La société moderne repose, dans une très large mesure sur un ensemble d’activités d’importance vitale (AIV) telles que l’électricité, les transports, les télécommunications, les systèmes d’information, la santé, l’agriculture, l’administration, les réseaux d’adduction d’eau, les banques et la finance, l’énergie, les services d’urgence, l’éducation, l’industrie, la défense et les monuments [103]. Ces AIV s’appuient sur des installations, des services, des actifs et des systèmes appelés infrastructures critiques. Ces infrastructures jouent un rôle déterminant dans le bien être des citoyens et tout dysfonctionnement de l’une d’entre elles peut avoir des conséquences graves sur la vie économique et sociale de la société. Les infrastructures critiques sont composées d’un ensemble de technologies, d’installations et des processus complexes.
Interdépendances des infrastructures critiques
Dans ce mémoire le terme d’interdépendance désigne l’interconnexion explicite entre les entités (composants, environnement et activités des composants) des différentes infrastructures susceptibles de favoriser la propagation des défaillances entre ces infrastructures. De par leurs caractéristiques, les interdépendances des infrastructures critiques se matérialisent de différentes manières, certaines sont purement matérielles alors que d’autres font intervenir des facteurs plus abstraits comme l’opinion publique, par exemple la dimunition de la fréquentation du transport aérien suite à un accident d’avion. Ainsi, dans le but d’améliorer la compréhension, Dudenhoeffer et Perman [53] classent les interdépendances en cinq catégories :
– Les interdépendances physiques : sont celles où l’influence entre les états des infrastructures interdépendantes est de nature physique ou matérielle. Prenons l’exemple des réseaux électriques et des réseaux de télécommunications. Les premiers fournissent les moyens de pilotage et de supervision des réseaux électriques qui, à leur tour alimentent en électricité les commutateurs et autres équipements nécessaires au fonctionnement des réseaux de télécommunications. L’état d’une infrastructure influence directement celui de l’autre infrastructure et vice-versa, donc les conséquences des changements d’état d’une infrastructure touchent directement les infrastructures interdépendantes. De ce fait, les risques de propagation des pannes est élevé et la vulnérabilité d’une infrastructure dépend fortement de celle des autres infrastructures interdépendantes.
– Les interdépendances géographiques : Lorsque différentes infrastructures ou des équipements appartenant à différentes infrastructures sont à proximité les uns des autres, on parle d’interdépendances géographiques. Dans ce cas, un événement local peut provoquer des changements d’état pour l’ensemble de ces infrastructures. Dans les interdépendances géographiques, les propagations des pannes ont lieu lorsque des désastres affectent l’endroit où se situent les équipements en question, c’est par exemple une explosion d’une conduite de gaz qui provoque des dégâts sur les conduites d’eau et les fibres optiques qui passent à proximité de l’endroit de l’explosion. Dans cet exemple, les défaillances qui touchent les infrastructures concernées sont dues uniquement à leur proximité géographique, les changements d’état d’une infrastructure n’ont pas d’influence sur les autres et tout événement qui survient à cet endroit touche simultanément l’ensemble des infrastructures. Les interdépendances géographiques peuvent concerner plusieurs infrastructures à cause de leur promiscuité. Ce type d’interdépendance peut entraîner simultanément des multiples pannes qui ne sont souvent pas pris en compte dans les analyses de sécurité. On s’aperçoit donc qu’il est possible d’avoir en même temps des interdépendances physiques et géographiques.
– Les interdépendances logiques : Ce sont toutes les interdépendances où l’état de chaque infrastructure dépend des états des autres infrastructures via des influences liées à des procédures ou politiques, mais aussi à des facteurs sociaux en rapport avec ces changements d’état. C’est dans ce type d’interdépendances qu’intervient le plus le facteur humain. Comme exemple d’interdépendances liées aux procédures, on peut prendre la fermeture d’une route suite à un accident par exemple. Cette décision peut augmenter le trafic ferroviaire suite à la hausse de la fréquence qui fait suite à la baisse de l’utilisation des véhicules personnels. L’accroissement du trafic ferroviaire qui demande plus d’énergie électrique peut provoquer une surcharge du réseau électrique et éventuellement une panne de ce dernier. L’opinion publique, l’actualité sont, entre autre, les facteurs sociaux déterminants pour la catégorie des interdépendances sociales. Par exemple les attaques de septembre 2001 ont engendré des pertes financières considérables pour le transport aérien liées à la baisse de la fréquentation du public [114].
– Le dernier type d’interdépendance est celui des interdépendances relatif aux technologies de l’information et de la communication désigné, le plus souvent par le terme de cyber-interdépendance. Une infrastructure est cyber-dépendante si l’état de celle-ci est dépendante des informations numériques transitant par une infrastructure de télécommunications. Les cyber-interdépendances seront largement décrites dans la suite de ce manuscrit car elles constituent l’axe principal des sujets traités dans le cadre de cette thèse.
Architecture et Modélisation des réseaux de télécommunications de type Internet
L’Internet est une large interconnexion d’une multitude de réseaux qui échangent du trafic à l’aide d’un protocole unique, IP (Internet Protocol) qui permet à des ordinateurs hétérogènes de communiquer entre eux. Chacun des réseaux est géré par une structure administrative appelée système autonome ou AS (Autonomous System). Un AS est un ensemble de réseaux IP contrôlés par une même entité administrative et identifié par un nombre entier. Un AS fournit une interconnexion entre un ou plusieurs réseaux et l’Internet en appliquant ses propres politiques aux trafics entrant et sortant de son domaine. De nombreux AS sont des fournisseurs de services Internet (Internet Services Provider – ISP), mais on trouve aussi des entreprises, des institutions publiques, d’enseignements et de recherche, des fournisseurs de contenus comme Yahoo et Google et des réseaux de distribution de contenus (Content Delivery Network – CDN) comme Akamai et Limelight [39]. Chacun de ces AS gère de manière autonome ses réseaux et ses plages d’adresses, mais doit être physiquement connecté aux autres AS pour pouvoir recevoir le trafic destiné à ses clients et acheminer le trafic de ses clients à l’ensemble des destinataires potentiels connectés à l’Internet.
Chaque réseau met à disposition des utilisateurs différents services avec différents niveaux de qualité de service. La connectivité globale entre les AS est assurée par des accords entre opérateurs pour acheminer le trafic émis par leurs clients ou destinés à ces derniers. Ces interconnexions physiques et logiques influent fortement les chemins suivis par les paquets IP, la qualité et les types de service supportés par le réseau Internet.
Architecture et Modélisation des réseaux électriques
Les réseaux électriques font partie des grandes réalisations techniques accomplies par l’humanité dans les 100 dernières années. Ils constituent une ressource essentielle et sont impliqués dans toutes les activités de la société moderne, la santé, la sécurité, les administrations, les transports, les communications, le commerce, etc. A la différence du réseau Internet où tous les éléments terminaux peuvent être à la fois producteurs et consommateurs de flux, le réseau électrique est constitué d’un ensemble d’éléments producteurs, transporteurs et consommateurs de l’énergie électrique. Les stations de production comprennent les générateurs (machines synchrones), les turbines et les circuits de contrôle qui permettent de maintenir l’amplitude et la fréquence de la tension constantes. Pour acheminer l’énergie électrique entre les centres de production et les consommateurs, le flux électrique emprunte successivement le réseau de transport, destiné à transporter des quantités importantes d’énergie sur de longues distances, le réseau de répartition, destiné à répartir l’énergie en quantité moindre, sur de courtes distances et le réseau de distribution qui achemine l’énergie électrique vers les consommateurs. Le réseau de transport assure le transport de l’électricité à l’échelle nationale, voire internationale, principalement en haute et très haute tension (400000 volts par exemple) sur des très longues distances. Ce niveau de tension permet de réduire les pertes en ligne (chaleur dissipée par effet Joule dans les conducteurs). Sa principale fonction est d’assurer l’équilibre entre la production et la consommation d’électricité à l’échelle nationale et de compenser les déséquilibres intra-régionaux, inter-régionaux et internationaux. Le réseau de répartition assure le transport de l’électricité à l’échelle régionale ou locale en haute tension (225000, 90000 et 63000 volts). Il achemine l’énergie électrique vers les postes sources des réseaux de distribution et les grands clients industriels. Les réseaux de transport et de répartition ont une topologie fortement maillée pour permettre au flux électrique de transiter par différents chemins et d’assurer ainsi l’alimentation des postes sources du réseau de distribution, même au cas où certaines parties du réseau tombent en panne. Les réseaux de transport et de répartition sont constitués de lignes de transport de l’énergie et des transformateurs. Ces transformateurs se rencontrent aux deux extrémités du réseau de transport : les transformateurs élévateurs de tension augmentent la tension à la sortie des centres de production et les transformateurs abaisseurs de tension qui réduisent la tension destinée aux consommateurs.
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Table des matières
Remerciements
Table des matières
1 Introduction générale
2 Contexte : Architectures et Interdépendances des réseaux électriques et de télécommunications
2.1 Interdépendances des infrastructures critiques
2.2 Architecture et Modélisation des réseaux de télécommunications de type Internet
2.3 Architecture et Modélisation des réseaux électriques
2.4 Exemples de pannes en cascade
2.4.1 Exemples de propagation des défaillances entre les réseaux électriques et de télécommunications
2.4.2 Exemples de propagation des défaillances dans les réseaux des télécommunications
2.5 Résumé du chapitre 2 et synthèse des enjeux de sécurité liés aux interdépendances entre les infrastructures pour la recherche
3 Modélisation et Simulation des propagations des pannes dans des réseaux électriques et de télécommunications interdépendants
3.1 Introduction
3.2 Modélisation et Simulation des interdépendances : fédération des simulateurs et simulateur multi-infrastructures
3.3 État de l’art de la modélisation et de la simulation des propagations des pannes et des interdépendances entre les réseaux électriques et de télécommunications
3.3.1 Modélisation et Simulation basées sur l’approche multi-agent
3.3.2 Modélisation et Simulation basées sur les graphes
3.3.3 Modélisation et Simulation basées sur la fédération des logiciels de simulations
3.3.4 Autres types de modélisation et de simulation
3.4 Limites des outils existants pour la modélisation et la simulation des interdépendances entre les réseaux électriques et de télécommunications
3.5 Description de la technique de modélisation et de simulation des propagations des pannes entre les réseaux électriques et des télécommunications proposée
3.5.1 Introduction
3.5.2 La topologie du réseau électrique
3.5.3 La topologie du réseau de télécommunications
3.5.4 Modélisation des pannes en cascade
3.5.5 Algorithmes
3.5.5.1 Mise en œuvre du simulateur du réseau de télécommunications
3.5.5.2 Mise en œuvre du simulateur du réseau électrique
3.5.5.3 Modèle des interdépendances et des pannes en cascade
3.5.6 Expérimentations et résultats
3.6 Conclusion partielle
4 Génération des topologies des réseaux pour la modélisation et la simulation des interdépendances
4.1 Introduction
4.2 État de l’art de la génération de topologies des réseaux de télécommunications pour des études des interdépendances
4.3 Limites des outils existants pour la génération des topologies convenables aux modélisations et aux simulations des interdépendances
4.4 Description de la technique de génération de topologies proposée
4.4.1 Introduction
4.4.2 Algorithme de génération des topologies des réseaux de télécommunications
4.4.3 Interconnexion des Systèmes Autonomes
4.4.4 Algorithme de génération des topologies des réseaux électriques
4.4.5 Exemples de graphes générés
4.4.5.1 Comparaison des graphes par distribution des degrés
4.4.5.2 Comparaison des graphes par partitionnement
4.4.5.3 Évaluation d’autres paramètres des graphes
4.4.5.4 Graphes inter-AS de niveau AS et de niveau routeur
4.4.5.5 Graphes intra-AS et inter-AS de niveau routeur
4.5 Conclusion partielle
5 Modélisation et simulation des propagations des défaillances dues aux interdépendances des réseaux qui constituent l’Internet
5.1 Introduction
5.2 État de l’art de la modélisation et de la simulation des propagations des défaillances dans les réseaux de type Internet
5.3 Limites des outils existants pour la modélisation et la simulation des propagations des défaillances dans les réseaux de type Internet
5.4 Description du simulateur des propagations des défaillances proposé
5.4.1 Introduction
5.4.2 Modélisation et Simulation du fonctionnement des routeurs
5.4.3 Modélisation et Simulation du transfert de charge entre les routeurs
5.4.4 Choix de la topologie utilisée pour les simulations
5.4.5 Simulations et Résultats
5.5 Conclusion partielle
6 Conclusion générale
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