SÉCURITE ALIMENTAIRE ET TÉLÉDÉTECTION POUR LE SUIVI DES CULTURES
La sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne
Aujourd’hui, près de 33 pour cent de la population d’Afrique subsaharienne, soit environ 200 millions de personnes, sont sous-alimentées. Les famines frappent généralement les pays les plus vulnérables, dont certaines populations fragiles sont les moins à même de résister à des chocs économiques ou climatiques ou à des conflits. La prévention joue désormais un rôle essentiel dans le ciblage des populations les plus nécessiteuses et prépare les réponses d’urgence dont l’aide alimentaire. Les organismes travaillant avec les communautés les plus vulnérables tentent donc de répondre aux besoins immédiats des personnes qui se trouvent dans des situations de crise alimentaire, mais aussi de réduire la vulnérabilité de ces communautés en leur fournissant une aide à plus long terme. Pour prévenir de futures crises, la première considération semble naturellement être la question des disponibilités alimentaires. En premier lieu parce qu’elle garantit un accès local, donc rapide, à des ressources agricoles. En second lieu parce que les populations les plus pauvres sont majoritairement en zone rurale et que toute amélioration de la production agricole devrait leur profiter. Ces disponibilités ont augmenté au niveau mondial au cours des vingt dernières années, mais dans les pays en développement comme ceux d’Afrique (et plus particulièrement ceux qui consomment du manioc ou de l’igname), les disponibilités ont régressé durant la même période. Le rendement moyen des céréales stagne et, pour atteindre un niveau d’approvisionnement alimentaire correspondant au nombre de bouches à nourrir, des efforts importants doivent être réalisés pour la transformation des systèmes de production vers des systèmes plus productifs et plus durables. Les obstacles à l’augmentation adéquate de la production agricole en Afrique sub-saharienne sont nombreux.
Pression foncière
Le niveau d’urbanisation est encore très modéré en Afrique : il atteint aujourd’hui les 37%, contre 50% au niveau mondial (Devèze, 2008). C’est pourquoi malgré l’exode rural, la population rurale continue de s’accroitre chaque année, contrairement à la plupart des autres régions du monde où l’urbanisation « vide les campagnes ». Aujourd’hui, avec l’augmentation de la pression foncière et la saturation de l’espace, les nouveaux arrivants se voient prêter des terres avec une durée limitée, avec souvent des contreparties en nature. Les modifications de gestion du foncier proviennent aussi du développement des cultures commerciales, qui permettent une valeur ajoutée au revenu familial. Il en résulte un développement progressif de la vente de terre, puisque la pratique des cultures commerciales procure des revenus monétaires permettant l’achat de terre.
L’exemple du Mali
Le Mali est un pays enclavé d’une superficie de 1 241 138 km²; ses accès à la mer sont situés à plus de 1000 km (Dakar, Abidjan, Lomé notamment) (Figure 5). Les zones saharienne et sahélienne ayant une pluviométrie moyenne inférieure à 400 mm occupent près de 75% de la surface totale. Ces régions accueillent moins de 10% de la population. En dehors du massif des Iforas dans le nord-est et les Monts mandingues au Sud-Ouest, le pays est une juxtaposition de plaines et de plateaux. Les deux plus grands fleuves de l’Afrique de l’Ouest, le Niger et le Sénégal, le traversent et lui confèrent ainsi d’importantes potentialités en terres irrigables et des possibilités de navigation contribuant au désenclavement de certaines zones. La population est estimée à 13 millions d’habitants, avec un taux de croissance annuelle de l’ordre de 2,5%. Elle est largement concentrée dans les régions du centre (Bamako, Ségou, Mopti) et du sud (Sikasso); elle est urbanisée pour environ 30 % du total. La saison des pluies se situe globalement entre le mois de mai et le mois de novembre. Les précipitations totales et la durée de la saison des pluies augmentent du Nord au Sud, déterminant plusieurs zones climatiques. Les zones climatiques définies traditionnellement, au nombre de sept, sont les suivantes : zone soudano-guinéenne (pluviométrie supérieure à 1200 mm) ; zone sud soudanienne (1000–1200 mm) ; zone nord soudanienne (800–1000 mm) ; zone soudano-sahélienne (400–800 mm) ; zone sahélienne (300–400 mm) ; zone sahélo-saharienne (200-300 mm) ; zone Saharienne (< 200 mm). L’agriculture et l’élevage constituent les principales activités en milieu rural. La production agricole très diversifiée comporte des cultures vivrières, de rente, fruitières et maraîchères, les produits d’élevage, de forêt et de pêche. La production vivrière essentiellement pluviale est dominée par les céréales : mil, sorgho, maïs, riz, fonio. Les légumineuses alimentaires comprennent le niébé, l’arachide et le voandzou. Les cultures de rente sont dominées par le coton suivi de la canne à sucre. Viennent ensuite le tabac et le thé.
Les systèmes agricoles
A l’échelle de l’exploitation, le système de culture (ou cropping system en anglais) peut être identifié à l’aide d’un état de parcellaire recensant les successions culturales sur les différentes parcelles (Dufumier, 1996). Lorsque l’on s’intéresse à la sécurité alimentaire à l’échelle d’un pays, l’échelle considérée est souvent celle d’une région administrative. C’est probablement une des raisons qui ont conduit certains agronomes et géographes à proposer de nouveaux concepts pour identifier au sein de l’espace cultivé des sous-ensembles présentant des caractéristiques agro-écologiques homogènes. Ce sont par exemple « les unités paysagères » proposées par Deffontaines and Thinon (2001), ou encore les notions de « terroirs » que l’on retrouve chez Sautter and Pelissier (1964), qui représentent l’espace exploité par une communauté villageoise. On s’intéressera donc à des entités agricoles, présentant des caractéristiques agro-écologiques homogènes, que nous nommerons « systèmes agricoles » (pour éviter toute confusion avec les définitions précitées) et qui pourront se définir par une ou deux cultures dominantes, reliées à des pratiques culturales au sens large (intensification, irrigation, association…). Au Mali, l’espace agricole (là où la culture pluviale est possible) peut être découpé suivant la quantité de pluies qui tombe par an, et suivant la durée des pluies (Figure 6). Les systèmes agricoles nord-sahéliens (<300 mm) sont à pastoralisme dominant, alors que les systèmes sahéliens (300-400 mm) sont des systèmes agro-pastoraux à base de milsorgho essentiellement. Ce sont des céréales résistantes à la sécheresse, à cycle court, qui s’adaptent très bien à la zone. Les rendements sont faibles en raison de la faible utilisation d’intrants et du bas taux d’équipement des exploitations. L’élevage (surtout des petits ruminants) est important. La zone soudano-sahélienne (400-800 mm) peut se découper en deux parties. Au nord (400-600 mm), on pratique surtout des cultures ayant un cycle végétatif bref de 90 jours, c’est-àdire principalement du sorgho et du mil. Dans le vieux bassin cotonnier (autour de Koutiala – 600- 800 mm), le système agricole est du type agro-sylvo-pastoral à dominance cultures pluviales (coton et céréales). Il est centré autour de la production cotonnière, principale activité de rente. Cette culture est pratiquée dans une rotation de type triennal coton-sorgho mil ou arachide ou biennal coton-céréales. Le maïs est cultivé seul ou en association avec le mil. La zone nord-soudanienne (autour de Bougouni – 800-1000 mm) présente des systèmes de production organisés autour du coton et du maïs, cultivés en alternance avec de l’arachide et du niébé. Dans la zone d’influence du barrage de Sélingué, les systèmes agricoles tournent autour du maïs, de l’arachide et du riz. Le fonio, l’igname, la patate douce et le manioc sont les principales cultures de diversification. Les cultures maraîchères se développent dans les zones à disponibilité en eau pendant la saison sèche. La zone sud-soudanienne (1000-1200 mm) présente des conditions climatiques adaptées à la culture de riz pluvial dans les bas-fonds, mais aussi du sorgho, du coton et de l’arboriculture fruitière. Cette typologie des systèmes agricoles est complétée par deux autres systèmes caractérisés par la disponibilité de l’eau à tout moment de l’année : les systèmes irrigués (aménagement des grandes vallées alluviales) et les systèmes périurbains (eaux de surfaces et souterraines peu profondes, proximité des villes pour leur approvisionnement). La majeure partie des terres irriguées se trouve dans la région du Delta Intérieur du fleuve Niger, en zone soudano-sahélienne. Les terres sont essentiellement utilisées pour l’élevage et la riziculture.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
TABLE DES MATIÈRES
ACRONYMES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1. CONTEXTE ET ÉTAT DE L’ART : SÉCURITE ALIMENTAIRE ET TÉLÉDÉTECTION POUR LE SUIVI DES CULTURES
1. CONTEXTE : SECURITE ALIMENTAIRE
1.1. Définitions et situation en 2010 dans le monde
1.2. La sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne
1.2.1. Pression démographique
1.2.2. Pression foncière
1.2.3. Déclin de la fertilité du sol
1.2.4. Autres obstacles
1.3. L’exemple du Mali
1.3.1. Présentation générale
1.3.2. Les systèmes agricoles
1.3.3. La sécurité alimentaire au Mali
2. TELEDETECTION ET SUIVI DES CULTURES
2.1. Cartographie du domaine cultivé
2.2. Cartographie des systèmes agricoles
2.3. Suivi temporel et estimation du rendement 31
3. LES SYSTEMES D’ALERTE PRECOCE POUR LA SECURITE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE DE L’OUEST
3.1. Définitions et présentation des systèmes existants 3.2. Les données d’entrée des systèmes d’alerte précoce pour le suivi agricole
3.2.1. Les données satellitaires
3.2.2. Les données de terrain
CHAPITRE 2. DONNÉES ET OUTILS UTILISÉS 39
1. DONNEES SATELLITAIRES
1.1. Les produits satellitaires MODIS
1.2. Les images Landsat
1.3. Les images SPOT
1.4. Indices utilisés
1.4.1. Indices spectraux
1.4.2. Indices texturaux
1.4.3. Indices phénologiques
2. LES PRODUITS GLOBAUX EXISTANTS
3. DONNEES TERRAIN
3.1. Points GPS
3.2. Base de données CMDT / IER
3.3. Autres données
4. LES OUTILS
4.1. Précision de classification
4.2. Fouille de données
4.3. Random Forest
4.3.1. Définitions
4.3.2. Le paquet R randomForest
4.3.3. Evaluation du modèle de classification
CHAPITRE 3. CARTOGRAPHIE DU DOMAINE CULTIVÉ : MÉTHODES ET PRINCIPAUX RÉSULTATS
1. METHODE GEOMATIQUE
2. RESULTATS
2.1. A l’échelle locale
2.1.1. Validation quantitative
2.1.2. Comparaison de la distribution spatiale des cultures
2.2. A l’échelle nationale
2.2.1. Validation quantitative
2.2.2. Comparaison de la distribution spatiale des cultures
3. COMPARAISON A LA FOUILLE DE DONNEES
3.1. Extraction de connaissances
3.2. Comparaison aux points terrain
3.3. Comparaison avec la référence SPOT
4. DISCUSSIONS
CHAPITRE 4. CARACTÉRISATION DES SYSTÈMES AGRICOLES
1. METHODE
1.1. Préparation du jeu de données
1.2. Modèle Random Forest
2. RESULTATS
2.1. Précision du modèle
2.2. Importance des variables
2.3. Importance des jeux de variables
2.4. Cartographie des systèmes agricoles du Sud Mali à l’échelle villageoise
3. DISCUSSIONS
CHAPITRE 5. SUIVI DE LA CROISSANCE DES CULTURES
1. METHODE
1.1. Evaluation du produit MCD12Q2
1.2. Extraction des indicateurs phénologiques observés (MODIS MCD12Q2)
1.3. Extraction des indicateurs de la phénologie simulés (LAI)
1.4. Comparaison des deux types d’indicateurs phénologiques
2. RESULTATS
2.1. Evaluation du produit MODIS MCD12Q
2 2.2. Les valeurs d’indicateurs phénologiques sur les stations synoptiques
2.3. Les indicateurs phénologiques simulés (LAI)
2.4. Comparaison en 2007 sur 8 stations synoptiques
2.5. Comparaison de 2001 à 2008 sur 2 stations
3. DISCUSSIONS
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
1. CONTRIBUTIONS DE LA THESE
1.1. Apports méthodologiques
1.2. Apports thématiques 2. PERSPECTIVES
2.1. Perspectives de recherche
2.2. Perspectives opérationnelles
2.2.1. Transférabilité
2.2.2. Intégration des résultats dans les systèmes d’alerte précoce
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
BIBLIOGRAPHIE ANNEXES
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