésirables
2.1.5. Garantir la sécurité du patient au bloc opératoire
2.2. La carte de contrôle
2.2.1. Apport du Dr Shewhart au contrôle qualité dans l’industrie
2.2.2. Principes d’application d’une carte de contrôle
2.2.3. Différents types de cartes applicables en chirurgie
2.3. La chirurgie de la thyroïde
2.3.1. La pathologie thyroïdienne : rappel anatomo-physiologique et indications opératoires
2.3.2. La thyroïdectomie : bref historique et conduite à tenir chirurgicale
2.3.3. Suivi des complications liées à la chirurgie thyroïdienne
2.3.4. La mesure de la sécurité du patient en chirurgie thyroïdienne
3. Objectifs
3.1. Évaluer la faisabilité et l’utilité d’un suivi d’indicateurs par cartes de contrôle dans la pratique courante d’une équipe chirurgicale
3.2. Développer une carte de contrôle adaptée au suivi des complications de la chirurgie thyroïdienne
3.2.1. Comparaison de performance entre une carte à limites approximées et une carte à limites exactes
3.2.2. Comparaison de performance entre une carte à limites brutes et une carte à limites ajustées sur les caractéristiques des patients
3.3. Étudier l’effet du neuromonitoring sur la performance individuelle du chirurgien en traçant la courbe d’apprentissage liée à son utilisation
4. Approche commune à l’ensemble des travaux
4.1. Population étudiée et sources d’informations
4.1.1. Technique opératoire
4.1.2. Design d’étude
4.1.3. Protocole d’évaluation
4.2. Indicateurs d’évaluation
4.2.1. Paralysie récurrentielle
4.2.2. Hypoparathyroïdie secondaire
4.2.3. Méthodes d’ajustement
4.3. Cartes de contrôle développées
4.3.1. Cartes de Shewhart
4.3.2. Cartes CUSUM

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